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07/07/2023 | FRANCE | N°22/00451

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 07 juillet 2023, 22/00451


ARRÊT DU

07 Juillet 2023







N° 1070/23



N° RG 22/00451 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFZY



PS/NB

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Roubaix

en date du

24 Février 2022

(RG F19/00499)







































GROSSE

:



aux avocats



le 07 Juillet 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Mme [E] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas THOMAS, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. SITEL FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté...

ARRÊT DU

07 Juillet 2023

N° 1070/23

N° RG 22/00451 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFZY

PS/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Roubaix

en date du

24 Février 2022

(RG F19/00499)

GROSSE :

aux avocats

le 07 Juillet 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Mme [E] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nicolas THOMAS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. SITEL FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Juin 2023

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 mai 2023

FAITS ET PROCEDURE

En 2006 Mme [U] a été engagée par la société SITEL FRANCE pour oeuvrer en qualité de téléconseillère au sein de son centre d'appels téléphoniques de [Localité 5]. Après avoir été reconnue travailleuse handicapée en 2016 et invalide de deuxième catégorie la salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail le 23 mai 2019 suivant avis mentionnant que son état de santé empêchait tout reclassement. Son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié le 20 juin 2019.

Par jugement ci-dessus référencé les premiers juges, saisis par l'intéressée de réclamations indemnitaires, ont déclaré prescrite sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'aménagement du poste et l'ont déboutée de ses demandes.

Vu l'appel formé par Mme [U] contre ce jugement et ses conclusions du 23/1/2023 ainsi closes :

«CONDAMNER la société SITEL FRANCE au paiement des sommes suivantes :

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-aménagement du poste de travail

17 472 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

4 557,96 euros d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC»

Vu les conclusions du 2/8/2022 par lesquelles la société SITEL FRANCE demande à la cour la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi que l'application de l'article 700 du code de procédure civile

MOTIFS

Au soutien de ses demandes Mme [U] expose que :

-son action, fondée sur la discrimination, se prescrit par 5 années

-l'employeur n'a pas aménagé son poste conformément aux avis successifs de la médecine du travail, ce qui caractérise un harcèlement discriminatoire

-elle était trop souvent affectée dans une zone bruyante ce qui lui a occasionné des crises notamment le 1er juin 2016 date d'un accident du travail reconnu par la Caisse

-le fait qu'elle n'ait pas signalé les faits ou que le médecin du travail n'a pas émis de réserves lors des visites périodiques est indifférent

-l'employeur a manoeuvré auprès du médecin du travail pour obtenir un avis d'inaptitude mais lorsqu'elle s'en est rendue compte il était trop tard pour contester l'avis d'inaptitude

-le plan de prévention n'en est resté qu'au stade des déclarations d'intentions.

La société SITEL FRANCE réfute cette version et indique en substance que l'action en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est prescrite, qu'elle n'a jamais méconnu les préconisations médicales, que le licenciement était la conséquence obligatoire de l'avis d'inaptitude non contesté et que celui-ci visant l'impossibilité de reclassement elle n'était pas tenue d'en rechercher un.

Sur ce

Il est de principe que le non respect répété par l'employeur des préconisations de la médecine du travail est susceptible de dégrader l'état de santé du salarié et de porter atteinte à ses conditions de travail au sens des textes prohibant le harcèlement moral et la discrimination.

En l'espèce, la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution du contrat, basée sur les dispositions prohibant la discrimination en raison de l'état de santé, est recevable car elle est soumise à un délai de prescription de 5 ans ayant commencé à courir le jour de l'accident de travail le 1er juin 2016, dernier jour travaillé. Le jugement sera donc sur ce point infirmé étant observé que les demandes de Mme [U] ne portent pas sur les conséquences de l'accident du travail mais sur les manquements distincts à l'obligation de sécurité ayant conduit à la rupture de la relation contractuelle.

Il ressort des éléments médicaux du dossier que l'intéressée a rencontré d'importants problèmes de santé liés à une dégradation de l'oreille interne susceptible d'entraîner des vertiges. Dans les avis successifs du médecin du travail, dont le premier remonte à l'année 2012, avait été préconisée une limitation du niveau sonore ambiant et une affectation ailleurs que dans le plateau téléphonique ou à tout le moins le plus loin possible des autres téléopérateurs, prioritairement en zone de « back-office.»

Il résulte des débats que le 1er juin 2016 Mme [U] a été victime d'un malaise alors qu'elle prenait des appels téléphoniques sur le plateau, qui a été reconnu accident du travail. Le médecin du travail a réitéré ses préconisations antérieures mais l'employeur a tout au plus affecté la salariée dans une zone périphérique du plateau sans accomplir de recherches pour la positionner ailleurs, notamment en zone de back-office n'impliquant plus de prise d'appels. Il s'évince notamment du dossier médical et de l'attestation de Mme [Z] que malgré les avis médicaux Mme [U] a toujours travaillé au sein du plateau, environnée d'un bruit ambiant nuisible à santé.

Il ressort pourtant de courriels échangés au sein de la DRH que des services dédiés au back-office étaient en place dans l'entreprise ne cantonnant pas ses personnels exclusivement à l'activité de réception d'appels téléphoniques. Dans des courriels de 2017 la directrice indiquait que les volumes de back-office ne permettaient « d'occuper la salariée à temps plein » d'où il se déduit qu'à tout le moins un poste à temps partiel aurait pu lui être proposé. Dans un autre courriel, elle indiquait ne pouvoir s'engager à 100% sur du BO même à temps partiel et elle ajoutait :

en tout état de cause elle devra prendre des appels et travailler sur un openspace avec les conditions sonores que vous connaissez » ce qui accrédite sa mauvaise volonté à respecter les préconisations médicales. Du reste, l'entreprise comportait nécessairement des services administratifs ou techniques au sein desquels la réaffectation de Mme [U] aurait pu être envisagée, ce qui n'a pas été le cas.

Toujours est-il que l'employeur, avisé de la dégradation de son état de santé et de son obtention du statut de travailleur handicapé, ce qui conformément à l'article L 5213-6 du code du travail l'obligeait à redoubler d'efforts pour lui trouver un poste adapté, a continué de l'affecter à des missions incompatibles avec les données médicales. Il est indifférent que Mme [U], qui s'en défend, n'ait pas signalé de difficulté ni à sa direction ni au médecin du travail, ce qui ne fait pas obstacle à sa demande, le fait étant qu'à plusieurs reprises elle a manifesté l'intention de reprendre le travail, mais dans des conditions non attentatoires à sa santé. Il est tout aussi indifférent qu'elle n'ait pas contesté l'avis d'inaptitude, ce qui ne fait pas obstacle à sa demande fondée sur une méconnaissance des avis antérieurs de la médecine du travail. Il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce que la société SITEL FRANCE ait mis en place des actions visant à réduire le bruit sur le plateau ou à former le personnel en la matière. Il s'en déduit qu'elle a méconnu ses obligations.

En réparation du préjudice physique et moral causé à la salariée par les manquements de l'employeur à ses obligations pendant l'exécution du contrat de travail et sans tenir compte des conséquences proprement dites de l'accident du travail dans l'évaluation, il lui sera alloué 8000 euros de dommages-intérêts.

Le licenciement étant la conséquence desdits manquements, ayant aggravé l'état de santé de la salariée et abouti à son inaptitude, celle-ci a droit à l'indemnité compensatrice de préavis. Son montant n'étant pas discuté il sera fait droit à sa demande.

Compte tenu des effectifs de l'entreprise, de l'ancienneté de la salariée, de son âge (57 ans), du revenu dont elle a été privée (2230 euros bruts par mois), de ses qualifications, de ses difficultés à retrouver un emploi vu son âge et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par la perte d'emploi injustifiée.

Les frais de procédure

il n'est pas inéquitable de condamner l'employeur au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement

statuant à nouveau et y ajoutant

DECLARE la salariée recevable en son action indemnitaire

DIT que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société SITEL FRANCE à lui payer les sommes suivantes:

' indemnité compensatrice de préavis: 4557,96 euros

' indemnité de congés payés: 455,79 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 10 000 euros

' dommages-intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité : 8000 euros

' indemnité de procédure: 3000 euros

ORDONNE le remboursement par la société SITEL FRANCE à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [U] suite au licenciement, dans la limite de 6 mois

DEBOUTE Mme [U] du surplus de ses demandes

CONDAMNE la société SITEL FRANCE aux dépens d'appel et de première instance.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 3
Numéro d'arrêt : 22/00451
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;22.00451 ?
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