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28/03/2024 | FRANCE | N°22/05788

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 28 mars 2024, 22/05788


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 28/03/2024



****





N° de MINUTE : 24/112

N° RG 22/05788 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UURF



Jugement (N° 21/00788) rendu le 10 Novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Arras





APPELANTE



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

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[Adresse 7]

[Localité 2]



Représentée par Me Olivia Druart, avocat au barreau de Douai, avocat constitué



INTIMÉES



Madame [K] [Z] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 28/03/2024

****

N° de MINUTE : 24/112

N° RG 22/05788 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UURF

Jugement (N° 21/00788) rendu le 10 Novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Arras

APPELANTE

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivia Druart, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [K] [Z] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Cindy Denisselle-Gnilka, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

Hopital Prive de [6] pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Vincent Boizard, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Nathalie Nuza, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 11 janvier 2024 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 décembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

A la suite d'une chute dans les escaliers de son domicile le 3 septembre 2015, Mme [K] [Z] épouse [F] a présenté une fracture du pilon tibial droit.

Le 8 septembre 2015, elle a subi à l'hôpital privé de [6] (l'hôpital) une intervention chirurgicale pratiquée par M. [X] [G], consistant en la réparation par ostéosynthèse de la fracture complexe des deux os de la cheville droite.

Dans les suites de cette intervention, Mme [Z] a souffert d'une infection osseuse causée par un staphylocoque doré.

Saisi par Mme [Z], le juge des référés près le tribunal de grande instance d'Arras a, par décision du 11 juillet 2019, confié une mesure d'expertise médicale à M. [A] [R] et Mme [T] [S].

Dans leur rapport définitif déposé le 13 décembre 2019, les co-experts ont conclu à une infection de nature nosocomiale, et consolidé l'état de santé de Mme [Z] au 21 septembre 2017.

Par actes d'huissier du 21 et 23 juin 2021, Mme [Z] a fait assigner l'hôpital privé de [6] et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois devant le tribunal judiciaire d'Arras notamment afin d'obtenir la condamnation de l'établissement hospitalier à lui payer la somme de 62 978, 21 euros en réparation de son entier préjudice corporel, considérant que l'infection dont elle avait souffert avait été contractée au sein de l'hôpital, et que ce dernier était ainsi tenu, en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de l'indemniser des dommages subis.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 10 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Arras a :

condamné l'hôpital privé de [6] à payer à Mme [Z] la somme de 61 978,21 euros à titre de dommages et intérêts ;

condamné l'hôpital privé de [6] à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

déclaré le jugement opposable à la CPAM de l'Artois ;

condamné l'hôpital privé de [6] à payer à la CPAM de l'Artois la somme de 46 334,92 euros au titre de ses débours définitifs, avec intérêt au taux légal à compter de ce jour ;

ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

condamné l'hôpital privé de [6] à payer à la CPAM de l'Artois une indemnité forfaitaire de 1 098 euros ;

débouté la CPAM de l'Artois de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné l'hôpital privé de [6] aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 19 décembre 2022, la CPAM de l'Artois a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 4 ; 6 ; et 7 ci-dessus.

Par déclaration du 9 janvier 2023, Mme [Z] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation au seul chef du dispositif numéroté 1 ci-dessus.

Par ordonnance du 22 juin 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures RG 23-00153 et RG 22-05788 sous le seul numéro RG 22-05788.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2023, la CPAM de l'Artois, appelante principale, demande à la cour, au visa des articles L. 1142-1 du code de la santé publique, 367 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

'condamné l'hôpital privé de [6] à lui payer la somme de 46 334,92 euros au titre de ses débours définitifs, avec intérêt au taux légal à compter de ce jour ;

'condamné l'hôpital privé de [6] à lui payer une indemnité forfaitaire de 1 098 euros ;

'l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- condamner l'hôpital privé de [6] à lui payer la somme de 150 692,92 euros au titre de ses débours définitifs, se détaillant comme suit :

'50 633,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

'3 726.96 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

'96 332.54 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

- dire et juger que la somme sera due avec intérêt au taux légal à compter de la première demande, soit le 15 février 2022 ;

- condamner l'hôpital privé de [6] à lui payer l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 162 euros ;

- condamner l'hôpital privé de [6] à lui payer la somme de 2 757,01 euros au visa de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

- condamner l'hôpital privé de [6] à supporter les entiers dépens de l'appel ;

- débouter l'hôpital privé de [6] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires aux présentes.

A l'appui de ses prétentions, la CPAM de l'Artois fait valoir que :

- elle est en mesure de produire en appel l'attestation d'imputabilité établie par son médecin-conseil, M. [N], au vu du rapport définitif des experts qui ont pu clarifier le lien d'imputabilité ;

- elle a ainsi pu établir le relevé de ses débours en ne prenant en considération que les actes ayant un lien direct et certain avec la maladie nosocomiale ;

- elle réclame la capitalisation des arrérages à échoir de 25% de la rente invalidité servie à Mme [Z], imputable à la maladie nosocomiale, à l'aide du barème de capitalisation publié à la Gazette du palais 2022.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 juillet 2023, Mme [Z], appelante principale, demande à la cour, au visa de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, de :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

'condamné l'hôpital privé de [6] à l'indemniser en réparation du préjudice subi des suites de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée en son sein ;

'condamné l'hôpital privé de [6] à lui payer les sommes suivantes :

14 000 euros au titre des souffrances endurées ;

15 675 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- la recevoir en son appel, et le juger bien fondé ;

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné l'hôpital privé de [6] à lui payer les sommes suivantes :

4 598 euros au titre des frais divers ;

16 855,21 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

5 850 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

statuant à nouveau,

- condamner l'hôpital privé de [6] à lui payer les sommes suivantes :

4 589 euros au titre des frais divers ;

89 875,54 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'hôpital privé de [6] à lui payer la somme de 16 855,21 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

6 462,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

14 000 euros au titre des souffrances endurées ;

3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

15 675 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- débouter l'hôpital privé de [6] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM de l'Artois ;

- juger que les sommes seront dues avec intérêt au taux légal à compter du 28 mai 2021, date de la première demande d'indemnisation ;

- condamner l'hôpital privé de [6] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, Mme [Z] fait valoir que :

- le 3 septembre 2015, elle a souffert d'une fracture du pilon tibial droit, alors qu'elle présentait comme antécédents médicaux une polyarthrite rhumatoïde et une spondylarthrite ankylosante, ainsi que de l'eczéma sur la jambe fracturée ;

- le rapport d'expertise conclut à la survenue d'une infection nosocomiale au sein de l'établissement de santé des suites immédiates de la chirurgie, dans des délais extrêmement précoces ;

- les experts évaluant à 15% le taux du déficit fonctionnel permanent dont 50% dû à l'infection, les dommages survenus en raison de l'infection nosocomiale doivent être réparés par l'établissement de santé en application de l'article L. 1142-1 I précité.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2023, l'hôpital privé de [6], intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa des articles L. 1142-1 I et suivants du code de la santé publique de :

à titre principal,

- dire les appels de Mme [Z] et de la CPAM de l'Artois mal fondés et les rejeter ;

- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

- débouter Mme [Z] de l'intégralité des demandes formulées au titre de son appel incident ;

- débouter la CPAM de l'Artois de l'intégralité des demandes formulées au titre de son appel ;

- condamner Mme [Z] et la CPAM de l'Artois à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

- statuant à nouveau, évaluer la perte de gains professionnels futurs à la somme de 55 243,62 euros ;

- limiter la créance de la CPAM au titre des frais futurs à la somme de 75 537,84 euros ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- rejeter toute demande plus ample ou contraire ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

A l'appui de ses prétentions, l'hôpital privé de [6] fait valoir que :

- suivant rapport du 13 décembre 2019, les co-experts judiciaires concluent à la survenue d'une infection nosocomiale en excluant tout défaut de prise en charge de Mme [Z] par les professionnels de santé mis en cause ;

- une telle qualification entraîne la responsabilité de plein droit de l'établissement de soins en application de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, en l'absence de cause étrangère ;

- il lui appartient donc de réparer les préjudices subis par Mme [Z] en lien de causalité avec la survenue de l'infection ;

- il sollicite de retenir le barème BRCIV pour capitaliser les pertes de gains professionnels futurs.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour observe, en premier lieu, qu'en application de l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique, l'hôpital ne conteste pas, en l'absence de cause étrangère, la responsabilité qu'il encourt de plein droit du fait de l'infection nosocomiale contractée par Mme [Z] lors de l'intervention chirurgicale du 8 septembre 2015. En conséquence, l'hôpital est tenu de réparer le préjudice subi par Mme [Z] en lien de causalité direct et certain avec ladite infection.

En deuxième lieu, le jugement dont appel n'est pas critiqué en ce qu'il a fixé les préjudices de Mme [Z] aux sommes suivantes :

'14 000 euros en réparation des souffrances endurées ;

'15 675 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent ;

'3 000 euros en réparation du préjudice esthétique permanent.

En troisième lieu, alors d'une part que l'hôpital sollicite de retenir le barème BRCIV 2021 pour capitaliser les dépenses futures et, d'autre part, que Mme [Z] considère qu'il y a lieu d'appliquer le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2022 pour évaluer les frais futurs, la cour rappelle que le choix du barème de capitalisation, support de l'évaluation des préjudices futurs, relève du pouvoir souverain du juge du fond.

Il sera retenu l'application du dernier barème de capitalisation édité dans la Gazette du palais du 31 octobre 2022, qui est fondé sur une espérance de vie issue des tables de mortalité 2017-2019, et sur un taux d'intérêt de 0% corrigé de l'inflation, ce qui permet ainsi de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire, et constitue le référentiel le mieux adapté à l'espèce.

 

I - Sur l'indemnisation du préjudice de la victime directe

Dans leur rapport du 13 décembre 2019, les co-experts [R] et [S] ne retrouvent pas de manquement dans la prise en charge chirurgicale de Mme [Z] à la suite de son accident du 3 octobre 2015, mais relèvent que l'infection survient des suites immédiates de l'intervention chirurgicale du 8 septembre 2015 au sein de l'établissement de santé, et ce dans des délais extrêmement précoces. Ils considèrent que Mme [Z] a présenté une infection post-opératoire immédiate d'origine nosocomiale, et écartent tout retard dans la prise en charge de l'infection tant au plan chirurgical qu'infectiologique. Ils retiennent un déficit fonctionnel permanent de 15%, dont la moitié est lié à l'infection.

A - Sur l'évaluation des préjudices

1 - Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

a - Sur les préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation

1° - Sur les dépenses de santés actuelles

Le premier juge a fixé les dépenses de santé actuelles de la caisse à la somme de 34 706,30 euros.

Mme [Z] indique qu'il n'est pas resté à sa charge de frais de santé.

La CPAM de l'Artois sollicite l'infirmation du jugement querellé sur ce point ; elle réclame une somme de 50 663,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles.

L'hôpital sollicite la confirmation du jugement querellé de ce chef ; il expose que :

- le simple relevé de prestations de la CPAM ne permet pas de justifier de l'exactitude du montant des frais engagés ou de leur imputabilité aux faits litigieux ;

- les règles d'administration de la preuve imposent aux organismes sociaux de produire les relevés informatiques faisant apparaître chaque dépense, mais également les ordonnances correspondantes afin que l'imputabilité de leurs débours soit clairement établie ;

- la CPAM de l'Artois ne peut être fondée à obtenir le remboursement des prestations versées que si elle rapporte la preuve matérielle des sommes avancées et leur imputabilité au fait litigieux ;

- Mme [Z] souffrait en effet d'autres pathologies nécessitant des frais médicaux, d'imagerie, de kinésithérapie, de pharmacie, de soins infirmiers ;

- selon les experts, les soins et traitements anti-infectieux de Mme [Z] ont été arrêtés le 31 août 2016.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Au soutien de ses prétentions, la CPAM de l'Artois produit les relevés informatiques détaillés des prestations servies à Mme [Z] à la suite du « fait accidentel du 9 septembre 2015 », un relevé définitif de débours arrêté au 17 mars 2023 d'un montant de 50 633,42 euros, lequel précise les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport exposés, et une attestation d'imputabilité de son médecin conseil établie le 20 décembre 2022 laquelle, s'appuyant sur l'expertise judiciaire de M. [R] et Mme [H], retient leur stricte imputabilité à l'infection nosocomiale contractée le 10 septembre 2015.

Contrairement aux allégations de l'hôpital, ces pièces suffisent, même en l'absence de production des ordonnances, à rapporter la preuve du lien de causalité direct et certain existant entre l'infection nosocomiale et les dépenses ainsi engagées, étant ici observé que la plupart de ces soins ont été prodigués avant le 31 août 2016, qu'il s'agit de consultations de médecine générale, de chirurgie orthopédique et de radiographie associée, d'anesthésie, d'actes infirmiers, de kinésithérapie, de produits pharmaceutiques (antiseptiques, antalgiques, antibiotiques et héparines, antimycotiques), de location de matériels et d'achat de pansements, et que la consolidation de l'état de santé de Mme [Z] par suite de l'infection nosocomiale n'est fixé qu'au 21 septembre 2017.

Il y a donc lieu de fixer le poste des dépenses de santé actuelles à la somme de 50 633,42 euros, et de condamner l'hôpital au paiement de l'intégralité de cette somme.

Le jugement dont appel est réformé de ce chef.

2° - Sur les pertes de gains professionnels actuels

Le premier juge a condamné l'hôpital à payer à la CPAM de l'Artois une somme de 3 726,96 euros en remboursement des pertes de gains professionnels actuels.

Mme [Z] ne réclame aucune somme au titre des pertes de gains professionnels actuels, exposant qu'au moment de sa chute, elle était demandeur d'emploi depuis le 13 juin 2015, et qu'elle a perçu des indemnités journalières à la suite de son arrêt maladie pour cause de fracture à compter du 11 septembre 2015.

La CPAM de l'Artois réclame une somme de 3 726,96 euros en remboursement des indemnités journalières versées du 2 février au 31 août 2016, et produit son relevé de débours définitifs arrêté au 17 mars 2023, outre l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil établie le 20 décembre 2022.

L'hôpital sollicite la confirmation du jugement critiqué sur ce point.

Sur ce, les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail et tendent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'acte dommageable, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu'à sa date de consolidation. L'indemnisation des pertes de gains professionnels étant égale au coût économique du dommage pour la victime, la perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.

En définitive, le jugement dont appel n'est pas critiqué en ce qu'il a fixé ce poste à la somme de 3 726,96 euros revenant en totalité à la caisse, en remboursement des indemnités journalières réglées à Mme [Z] du 2 février au 31 août 2016.

3° - Sur l'assistance temporaire par une tierce personne

Le premier juge a accordé à Mme [Z] une somme de 4 598 euros en réparation de l'assistance temporaire par une tierce personne.

Mme [Z] sollicite l'infirmation du jugement dont appel à ce titre, minorant sa demande à hauteur de 4 589 euros sur la base d'un taux horaire de 13 euros.

L'hôpital n'entend pas formuler d'observation sur ce point.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

Les co-experts [R] et [S] retiennent, au titre exclusif de l'infection, un besoin en tierce personne d'une heure par jour pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 3 jusqu'au 30 août 2016, et de trois heures par semaine pendant la période de classe 2, soit du 1er septembre 2016 au 21 septembre 2017.

La cour ne pouvant statuer ultra petita, il sera fait droit à la réclamation de Mme [Z].

Conformément à la demande, ce préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 4 589 euros.

Le jugement querellé est réformé de ce chef.

b - Sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation : les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a accordé à Mme [Z] une somme de 16 855,21 euros et à la caisse une somme de 7 901,66 euros au titre des perte de gains professionnels futurs.

Mme [Z] réclame à ce titre une somme de 89 875,54 euros, faisant valoir que :

- elle a été placée en invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er octobre 2018, et l'infection en est la cause à hauteur de 25% ;

- elle n'a pas retrouvé d'emploi, et perçoit exclusivement sa pension d'invalidité à hauteur de 546,82 euros par mois ;

- avant les faits, son salaire mensuel net moyen peut être retenu à hauteur de 1 019,69 euros compte tenu du montant mensuel de la pension d'invalidité calculé par la CPAM et basé sur un salaire annuel moyen de 12 236,28 euros ;

- elle évalue à la somme de 1 495,29 euros ses pertes de gains imputables à la maladie nosocomiale pour la période du 21 septembre 2017 au 30 septembre 2018, de 6 882,84 euros pour la période du 1er octobre 2018 au 31 mars 2023, et au capital de 81 497,41 euros à compter du 31 mars 2023.

A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il lui a accordé la somme de 16 885,21 euros réparant ses pertes de gains professionnels futurs.

La CPAM de l'Artois réclame les sommes de 6 474,16 euros correspondant à 25% des arrérages échus de la rente invalidité pour la période du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2022, date la plus proche de l'arrêt, et de 89 858,38 euros correspondant à la capitalisation des arrérages à échoir de 25% de la rente invalidité servie à Mme [Z], imputable à la maladie nosocomiale, à l'aide du barème de capitalisation publié à la Gazette du palais 2022.

L'hôpital fait valoir que :

- s'agissant de la demande de pertes de gains professionnels futurs à hauteur de 89 875,54 euros, il s'agit d'une nouvelle prétention formulée pour la première fois en cause d'appel, laquelle est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ;

- Mme [Z] confond dommage global et dommage imputable ; elle était en effet inscrite à Cap emploi au moment des faits litigieux, et avait été reconnue travailleur handicapé dès 2005 dans les suites de son inaptitude liée à son rachis ;

- le placement en invalidité de catégorie 2 à compter du 1er octobre 2018 pour la pathologie rachidienne et la fracture n'est liée à l'infection nosocomiale qu'à hauteur de 25% ;

- Mme [Z] a toujours soutenu percevoir un salaire mensuel net moyen de 947,25 euros, et non de 1 019,69 euros ;

- à titre subsidiaire, il convient de confirmer le jugement entrepris ;

- à titre infiniment subsidiaire, il y a lieu de limiter l'indemnisation de Mme [Z] sur ce poste à la somme de 55 243,62 euros.

Sur l'irrecevabilité de la demande

L'hôpital invoque l'irrecevabilité de la demande nouvelle formulée en appel par Mme [Z] au titre de ses pertes de gains professionnels futurs, laquelle excède le montant initialement sollicité en première instance pour ce même chef de préjudice.

Aux termes des articles 565 et 566 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En application de ces dispositions, ne sont pas nouvelles les prétentions par lesquelles les parties élèvent le montant de leurs réclamations initiales dès lors qu'elles tendent à la même fin d'indemnisation du préjudice subi.

Il s'ensuit que Mme [Z] est recevable à solliciter en cause d'appel la majoration de ce poste.

Sur le fond

Les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente, et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle à compter de la date de consolidation.

D'après le rapport d'expertise judiciaire (en pages 16, 21, 25, 26), avant la survenance du fait dommageable, Mme [Z] était travailleur handicapé depuis 2005 pour inaptitude liée à son rachis, inscrite à Cap emploi, et elle est désormais reconnue en invalidité de 2ème catégorie depuis le 1er octobre 2018, pour moitié en raison de sa pathologie rachidienne et sa spondylarthrite invalidante, et pour moitié en raison de la fracture du pilon tibial droit.

Si l'arrêt de travail a été jugé imputable à la fracture de la jambe droite et à ses complications évolutives jusqu'au 30 septembre 2018, celui-ci n'est imputable à l'infection que du 4 novembre 2015 au 31 août 2016, date de fin du traitement antibiotique et date de fin des soins en rapport avec le traitement anti-infectieux.

L'infection post-opératoire immédiate, qualifiée de nosocomiale, est responsable de la moitié des séquelles de l'accident du 3 septembre 2015, donc de 25% de la mise en invalidité.

Mme [Z] produit ses avis d'impôt sur les revenus 2013 à 2016, dont il ressort des revenus déclarés de :

'11 367 euros en 2012 ;

'3 128 euros en 2013 ;

'9 132 euros en 2014 ;

'5 077 euros en 2015, soit 3 384 euros calculés prorata temporis de janvier à août 2015 ;

ce qui correspond à un revenu mensuel net moyen de référence de 613,88 euros (soit (11 367 + 3 128 + 9 132 + 3 384) / 44 mois), et non de 1 019,69 euros comme allégué par la victime.

Pour la période échue du 21 septembre 2017, date de consolidation, au 30 septembre 2018, Mme [Z] a perçu des indemnités journalières de la CPAM de l'Artois à hauteur de 534,72 euros par mois.

Pour la période échue du 1er octobre 2018 au 29 février 2024, date la plus proche de l'arrêt, Mme [Z] a perçu les pensions mensuelles d'invalidité suivantes :

'25 896,65 euros du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2022 (pièce 39 de la caisse) ;

'7 595,40 euros du 1er décembre 2022 au 29 février 2024 (soit 506,36 euros nets x 15 mois) ;

soit un total de 33 492,05 euros, ou un revenu mensuel moyen de 515,26 euros (soit 33 492,05 / 65 mois).

Mme [Z] subit des pertes de gains professionnels échues en lien de causalité avec le fait dommageable de :

'du 21 septembre 2017 au 30 septembre 2018 (12 mois et dix jours) : 25% x (613,88 ' 534,72) x 12,33 mois = 244,01 euros ;

'du 1er octobre 2018 au 29 février 2024 (65 mois) : 25% x (613,88 ' 515,26) x 65 mois = 1 602,58 euros ;

soit un total de 1 846,59 euros sur la période du 21 septembre 2017 au 29 février 2024.

A compter du 1er mars 2024, il convient de multiplier la perte annuelle de revenus subie par Mme [Z] (soit 25% x (613,88 ' 515,26) x 12 mois) par le prix de l'euro de rente viagère prévu par le barème de la Gazette du palais 2022 avec un taux d'intérêt de 0% pour une femme de 45 ans à la date de l'arrêt (soit 40,947) : 295,86 euros x 40,947 = 12 114,58 euros.

En considération de ces calculs, il revient à Mme [Z] une somme de 13 961,17 euros au titre des perte de gains professionnels futurs (soit 1 846,59 + 12 114,58).

Cependant, l'hôpital ne s'opposant pas à titre subsidiaire à ce que le jugement entrepris soit confirmé sur les pertes de gains professionnels futurs revenant à la victime, la cour, tenue de statuer dans les limites des prétentions des parties, ne peut allouer à Mme [Z] une somme inférieure à celle offerte par l'hôpital, soit la somme de 16 855,21 euros.

A l'examen du rapport d'expertise, de la date de consolidation, de l'attestation d'imputabilité du 20 décembre 2022, et de l'évaluation capitalisée de la rente invalidité annuelle versée à la victime pour 6 561,86 euros, la CPAM de l'Artois est fondée à obtenir le remboursement de ses débours ainsi évalués :

'6 474,16 euros pour les arrérages échus réglés du 1er octobre 2018 au 30 novembre 2022 (soit 25 896,65 x 25%) ;

'68 738,76 euros (soit 6 561,86 x 25% x 41,902) pour le capital à échoir de la rente invalidité à compter du 1er décembre 2022 suivant le prix de l'euro de rente de 41,902 pour une femme de 44 ans selon le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2022 ;

soit un total de 75 212,92 euros.

Cependant, l'hôpital demande à titre subsidiaire à ce que la créance de la CPAM au titre des frais futurs soit limitée à la somme de 75 537,84 euros, de sorte que la cour, tenue de statuer dans les limites des prétentions des parties, ne peut allouer à la caisse une somme moindre.

En conséquence, la cour évalue à 92 393,05 euros la somme due au titre des pertes de gains professionnels futurs échus et à échoir (soit 16 855,21 + 75 537,84).

Le poste des pertes de gains professionnels futurs échus et à échoir est fixé à la somme de 92 393,05 euros, dont la somme de 16 885,21 euros revient à Mme [Z] et la somme de 75 537,84 euros revient à la CPAM de l'Artois.

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux temporaires

a - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a accordé à Mme [Z] une somme de 5 850 euros réparant son déficit fonctionnel temporaire total et partiel.

Mme [Z] sollicite l'infirmation du jugement querellé, et la fixation de son préjudice à la somme de 6 462,50 euros sur la base d'un taux de 25 euros par jour.

L'hôpital n'entend pas formuler d'observation sur ce point.

Sur ce, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

Du rapport d'expertise judiciaire du 13 décembre 2019, il ressort du fait de l'infection nosocomiale :

- un déficit fonctionnel temporaire total (100%) du 4 au 12 novembre 2015 (9 jours), du 7 au 8 décembre 2015 (2 jours), du 11 au 18 avril 2016 (8 jours), du 2 au 8 juin 2016 (7 jours), soit pendant 26 jours ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 3 (50%) jusqu'au 30 août 2016 entre les périodes de déficit fonctionnel temporaire total (soit 272 jours) ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 2 (25%) du 1er septembre 2016 au 21 septembre 2017 (soit 386 jours).

L'estimation du nombre de jours n'est pas contestée par les parties.

Sur une base journalière de 25 euros par jour, conforme au principe de réparation intégrale, ce préjudice est évalué comme suit :

- au titre du déficit fonctionnel temporaire total : 26 x 25 x 100% = 650 euros

- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 50% : 272 x 25 x 50% = 3 400 euros

- au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel de 25% : 386 x 25 x 25% = 2 412,5 euros

soit un total de 6 462,50 euros.

Ce poste sera fixé à la somme de 6 462,50 euros.

Le jugement dont appel est réformé de ce chef.

b - Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a accordé à la victime une indemnisation de 2 000 euros à ce titre.

Mme [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué et de lui allouer une somme de 3 000 euros, arguant qu'elle a subi ce préjudice esthétique temporaire pendant deux années.

L'hôpital sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce, il s'agit d'indemniser pendant la maladie traumatique, et notamment pendant l'hospitalisation, une altération de l'apparence physique, même temporaire, de la victime.

Les co-experts quantifient le préjudice esthétique temporaire à 3 sur une échelle de 7, le qualifiant ainsi de modéré.

Considérant notamment le défaut de cicatrisation et la désunion de la plaie en raison du staphylocoque doré, la perte de substance cutanée, les pansements, le traitement par vac thérapie, la nécessité d'une greffe cutanée, et la période de consolidation d'une durée de deux ans, le montant du préjudice esthétique temporaire subi sera exactement évalué à la somme de 3 000 euros.

Le jugement dont appel est réformé de ce chef.

B - Sur la liquidation des préjudices de la victime directe

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à Mme [Z] et la CPAM de l'Artois, en réparation du préjudice corporel exclusivement imputable à la maladie nosocomiale, les sommes suivantes :

'50 633,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

dont aucune somme ne revenant à la victime,

dont la somme de 50 633,42 euros revenant à la caisse ;

'3 726,96 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

dont aucune somme ne revenant à la victime,

dont la somme de 3 726,96 euros revenant à la caisse ;

'4 589 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

'92 393,05 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

dont la somme de 16 855,21 euros revenant à la victime,

dont la somme de 75 537,84 euros revenant à la caisse ;

'6 462,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

'14 000 euros au titre des souffrances endurées ;

'3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

'15 675 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

'3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

En conséquence, la créance de débours définitifs de la CPAM de l'Artois est fixée à la somme de 129 898,22 euros (soit 50 633,42 + 3 726,96 + 75 537,84).

II - Sur les autres demandes

A - Sur le point de départ des intérêts au taux légal

S'agissant des sommes allouées à la victime, aux termes de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

En l'espèce, Mme [Z] alléguant sans en justifier que sa première demande date du 28 mai 2021, les intérêts au taux légal sur les sommes indemnitaires qui lui sont allouées seront dus à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par le jugement, et à compter de l'arrêt pour le surplus.

S'agissant des sommes allouées à la caisse, celle-ci poursuit le remboursement des dépenses auxquelles elle est légalement tenue et la créance, dont la décision judiciaire se borne à reconnaître l'existence, doit, conformément à l'article 1231-6 du code civil applicable aux obligations légales, produire intérêts au jour de la demande.

En application de ce texte, la créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire, mais porte sur le paiement d'une somme d'argent et produit intérêts au jour de la demande.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice valant mise en demeure, soit à compter du 15 février 2022, date de la notification par voie électronique des premières écritures de la caisse.

Le jugement querellé est réformé en ce qu'il a jugé que les sommes allouées à la caisse portaient intérêts au taux légal à compter de sa date.

B - Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

Aux termes de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné à son 3ème alinéa, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et minimum révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Si la perception de cette indemnitaire forfaitaire, qui indemnise le traitement administratif du dossier par ses services, ne peut intervenir qu'à une seule reprise au cours d'une même instance, la cour observe toutefois que la CPAM de l'Artois a formé appel à bon droit du jugement prononcé par le tribunal judiciaire, et que cette indemnité est due en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses entiers débours.

Dans ces conditions, il convient de condamner l'hôpital à payer à la CPAM la différence entre le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dû au moment du jugement et celui dû au moment de la procédure d'appel, à savoir la somme de

1 161 euros (selon l'arrêté du 15 décembre 2022 revalorisant cette indemnité pour l'année 2023, applicable au 1er janvier 2023) moins la somme de 1 098 euros, soit 63 euros.

C - Sur l'opposabilité de l'arrêt à la caisse

Le présent arrêt sera déclaré opposable à la CPAM de l'Artois.

D - Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'hôpital qui succombe sera condamné aux entiers dépens d'appel.

Le sens de l'arrêt et l'équité conduisent à condamner l'hôpital à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros, et à la CPAM de l'Artois, qui produit la facture de son conseil, la somme de 2 757,01 euros, à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en toutes ses dispositions soumises à la cour, le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Arras, sauf en ce qu'il a :

- condamné l'hôpital privé de [6] à payer à Mme [K] [Z] épouse [F] la somme de 61 978,21 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné l'hôpital privé de [6] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 46 334,92 euros au titre de ses débours définitifs, avec intérêt au taux légal à compter de ce jour ;

Le réforme de ces chefs,

Prononçant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

Condamne l'hôpital privé de [6] à payer à Mme [K] [Z] épouse [F], en réparation du préjudice imputable à l'infection nosocomiale qu'elle a contractée en septembre 2015, les sommes suivantes :

'4 589 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

'16 855,21 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

'6 462,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

'14 000 euros au titre des souffrances endurées ;

'3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

'15 675 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

'3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

Dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter du jugement à concurrence des sommes indemnitaires que celui-ci a allouées à Mme [K] [Z] épouse [F], et à compter de l'arrêt pour le surplus ;

Condamne l'hôpital privé de [6] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois en remboursement des débours strictement imputables à l'infection nosocomiale contractée en septembre 2015 par Mme [K] [Z] épouse [F], les sommes suivantes :

'50 633,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

'3 726,96 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

'75 537,84 euros au titre des perte de gains professionnels futurs ;

Dit que les intérêts au taux légal sur les sommes ainsi allouées à la caisse sont dus à compter du 15 février 2022 ;

Condamne l'hôpital privé de [6] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois une somme complémentaire de 63 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Déclare l'arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ;

Rejette les plus amples prétentions des parties ;

Condamne l'hôpital privé de [6] aux dépens d'appel ;

Le condamne en outre à payer à Mme [K] [Z] épouse [F] la somme de 2 000 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois la somme de 2 757,01 euros, à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Fabienne DUFOSSÉ

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/05788
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.05788 ?
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