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14/03/2024 | FRANCE | N°22/02890

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 14 mars 2024, 22/02890


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 14/03/2024





****





N° de MINUTE : 24/94

N° RG 22/02890 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKWT



Jugement (N° 20/03465) rendu le 26 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune





APPELANTE



Compagnie d'assurance Macif

[Adresse 4]

[Localité 9]



Représentée par Me Jérémie Chabe, avocat au barreau de Béthune,

avocat constitué





INTIMÉES



Madame [C] [P] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représentée par Me Sébastien Habourdin, avocat au bar...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 14/03/2024

****

N° de MINUTE : 24/94

N° RG 22/02890 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKWT

Jugement (N° 20/03465) rendu le 26 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

Compagnie d'assurance Macif

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Jérémie Chabe, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [C] [P] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentée par Me Sébastien Habourdin, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

Madame [N] [B]

née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Jérôme Delbreil, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/006651 du 29/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivia Druart, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 13 septembre 2023 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024 après prorogation du délibéré en date du 16 novembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 juillet 2023

EXPOSE DU LITIGE

. Les faits et la procédure antérieure :

Le 31 janvier 2016, Mme [C] [P] a chuté en sortant de la maison de Mme [N] [B] dans l'allée privative de cette dernière.

Par ordonnance du 16 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Béthune a ordonné une expertise médicale de Mme [P] et a confié la mission au docteur [G] [H].

L'expert a rendu son rapport définitif le 4 juillet 2020.

Par actes des 22, 23 et 26 octobre 2020, Mme [P] a fait assigner Mme [B], la compagnie d'assurance Macif et la Caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois (Cpam de l'Artois) aux fins, notamment, de voir déclarer Mme [B] responsable de son accident et de la voir condamner solidairement avec son assureur la Macif à réparer le préjudice en découlant.

. Le jugement :

Par jugement contradictoire du 26 avril 2022, le tribunal judiciaire de Béthune a :

- déclaré Mme [B] entièrement responsable de l'accident dont a été victime Mme [P] le 31 janvier 2016 ;

et en conséquence, condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à Mme [P] les sommes suivantes, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

. 37,80 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

. 462 euros au titre des frais divers restés à charge relativement à la tierce personne temporaire ;

. 7 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

. 5 232 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

. 6 000 euros au titre des souffrances endurées ;

. 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

. 600 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à la CPAM de l'Artois les sommes suivantes, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

. 6 286,77 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

. 6 200,13 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles ;

. 676,69 euros au titre des dépenses de santé futures ;

condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à Mme [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à la Cpam de l'Artois la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à la Cpam de l'Artois la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

condamné in solidum Mme [B] et la Macif aux dépens de l'instance outre ceux de référé en ce compris les frais d'expertise et dont distraction au profit de Me Habourdin conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

. La déclaration d'appel :

Par déclaration adressée par la voie électronique le 15 juin 2022, la Macif a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions, la Macif, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1242 du code civil, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Mme [B] et à son encontre ;

la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

débouter Mme [P] de sa demande d'indemnisation au titre :

. du préjudice professionnel avant consolidation ;

. de frais de logement adapté post-consolidation ;

. de l'incidence professionnelle post-consolidation ;

réduire l'indemnisation de Mme [P] et dire les offres d'indemnisation satisfactoires pour :

. l'indemnisation des souffrances endurées à hauteur de 5 000 euros ;

. l'indemnisation du préjudice temporaire à hauteur de 300 euros ;

. l'indemnisation du préjudice esthétique permanent à hauteur de 500 euros ;

la condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses conclusions, elle fait valoir que :

c'est à tort que le tribunal judiciaire a estimé que l'anormalité de la chose était caractérisée alors que le caractère glissant d'une dalle à la suite d'un épisode pluvieux relève de l'évidence ;

il appartenait à Mme [P] d'adapter son comportement au chemin qu'elle empruntait ;

l'anormalité de la chose ne résulte pas du seul défaut d'entretien ;

sur le préjudice professionnel, Mme [P] ne verse aucun justificatif concernant les pertes de primes qu'elle allègue ;

sur les frais de logement adapté post-consolidation, Mme [P] ne présente aucune séquelle de l'accident, de sorte que le choix de son logement ne peut être en rapport avec une incapacité quelconque ;

sur l'incidence professionnelle post-consolidation, Mme [P] n'a pas démontré de lien de causalité entre le syndrome anxiodépressif qu'elle affirme avoir développé et son accident du 31 janvier 2016, ni le rapport entre la renonciation au poste de superviseur et ce même accident.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2022, Mme [B], intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa de l'article 1242 du code civil, de :

dire mal jugé, bien appelé ;

infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune ;

Statuant à nouveau,

débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle et la MACIF ;

la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

débouter Mme [P] de sa demande d'indemnisation au titre :

. du préjudice professionnel avant consolidation ;

. des frais de logement adapté post-consolidation ;

. incidence professionnelle post-consolidation ;

- réduire l'indemnisation de Mme [P] et dire les offres satisfactoires pour :

. l'indemnisation des souffrances endurées à hauteur de 5 000 euros ;

. l'indemnisation du préjudice temporaire à hauteur de 300 euros ;

. l'indemnisation du préjudice esthétique permanent à hauteur de 500 euros ;

la condamner aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses conclusions, elle fait valoir que l'anormalité de la dalle ne peut résulter de son caractère glissant, dû à la pluie et la présence de mousse et il appartenait à Mme [P] d'adapter son comportement au chemin emprunté.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, Mme [P], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

déclarer la MACIF mal fondée en son appel ;

la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;

confirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes au titre des frais d'adoption de son logement et du préjudice professionnel avant consolidation et a condamné la MACIF et Mme [B] à lui payer les sommes suivantes :

. 7 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

. 6 000 euros au titre des souffrances endurées ;

. 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

. 600 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

Statuant à nouveau sur ces points,

condamner in solidum la Macif et Mme [B] à lui payer les sommes de :

.1 358,57 euros au titre du préjudice professionnel avant consolidation ;

. 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle post-consolidation ;

. 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;

. 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

. 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

. 6 000 euros au titre des frais d'adaptation de son logement ;

débouter Mme [B] et la Macif de leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner solidairement Mme [B] et la Macif à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;

condamner solidairement Mme [B] et la Macif aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise ainsi que les frais liés à la procédure de référé, dont distraction au profit de Me Sébastien Habourdin, membre de la SCP Capelle-Habourdin-Lacherie, avocat aux offres de droit qui pourra les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses conclusions, elle fait valoir que :

l'allée de Mme [B] était en mauvais état, en raison d'un défaut d'entretien, ce qui caractérise une faute de sa part ;

la dalle présentait un caractère anormalement glissant, résultant de la pluie et de la présence de mousse ;

elle était enceinte au moment de fait et a donc adopté un comportement prudent qui n'a pas empêché la survenance de l'accident ;

s'agissant des frais de logement adapté, elle a dû, avec son époux, choisir d'acquérir un logement de plain-pied compte tenu des difficultés qu'elle rencontrait depuis l'accident pour se déplacer, ce qui a généré un surcoût ;

s'agissant de l'incidence professionnelle, l'accident a interrompu la formation qu'elle suivait et qui aurait permis une évolution de son poste, sa perte de confiance et sa dépression l'ont contrainte à renoncer au poste de superviseur et à une augmentation de 200 euros de son salaire mensuel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 avril 2023, la Caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1242 du code civil, 376-1 du code de la sécurité sociale, de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion, de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

. déclaré Mme [B] entièrement responsable de l'accident dont a été victime Mme [P] le 31 janvier 2016 ;

. condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à la CPAM de l'Artois les sommes suivantes, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision :

. 6 286,77 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

. 6 200,13 euros au titre des pertes de gains professionnels actuelles ;

. 676,69 euros au titre des dépenses de santé futures ;

- condamné in solidum Mme [B] et la Macif, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, à payer à la CPAM de l'Artois la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

condamné in solidum Mme [B] et la Macif aux dépens de l'instance outre ceux de référé en ce compris les frais d'expertise et dont distraction au profit de Me Habourdin conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

par appel incident, infirmer le jugement en ce qu'il a condamné au paiement des sommes mentionnées « outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision »

Statuant à nouveau,

condamner in solidum Mme [B] et la Macif à lui payer les sommes suivantes :

. 6 286,77 € au titre des dépenses de santé actuelles ;

. 6 200,13 € au titre des pertes de gains professionnelles actuels ;

. 676,69 € au titre des dépenses de santé futures

avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2021, date de signification de la première demande ;

Y ajoutant, par effet dévolutif,

ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 9 mars 2021, subsidiairement du jugement de première instance ;

condamner solidairement Mme [B] et la Macif au paiement de la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

condamner solidairement Mme [B] et la Macif à lui payer la somme de 2 000 euros en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

débouter Mme [B] et la Macif de leurs demandes plus amples et/ou contraires aux présentes.

A l'appui de ses conclusions, elle fait valoir que :

la dalle, malgré son inertie, a joué un rôle causal car elle était anormalement glissante ;

cette anormalité résulte du défaut d'entretien de l'allée, qui a conduit à la prolifération de mousse ;

Mme [B] et la Macif ne démontrent aucune faute de la part de Mme [P] alors qu'elle était enceinte et donc prudente dans ses déplacements.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 3 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité du gardien de la chose :

Aux termes de l'article 1384 alinéa 1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1242 alinéa 1er du même code, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Pour engager la responsabilité civile du gardien, il incombe à la victime d'établir à la fois l'anormalité de la chose et le lien de causalité entre cette anormalité et le dommage qu'elle a subi.

Lorsque la chose est par nature immobile, la preuve qu'elle a participé de façon incontestable et déterminante à la production du préjudice incombe à la victime qui doit démontrer que la chose, malgré son inertie, a eu un rôle causal et a été l'instrument du dommage, en quelque manière et ne fût-ce que pour partie, par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa fabrication, sa solidité ou sa position.

Sur ce,

A l'appui de ses prétentions, Mme [P] produit une série de pièces :

sa déclaration de sinistre datée du 31 août 2018, dans laquelle elle indique qu'en sortant du domicile de sa tante, Mme [B], elle a « glissé sur son allée en béton. Le sol était glissant à cause de la pluie et présence de mousse au sol ».

une attestation de sa mère datée du 15 mars 2018, indiquant qu'au 31 janvier 2016 l'allée était « très glissante à cause de la mousse présente sur le sol », précisant qu'elle-même a glissé en se claquant la tête. Elle ajoute que les pompiers ont constaté également que le sol était « hyper glissant », ayant invectivé Mme [B] en lui enjoignant de nettoyer très rapidement les dalles.

une attestation de son époux datée du 14 mars 2018, qui indique que Mme [P] a glissé « devant lui sur un sol anormalement glissant de l'allée recouverte par endroit d'une espèce de mousse verte ». Il ajoute que sa belle-mère a également glissé en venant en aide à Mme [P]. Il indique que l'un des pompiers a failli tomber lors de l'intervention.

Pour autant, outre que ces attestations émanent des proches de Mme [P] et qu'elles ont été établies plus de deux ans après les faits litigieux, leurs termes ne sont d'une part pas confirmés par Mme [B] elle-même ou par les pompiers et ne sont d'autre part pas objectivés par des constatations réalisées de façon contemporaine à la chute.

A cet égard, Mme [B] a établi une attestation datée du 2 mars 2019, à la demande du conseil de Mme [P], dont il résulte exclusivement que sa nièce a chuté en sortant de son domicile sur « l'allée rendue glissante par la pluie et s'est cassée la jambe ». La seule circonstance que Mme [B] avait signé la déclaration de sinistre rédigée par Mme [P] ne vaut pas approbation sans réserve des termes d'un document établi exclusivement par cette dernière.

A l'inverse, dans sa propre attestation, Mme [B] n'apporte aucune indication sur la présence de mousse, alors qu'en outre :

la photographie non datée des lieux (pièce 1 Mme [P]) ne permet pas d'objectiver une telle présence à l'endroit indiqué d'une croix : au contraire, cette photographie ne révèle aucune coloration particulière du sol ; aucun procès-verbal d'huissier de justice n'a été établi pour permettre de connaître l'état des lieux à une date proche de la chute de Mme [P].

l'allégation d'une réfaction ultérieure de l'allée litigieuse est indifférente, alors que l'anormalité invoquée par Mme [P] ne concerne que son caractère glissant, et non des défauts structurels ayant nécessité une reprise, tels qu'un défaut de planéité. En tout état de cause, l'existence d'une anormalité ayant pu affecter les dalles ainsi retirées ne peut être déduite de la réalisation de tels travaux postérieurs.

Si le Sdis 62 a confirmé être intervenu le 31 janvier 2016 au domicile de Mme [B] pour une personne ayant chuté de sa hauteur et blessée à la jambe, cette attestation ne comporte toutefois aucun élément confirmant tant la présence de mousse dans l'allée que la quasi-chute d'un des pompiers ou le reproche adressé à Mme [P] de ne pas entretenir les lieux.

La circonstance que la Macif invoque que la propriétaire n'est tenue à aucune obligation d'entretien ne s'analyse enfin pas comme un aveu de la présence d'une telle mousse et de son rôle dans la chute de Mme [P].

L'anormalité du sol qui résulterait de sa glissance imputable à une présence de mousse sur les dalles de l'allée n'est ainsi pas établie par Mme [P].

Par ailleurs, la circonstance que le sol était mouillé par la pluie constitue un fait constant, dès lors que la Macif fait précisément valoir qu'« une dalle située en extérieur soit glissante à cause de la pluie relève d'une évidence ».

Pour autant, l'anormalité du sol ne peut résulter de la seule circonstance qu'il était mouillé au moment de la chute : sur ce point, Mme [P] n'établit pas que les dalles elles-mêmes étaient inaptes à servir de revêtements extérieurs à une allée exposée aux intempéries. La nature et les qualités des dalles équipant l'allée lors des faits litigieux sont en réalité inconnues, alors que la réalisation de travaux ultérieurs ne permet plus de procéder à une quelconque investigation pour rechercher un éventuel défaut constitutif d'une anormalité de cette chose.

Dans ces conditions, la responsabilité de Mme [B] du fait de la chose placée sous sa garde n'est pas établie. En sa qualité d'assureur de responsabilité civile de Mme [B], la Macif n'a par conséquent aucune obligation d'indemniser les conséquences dommageables de la chute de Mme [P].

Le jugement critiqué est par conséquent réformé en toutes ses dispositions principales.

Tant Mme [P] que la Cpam sont par conséquent déboutées de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de Mme [B] et de la Macif.

Sur les dispositions annexes :

Le sens du présent arrêt conduit d'une part à réformer le jugement critiqué au titre des dépens et frais irrépétibles exposés en première instance, et d'autre part à condamner Mme [P] aux entiers dépens d'appel, et à payer respectivement à la Macif et à Mme [B] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement rendu le 26 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;

Et statuant à nouveau sur les chefs réformés :

Dit que la responsabilité de Mme [N] [B] du fait de la chose placée sous sa garde n'est pas engagée ;

Dit que la Macif n'a par conséquent aucune obligation d'indemniser les préjudices subis par Mme [C] [P] épouse [M] et par la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ;

Déboute par conséquent Mme [C] [P] épouse [M] et la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de Mme [N] [B] et de la Macif ;

Condamne Mme [C] [P] épouse [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne Mme [C] [P] épouse [M] à payer respectivement à Mme [N] [B] et à la Macif la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés tant en première instance qu'en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02890
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.02890 ?
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