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29/03/2024 | FRANCE | N°22/00162

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 29 mars 2024, 22/00162


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 353/24



N° RG 22/00162 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UC7E



PS/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CALAIS

en date du

25 Janvier 2022

(RG 20/00023 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [K] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne PAINSET BEAUVILLAIN, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale nu...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 353/24

N° RG 22/00162 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UC7E

PS/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CALAIS

en date du

25 Janvier 2022

(RG 20/00023 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [K] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne PAINSET BEAUVILLAIN, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/002081 du 03/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.N.C. DARTY GRAND OUEST

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Mélanie FONTAINE HALLE, avocat au barreau de NANTES

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Février 2024

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

Clotilde VANHOVE

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16/01/2024

FAITS ET PROCEDURE

par un premier contrat à durée déterminée (CDD) du 6 décembre 2009, Madame [K] [T] a été engagée une journée en qualité de vendeuse par la société DARTY OUEST aux droits de laquelle se trouve la société DARTY GRAND OUEST. La décennie suivante les parties ont conclu 80 contrats au titre du remplacement de salariés absents et d'accroissements temporaires d'activité. Les relations contractuelles, discontinues durant toute cette période, se sont achevées le 31 mars 2019 à la fin du dernier contrat signé le 31 décembre 2018.

Mme [T] a saisi le Conseil de prud'hommes de CALAIS le 12 mars 2020 afin d'obtenir la requalification de ses CDD en CDI. Ayant été déboutée de ses demandes par jugement ci-dessus référencé elle a interjeté appel et déposé des conclusions le 22/9/2023 demandant à la cour de :

-requalifier le CDD en un CDI à compter du 20 mars 2010, de condamner la SNC DARTY GRAND OUEST à lui payer les sommes de:

41 594.21 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de perte de salaires;

1837,73 euros bruts au titre de l'indemnité de requalification ;

1837,73 euros bruts pour licenciement irrégulier;

16 539,57 euros bruts d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

4 134,89 euros bruts au titre de son indemnité légale de licenciement

4 043,01 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés correspondants;

8 000 euros bruts de dommages et intérêts pour son préjudice complémentaire de droits à la retraite;

-ordonner la remise des documents sociaux de fin de contrat sous astreinte

-condamner la SNC DARTY GRAND OUEST à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec distraction au profit de la société d'avocat LEXIMA en contrepartie de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle et aux dépens avec droit de recouvrement direct par Maître PAINSET BEAUVILLAIN.

Par conclusions du 22/12/2023 la société DARTY GRAND OUEST demande à titre principal la confirmation du jugement, le rejet de toutes les demandes de Mme [T] et sa condamnation au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire elle prie la cour de :

JUGER prescrites les demandes relatives aux CDD conclus avant celui du 31 décembre 2018

JUGER que Mme [T] ne peut se prévaloir d'une requalification de ses CDD en CDI pour non-respect des délais de carence que depuis le premier CDD irrégulier soit depuis le 31/12/2018;

JUGER que le salaire moyen s'élève à la somme de 1.546,26 €

RAMENER le montant de l'indemnité de requalification et de préavis à un mois de salaire, soit JUGER que l'indemnité due au titre de l'article L 1235-3 du Code du travail ne peut excéder un mois de salaire, soit 1.546,26 € et en tout état de cause de:

DEBOUTER Madame [K] [T] de sa demande d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, de ses demandes d'indemnité pour préjudice lié aux droits à la retraite et de sa demande de rappel de salaire

La CONDAMNER à payer une somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

La recevabilité des demandes

il est de règle que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Le délai de prescription d'une action en requalification fondée sur le motif du recours énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat. Le délai de prescription d'une telle action, lorsqu'elle est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat. Le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

En l'espèce, la demande de requalification de tous les contrats conclus après le 12 mars 2018, soit deux ans avant la saisine de la juridiction prud'homale, est recevable. Celle tendant à la requalification des 4 CDD conclus en 2017 et ayant comme motif l'accroissement temporaire d'activité est irrecevable puisque le délai de prescription a couru à compter de la fin du dernier contrat le 30/11/2017. Est également irrecevable la demande au titre des 31 contrats antérieurs au 12 mars 2018 fondée sur l'absence de précision de la classification des personnes dont la concluante a assuré le remplacement puisqu'au jour de leur signature elle avait une connaissance suffisante des faits lui permettant d'engager son action. La demande de requalification de la relation de travail en un unique CDI avec effet le 20 mars 2010 au motif que la salariée aurait occupé un emploi participant de l'activité normale et permanente de la société est quant à elle entièrement recevable, le point de départ du délai de prescription se situant en effet au terme du dernier contrat prétendument illicite, soit le 31 mars 2019.

La demande de requalification au titre de l'occupation d'un emploi lié à l'activité durable et permanente de l'entreprise

il ressort des justificatifs qu'en 2010 le premier contrat a été conclu pour une seule journée, 4 journées ont par la suite été travaillées en juillet 2010, une semaine en août, une en septembre. Par la suite Madame [T] n'a plus travaillé du 5 septembre au 6 décembre 2010, soit pendant 3 mois. En 2011 elle a travaillé 108 jours ouvrés soit moins de la moitié des jours ouvrés. En 2012 elle a connu de larges périodes d'interruption sans aucune mission, notamment entre janvier et juillet 2012. En 2013 elle a été appelée la plupart du temps pour de brèves missions. Entre son dernier CDD de 2014 et le premier de 2015 (du 3 au 9 août 2015) se sont écoulés plus de 400 jours. En 2015 elle a également travaillé du 3 août au 31 décembre. En 2016 elle a travaillé toute l'année, essentiellement pour combler des absences. En 2017 elle a travaillé sans discontinuité du 3 mars au 23 juillet et elle a repris du service le 20 novembre. En 2018 elle a travaillé du 5 au 9 janvier mais il a fallu attendre le 1 er novembre pour qu'elle soit recrutée de nouveau. Une proportion notable des CDD ont été conclus pour remplacer des salariés sans conteste absents et l'activité de la société intimée connaît des pics réguliers justifiant une fréquence importante du recours au CDD pour pourvoir à ses besoins temporaires. Au regard de ces éléments, il sera jugé que Madame [T] n'est pas fondée de se prévaloir de l'occupation d'un emploi durable et permanent ni depuis 20 mars 2010 ni depuis une autre date.

La demande de requalification des contrats de la période non prescrite

il résulte des justificatifs et il n'est pas discuté que l'employeur justifie d'un accroissement temporaire de son activité, tenant à l'afflux de clientèle et à une forte augmentation des ventes pendant les fêtes de fin d'année, visé comme motif de recours dans les contrats signés les 1/11/2018 et du 31/12/2018. Le premier contrat prévoyait une possibilité de renouvellement à l'échéance mais aucun avenant n'a été signé à cet effet et la thèse d'un renouvellement tacite ne résiste pas à l'examen puisque les parties ont le lendemain de son échéance signé un CDD distinct ne se chevauchant pas avec le précédent. Il en résulte que le second CDD, également conclu en raison d'un surcroît temporaire d'activité, n'est pas le renouvellement du premier et que l'employeur n'a pas respecté le délai de carence prévu par les articles L 1244-3 et suivants du code du travail. Il fait plaider l'erreur et affirme qu'en réalité les parties étaient convenues de renouveler le premier contrat mais ce moyen est inopérant, le fait étant que le premier contrat, non renouvelé, a été suivi, après son terme, de la signature d'un nouveau contrat. La société DARTY GRAND OUEST indique ensuite que le délai de carence ne s'appliquerait pas dans la mesure où le second CDD a été conclu au titre des emplois saisonniers visés par l'article L 1244-4-1 du code du travail mais le contrat litigieux a été conclu, de la commune volonté des parties, au titre d'un accroissement temporaire d'activité et non d'un emploi saisonnier. Il en résulte que le CDD du 31 décembre 2018 a été conclu en violation de la loi et qu'il sera requalifié en CDI à compter de cette date.

Les conséquences financières

aucune pièce et certainement pas l'attestation imprécise d'un manager n'établit qu'un CDI ait été proposé à la salariée de sorte que la société intimée sera condamnée au paiement d'une indemnité de requalification égale à un mois de salaire primes comprises soit, au vu les éléments versés aux débats, la somme de 1548 euros. La salariée allègue que l'absence de régularité de la procédure lui a causé un préjudice mais elle n'en prouve pas l'existence étant observé qu'elle n'avait pas l'intention de poursuivre dans l'entreprise puisqu'elle avait trouvé un autre emploi. Au demeurant, le licenciement est en l'espèce dépourvu de cause réelle et sérieuse et elle n'a pas droit à une telle indemnité.

Pour chiffrer l'indemnité compensatrice de préavis l'ancienneté continue à retenir est celle à compter du 1er novembre 2018, avec cette précision que le précédent contrat était arrivé à son terme en janvier 2018 et que la continuité est absente. Au terme du dernier contrat le 31 mars 2019 l'ancienneté est donc de 5 mois. En application de l'article 34 de la convention collective, plus favorable que la loi dans ce domaine, il sera alloué à Mme [T] un mois de salaire. Sa demande d'indemnité de licenciement sera rejetée puisque l'ancienneté ininterrompue est inférieure à 8 mois.

Compte tenu des effectifs de l'entreprise, de l'ancienneté ininterrompue au jour de la rupture, de son salaire mensuel brut et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture il y a lieu d'octroyer à la salariée l'indemnité maximale prévue par l'article L 1235-3 du code du travail soit 1548 euros en réparation du préjudice moral et financier causé par la perte d'emploi injustifiée. Sa demande de complément d'indemnité au titre de la prétendue perte de droits à retraite sera rejetée puisqu'elle a perçu l'ensemble de ses salaires et que la rupture du contrat de travail n'a pas généré d'autre préjudice que celui réparé par l'octroi des dommages-intérêts susvisés. Il résulte de ce qui précède qu'aucun contrat antérieur au 31/12/2018 n'est requalifié et que la salariée a été payée de l'ensemble de ses salaires y compris ceux au titre du contrat requalifié. Sa demande au titre des salaires interstitiels sera donc rejetée.

Les frais de procédure

il serait inéquitable de condamner la société intimée au paiement d'une indemnité de procédure d'autant que Mme [T] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

DECLARE recevables, à l'exclusion de toutes autres, les demandes de requalification en CDI des CDD au motif qu'ils correspondraient à un besoin structurel de main d'oeuvre et de tous les contrats conclus à compter du 12 mars 2018

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] de ses demandes de requalification en CDI de la relation de travail, d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

REQUALIFIE en contrat à durée indéterminée le contrat à durée déterminée du 31 décembre 2018

DIT que sa rupture le 31 mars 2019 est irrégulière et dénuée de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société DARTY GRAND OUEST à lui payer les sommes suivantes:

' indemnité de requalification : 1548 euros

indemnité compensatrice de préavis: 1548 euros

indemnité compensatrice de congés payés: 154,80 euros

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 1548 euros

ORDONNE la délivrance d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie conformes au présent arrêt

DIT n'y avoir lieu à astreinte ni à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE Mme [T] du surplus de ses demandes

CONDAMNE la société DARTY GRAND OUEST aux dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître PAINSET BEAUVILLAIN.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 3
Numéro d'arrêt : 22/00162
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.00162 ?
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