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29/03/2024 | FRANCE | N°22/00930

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 29 mars 2024, 22/00930


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 286/24



N° RG 22/00930 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULAG



PS/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BETHUNE

en date du

20 Mai 2022

(RG 21/00111 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.R.L. TOUPET BARBIEUX

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Agathe CHOPIN, avocat au barreau d'ARRAS, substitué par Me Léa DE CLERCQ-LEFEVRE, avocat au barreau ...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 286/24

N° RG 22/00930 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULAG

PS/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BETHUNE

en date du

20 Mai 2022

(RG 21/00111 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. TOUPET BARBIEUX

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Agathe CHOPIN, avocat au barreau d'ARRAS, substitué par Me Léa DE CLERCQ-LEFEVRE, avocat au barreau d'ARRAS

INTIMÉ :

M. [V] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Gérald VAIRON, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 16 Janvier 2024

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

[F] [U]

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

Clotilde VANHOVE

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par [F] [U], Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 janvier 2024

FAITS ET PROCEDURE

la société TOUPET-BARBIEUX exploite une concession automobile à [Localité 4] comprenant 4 salariés. Par contrat unique d'insertion du 15 juin 2015 elle a embauché Monsieur [E] en qualité de carrossier. Le 25 septembre 2017, il a été placé en arrêt-maladie en raison d'une affection dont la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois a reconnu le caractère professionnel. Lors de la visite de reprise le 9 avril 2018 le médecin du travail l'a définitivement déclaré inapte. Suite à cette décision devenue définitive la SARL TOUPET-BARBIEUX lui a notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (LRAR) du 11 avril 2018, l'impossibilité de le reclasser. Sous les mêmes formes elle l'a convoqué le 19 avril 2018 à un entretien préalable à son éventuel licenciement auquel il s'est présenté. Par jugement du 27 février 2019 rendu en l'absence de la société TOUPET-BARBIEUX mais dont elle n'a pas interjeté appel le conseil de prud'hommes de Béthune l'a condamnée au paiement des salaires du 9 mai 2018 au 27 février 2019.

Le 8 juillet 2021 M. [E] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Béthune afin d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement de ses salaires depuis le 9 mai 2018, la résiliation du contrat de travail à ses torts ainsi que des dommages-intérêts au titre de l'exécution et de la rupture dudit contrat.

Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance du litige le premier juge a statué ainsi :

«...CONSTATE le désistement de M. [E] de ses demandes tendant au paiement des sommes de 16 315,20 euros au titre du rappel de salaires non réglés du 9 mai 2018 au 27 février 2019, 1 631,52 euros au titre des congés payés y afférents, 3 000 euros au titre de l'astreinte accordée dans le premier jugement du 27 février 2019 et à la remise sous astreinte des bulletins de salaires d'octobre 2017 à février 2019

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société TOUPET-BARBIEUX à la date du présent jugement ;

CONDAMNE la S.A.R.L TOUPET BARBIEUX à payer à M. [E] les sommes suivantes :

-20 253,36 euros bruts au titre des salaires dus pour les mois de mars 2019 à mars 2020 ;

-3375 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-4219,40 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

-2 532 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société TOUPET-BARBIEUX à payer à Maître Gérald VAIRON la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

CONDAMNE la S.A.R.L TOUPET BARBIEUX aux entiers dépens

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes. 

La société TOUPET-BARBIEUX a formé appel de ce jugement et déposé des conclusions le 11/10/2022 par lesquelles elle demande son infirmation, le rejet des demandes de M. [E] et sa condamnation au paiement d'une indemnité de procédure.

Par conclusions du 6/10/2022 M. [E] demande à la cour de :

«confirmer la décision en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société défenderesse et la condamner au paiement des sommes suivantes :

-20 253,36 euros bruts au titre des salaires dus pour les mois de mars 2019 à mars 2020

-3 375 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

-4 219,40 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

-20 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile»

MOTIFS

M. [E] soutient en substance que :

-le 19 avril 2018 son employeur l'a convoqué à l'entretien préalable à son éventuel licenciement

-n'ayant pas reçu de lettre de licenciement il l'a enjoint le 5 juin 2018 de reprendre le paiement de ses salaires ce qui lui a été refusé

-faute de reprise du versement de ses salaires et de rupture du contrat de travail sa situation est intenable, ce qui justifie la résiliation du contrat de travail et l'admission de ses demandes afférentes.

La S.A.R.L TOUPET BARBIEUX rétorque que la lettre de licenciement versée au dossier a été notifiée au salarié le 07 mai 2018 ce dont elle prétend justifier par la production de l'écrit, d'une attestation de son expert-comptable et du registre du personnel attestant de la rupture du contrat de travail. Elle attire l'attention de la cour sur le fait que le salarié a sollicité la résiliation du contrat plus de 3 ans après la cessation du travail et ajoute que même si la cour estimait que la lettre de licenciement n'a pas été notifiée M. [E] admet avoir été informé lors de l'entretien préalable que son reclassement était impossible et que son licenciement était inévitable, ce qui emporte toutes les conséquences d'un licenciement verbal et fait obstacle aux réclamations.

Sur ce,

le licenciement et la demande de paiement des salaires de mars 2019 à mars 2020

aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre son emploi l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant. L'article L 1226-12 du même code dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie, notamment, de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-10. Selon l'article L 1226-2-1 du même code, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs s'opposant à son reclassement. L'employeur ne peut rompre

le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre Il du titre III du présent livre.

Il est par ailleurs de règle que l'envoi de la lettre de licenciement par recommandé postal avec demande d'avis de réception n'est qu'un moyen de preuve pour prévenir toute contestation sur la date de la notification et que la preuve de celle-ci peut être rapportée par tous moyens.

En l'espèce l'employeur produit un document assorti de son en-tête et de l'identité du signataire intitulé «lettre de licenciement avec avis de réception, notification d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle», daté du 7 mai 2018 faisant de manière exhaustive état de l'entretien préalable auquel le salarié a assisté, de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, de ses vaines recherches de reclassement et du licenciement de M. [E] pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il résulte de l'attestation d'un expert-comptable du cabinet SNBM qu'il a préparé et édité cette lettre avant de l'adresser pour les suites utiles au dirigeant de la société TOUPET-BARBIEUX. Il n'est ni établi ni même soutenu que ces pièces seraient des faux matériels ni qu'elles feraient état de faits inexacts. Il en sera tiré comme conséquence, en premier lieu, que l'employeur a établi une lettre de licenciement datée du 7 mai 2018. M. [E] a été convoqué à l'entretien préalable par LRAR après avoir reçu, également par LRAR, une notification écrite des raisons faisant obstacle à son reclassement dans l'entreprise. Il ne résulte pas des débats que la lettre de licenciement lui ait été notifiée à tel point qu'il a saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir le paiement de ses salaires un mois après l'avis d'inaptitude. Le fait qu'il ait attendu plus de 2 années pour solliciter la résiliation du contrat de travail n'est en tant que tel pas un obstacle à sa demande. Il sera ajouté que si l'employeur communique le bulletin de paie de mai 2018 mentionnant le paiement d'indemnités de rupture et d'une indemnité compensatrice de congés payés, le salarié conteste implicitement avoir perçu les sommes y figurant puisqu'il en demande le paiement. Il en ressort que la preuve d'une notification de la lettre de rupture n'est pas rapportée. Par ailleurs, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que lors de l'entretien préalable, ayant eu pour objet d'informer le salarié des causes d'une possible rupture et de recueillir ses explications avant le prononcé d'une mesure définitive l'employeur lui ait verbalement notifié la rupture immédiate de son contrat de travail. Le moyen afférent sera donc rejeté, rien ne palliant en l'espèce l'absence de notification de la lettre de licenciement.

La demande de résiliation du contrat de travail

il ressort de ce qui précède qu'après l'avis d'inaptitude et sa convocation à l'entretien préalable M. [E] n'a pas été licencié et que son employeur n'a pas maintenu le paiement des salaires au terme du délai d'un mois prévu par l'article L 1226-11 du code du travail. Ce faisant, il a laissé le salarié sans ressources ni possibilité d'obtenir une indemnisation de Pôle Emploi. Ces manquements graves, rendant impossible la poursuite du lien contractuel, justifient la résiliation du contrat de travail à ses torts ce qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est de règle que lorsque le contrat de travail n'est pas rompu la résiliation prend effet au jour de la décision qui la prononce sauf si à cette date le salarié a cessé d'être au service de son employeur.

Présentement il sera tenu compte du fait que le 9 avril 2018 M. [E] a été déclaré définitivement inapte, qu'il n'a accompli aucune démarche pour s'enquérir de l'absence de notification du licenciement après avoir été reçu en entretien préalable et que par la suite il n'a pas interrogé son employeur sur son reclassement alors que le médecin du travail l'avait déclaré apte à d'autres missions notamment sédentaires. Il sera ajouté que lors de la première procédure il n'a pas demandé la résiliation judiciaire de son contrat, ce dont il se déduit qu'il ne s'estimait plus tenu de rester à la disposition de l'employeur et que dans les faits il ne l'était plus. Vu l'ensemble de ces éléments il sera retenu que M. [E] a cessé d'être au service de la société TOUPET BARBIEUX le 28 février 2019 de sorte que la date d'effet de la résiliation sera fixée à cette date.

Il ressort du jugement que le salarié a été entièrement rempli de ses droits au titre des salaires jusqu'au 28 février 2019. M. [E] sera en conséquence débouté de sa demande portant sur les salaires postérieurs à cette date.

Les demandes au titre des indemnités de rupture

la résiliation produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse M. [E] a droit aux indemnités de rupture. Son salaire de référence est de 1687,78 euros par mois et son ancienneté de 3 ans et 8 mois. Son inaptitude ayant sans conteste pour cause une maladie professionnelle reconnue par la Caisse primaire d'assurance-maladie il a droit à l'indemnité compensatrice (de préavis). Au titre de l'indemnité spéciale il a droit au doublement de l'indemnité légale soit la somme de : 2 {(1687,78/4 x 3) + (1687,78 /4 x 8/12)] = 3094,20 euros.

L'employeur se borne à alléguer que ces sommes sont portées sur le bulletin de paie de mai 2018 mais il ne démontre pas les avoir effectivement payées. Il sera donc condamné à les lui régler mais le jugement sera infirmé en ce qu'il a surévalué la créance.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail M. [E] a par ailleurs droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Vu son âge (37 ans), son salaire de référence et les justificatifs versés aux débats sur sa situation postérieure à la rupture (allocataire du RSA) il convient de lui réduire les dommages-intérêts à la somme de 1700 euros.

Les frais de procédure

il serait inéquitable de condamner l'employeur au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société TOUPET-BARBIEUX, alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis et condamné l'employeur aux dépens

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

FIXE au 28 février 2019 la date d'effet de la résiliation

CONDAMNE la société TOUPET-BARBIEUX à payer à M. [E] la somme de 3094,20 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement et celle de 1700 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DEBOUTE M. [E] du surplus de ses demandes

DIT n'y avoir lieu, tant en appel qu'en première instance, à condamnation au titre des frais non compris dans les dépens

CONDAMNE la société TOUPET BARBIEUX aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

[F] [U]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 3
Numéro d'arrêt : 22/00930
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.00930 ?
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