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14/03/2024 | FRANCE | N°22/02745

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 14 mars 2024, 22/02745


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 14/03/2024





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N° de MINUTE :

N° RG 22/02745 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKEZ



Jugement (N° 19/00175) rendu le 23 mai 2022 par le tribunal de commerce de Douai

Ordonnance de jonction avec le RG 22/3435 rendue le 5 octobre 2023 par la cour d'appel de Douai





APPELANT

INTIMÉ dans le dossier 22/3435



Monsieur [S] [C]>
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 8]

de nationalité française

demeurant [Adresse 5]



représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Cha...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 14/03/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/02745 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKEZ

Jugement (N° 19/00175) rendu le 23 mai 2022 par le tribunal de commerce de Douai

Ordonnance de jonction avec le RG 22/3435 rendue le 5 octobre 2023 par la cour d'appel de Douai

APPELANT

INTIMÉ dans le dossier 22/3435

Monsieur [S] [C]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 8]

de nationalité française

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Charles-Stéphane Marchiani, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

APPELANTES dans le dossier 22/3435

SA Banque Cic Nord Ouest agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au sièg sociale

ayant son siège social, [Adresse 4]

représentée par Me Cathy Beauchart, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué

SELARL Yvon Périn et [G] [K] représentée par Me [G] [K] en qualité de liquidateur de la Sté Postre & co

ayant son siège social, [Adresse 2]

défaillante à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 18 octobre 2022 (remise à personne habilitée)

DÉBATS à l'audience publique du 12 décembre 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2023

****

FAITS ET PRETENTIONS

Par acte sous seing privé du 17 juillet 2014, la banque CIC Nord-Ouest (la banque CIC) a consenti à la SARL Magasin Ruiz un prêt professionnel d'un montant de 230 000 euros, destiné à financer l'achat de matériel et agencement.

M. [C] s'est porté caution personnelle et solidaire dans la limite de 276 000 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 107 mois.

Par acte sous seing privé du 8 avril 2015, la banque a consenti à la SAS Glaces Ruiz un prêt professionnel d'un montant de 210 000 euros destiné à financer la création d'un nouveau magasin sous l'enseigne 'Glaces Ruiz du [Adresse 9]' à [Localité 6].

M. [C] s'est porté caution personnelle et solidaire dans la limite de 210 000 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 107 mois.

Par acte sous seing privé du même jour, la banque a consenti à la SAS Glaces Ruiz un prêt professionnel d'un montant de 120 000 euros, destiné à financer la création d'un nouveau magasin sous l'enseigne 'Glaces Ruiz' dans le marché couvert de [Adresse 10] à [Localité 7].

M. [C] s'est également porté caution personnelle et solidaire dans la limite de 120 000 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 107 mois.

Courant 2018, la banque a constaté des incidents de paiement sur chacun de ces trois prêts, la conduisant à prononcer la déchéance du terme le 30 juillet 2018.

Par courriers du 18 septembre 2018, tant le débiteur des prêts que la caution ont été une nouvelle fois mis en demeure de régler. Ce courrier a été réitéré le 18 octobre 2018.

Par acte du 21 janvier 2019, la banque a assigné la société Postre & co, venant aux droits des sociétés SARL Magasin Ruiz et Glaces Ruiz, ainsi que la caution devant le tribunal de commerce de Douai.

La société Postre & co a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire et en premier ressort du 23 mai 2022, le tribunal :

- a fixé la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de la société Postre & co aux sommes de :

- 767,21 euros au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX03]
- 152.491,53 euros au titre du prêt de 210.000 euros,

- 87.138,03 euros au titre du prêt de 120.000 euros,

- 143.813,49 euros au titre du prêt de 230.000 euros,

- s'est déclaré compétent pour connaître des prétentions à l'égard de la caution, M. [C] mais les a déclaré irrecevables en ce qui concerne l'acte de cautionnement concernant les créances de la société Magasin Ruiz.

- a condamné M. [C], en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Postre & co, à payer à la banque la somme de 152 491,53 euros au titre du prêt de 210 000 euros souscrit par la société Glaces Ruiz le 8 avril 2015, outre intérêts contractuels à compter du 30 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement, dans la limite de 210 000 euros, outre la somme de 87 138,03 euros au titre du prêt de 120 000 euros souscrit par la société Glaces Ruiz le 8 avril 2015, outre intérêts contractuels à compter du 30 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement dans la limite de 120 000 euros;

- a débouté M. [C] de ses demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 7 juin 2022, M. [C] a interjeté appel en critiquant les chefs de la décision ayant déclaré la juridiction compétente pour connaître des demandes effectuées à son encontre au titre du cautionnement des créances la société Glaces Ruiz et l'ayant condamné de ces chefs.

Par déclaration du 13 juillet 2022, la banque CIC a interjeté appel des chefs du jugement l'ayant déclaré irrecevable en ses prétentions à l'égard de la caution et débouté de ses demandes plus amples ou contraires.

Une jonction des instances a été ordonnée le 5 octobre 2023.

PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 janvier 2023, M. [C] demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1844-5 du code civil dans leur version applicable à l'espèce, de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la banque irrecevable en ses prétentions à son égard en qualité de caution de la société Magasin Ruiz ;

- statuant à nouveau sur les autres chefs du jugement entrepris contre lesquels il n'a pas été interjeté appel par la banque et contre lesquels il forme appel incident, au visa de l'article 909 du code de procédure civile, et de l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce ;

-infirmer le jugement pour le surplus ;

- par l'effet dévolutif de l'appel :

- juger manifestement disproportionnés les engagements de caution souscrits à l'occasion des prêts du 8 avril 2015 accordés par la banque à la société Postre & co ;

- juger que la banque ne peut se prévaloir desdits engagements de caution ;

- débouter la banque de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la banque à une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 mars 2023, la banque CIC demande à la cour, au visa des anciens articles 1134 et suivants du code civil ; des articles 2287-1 et suivants du même code, de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en ses prétentions à l'égard de M. [C], en qualité de caution de la société Magasin Ruiz

Statuant à nouveau de ce chef,

- la déclarer recevable en ses prétentions à l'égard de M. [C], en qualité de caution de la société Magasin Ruiz ;

- le condamner au paiement de la somme de 143.813,49 euros sur le prêt de 230.000 euros, outre intérêts contractuels à compter du 30 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [C] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers frais et dépens.

MOTIVATION

I - Sur les demandes au titre du prêt du 17 juillet 2014

M. [C] fait observer que ce prêt a été accordé à la société Magasin Ruiz, laquelle est une société distincte de la société Postre & co, qui n'est pas venue aux droits de cette dernière société et n'a pas repris à son compte ce prêt.

Il précise avoir donné son cautionnement en faveur de la société Magasin Ruiz et s'oppose à l'argumentation de la banque selon laquelle la transmission universelle du patrimoine de la société Magasin Ruiz à la SAS Dagniaux aurait entraîné la transmission du prêt et donc la transmission également de son obligation de remboursement en qualité de caution. Seule l'obligation de règlement peut demeurer.

Il souligne que le prêt du 17 juillet 2014 a donc été repris à son compte par la société Dagniaux, et relativement à ce prêt il est devenu caution de cette seule société, laquelle n'a jamais fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société Postre & co.

Il observe qu'en aucun cas le transfert du fonds de commerce de la société Dagniaux à la société Glaces Ruiz, alias Postre & co n'a eu pour effet de transférer à celle-ci l'obligation de remboursement du prêt contracté par la société Magasin Ruiz, ni a fortiori, l'engagement de caution solidaire.

Il ajoute que l'argumentation de la banque selon laquelle aucune contestation n'aurait été élevée dans le cadre de la procédure de contestation de la déclaration de créance est inopérante, dès lors qu'il s'agit d'instances distinctes et que l'existence d'un cautionnement et le lien obligataire entre la caution et la banque n'est pas en litige dans le cadre de cette procédure spécifique.

La banque CIC Nord-ouest expose que la chaîne de transmission des obligations est parfaitement établie. Le prêt a effectivement été accordé à la société Magasin Ruiz, ladite société ayant été dissoute suite à la réunion de toutes les parts sociales composant son capital entre les mains de la société Dagniaux. Cette dissolution a été publiée au Bodacc le 16 septembre 2014, entraînant une transmission universelle du patrimoine à la SAS Dagniaux sans liquidation, et donc la transmission du prêt et de l'obligation de remboursement de ce dernier. La SAS Glaces Ruiz a elle-même acquis le fonds de commerce de la société Dagniaux, ce qui a engendré le transfert de la charge du remboursement du prêt, la société Glaces Ruiz ayant par la suite changé de dénomination sociale au profit de la société Poly Glaces puis de la société Postre & co.

La banque souligne que sa créance déclarée dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Postre & co n'a fait l'objet d'aucune contestation et a été admise.

Elle estime que c'est à tort que le tribunal a retenu une novation des engagements de la caution, la transmission universelle ne répondant pas au critère imposé pour qu'existe une novation, à savoir une extinction d'une ancienne obligation avec la création d'une nouvelle.

Se fondant sur le caractère accessoire du cautionnement à la créance, elle se prévaut d'un transfert et du fait que le débiteur ne peut invoquer le changement de débiteur pour mettre fin à son obligation de garantie.

Elle souligne que M. [C] méconnaît les règles également applicables en matière de rachat de fonds de commerce. Elle souligne qu'elle n'avait aucune raison de faire valoir un quelconque droit d'opposition ou de prétendre à un remboursement anticipé de sa créance en l'absence d'impayés ou de prononcé de la déchéance du terme.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 2292 du code civil, dans sa rédaction applicable au cautionnement souscrit le 17 juillet 2014, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès et on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Le cautionnement a un caractère accessoire, la caution s'engageant à payer la dette du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci. La validité du cautionnement, son étendue, les conditions de son exécution, ou encore son extinction sont déterminées par l'obligation du débiteur principal.

Il convient de rappeler que le cautionnement est attaché à la dette principale garantie, la considération de la personne du créancier n'ayant qu'une influence limitée, sauf si les parties l'ont expressément stipulée.

Il est de principe que la novation emporte extinction des sûretés, sauf les hypothèses dans lesquelles l'intéressé manifeste sa volonté de garantir la nouvelle dette. Pour que la caution soit libérée, il doit exister un changement suffisant d'objet ou de débiteur notamment et une volonté d'éteindre l'ancienne obligation par la création d'une nouvelle.

Il convient de rappeler qu'il appartient à la caution d'établir l'existence des deux conditions précitées, la novation ne se présumant pas.

En l'espèce, la société Magasin Ruiz a souscrit auprès de la banque CIC un prêt d'un montant de 230 000 euros par acte sous seing privé du 17 juillet 2014.

Par engagement du même jour, son gérant, M. [C] a garanti cette dette principale en se « portant caution de Magasin Ruiz dans la limite de la somme de 276 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 107 mois et en [s'] engageant à rembourser au préteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si magasin Ruiz n'y satisfait(ont) pas lui (eux)même ».

Il a renoncé aux bénéfices de discussion et de division et s'est obligé solidairement avec la société Magasin Ruiz.

Les termes mêmes de l'engagement de cautionnement ci-dessus reproduit permettent de constater que l'identité du débiteur est bien entrée dans le champ contractuel, puisqu'il est expressément spécifié un engagement en faveur de la société Magasin Ruiz.

En outre, il ressort des pièces du dossier que, par décision de son associée unique du 23 juin 2014, la dissolution de la société Magasin Ruiz est intervenue à compter du 1er janvier 2014, cette dissolution entraînant la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, la société Dagniaux, sans qu'il y ait lieu à liquidation.

Si indéniablement un changement de débiteur est établi par cette transmission universelle, M. [C] ne contestant pas l'existence d'une transmission de la dette principale à cette nouvelle entité ainsi que le maintien de la sûreté personnelle au profit de cette dernière, il n'en est pas de même pour la transmission de cette sûreté au profit de la société Postre et co qui viendrait aux droits de la société Glaces Ruiz, anciennement dénommé PolyGlaces, laquelle viendrait elle-même aux droits et obligations de la société Dagniaux, selon la banque.

Or, la société Glaces Ruiz a uniquement acquis pour le prix de 290 000 euros le fonds de commerce détenu par la société Dagniaux, ladite cession n'emportant pas, par principe, transmission des créances et des dettes, sauf stipulation contraire, ce qui n'est pas en l'espèce établi.

En conséquence, compte tenu des termes même de l'engagement souscrit, qui porte identification précise du débiteur à l'égard duquel la caution s'est engagée, et de l'absence de toute transmission prouvée de l'engagement de prêt et surtout de transmission de la sûreté, acceptée par M. [C] au profit du nouveau détenteur du prêt, la demande présentée par la banque à l'encontre de M. [C], sur le fondement du cautionnement souscrit le 17 juillet 2014, est irrecevable.

La décision des premiers juges est confirmée de ce chef.

II - Sur la disproportion des engagements de cautionnements de M. [C]

M. [C] expose que des fiches patrimoniales ont été produites pour contrer son argumentation relative à une disproportion des engagements de cautionnements souscrits au titre des prêt du 17 juillet 2014 et du 8 avril 2015, mais que l'appréciation effectuée par les premiers juges de ces dernières est mal fondée.

M. [C] plaide qu'il existe des anomalies apparentes entachant la fiche patrimoniale du 4 décembre 2013, concernant les prêts du 8 avril 2015, puisqu'il était déjà engagé comme caution de sept autres prêts, pour un capital restant dû évalué à 1 395 694 euros, auquel s'ajoutent les intérêts, alors que son patrimoine, composé de trois biens, doit être évalué en se référant au prix de marché desdits biens. Le prix d'achat répertorié était manifestement sans pertinence.

M. [C] souligne que son patrimoine au moment de la signature des actes de cautionnement en litige représentait une valeur réelle de 1 367 184 euros. Une comparaison des fiches du 4 décembre 2013 et du 8 avril 2015 témoigne de la faible fiabilité des estimations immobilières portées sur la fiche.

M. [C] fait remarquer que les engagements étaient supérieurs à son patrimoine dans une proportion de 43 %, soit à hauteur de 588 510 euros si les données de la fiche patrimoniales sont retenues.

M. [C] soutient que la fiche patrimoniale du 8 avril 2015, établissant selon la banque un actif net d'un montant de 5 628 367,56 euros, confirme sa situation de sur-cautionnement tant elle est riche d'anomalies.

Il précise que le tableau accompagnant la fiche n'est ni signé, ni daté, et surtout n'est pas certifié conforme par ses soins. Il ajoute qu'il est « troublant que le tableau '.ne soit pas agencé formellement de la même façon que la fiche patrimoniale du 4 décembre 2013 ».

M. [C] pointe que le volet information de la fiche n'est qu'à moitié rempli, le rendant lacunaire, en ce qui concerne son épouse, étant observé que cette fiche ne reprend pas le cautionnement du 17 juillet 2014. La valeur du portefeuille de participations, à hauteur de 4 803 341 euros, constituée en moins d'un an est invraisemblable. Il observe que tous les actes de cautionnement ne sont pas repris dans la fiche.

La banque CIC réplique que si l'écriture sur la mention manuscrite du 17 juillet 2014 est distincte, M. [C] ne dénie pas sa signature.

Elle expose que la fiche du 8 avril 2015, qu'elle produit, est signée, datée et certifiée exacte concernant les renseignements y figurant. Cette fiche est très précise et mentionne un encours net immobilier de plus de 5,6 millions et des revenus de M. [C], sans son épouse, de près de 170 000 euros par an, ce qui permettait largement de faire face aux engagements.

Elle estime l'argumentation de M. [C], quant à la valeur des biens, inopérante, puisqu'il convient de se placer à la date de l'octroi du prêt et de la régularisation du cautionnement pour apprécier le patrimoine de la caution au moment de la souscription.

Elle conteste toutes anomalies apparentes ainsi que le besoin de vérifier la teneur des informations données.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 puis L. 343-4 du code de la consommation, applicable en l'espèce eu égard à la date du cautionnement, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Selon ce texte, la proportionnalité de l'engagement de la caution au regard de ses facultés contributives est évaluée en deux temps : au jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, à supposer l'existence d'une disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune.

Il appartient à la caution qui entend opposer la disproportion de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus au jour de celui-ci, tandis que c'est au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion d'établir qu'au moment où il l'appelle le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

Au sens de ce texte et de la jurisprudence subséquente, une disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution, est une 'disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent' entre les engagements de la caution et ses biens et revenus.

L'exigence de proportionnalité impose au créancier de s'informer sur la situation patrimoniale de la caution, c'est-à-dire l'état de ses ressources, de son endettement, et de son patrimoine, ainsi que de sa situation personnelle (régime matrimonial).

La disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement souscrit et des biens et revenus de chaque caution, et en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'engagements de caution antérieurs.

S'agissant de la disproportion de l'engagement de la caution mariée sous le régime de la communauté légale, cette dernière s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction, et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint.

L'établissement bancaire n'est pas tenu de vérifier, en l'absence d'anomalies apparentes, l'exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignement. La communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d'un comportement déloyal.

La disproportion de l'engagement de caution emporte la déchéance du droit du créancier.

A titre liminaire, la cour n'est saisie ni d'une contestation de la validité de la mention manuscrite apposée sur l'acte de cautionnement du 17 juillet 2014 ni d'une critique de la proportionnalité de ce dernier engagement aux biens et revenus de M. [C], ce qui rend sans objet les développements consacrés par la banque de ce chef. Il n'y sera dès lors pas répondu.

La cour se trouve saisie d'une critique de la proportionnalité des seuls engagements souscrits le 8 avril 2015, quand bien même se trouvent versées aux dossiers deux fiches de patrimoine, l'une du 4 décembre 2013, l'autre du 8 avril 2015, M. [C] se contentant de rapprocher lesdites fiches pour faire apparaître des anomalies.

Le législateur impose uniquement au créancier l'obligation de se renseigner sur la situation personnelle et patrimoniale de la caution, peu important la forme prise par cette recherche.

Dès lors, les critiques purement formelles de M. [C], tenant au fait que sont joints seulement en annexe de la fiche un avis d'imposition et un tableau présentant le patrimoine mobilier et immobilier, ne sont pas opérantes.

M. [C] ne peut pas plus utilement invoquer le fait que les renseignements compris dans le tableau relatif au patrimoine mobilier et immobilier n'auraient pas été « certifié exact », dès lors qu'il a renvoyé, sur la fiche préimprimée, au « listing ci-joint », avant d'y apposer, d'une part, sa signature sous la mention de certification figurant sur la fiche de renseignements, d'autre part, ses initiales en bas à droite sur la page 2 de la fiche de renseignements, initiales qui figurent également sur le tableau annexé.

Il s'évince de la fiche de renseignements patrimoniaux contemporaine aux engagements souscrits le 8 avril 2015, renvoyant au listing et à l'avis d'imposition que :

- les renseignements personnels relatifs à la situation maritale de M. [C] sont inexistants par rapport à ceux figurant sur la fiche de 2013,

- l'avis d'imposition mentionne toutefois le mariage de la caution et des revenus pour cette dernière de 168 381 euros et pour sa conjointe de 31 539 euros ;

- le tableau des biens immobiliers permet de constater la présence d'une résidence principale, d'une résidence secondaire et de nombreux biens locatifs, ce capital étant évalué à l'achat à 2 249 400 euros, après déduction des emprunts en cours (1 415 373 euros), et représentant un actif net de 825 026,56 euros,

- le tableau des biens mobiliers mentionne la présence de participation dans des dossiers de M. [C], avec le pourcentage de détention du capital social, représentant un actif 4 03 341 euros ;

- il n'est répertorié aucun cautionnement d'ores et déjà consenti.

Indéniablement, l'absence de renseignement personnel relatif à la situation maritale de M. [C] ou l'absence de toute autre cautionnement, alors même que la banque ne peut ignorer avoir quelques mois auparavant sollicité l'engagement de caution de M. [C] pour le prêt conclu le 17 juillet 2014, constituent des anomalies apparentes.

Néanmoins, la présence d'anomalies n'invalide pas nécessairement le cautionnement souscrit, mais permet uniquement à la caution d'apporter librement la preuve de la disproportion, sans que les mentions de la fiche puissent lui être opposées.

Or, si M. [C] pointe l'absence de renseignement relatif à son conjoint sur la fiche de 2015, il n'en tire aucune conséquence sur la proportionnalité de l'engagement de caution.

Il ne prend pas plus la peine de recenser les différents cautionnements antérieurs qui auraient dû être pris en compte par la banque et ne pouvaient être ignorés de cette dernière.

Il ne saurait être suivi lorsqu'il évoque la présence de cautionnements souscrits à hauteur de 1 415 3737 euros. Cette somme figure certes dans le listing relatif au patrimoine immobilier, mais sous la rubrique CRD, sigle qui renvoie au capital restant dû et non au montant des cautionnements éventuellement accessoires au prêt souscrit. Il n'est justifié ni que, pour l'ensemble des prêts répertoriés, des cautionnements aient été octroyés, ni que la banque aurait eu connaissance de cautionnements pour ces différents prêts.

Compte tenu des pièces produites par M. [C], seuls le cautionnement souscrit à hauteur de 120 000 euros d'un prêt consenti au profit de Mme [I] par la banque CIC [I] et le cautionnement souscrit le 17 juillet 2014 pour un montant de 276 000 euros, se trouvent établis et se devaient d'être pris en compte par la banque au titre des charges pesant sur la caution.

Pour établir la disproportion, M. [C] ne peut invoquer la valeur réelle du patrimoine immobilier répertorié, en se reportant non à la valeur d'achat qu'il a fait figurer sur le listing mais à la valeur des différents biens lors d'opération réalisées postérieurement à la souscription de l'engagement de caution litigieux.

Comme l'ont justement noté les premiers juges, la valeur du patrimoine immobilier comme mobilier s'apprécie lors de la souscription de l'engagement de caution, et non selon la valeur de revente, non justifiée d'ailleurs, en 2016 ou 2017.

Il n'est ni allégué ni démontré que la valeur n'était pas celle mentionnée à l'époque de la souscription du cautionnement litigieux et que la banque aurait eu des informations sur ce point.

En conséquence, aucun élément ne vient contredire le montant de l'actif net, déterminé après déduction des charges d'emprunts, à hauteur de 825 026,56 euros.

Ainsi, sans même tenir compte du patrimoine mobilier énuméré dans l'annexe jointe à la déclaration ni examiner les anomalies invoquées par M. [C] relatives à la consistance de ce patrimoine mobilier, notamment au regard de celui répertorié sur la fiche de 2013 et celui récapitulé en 2015 pour plus de 4 803 341 euros, il ressort de la comparaison de son actif net immobilier de 825 026, 56 euros et de la preuve de cautionnements antérieurs souscrits pour un montant de 396 000 euros, en tenant compte des revenus annuels du couple et de l'absence d'autres charges déclarées et prouvées, hormis les charges ordinaires, que les cautionnements souscrits le 8 avril 2015, respectivement à hauteur de 210 000 euros et 120 000 euros, ne étaient pas manifestement disproportionnés au moment où ils ont été contractés.

Les cautionnements n'étant pas manifestement disproportionnés au jour de l'engagement, la banque peut s'en prévaloir, ce qui justifie, en l'absence de tout autre critique émise par M. [C] à l'encontre de la décision entreprise, sa confirmation en ce qu'elle l'a condamné en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Postre & co, à payer à la banque la somme de 152 491,53 euros au titre du prêt de 210 000 euros souscrit par la société Glaces Ruiz le 8 avril 2015, outre intérêts contractuels à compter du 30 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement, dans la limite de 210 000 euros, outre la somme de 87 138,03 euros au titre du prêt de 120 000 euros souscrit par la société Glaces Ruiz le 8 avril 2015, outre intérêts contractuels à compter du 30 juillet 2018 et jusqu'à parfait paiement dans la limite de 120 000 euros.

III ' Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [C] succombant en ses prétentions, il convient de le condamner aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [C], tenu aux dépens d'appel, sera condamné au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme fixée au dispositif du présent arrêt, et débouté de sa propre demande de ce chef.

Les chefs de la décision entreprises relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement en entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] aux dépens d'appel ;

LE CONDAMNE à payer à la Banque CIC Nord-Ouest la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 22/02745
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;22.02745 ?
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