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29/03/2024 | FRANCE | N°20/02053

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 29 mars 2024, 20/02053


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 302/24



N° RG 20/02053 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGZX



MLBR/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

14 Juin 2018

(RG 18/161 -section 3)








































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [V] [Y]

[Adresse 1]

représenté par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉS :



CGEA [Localité 5]

Intervenant volontaire

[Adresse 2]

représenté par M...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 302/24

N° RG 20/02053 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGZX

MLBR/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

14 Juin 2018

(RG 18/161 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [V] [Y]

[Adresse 1]

représenté par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS :

CGEA [Localité 5]

Intervenant volontaire

[Adresse 2]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

M. Me [M] [G], es qualité de mandataire ad hoc de la société SPG PROTECTION

Signification des conclusions d'intimé à intimé le 09/06/23 à personne habilitée.

[Adresse 4]

n'ayant pas constitué avocat

S.A.R.L. SPG PROTECTION en liquidation judiciaire

Me Me [I] [W], es qualité de liquidateur de SPG PROTECTION

[Adresse 3]

représenté par Me Jean-Pierre CONGOS, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Patrick FEROT, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Février 2024

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

Clotilde VANHOVE

: CONSEILLER

ARRÊT : Réputé contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 janvier 2024

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [V] [Y] a été embauché en qualité d'agent de sécurité par la SARL SGP Protection, entreprise spécialisée dans l'activité privée de sécurité, dans le cadre de contrats à durée déterminée à temps partiel à compter de juillet 2007.

A compter du 1er mars 2014, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, à hauteur de 70 heures mensuelles.

A la suite d'un contrôle par les agents du Conseil National des Activités privées de sécurité (CNAPS), la Commission inter régionale d'agrément et de contrôle du Nord a notifié à la société SPG Protection à l'issue d'une séance disciplinaire sa décision rendue le 16 septembre 2014 lui faisant interdiction d'exercer l'activité privée de sécurité pendant 2 ans.

Par requête du 26 janvier 2016, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, celui-ci ne lui ayant plus fourni de travail, ni de rémunération, et d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Lille a :

- jugé qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire,

- débouté M. [Y] de toutes ses demandes,

- fait droit aux demandes de M. [Y] au titre des heures supplémentaires et de paniers,

- condamné la SPG Protection à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

*1 100 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires effectuées,

*393,22 euros au titre de primes de paniers acquises,

- débouté M. [Y] de ses autres demandes,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale, et à compter du prononcé de la décision pour les sommes de nature indemnitaire,

- ordonné l'exécution provisoire,

- fixé la moyenne des salaires des trois derniers mois à la somme de 667,10 euros,

- condamné la société SPG Protection aux dépens.

Par déclarations reçues au greffe respectivement les 5 et 9 juillet 2018, la société SPG Protection et M. [Y] ont interjeté appel du jugement.

Le 17 avril 2019, la société SPG Protection a fait l'objet d'une radiation au RCS.

Le tribunal de commerce de Lille par jugement du 3 février 2020 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société SPG Protection, nommant Me [W] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 30 juin 2020, la présente affaire a été radiée avant d'être réinscrite au rôle de la cour le 29 septembre 2020.

Par jugement du 16 septembre 2022, la liquidation judiciaire de la société SPG Protection a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif. Me [M] a été désigné par cette même décision en qualité de mandataire ad hoc.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 octobre 2018 auxquelles il convient de se reporter un exposé détaillé des moyens et prétentions, la société SPG Protection demande à la cour de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, de le réformer pour le surplus et de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [Y] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas lieu à résiliation judiciaire et l'a débouté de ses demandes y afférentes,

- confirmer le jugement rendu sur le principe en ce qu'il a condamné la société SPG Protection au paiement d'un rappel de salaire au titre des heures complémentaires et supplémentaires mais le réformer sur le quantum,

- confirmer le jugement rendu ce qu'il a condamné la société SPG Protection au paiement de la somme de 393,22 euros au titre des heures complémentaires,

Statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur,

- juger que la résiliation judiciaire s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que le licenciement dont il a fait l'objet du fait de la liquidation judiciaire est sans cause réelle et sérieuse,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SPG Protection représentée désormais par Me [M], en qualité de mandataire ad hoc les sommes suivantes :

*74 367,30 euros bruts à titre de rappel de salaire entre le 16 octobre 2014 et la date de résiliation du contrat (somme arrêtée au 16 septembre 2022), outre 7 436,73 euros bruts de congés payés y afférents,

*3 225,10 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement (somme arrêtée au 16 avril 2021),

*1 517,70 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 151,77 euros bruts de congés payés y afférents,

*9 106 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner à Me [M] ès-qualités la remise des documents de fin de contrat,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SPG Protection représentée par Me [M] en sa qualité de mandataire ad hoc les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires :

*1 714,59 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 171,46 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

*393,22 euros bruts au titre de la prime de panier, outre 39,32 euros au titre des congés payés y afférents,

- débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SPG Protection, Me [M] en qualité de mandataire ad hoc la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cause d'appel,

- dire l'arrêt opposable au CGEA.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 juin 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, l'AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu sauf en ce qu'il a fait droit à la demande d'heures supplémentaires et de panier et a condamné la société SPG Protection en conséquence, en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire et a fixé le salaire de M. [Y] à la somme de 667,10 euros,

et statuant à nouveau,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, s'il était fait droit à la demande de résiliation judiciaire,

- juger que le rappel de salaire sollicité par M. [Y] à compter du 16 octobre 2014 jusqu'à la date prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail est manifestement disproportionné,

- réduire le quantum du rappel de salaire à de plus justes proportions,

- juger que les dommages-intérêts sollicités par M. [Y] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont manifestement disproportionnés,

- réduire le quantum des dommages-intérêts au minimum légal faute de justifier d'un préjudice subi,

- à titre infiniment subsidiaire, réduire le quantum des dommages-intérêts à de plus justes proportions,

- juger que l'organisme concluant ne garantit pas l'astreinte,

En toute hypothèse,

- dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L 143.11.1 et suivants du code du travail) et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du Code du Travail), et ce toutes créances du salarié confondues,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Le 26 mai 2023, M. [Y] a fait signifier à Me [M] en qualité de mandataire ad'hoc de la société SPG Protection une assignation en intervention forcée laquelle a été délivrée à personne habilitée. Me [M] n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- observations liminaires :

A titre liminaire, la cour rappelle que si en principe le débiteur qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire est dessaisi de l'administration de ses biens, le débiteur conserve toutefois le droit propre d'intervenir personnellement à une instance en cours tendant à sa condamnation au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure au jugement d'ouverture ou de se défendre dans une instance concernant son passif.

La société SPG Protection ayant régulièrement déposé en sa qualité d'appelante principale et d'intimée des conclusions le 3 octobre 2018 avant l'ouverture d'une procédure collective, la cour se considère valablement saisie des moyens d'infirmation qui y sont énoncés, peu important que Me [M], régulièrement assigné en intervention forcée, ne se soit pas fait représenter en sa qualité de mandataire ad hoc de l'appelante.

Par ailleurs, s'agissant d'affaires intéressant les mêmes parties et ayant le même objet, il y lieu d'ordonner la jonction des procédures RG 20-2053 et RG 20-2054 sous le RG 20-2053.

- sur le rappel de salaire au titre des heures complémentaires et de la prime de panier :

En vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande de rappel de salaire, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

En l'espèce, la société SPG Protection et l'AGS s'opposent à la demande de rappel de salaire de M. [Y] au titre des heures complémentaires, les considérant comme non établies, tandis que l'intéressé qui prétend avoir effectué sur les années 2013 et 2014 60,40 heures complémentaires et 91,40 heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées, demande que sa créance soit portée à la somme de 1 714,59 euros, outre 171,46 euros de congés payés y afférents.

Il convient d'abord de rappeler que jusqu'au 1er mars 2014, date de prise d'effet du contrat à durée indéterminée, la durée du temps partiel du salarié variait d'un contrat à l'autre avant d'être fixée à 70 heures mensuelles dans le cadre du contrat à durée indéterminée.

M. [Y] produit pour les 2 années concernées par sa demande, ses bulletins de salaire et des feuilles de pointage avec pour chaque jour, ses heures d'arrivée et départ sur le lieu de travail et le nombre d'heures de travail accomplies, ainsi qu'un tableau récapitulatif portant décompte des heures complémentaires et supplémentaires en résultant.

Contrairement à ce que soutiennent la société SPG Protection et l'AGS, les pièces et décomptes ainsi versés par le salarié apparaissent suffisamment précis, même si les feuilles de pointage ne sont pas signées par ses soins, pour permettre à son employeur d'y répondre par les pièces qu'il a eu l'occasion d'établir dans le contrôle des heures de travail effectuées.

Or, la société SPG Protection ne présente aucun document permettant d'écarter l'existence d'heures complémentaires.

Si les feuilles de pointage produites par M. [Y] ne présentent pas un nombre d'heures aussi important que celui allégué notamment en 2013 compte tenu d'erreurs de calcul dans leur décompte et de la non prise en compte du jour de repos obtenu en juin 2013, il n'en demeure pas moins qu'il en a tout de même accompli régulièrement pour lesquelles il n'apparaît pas avoir perçu de majoration au vu des bulletins de salaire y afférents.

Au regard des éléments précis produits par M. [Y] et non contestés utilement par son employeur, il convient par voie d'infirmation de fixer la créance du salarié au titre des heures complémentaires accomplies qui ressortent des feuilles de pointage produites, à hauteur d'une somme de 1 400,04 euros, outre 140 euros de congés payés y afférents, pour les années 2013 et 2014.

La société SPG Protection et l'AGS contestent également la demande du salarié au titre de la prime de panier.

Il ressort de l'article 1er de l'accord du 21 octobre 2010 dont se prévaut M. [Y] que la prime de panier n'est accordée qu'au salarié effectuant une durée minimale de travail de 6 heures continues, cette prime étant fixée par l'accord susvisé à 3,44 euros à partir de 2013.

Le salarié produit un tableau récapitulatif des sommes dues chaque mois à ce titre pour les années 2012 à 2014. Ce décompte apparaît parfaitement conforme aux feuilles de pointage correspondant auxdites années dont il ressort effectivement l'exécution régulière de journées d'au moins 6 heures continues, les premiers juges ayant à juste titre relevé que l'employeur n'oppose aucun élément à ces différentes pièces.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de primes de panier sauf à préciser que la créance sera fixée au passif de la société SPG Protection.

- sur la résiliation judiciaire :

Le salarié qui souhaite se prévaloir d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur doit caractériser l'existence d'un ou de plusieurs manquements de son employeur d'une gravité suffisante rendant impossible la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire d'un contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [Y] fait grief aux premiers juges de ne pas avoir prononcé la résiliation judiciaire de son contrat alors que son employeur ne lui fournissait plus de travail depuis octobre 2014, après s'être vu retirer son agrément pour l'exercice de son activité, manquant ainsi à son obligation contractuelle.

La société SPG Protection, rejointe en son argumentation par l'AGS, fait valoir en réponse que l'impossibilité de fournir du travail à son salarié ne lui est pas imputable car indépendante de sa volonté, le retrait de son agrément résultant du fait du prince puisqu'il s'agit d'une prérogative de la puissance publique exercée par la Commission interrégionale d'agrément et de contrôle.

Les premiers juges ont cependant justement relevé que la SPG Protection ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure pour justifier sa carence dans la mesure où la décision de retrait de son agrément pendant 2 ans n'était pas imprévisible. En effet, cette décision est venue sanctionner plusieurs infractions au code de la sécurité intérieure et au code de déontologie. Or, la société SPG Protection ne pouvait ignorer qu'en ne respectant pas la réglementation, elle s'exposait nécessairement à des sanctions pouvant aller jusqu'à l'interdiction d'exercer.

C'est donc en raison de ses seuls manquements que la société SPG Protection n'a pu respecter son obligation de fournir du travail à M. [Y] en vertu du contrat de travail.

Par ailleurs, est inopérant le moyen avancé par la société SPG Protection tiré de la supposée démission de M. [Y]. En effet, une telle démission doit se manifester par un acte du salarié montrant sa volonté non équivoque de rompre le contrat. Or, le fait que celui-ci ait reconnu devant les premiers juges et dans ses conclusions «'exercer deux emplois'» depuis décembre 2014, soit 2 mois après que la société SPG Protection ait cessé de lui fournir du travail, ne peut caractériser une volonté de démissionner, le salarié n'ayant pas eu d'autre choix en ces circonstances que de rechercher un nouvel emploi.

Le fait, à compter de la mi-octobre 2014 de ne plus fournir de travail, ni rémunérer M. [Y], sans pour autant mettre régulièrement fin au contrat, constitue ainsi un manquement grave de la société SPG Protection qui rendait impossible la poursuite de la relation de travail, peu important que le salarié ait par la suite retrouvé un emploi.

Il convient en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] aux torts de la société SPG Protection et d'infirmer le jugement en ce sens.

Conformément à la demande de M. [Y], la date d'effet de cette résiliation judiciaire sera rétroactivement fixée au jour de la liquidation judiciaire de la société SPG Protection, soit au 16 septembre 2022, les autres parties ne réclamant pas de la faire rétroagir à une date antérieure.

L'AGS demande en revanche que le rappel de salaire dû à M. [Y] soit limité en de justes proportions, celui-ci ayant retrouvé un emploi dès décembre 2014 tandis que le salarié, après réévaluation de sa créance, sollicite une somme de 74 367,30 euros correspondant à 98 mois de salaire jusqu'au 16 septembre 2022, sur la base d'un salaire moyen de 758,85 euros.

Toutefois, M. [Y] reconnaît avoir été embauché par un nouvel employeur comme agent de sécurité à compter de décembre 2014, sachant qu'il ne prétend pas, ni ne justifie avoir eu depuis lors des contacts avec la société SPG Protection pour notamment lui réclamer du travail. Il ne donne également aucune précision, ni pièce sur ce nouvel emploi, et plus particulièrement sur le fait qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel ou l'occupant à plein temps.

Il est démontré à travers ces éléments qu'en réalité, M. [Y] n'a pas effectué de prestation de travail et ne s'est plus tenu à la disposition de la société SPG Protection depuis décembre 2014. Il convient dès lors de limiter la créance de M. [Y] au titre de son rappel de salaire à la somme de 1 667,75 euros, soit 2,5 mois de salaire suivant le montant prévu au contrat (mi-octobre 2014 à fin décembre 2014), outre 166,77 euros de congés payés y afférents.

La résiliation judiciaire du contrat de travail ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Y] est en droit de percevoir l'indemnité compensatrice de préavis. Au regard de son ancienneté, sa créance sera fixée à ce titre au passif de la société SPG Protection à hauteur d'une somme de 1 334,20 euros, outre 133,42 euros de congés payés y afférents.

M. [Y] réclame également à raison une indemnité de licenciement. Sur la base d'une ancienneté de 15 ans et 2 mois au 16 septembre 2022, tenant compte de son ancienneté depuis le premier contrat à durée déterminée, et d'un salaire moyen de 758,85 euros intégrant la rémunération accordée au titre des heures complémentaires et supplémentaires, il y a donc lieu de fixer sa créance au titre de l'indemnité de licenciement à la somme de 3 202,34 euros.

Le salarié sollicite également le versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 9 106 euros en demandant à ce qu'il ne soit pas fait application du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail, selon lui contraire à l'article 24 de la charte européenne des droits sociaux et à l'article 10 de la convention n° 58 de l'OIT.

Toutefois, la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 n'ayant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, dès lors que sa mise en oeuvre en droit interne nécessite que soient pris des actes complémentaires d'application, son invocation ne peut conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Par ailleurs, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Ces différentes dispositions sont donc de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT, de sorte que le moyen fondé sur cet article ne peut prospérer.

M. [Y], âgé de 48 ans au jour de la rupture du contrat, avec plus de 15 années d'ancienneté, justifie de ses charges familiales à l'époque et donc du préjudice moral et financier lié à la perte de son emploi. Au regard de l'ensemble de ces éléments, étant précisé que son salaire moyen était de 758,85 euros, sa créance au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée au passif de la société SPG Protection à hauteur de la somme de 8 000 euros.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, il convient d'ordonner à Me [M], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société SPG Protection, de délivrer à M. [Y] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt.

En application des dispositions des articles L.3253-6 du Code du travail, l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du même code, dans les limites d'un plafond défini par décret.

Le présent arrêt sera en conséquence opposable à l'AGS CGEA de [Localité 5] dans la limite de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et suivants et de l'article D. 3253-5 du code du travail.

La société SPG Protection n'ayant pas été accueillie en ses principales demandes, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à son passif.

Au vu de la situation économique de la société SPG Protection, il convient de débouter M. [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,

ORDONNE la jonction des procédures RG 20-2053 et RG 20-2054 sous le RG 20-2053 ;

INFIRME le jugement entrepris en date du 14 juin 2018 ;

statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [V] [Y] à la société SPG Protection avec effet au 16 septembre 2022 ;

DIT que la résiliation aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE au passif de la société SPG Protection les créances de M. [V] [Y] suivantes :

- 1 400,04 euros au titre des heures complémentaires et supplémentaires pour les années 2013 et 2014, outre 140 euros de congés payés y afférents,

-1 667,75 euros de rappel de salaire, outre 166,77 euros de congés payés y afférents,

- 8 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 202,34 euros d'indemnité de licenciement,

-1334,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 133,42 euros au titre des congés payés y afférents,

- 393,22 euros au titre de primes de panier ;

ORDONNE à Me [M], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société SPG Protection, de délivrer à M. [V] [Y] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt ;

DECLARE l'arrêt opposable l'AGS CGEA de [Localité 5] dans la limite de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et suivants et l'article D. 3253-5 du code du travail ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

FIXE la créance relative aux dépens de première instance et d'appel au passif de la société SPG Protection.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 20/02053
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;20.02053 ?
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