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21/03/2024 | FRANCE | N°22/00279

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 21 mars 2024, 22/00279


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 21/03/2024





N° de MINUTE : 24/277

N° RG 22/00279 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UB47

Jugement (N° 19/00480) rendu le 16 Décembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lille





APPELANTS



Monsieur [C] [V]

né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 10] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]



SCI GDIC représentée par son Gé

rant Monsieur [C] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentés par Me Alexandre Demeyere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Christophe Delpla, avocat au barrea...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 21/03/2024

N° de MINUTE : 24/277

N° RG 22/00279 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UB47

Jugement (N° 19/00480) rendu le 16 Décembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lille

APPELANTS

Monsieur [C] [V]

né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 10] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

SCI GDIC représentée par son Gérant Monsieur [C] [V]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentés par Me Alexandre Demeyere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Christophe Delpla, avocat au barreau de Val d'Oise, avocat plaidant

INTIMÉE

SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège venant aux droits et obligations de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe par voie de fusion/absorption à effet du 1er mai 2017

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille substitué par Me Jacques-Eric Martinot, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 17 janvier 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 janvier 2024

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique reçu par Me [R], notaire à Bavay, le 2 mai 2012, la Caisse d'épargne Hauts de France venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe a consenti à la SCI GDIC, représentée par M. [C] [V] et Mme [U] [W], associés à hauteur de 50 % des parts chacun, un crédit immobilier d'un montant de 463'116,94 euros d'une durée de 20 ans, au taux de 3,950 %, aux fins d'acquisition d'un bien immobilier sis à [Localité 1], [Adresse 2].

En garantie de ce prêt, la banque a obtenu une inscription de privilège de vendeur et de prêteur de deniers, l'engagement de caution solidaire de M. [V] et Mme [W] à hauteur de 100 %, soit 602 052,02 euros en principal, intérêts et le cas échéant pénalités et intérêts de retard pour une durée de 288 mois, ainsi que la couverture pas l'assurance CNP Assurance à hauteur de 50 % par associé.

À raison de la mésentente entre les associés de la SCI et de la sortie prochaine de Mme [W], M. [V] s'est rapproché de la banque aux fins de solliciter la mainlevée du cautionnement donné par son associée.

Estimant que la banque avait manqué à ses obligations professionnelles dans le cadre de cette négociation, la SCI GDIC et M. [V] ont, par acte d'huissier en date du 16 novembre 2018, fait assigner la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France en justice afin de la voir condamnée à verser à la SCI la somme de 6 384 euros au titre du remboursement des intérêts payés à tort par elle, sauf à parfaire, et à verser à M. [V] la somme de 50'000 euros au titre de la perte financière, 10'000 euros en réparation de son préjudice moral, et 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens

Par jugement contradictoire du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

- débouté la SCI GDIC et M. [V] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum la SCI GDIC et M. [V] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SCI GDIC et M. [V] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile,

- débouté la société Caisse d'épargne et prévoyance Hauts de France de sa demande de dommages et intérêts.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 19 janvier 2022, M. [V] et la SCI GDIC ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2022, ils demandent à la cour au visa des articles 1104, 1240, 1241, 1242 et 1231-1et suivants du code civil de :

- déclarer M. [V] et la SCI GDIC recevables et bien fondés en leur appel,

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille du 16 décembre 2021 en ce qu'il a :

- débouté la SCI GDIC et M. [V] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum la SCI JD IC et M. [V] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SCI GDIC et M. [V] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile,

- débouté la société Caisse d'épargne et prévoyance Hauts de France de sa demande de dommages et intérêts.

statuant à nouveau,

- déclarer la SCI GDIC et M. [V] recevables et bien fondés en leurs demandes,

- en conséquence, condamner la Caisse d'épargne Hauts de France à verser à SCI GDIC la sommes de 8 208 euros au titre du remboursement des intérêts payés à tort par elle, sauf à parfaire,

- condamner la Caisse d'épargne Hauts de France à verser à M. [V] les sommes de :

- 50'000 euros au titre de la perte financière de M. [V],

- 10'000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la Caisse d'épargne Hauts de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la Caisse d'épargne Hauts de France aux entiers dépens.

L'appelant soutient essentiellement que la banque a manqué à son devoir de loyauté et de diligence au motif qu'il s'est écoulé plus de quatre années entre l'accord de la banque pour procéder à la levée du cautionnement de Mme [W] et la levée effective de celui-ci. Il ajoute qu'à supposer que les garanties exigées par la banque fussent légitimes, il avait rempli ses obligations financières et juridiques en versant 300 000 euros le 5 février 2016 et en acquérant les parts sociales de Mme [W] le 22 janvier 2016, en sorte que l'avenant du 5 octobre 2017 est particulièrement tardif, la banque ayant fait preuve d'un désintérêt, voire d'une intention dilatoire, caractérisant une faute professionnelle de sa part.

M. [V] soutient par ailleurs que la banque est revenue sur son accord du 30 octobre 2013 pour lui imposer des conditions financières exorbitantes et abusives, dont le remboursement du prêt à hauteur de 300 000 euros, conditions qui n'avaient pas été posée initialement pour la levée du cautionnement, et alors qu'elle disposaient déjà de solides garanties. Il ajoute qu'il était client historique de la Caisse d'épargne pour avoir contracté plusieurs emprunts avec elle et n'avait jamais failli à ses obligations de remboursement.

Il fait également grief à la banque, alors qu'elle avait donné son accord pour la révision du taux d'intérêt contractuel en proposant de fixer celui-ci à 1,60 % une fois l'avenant réalisé, de n'avoir n'a pas procédé à la révision de ce taux, en prenant acte du prétendu refus de M. [V] alors que ce n'était pas le cas, ce qui caractérise encore l'attitude déloyale de cette dernière.

Au titre son préjudice, M. [V] soutient qu'afin de répondre aux exigences injustifiées de la banque de verser la somme de 300 000 euros, il a été contraint de vendre à vil prix un immeuble lui appartenant personnellement sis à [Localité 8], et ainsi de se priver de ses revenus locatifs, et qu'à ce jour, la SCI ne bénéficie pas de la réduction du taux d'intérêt contractuel qui avait été convenu et qui devait s'appliquer sur la somme de 106 600 euros à compter du 5 mars 2016. Il soutient également que le comportement de la banque lui a causé un préjudice moral.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, la Caisse d'épargne Hauts de France demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 16 décembre 2021 sous le RG numéro 19/480,

y ajoutant,

- condamner la SCI GDIC et M. [V] à payer à la Caisse d'épargne Haut de France la somme de 2 500 euros pour procédure abusive,

- condamner la SCI GDIC et M. [V] à payer à la Caisse d'épargne Hauts de France la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La banque fait essentiellement valoir qu'elle n'a pas manqué à son devoir de diligence et de loyauté. Elle rappelle que le départ d'un associé ne met pas fin à la garantie qu'il a consenti et qu'elle n'était pas contrainte de procéder à la levée de l'engagement de caution de Mme [W] suite à son départ de la SCI GDIC ou la mésentente entre associés, la demande de mainlevée résultant d'une libre négociation entre la banque et l'emprunteur ; qu'elle a seulement marqué son accord de principe en octobre 2013 permettant d'ouvrir les négociations mais en aucun cas de procéder immédiatement à la mainlevée de la caution, les conditions de cette mainlevée restant à définir, puisqu'en abandonnant une garantie, elle étaient contrainte de revoir les garanties du prêt, de redéfinir les conditions d'assurance auprès de CNP Assurance, d'obtenir les justificatifs afférents à la cession de parts de la SCI GDIC et de sa nouvelle composition ; que les conditions proposées de l'avenant ont été acceptées par M. [V], qui pouvaient les refuser ; que la publication au Bodacc de la nouvelle composition de capital social de la SCI, les filles de M. [V] devenant associées avec leur père, n'est intervenue que le 16 mai 2017, ce qui permettra la signature de l'avenant le 20 octobre 2017.

La banque fait également valoir qu'elle n'a commis aucun manquement s'agissant de la révision du taux contractuel ; qu'elle avait indiqué à M. [V] qu'elle répondrait à la demande de renégociation du taux d'intérêt qu'une fois l'avenant définitif signé, cet avenant ne portant que sur la mainlevée de la caution et les nouvelles garanties.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour le surplus de leurs moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 8 janvier 2024.

MOTIFS

Sur la demande de dommages et intérêts

Suivant l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'

Il est rappelé que suivant acte authentique reçu par Me [R], notaire à [Localité 7], le 2 mai 2012, la Caisse d'épargne Hauts de France venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe a consenti à la SCI GDIC, représentée par M. [C] [V] et Mme [U] [W], associés à hauteur de 50 % des parts chacun, un crédit immobilier d'un montant de 463'116,94 euros d'une durée de 20 ans, au taux de 3,950 %, aux fins d'acquisition d'un bien immobilier sis à [Localité 1], [Adresse 2].

En garantie de ce prêt, la banque a obtenu une inscription de privilège de vendeur et de prêteur de deniers, l'engagement de caution solidaire de M. [V] et Mme [W] à hauteur de 100 %, soit 602 052,02 euros en principal, intérêts et le cas échéant pénalités et intérêts de retard pour une durée de 288 mois, ainsi que de l'assurance de CNP Assurances à hauteur de 50 % par associé.

Il résulte des pièces produites que :

- M. [V] s'est rapproché de la Caisse d'épargne Hauts de France afin d'obtenir la levée du cautionnement de Mme [W] compte tenu de la cession envisagée des parts de cette dernière dans la SCI GDIC, par courrier du 8 avril 2013.

- par mail du 30 octobre 2013, le Directeur d'agence de Lille Bettignies a écrit à M. [V] 'pour faire suite à nos échanges téléphoniques, je vous confirme que j'ai eu l'accord pour supprimer la caution sur le prêt de la SCI GDIC de Melle [W]. L'avenant du prêt accuse du retard du fait de la complexité technique de l'avenant. Je reviens vers vous dès que tout est validé.'

- par courrier du 1er juillet 2015, la Caisse d'épargne a précisé à M. [V] 'qu'afin de pouvoir étudier la levée de la caution, nous sommes toujours en attente des documents suivants :

- la copie de votre pièce d'identité,

- la copie de votre livret de famille,

- le justificatif de vos revenus actuels : les trois dernières fiches de paye, votre dernier avis d'imposition accompagnée des déclarations annexes de revenus fonciers,

- un justificatif de domicile de moins de trois mois,

- les trois derniers mois de relevé de vos comptes personnels détenus en dehors de la Caisse d'épargne Nord France Europe,

- les projets de cession de parts et de modifications des statuts.

À réception de ces documents, la demande de levée de caution Mme [W] sera étudiée, avec les réserves suivantes :

- le remboursement anticipé de votre prêt numéro 8166119 à hauteur de 300'000 euros,

- la cession effective départ de Mme [W] à votre profit,

Si accord il y a, il sera ensuite nécessaire de procéder au remboursement anticipé partiel de votre prêt puis à la levée de la caution.

Par ailleurs je vous précise que ce courrier est destiné à mettre un terme aux négociations qui concernent ce sujet. Seule la communication des pièces ci-dessous nous permettront de statuer sur votre demande.'

- Le 14 octobre 2015, la correspondante de la CENFE a établi une attestation aux termes de laquelle 'j'atteste avoir obtenu l'accord pour effectuer l'avenant suivant pour le prêt numéro 8166119 contracté par la SCI GDI : sortie de la caution de Mme [W] suite à la prise de la caution de M. [V] à 100 %, avec assurance CNP à 100 %, remboursement partiel de 300'000 euros, entrée des deux filles de M. [V] à raison d'une part chacune. La production des nouveaux statuts pourra engendrer la production finale de l'avenant de prêt (chiffrage des frais et indemnités selon la tarification vigueur).'

- Le remboursement partiel du prêt à hauteur de 300 000 euros est intervenu le 5 février 2016.

- L'acte de cession des parts de Mme [W] a été reçu par Me [S], notaire à Maubeuge, le 22 janvier 2016, constatant la démission de Mme [W] de ses fonctions de cogérante de la SCI GDI. L'attestation notariée établie le 12 septembre 2016 a été remise à la Caisse d'épargne fin septembre 2016. La publication au Bodacc des modifications et mutations a été réalisé le 15 et 16 mai 2017, avec enregistrement au RCS de Cannes le 27 juillet 2017.

- Le 5 octobre 2017, la banque a émis l'avenant final au contrat de crédit numéro 8166119, qui a été accepté le 20 octobre 2017 par M. [V], en qualité de gérant de la SCI GDIC et de caution. L'acte prévoit la caution de Monsieur [V] à hauteur de 100 %, la résiliation de l'assurance CNP de Mme [W], la substitution de l'assurance CNP 9882R DC PTIA ITT à hauteur de 50 % de M. [V] par l'assurance CNP 9882R DC PTIA à hauteur de 100 %, et la levée de cautionnement de Mme [W], avec une date d'effet au 5 mars 2016 et une premier échéance réaménagée au 5 avril 2016. Il est prévu 'qu'il n'est apporté aucune modification aux conditions et stipulations du contrat d'origine, lesquelles conservent leur plein effet, sans novation, ni dérogation, les parties voulant que le présent acte forme un tout avec celui précédemment signé'. Il n'est donc pas prévu de modification du taux d'intérêts contractuel.

M. [V] reproche à la banque le délai anormalement long qui s'est écoulé entre sa demande de mainlevée de la caution en 2013 et l'établissement de l'avenant en 2017. Il soutient qu'aucune condition financière n'était imposée lors de l'acceptation de la mainlevée de l'engagement de caution de M. [V] dans la réponse de la banque par mail du 30 octobre 2013, que ce courriel n'était en aucun cas une invitation à négocier, mais un engagement ferme de mainlevée de l'engagement de caution sans condition financière, impliquant que la banque acceptait de lever la caution et de procéder à la rédaction de l'avenant.

Il est rappelé que l'engagement de caution consenti par un associé d'une société civile immobilière subsiste après la cession de ses parts et la banque, qui n'est pas soumise à l'organisation de la dite société et n'est en aucun cas contrainte de procéder à la levée de l'engagement de caution suite au départ de l'associé, la mainlevée procédant d'une libre négociation entre la banque et son emprunteur ; que par ailleurs, le cautionnement de Mme [W] était l'une des garanties contractuelles conditionnant l'octroie du prêt à la SCI GDIC, l'acte notarié de prêt stipulant que 'le présent prêt a lieu sous les stipulations énoncées dans l'offre de prêt ci-dessus relatée, sous la condition de la réunion des garanties ci-après prévues et en outre, sous la charge et conditions établies par le prêteur et joins à ladite offre de prêt'.

Dès lors, l'abandon d'une telle garantie par la banque, modifiant l'économie du contrat de prêt, impliquait nécessairement de revoir l'ensemble des garanties qui y étaient attachées en examinant la proportionnalité de celles-ci au patrimoine de l'emprunteur. A ce titre, tant que la composition de la SCI n'était pas définitivement arrêtée et les actes finalisés, les filles de M. [V] devant entrer au capital de la SCI, la banque ne pouvait arrêter les garanties du prêt. Enfin, l'avenant définitif impliquait également de redéfinir les conditions d'assurance du prêt et la consultation de la compagnie CNP assurance. La cour observe que lorsque la banque fait valoir 'la complexité technique de l'avenant' dans son courriel du 30 octobre 2013, elle fait manifestement référence, sans les citer, à l'ensemble de ces difficultés dont la résolution était nécessaires à la mise en place de la mainlevée de la caution.

Aussi, le courriel de la banque du 30 octobre 2013, ne pouvait manifestement pas constituer un engagement ferme et définitif de mainlevée de l'engagement de caution de Mme [W] sans condition, ce que M. [V] n'a d'ailleurs jamais soutenu lors de la négociation et ses échanges ultérieurs avec la banque, mais, comme l'a relevé le premier juge, ne pouvait s'analyser qu'en un accord de principe jetant les bases d'une renégociation du prêt et de ses garanties, qui serait arrêtées au terme d'une avenant.

M. [V] ne conteste d'ailleurs pas qu'une discussion sur les conditions de sortie de Mme [W] a bien eu lieu avec la banque à la suite du courriel du 30 octobre 2013, comme le démontrent les échanges de mails ainsi que le courrier de la banque du 1er juillet 2015, qui précise qu'il est destiné à 'mettre un terme aux négociations', et par lequel la Caisse d'épargne exige la transmission de documents notamment financiers, à la réception desquels 'la demande de mainlevée de caution de Mme [P] sera étudiée avec les réserve suivantes : le remboursement anticipé de votre prêt à hauteur de 300 000 euros, et la cession effective des parts de Mme [W] à votre profit', conditions définitivement fixées par l'attestation d'accord du 14 octobre 2015.

Il est par ailleurs observé que la demande de mainlevée de l'engagement de caution de Mme [W], causée par son départ de la SCI GDIC, impliquait nécessairement la justification par M. [V] de la cession des parts de son associée, ainsi que celle du caractère définitif des nouveaux associés, pour permettre l'examen des garanties financières que chacun d'eux étaient en capacité d'apporter, ce que M. [V] n'ignorait pas, puisque par courrier du 13 avril 2015, il interrogeait la banque pour savoir si ses filles, qui deviendraient associées de la SCI à hauteur d'une part chacune, devraient se porter cautions solidaires du prêt, dans quelle proportion, et ce qu'il fallait faire pour éviter qu'elle ne le soient pas.

L'argument de M. [V] selon lequel la banque n'était pas contrainte de conditionner la levée de la caution à la cession de part de Mme [W], au motif que l'attestation d'accord avait été établie le 14 octobre 2015 antérieurement à la cession de parts en date du 22 janvier 2016 est inopérant dès lors que cette attestation du 14 octobre 2015 conditionnait justement l'établissement de l'avenant final à la production des nouveaux statuts de la SCI.

Il n'apparaît donc pas déloyal ou dilatoire que la banque ait exigé, avant d'établir l'avenant définitif, que M. [V] justifie de la cession de parts de Mme [W] et des nouveaux statuts de la SCI, ce qui supposait la finalisation des formalités auprès du bodacc et du greffe du tribunal.

M. [V] fait également grief d'avoir été contraint de renvoyer plusieurs dossiers auprès de CNP assurance pour la modification de l'assurance à 100 % sur sa tête, démontrant une mauvaise gestion de son dossier par la Caisse d'épargne.

Or, il résulte des éléments du dossier qu'afin que la modification de l'assurance à hauteur de 100 % sur la tête de M. [V] soit mise en place par CNP assurance, des examens médicaux complémentaires ont été réclamés par la compagnie d'assurance à celui-ci par courriers des 8 décembre 2016, l'invitant à prendre rendez-vous avec le docteur [X] à [Localité 9] et à effectuer des analyses médicales. Certes, ces courriers faisaient eux-même faisant référence à de précédents courriers du 16 novembre 2016 qui avaient été transmis par CNP assurance à la Caisse d'épargne, que M. [V] prétend ne pas avoir reçu de la banque. Toutefois, à supposer même qu'il y ait eu un défaut de transmission par la Caisse d'épargne du courrier de CNP assurance du 16 novembre 2016, le délai écoulé entre ces courriers et ceux reçus directement par M. [V] de CNP Assurance n'est que d'un mois, ce qui n'est pas préjudiciable.

Enfin, Si M. [V] a réglé la somme de 300 000 euros le 5 février 2016 et que la cession de parts est datée du 22 janvier 2016, l'attestation établie par Me [T] [S], notaire qui a reçu l'acte de cession de parts et de démission de Mme [W] de ses fonctions de co-gérante établie le 12 septembre 2016 ne sera remise à la banque que fin septembre 2016 à la banque, ce qui n'est pas contesté par l'appelant.

De plus, les formalités de publication des modifications des statuts et mutations diverses au Bodacc n'ont été réalisées que le 6 mai 2017, le délai écoulé à ce titre n'étant pas imputable à la banque.

En conséquence, au regard de la négociation qui s'est ouverte entre les parties qui a duré à tout le moins deux ans (2013/2015), de la mise en place de l'assurance par CNP assurance compliquée par la demande d'examen médicaux complémentaires, de l'exécution par M. [V] des l'ensemble des conditions de l'accord, des modifications statutaires définitives et de leur publicité nécessitant l'intervention d'un notaire, l'établissement de l'avenant le 5 octobre 2017 n'apparaît pas tardif.

M. [V] fait également grief à la banque d'avoir été déloyale en imposant pour la mainlevée du cautionnement de Mme [W] des conditions exorbitantes au regard des garanties existantes, notamment d'avoir exigé le remboursement de la somme de 300 000 euros non prévu dans le mail du 30 octobre 2013, alors que la banque bénéficiait déjà d'un privilège de prêteur de deniers sur le bien immobilier, de la caution personnelle de M. [V] et d'une hypothèque sur un bien personnel immobilier sis à [Localité 8] d'une valeur de 400 000 euros. L'appelant soutient que les exigences nouvelles de la banque l'ont contraint à vendre à vil prix l'immeuble sis à [Localité 8], qui lui rapportait des revenus locatifs d'un montant mensuel de 12 063,75 euros.

Cependant, ainsi que vu supra, le courriel du 30 octobre 2013 ne comportait pas l'engagement de lever la caution de Mme [W] sans aucune condition.

En outre, il ne résulte d'aucune élément du dossier que lorsque le remboursement de la somme de 300 000 euros a été exigé par la banque, la SCI GDIC et son gérant aient émis une quelconque objection, voire un refus, M. [V] ayant au contraire fait le nécessaire pour obtenir cette somme par la vente de immeuble personnel sis à [Localité 8] en février 2016.

Les conditions et garanties contenues dans l'attestation du 14 octobre 2015 restaient en effet soumises à la libre acceptation de la SCI et de son associé, qu'il leur était loisible de refuser, observation étant faite que dans le cadre des négociations d'autres garanties avaient été envisagées comme le nantissement d'un contrat d'assurance vie, M. [V] ayant finalement préféré la vente d'une de son bien immobilier sis à [Localité 8] et aucun élément ne permettant de constater que la banque l'y aurait contraint.

Il apparaît également, comme l'a relevé le premier juge, que le prêt litigieux n°8160619 ne mentionne pas l'inscription d'hypothèque, voire de privilège de prêteur de deniers sur le bien personnel de M. [V] sis à [Localité 8], et que l'inscription valable sur ce bien jusqu'en mai 2016, ne pouvait , de part sa seule existence, constituer une garantie pour le recouvrement d'un autre financement portant sur l'immeuble sis à [Localité 1].

Le grief de ce chef n'est donc pas fondé.

M. [V] fait enfin grief à la banque de n'avoir pas révisé le taux du prêt litigieux n° 8160619, révision qu'il aurait demandé lorsqu'il a été informé que la levée du cautionnement de l'associée sortant était conditionnée au remboursement de la somme de 300 000 euros. Il ajoute que la Caisse d'épargne a donné son accord pour la révision du taux à hauteur de 1,60 % soit une réduction de 2,35 % du taux initial, qui aurait du être appliquer à compter du 5 mars 2016 prévue à l'avenant du 20 octobre 2017.

La cour constate que le courrier du 1er juillet 2015 et l'attestation du 14 octobre 2015 de la banque fixant les conditions du futur avenant, ne contiennent aucune disposition quant à une modification du taux d'intérêt contractuel, l'avenant précisant : 'il n'est apporté aucune modification aux conditions et stipulation du contrat d'origine, lesquelles conservent leur plein effet, sans novation, ni une dérogation, les parties voulant que le présent acte forme un tout avec celui précédemment signé' ;

que la banque a informé M. [V] par mail du 6 janvier 2017, que, comme il lui avait déjà été indiqué 'je pourrai répondre à votre demande de renégociation (du taux) une fois l'avenant de crédit réalisé.' La réponse de la banque était sans ambiguïté, et ne peut s'analyser comme l'acceptation ferme d'un nouveau taux, au surplus indéterminé ;

Que postérieurement à la signature de l'avenant final du 20 octobre 2017, le 27 décembre 2917, conformément à ses engagements, la Caisse d'épargne a proposé à M. [V] un taux contractuel de 1,60 %, avec prise d'effet au 5 mars 2018.

Il n'est pas contestable que par courriel du 9 janvier 2018, M. [V] a refusé cette proposition en demandant 'à bénéficier du taux correspondant et en vigueur au 5 février 2016, date du remboursement, ce service ayant fait l'objet d'une facturation et non à la date de votre proposition du 27/12/2017 (...) Son effet rétroactif au 5 février 2016 portant sur les 24 échéances du 05/02/2016 au 05/03/2017(...)'.

Ce dernier précise avoir refusé la proposition au motif que la prise d'effet était au 5 mars 2018, alors qu'elle aurait dû être la même que celle de l'avenant du 20 octobre 2017, soit au 5 mars 2016.

Toutefois, l'avenant du 20 octobre 2017 signé entre les parties ne comportait pas de modification du taux d'intérêt, et il ne ressort d'aucun élément du dossier qu'il avait été convenu de faire rétroagir la révision du taux à la date d'application de l'avenant, la banque ayant au contraire expressément indiqué à M. [V] que la révision du taux serait étudiée après la signature de l'avenant.

La banque a pris acte du refus de M. [V] par courriel du 11 janvier 2018, ce qui ne peut lui être reproché.

Dès lors le grief fait à la banque de ce chef n'est pas fondé.

L'appelant n'apportant pas la preuve d'un comportement fautif de la banque ou d'un manquement à ses obligations contractuelles dans le cadre de la négociation et la mise en place de l'avenant au contrat de prêt, il y a lieu de confirmer le jugement et de le débouter de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusif

En application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice du droit d'agir en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.

En l'espèce, la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France ne démontre pas en quoi M. [V] a fait dégénérer son droit d'agir en justice en abus de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la banque de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V], qui succombe, sera condamné aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de le condamner à verser à la banque la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne M. [C] [V] à verser à la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [C] [V] aux dépens d'appel.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 22/00279
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;22.00279 ?
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