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21/03/2024 | FRANCE | N°23/02282

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 21 mars 2024, 23/02282


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 21/03/2024





****





N° de MINUTE : 24/100

N° RG 23/02282 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U45T



Jugement (N° 22-001683) rendu le 08 Novembre 2022 par le tribunal de proximité de Lille







APPELANT



Monsieur [N] [B]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Locali

té 4]



Représenté par Me Florent Mereau, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉ



Monsieur [C] [L]

de nationalité Française

[Adresse 2])

[Localité 4]



Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été s...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 21/03/2024

****

N° de MINUTE : 24/100

N° RG 23/02282 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U45T

Jugement (N° 22-001683) rendu le 08 Novembre 2022 par le tribunal de proximité de Lille

APPELANT

Monsieur [N] [B]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Florent Mereau, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [C] [L]

de nationalité Française

[Adresse 2])

[Localité 4]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiées le 17 juillet 2023 à étude

DÉBATS à l'audience publique du 10 janvier 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 décembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] est propriétaire d'une maison située [Adresse 3] à [Localité 4].

Après avoir tenté en vain un règlement amiable du litige, il a déposé une plainte le 11 novembre 2020, complétée le 5 janvier 2021, à l'encontre de son voisin, M. [L] demeurant au [Adresse 2] à [Localité 4], en dénonçant des faits de violation de domicile, et de tronçonnage de trois arbres à l'origine de dégradations sur d'autres arbres et sur le système d'éclairage du jardin.

Une réunion de conciliation s'est finalement tenue le 3 juin 2022 ayant abouti à un constat d'échec.

C'est dans ces conditions que M. [B] a saisi le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'obtenir la réparation de ses préjudices.

Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

débouté M. [N] [B] de l'ensemble de ses demande

condamné M. [N] [B] aux dépens

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Par déclaration du 17 mai 2023, M. [B] a formé appel de ce jugement en toutes dispositions.

Dans ses conclusions notifiées le 18 juillet 2023, M. [N] [B] demande à la cour, au visa des articles 544, 673 et 1240 du code civil, de :

infirmer le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal Judiciaire de Lille Statuant à nouveau,

- condamner M. [C] [L] à lui payer les sommes suivantes en réparation des préjudices matériels subis :

* 4 999,20 euros de dommages et intérêts concernant les frais remise en état du jardin ;

* 4 816,12 euros de dommages et intérêts concernant les frais réparation des installations électriques du jardin ;

condamner M. [C] [L] à lui payer la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

condamner M. [C] [L] à lui payer les sommes suivantes :

- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés lors de la procédure de première instance devant le tribunal Judiciaire de Lille ;

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la présente procédure

- condamner M. [L] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les procès-verbaux de constat du 15 décembre 2020 et du 25 mai 2023.

Il fait valoir que :

M. [L] a commis plusieurs fautes à l'origine de son dommage

En effet, alors qu'il s'était absenté de son domicile, celui-ci s'est introduit pour tronçonner trois arbres dont deux chênes centenaires, qui en tombant ont endommagé le système d'éclairage de son jardin

contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ces faits du 1er novembre 2020 sont imputables à son voisin, M. [L] comme étant établis par le procès-verbal d'huissier de justice du 25 mai 2023, rappelant que ce dernier avait commis des faits analogues en 2018

les préjudices subis sont en lien direct avec ces faits de sorte que la responsabilité délictuelle de M. [L] est engagée

dès lors, celui-ci doit réparer son entier préjudice résultant des frais de remise en état du jardin et de réparation des installations électriques du jardin

il subit en outre un préjudice moral car, depuis les faits, il se sent en insécurité

M. [C] [L], à qui la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées, n'a pas comparu.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la responsabilité de M. [L]

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 544 du même code dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

L'article 673, alinéas 1 et 2, prévoit par ailleurs que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.

Il incombe à M. [B], qui recherche la responsabilité délictuelle de M. [L], de démontrer une faute imputable à ce dernier, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Sur ce,

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier établi le 15 décembre 2020 que dans la propriété de M. [B], trois arbres ont été abattus à savoir un chêne de 20 mètres de hauteur environ et 90 cm de diamètre, un tilleul de mêmes taille et diamètre et un coudrier de moindre taille. Cet abattage a occasionné des dégradations sur d'autres arbres (noisetier et triptyque de boulots) ainsi que sur un mur (couvertine écrasée et briques éboulées) et a provoqué l'arrachement de 5 spots d'éclairage.

Dans le cadre de son audition par les services de gendarmerie le 5 janvier 2021, M. [B] a précisé que les arbres abattus étaient situés le long du mur séparatif du fonds de M. [L].

Aux termes d'un deuxième procès-verbal dressé le 25 mai 2023, le commissaire de justice a retranscrit le contenu d'une clé USB remise par M. et Mme [B] comportant des photographies et des enregistrements vidéos.

Huit photographies montrent les opérations d'élagage des arbres de leur jardin réalisées le 20 novembre 2019 et sept photographies, datant du 2 novembre 2020, d'arbres abattus sur le sol. La photo 18 du 14 novembre 2020 fait apparaître le dépassement d'une échelle posée contre le mur mitoyen côté propriété d'un individu désigné par M. [B] comme étant M. [L]. Treize photographies du 2 novembre 2020 montrent un arbre au sol ainsi que des feuillages et des branches outre des tuiles sur la hauteur du mur séparatif.

Par ailleurs, la teneur des enregistrements vidéos est notamment la suivante :

le 29 juillet 2018, un individu que M. [B] nomme M. [L], présent devant la porte d'entrée de sa propriété indique : « moi je veux que vous coupiez vos branches, vos branches restent là, je vous coupe votre arbre, j'ai été clair ».

M. [B] demande à voir le propriétaire, l'individu lui répond qu'il s'agissait de lui.

Ce dernier continue ainsi : « Moi la justice je l'emmerde, moi ma procédure, moi j'engage moi-même mes procédures, d'accord ' moi vos arbres s'ils sont encore là, là je vais pénétrer chez vous (') vous allez pouvoir faire violation de domicile, j'emmerde la justice, je vous coupe votre arbre ; vous avez bien compris ' ['] Et vos branches elles sont encore là je vous coupe vos arbres d'accord ' Comme je l'ai fait et vous savez de quoi je suis capable ['] Jouez pas avec moi, j'en ai rien à foutre des procédures ['] Elle continue à rester là à foutre un merdier et que je continue à payer, je coupe vos arbres, vous avez compris ' Moi, j'en ai rien à foutre de la justice, je vous coupe. ['] Monsieur, vos arbres, vos branches restent encore chez moi, je vous coupe vos arbres comme je vous ai fait pour vos branches qui pénétraient chez moi et qui font le merdier chez moi. [ M. [B] lui demandant de bien réfléchir], je réfléchis à rien Monsieur, je réfléchis à comment je vais couper votre arbre, je rentrerai chez vous, d'accord ' ['] Et vous pourrez porter plainte à la gendarmerie pour violation de domicile, j'irai avec vous ['] Vos branches elles sont encore là et vous allez voir, mettez vos chiens, mettez vos caméras, mettez ce que vous voulez, je vais vous montrer d'où je viens d'accord ' »

Ces enregistrements rendent compte, sans aucune ambiguïté, de ce que l'individu présent sur les vidéos, s'estimant gêné par les branches des arbres de M. [B] débordant sur son fonds, entendait procéder lui-même à la coupe de ces arbres en cas d'inertie de son voisin en rappelant un précédent.

A cet égard, dans le cadre de sa plainte, M. [B] avait indiqué que son voisin avait commis les mêmes faits en septembre 2018.

La coupe des arbres de la propriété de M. [B] est amplement démontrée par les procès-verbaux de constat d'huissier et l'auteur est identifiable sur les vidéos retranscrites par ce dernier.

M. [B] justifie de l'envoi de courriers de mise en demeure les 24 novembre 2020, 5 mai 2021, 12 et 27 janvier 2022 à M. [L] prénommé [P] ou [C]. Si trois d'entre eux n'ont pas été réceptionnés à défaut d'accès ou d'adressage, celui du 5 mai 2021 n'a pas été réclamé.

Le 11 février 2022 M. [B] a fait signifier les trois derniers courriers à M. [C] [L] à l'adresse du [Adresse 2] à [Localité 4]. L'huissier de justice n'a pas pu obtenir la confirmation de cette adresse en l'absence d'occupant présent lors de ses différents passages précisant toutefois qu'à l'occasion d'une tentative de signification précédente, il avait rencontré une personne qui avait refusé de communiquer son nom.

Pour autant, il s'avère que M. [C] [L] s'est rendu à la réunion de conciliation fixée le 3 juin 2022 par M. [K] [I], conciliateur de justice, précisément au sujet du litige l'opposant à M [B] relativement à l'abattage sans autorisation de deux chênes dans la propriété de ce dernier ainsi que cela ressort du procès-verbal d'échec du même jour.

La circonstance que M. [C] [L] a accepté le principe d'une mesure de conciliation constitue un indice supplémentaire s'inscrivant dans un faisceau précis et concordant d'éléments qui permet de lui imputer les faits reprochés par M. [B].

La coupe d'arbres dans le jardin de son voisin dans lequel il s'est introduit sans l'autorisation de ce dernier constitue une faute à l'origine du préjudice de M. [B].

A supposer que les arbres litigieux plantés en limite de propriété ne respectaient pas les distances et la hauteur prescrites par l'article 671 du code civil, M. [L] ne pouvait procéder lui-même et sans autorisation du propriétaire du fonds voisin à un tel abattage alors qu'il lui était loisible d'exiger que ces arbres soient arrachés ou réduits conformément aux dispositions de l'article 672 du code civil ou de solliciter des dommages et intérêts. Il disposait également du droit de contraindre le propriétaire du fonds voisin à les tailler selon l'article 673 du même code.

La responsabilité de M. [L] sera donc retenue sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Le jugement critiqué sera ainsi réformé de ce chef.

Sur la demande de remise en état du jardin et des installations électriques

M. [B] produit deux devis :

- l'un de la société Vano paysage, du 5 juillet 2023 pour un montant de 4 999,20 euros et correspondant au façonnage des bois en 0,50 cm les laissant sur place, à la mise en 'uvre d'une fendeuse de bûche, au rognage des souches, à l'abattage de bouleaux sectionnés, à la remise en état du gazon et aux frais de déplacements, d'approvisionnement et de livraison.

- l'autre de la société JL électricité du 6 juillet 2023 d'un montant de 4 816,12 euros correspondant à des travaux de fourniture et de pose d'un panneau de protection électrique, d'un luminaire de sol, d'un luminaire projecteur, d'un détecteur de mouvement, d'un kit émetteur-récepteur et de prises électriques.

Les désordres occasionnés par l'abattage de trois arbres ont été constatés par le constat d'huissier précité du 15 décembre 2020. En effet, la chute d'un chêne a provoqué la dégradation d'un noisetier et de trois bouleaux et environ 5 phares ont été arrachés.

Il convient de faire droit à la demande de remise en état du jardin et de ses installations électriques de M. [B].

M. [L] sera condamné à lui payer les sommes de 4 999,20 euros et 4 816,12 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le préjudice moral

La découverte de l'intrusion de M. [L] dans sa propriété et de l'état de son jardin dégradé par l'abattage d'arbres dont un chêne et un tilleul, qu'il s'employait à préserver, a nécessairement causé un préjudice moral à M. [B] qu'il convient de réparer par l'allocation de la somme de 2 000 euros à titre de dommage et intérêts.

Le jugement querellé sera donc réformé de ce chef.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner M. [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile étant précisé que les frais de constats d'huissier des 15 décembre 2020 et 25 mai 2023 ne relèvent pas des dépens mais des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M. [C] [L] est responsable du préjudice subi par M. [N] [B] ;

Condamne M. [C] [L] à payer à M. [N] [B], à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

4 999,20 euros au titre de la remise en état du jardin

4 816,12 euros au titre de la remise en état des installations électriques du jardin

2 000 euros en réparation du préjudice moral

Condamne M. [C] [L] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. [C] [L] à payer à M. [N] [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/02282
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;23.02282 ?
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