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07/07/2023 | FRANCE | N°21/01399

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 07 juillet 2023, 21/01399


ARRÊT DU

07 Juillet 2023







N° 1052/23



N° RG 21/01399 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZJI



VC/CH

































Jugement du

Conseil de prud'hommes de LILLE

en date du

07 Juillet 2021

(RG 19/00526 -section )











































GROSSE

:



aux avocats



le 07 Juillet 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Anne POLICELLA, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Baptiste COISNE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S.U. ...

ARRÊT DU

07 Juillet 2023

N° 1052/23

N° RG 21/01399 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZJI

VC/CH

Jugement du

Conseil de prud'hommes de LILLE

en date du

07 Juillet 2021

(RG 19/00526 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 07 Juillet 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Anne POLICELLA, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Baptiste COISNE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S.U. LOOMIS FRANCE

[Adresse 11]

[Localité 3]/FRANCE

représentée par Me Thomas DEMESSINES, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Arnaud DE SAINT LEGER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS : à l'audience publique du 11 Mai 2023

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Virginie CLAVERT, conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 avril 2023

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société EUROVALEURS a engagé M. [M] [T] par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 24 mars 2002 au 30 avril 2002 en qualité de Préparateur, Filière Traitement de fonds et de valeurs, Catégorie Employé, Coefficient 120.

Ce contrat de travail a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2002 puis s'est poursuivi dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2003 au poste d'opérateur/préparateur au service comptage monnaie, coefficient A120 de l'accord national professionnel des activités de transport de fonds et de valeurs.

Le 20 septembre 2004, M. [T] a été promu au poste de Convoyeur de fonds, Statut Ouvrier, Coefficient 140 de la convention collective applicable.

Le 19 octobre 2006, M. [T] a subi un premier vol sous la menace d'une arme et à l'aide d'un véhicule bélier, dans l'agence Caisse d'Epargne de ROUBAIX Fraternité. Il a été placé en arrêt de travail avec une reprise le 16 avril 2007.

Le 25 juillet 2007, le salarié a, de nouveau, été victime d'un vol à main armée au sein de l'agence Caisse d'épargne de [Localité 8] et a été placé en arrêt de travail, suite à ces faits.

Le 16 décembre 2013, l'intéressé a subi un troisième braquage au sein de la Caisse d'Epargne de [Localité 7], reconnu comme accident du travail par la CPAM de [Localité 9].

Placé en arrêt de travail à compter du 17 décembre 2013 et jusqu'au 28 février 2016 puis du 28 mai 2016 au 12 novembre 2017, M. [T] a fait l'objet les 13 novembre 2017 et 15 février 2018, d'un avis d'aptitude temporaire avec aménagement de poste dans l'attente des résultats d'examens complémentaires. Il a, ainsi, été autorisé à conduire un véhicule léger mais l'entrée dans un distributeur ou un blindé était contre-indiquée.

Le 28 juin 2018, le Médecin du travail a finalement rendu un avis d''inaptitude de M. [T] en un seul examen lequel se trouvait libellé de la façon suivante :

«Inaptitude en un seul examen (art. R4624-42 CT) : Apte à un poste ne nécessitant pas de rentrer dans un blindé ou dans un distributeur, ne nécessitant pas le port ou la manipulation d'une arme à feu. Autorisation de conduite de VL. Pas de contre indication à suivre une formation le préparant à un poste adapté dans l'entreprise»

Le 1er août 2018, la société LOOMIS a informé M. [T] de ce qu'aucun poste de reclassement, conforme à sa qualification, ses compétences et compatible avec les recommandations du Médecin du travail, n'avait pu être identifié.

Par courrier recommandé en date du 21 août 2018, M. [T] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de pourvoir à son reclassement.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [M] [T] a saisi le 31 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Lille qui, par jugement du 7 juillet 2021, a rendu la décision suivante :

- dit que le licenciement pour inaptitude de M. [M] [T] est licite,

- dit que la société LOOMIS FRANCE n'a pas failli à son obligation de sécurité,

- dit que la société LOOMIS FRANCE n'a pas failli à son obligation de recherche de reclassement,

- déboute M. [M] [T] de l'ensemble de ses demandes,

- déboute la société LOOMIS FRANCE du surplus de ses demandes,

- laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

M. [M] [T] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 9 août 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 novembre 2021 au terme desquelles M. [M] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- Dire le licenciement de M. [M] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Et à titre principal :

- Condamner la société LOOMIS FRANCE à payer à M. [M] [T] la somme de 45.000,00 € au titre de l'indemnité de l'article L1226-15 du Code du travail ;

Et à titre subsidiaire :

- Condamner la société LOOMIS FRANCE à payer à M. [M] [T] la somme de 45.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Et en tout état de cause :

- Condamner la société LOOMIS FRANCE à payer à M. [M] [T] la somme 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- Condamner la société LOOMIS FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- Débouter la société LOOMIS FRANCE de l'ensemble de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions, M. [M] [T] expose que :

-Son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement a conduit à son inaptitude.

- La société LOOMIS n'a, en effet, pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger de braquage auquel il était exposé, le DUERP ne mentionnant qu'un risque d'agression et non de braquage, n'ayant pas été modifié à l'issue du troisième braquage et ne prévoyant aucune action s'agissant des tournées de convoyeurs de fonds.

- Le protocole de sécurité mis en oeuvre au sein de l'agence caisse d'épargne de [Localité 4] pour les opérations de chargement et déchargement ne correspond pas aux préconisations des articles R4515-6 et -7 du code du travail et la société LOOMIS ne s'est pas assurée de son respect par la cliente.

- Il n'a, en outre, bénéficié d'aucune formation relative aux questions de sécurité, à la gestion des risques ou du stress, seules des formations relatives au maniement des armes à feu lui ayant été dispensées.

- Par ailleurs, alors qu'il était soumis à des restrictions par le médecin du travail, la société LOOMIS l'a fait convoquer à une formation de 5 jours consacrée au maniement des armes à feu, le port d'une arme déclenchant chez l'intéressé des manifestations anxieuses relevées par son psychiatre et surtout le transport de fonds en véhicule léger ou banalisé, seul autorisé par le médecin du travail excluant le port d'une arme à feu.

- L'avis du médecin du travail n'autorisait, dès lors, nullement M. [T] à participer à une formation sur le maniement des armes à feu.

- La société LOOMIS FRANCE a, en outre, violé l'article 2-1 I du décret du 28 avril 2000 relatif à la protection des transports de fonds en n'assurant pas la variation des itinéraires empruntés par ses convoyeurs.

- Il travaillait, en outre, régulièrement sans temps de pause et n'a jamais bénéficié après ses trois braquages d'un débriefing par un psychologue spécialiste en victimologie.

- De la même façon, la société LOOMIS FRANCE a manqué à son obligation de recherche de reclassement en ne lui soumettant aucune proposition de reclassement malgré les aptitudes restantes énoncées par le médecin du travail en particulier concernant un poste d'opérateur de valeurs, occupé par le passé par M. [T] ou un poste administratif, ce d'autant que l'intéressé avait fait part de son souhait de bénéficier des plus larges possibilités de reclassement et qu'un poste d'opérateurs de valeurs était disponible à [Localité 10] et à [Localité 5] mais ne lui a pas été proposé.

- Par ailleurs, la société LOOMIS n'a pas consulté le comité économique et social, ce qui constitue une violation des obligations liées au reclassement.

- Compte tenu de la violation des obligations de l'article L1226-10 du code du travail, M. [T] est bien fondé à obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.

- Subsidiairement, le barème Macron doit être écarté, compte tenu de son inconventionnalité.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 février 2022, dans lesquelles la société LOOMIS FRANCE, intimée, demande à la cour de :

De chef principal

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de LILLE le 7 juillet 2021,

- Débouter purement et simplement M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins

et prétentions,

De chef subsidiaire, si par extraordinaire la Cour entrait en voie de condamnation à l'encontre de la société LOOMIS en jugeant que le licenciement de M. [T] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- rejeter l'argumentation du salarié visant à écarter l'application des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du travail et limiter la somme éventuellement allouée à M. [T], en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail à l'indemnité minimale de 3 mois de salaire prévue par le barème, soit 7 850 €

En tout état de cause,

- Condamner M. [T] à payer à la Société LOOMIS FRANCE la somme de 3 000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société LOOMIS FRANCE soutient que :

- Le licenciement de M. [T] présente une cause réelle et sérieuse, en ce que la société n'a commis aucune faute à l'origine de l'inaptitude du salarié.

- Elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité, dès lors que lorsqu'un accident du travail se produit à l'occasion d'une agression, l'employeur ne peut avoir conscience du danger ponctuellement présenté par un acte subit et imprévisible de la part d'une tierce personne.

- Il ne peut être déduit de la simple activité de transport de fonds et de valeurs que la société LOOMIS a pu avoir ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié lors de ce braquage, ladite conscience du danger ayant été écartée par le tribunal de grande instance de Lille le 5 décembre 2019 qui n'a pas reconnu la faute inexcusable de l'employeur, décision désormais définitive du fait du désistement d'appel du salarié.

- La société LOOMIS respecte la réglementation en vigueur notamment concernant la prévention des risques d'agression extérieure qui a été revue après chaque braquage et bénéficie d'un agrément délivré par le CNAPS depuis 2011.

- M. [T] a, par ailleurs, bénéficié des formations légales et conventionnelles obligatoires lui ayant permis d'obtenir sa carte professionnelle et incluant notamment la gestion des risques et situations conflictuelles, mais également des formations extra-conventionnelles. Il a également suivi des stages de maintien et d'actualisation des compétences.

- La dernière formation suivie «intégration convoyeur équivalence CQP TDF» n'était pas contraire aux préconisations du médecin du travail qui n'avait pas exclu le port d'arme et avait conclu à une aptitude temporaire au poste de convoyeur de fonds, lequel impliquait le port d'une arme.

- Un protocole de sécurité avait bien été mis en place au sein de la société LOOMIS respectant les dispositions légales, outre une procédure sécuritaire «fiche 35» ainsi que des variations d'itinéraires et ne doit pas être confondu avec le protocole de sécurité de l'entreprise d'accueil qui devait seul préciser les modalités d'accès et de stationnement aux postes de chargement et de déchargement, les consignes de circulation et la désignation d'un responsable au sein de l'entreprise d'accueil.

- M. [T] a également bénéficié de mesures d'accompagnements après le braquage, avec notamment la possibilité d'une prise en charge psychologique dont il n'a pas éprouvé le besoin.

- Ses temps de pause ont été respectés.

- L'employeur a également respecté son obligation de recherche de reclassement, en ce qu'il ne pouvait pas proposer à M. [T] un poste de préparateur de valeurs qui ne correspondait pas aux aptitudes professionnelles de l'intéressé (faute d'obtention d'un certificat de qualification professionnelle indispensable et renouvelable tous les trois ans) ni un poste administratif (faute de qualification, formation, expérience à cet égard)

- Aucun poste n'était, en outre, disponible correspondant aux préconisations du médecin du travail.

- L'employeur n'a, en outre, pas à consulter les délégués du personnel lorsqu'aucun poste de reclassement n'a pu être identifié ni proposé.

- Subsidiairement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut excéder le barème prévu.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 20 avril 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'obligation de recherche de reclassement :

Conformément aux dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, «Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail».

Dans le cadre de l'obligation de recherche de reclassement, l'employeur n'a pas l'obligation de créer un nouveau poste de travail. Le reclassement du salarié déclaré inapte doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise sans que l'employeur soit tenu d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l'effet de libérer son poste. Toutefois, il est tenu de proposer un poste disponible même s'il l'est seulement pour une durée limitée.

L'employeur n'est, toutefois, pas tenu d'assurer au salarié une formation à un métier différent du sien et pour lequel il n'a aucune compétence. L'employeur ne doit pas omettre d'envisager des mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations existants ou aménagement du temps de travail et peut aussi être amené à assurer une formation complémentaire du salarié si elle permet son reclassement dans un poste plus qualifié

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en 'uvre de façon, sérieuse, loyale et personnalisée.

En l'espèce, M. [M] [T] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 28 juin 2018 libellé de la façon suivante : «inaptitude en un seul examen. Apte à un poste ne nécessitant pas de rentrer dans un blindé ou dans un distributeur, ne nécessitant pas le port ou la manipulation d'une arme à feu. Autorisation de conduite de VL. Pas de contre indication à suivre une formation le préparant à un poste adapté dans l'entreprise».

Par courrier recommandé du 2 juillet 2018, la société LOOMIS FRANCE a adressé au salarié un questionnaire à remplir destiné à l'orienter dans ses recherches de reclassement.

Il résulte des réponses apportées audit questionnaire par M. [T] le 10 juillet suivant que celui-ci acceptait les offres de reclassement en dehors de l'agence de [Localité 6] et de la division Nord Est acceptant tous postes au sein de l'ensemble des divisions de l'entreprise qu'elles soient basées dans le Grand ouest, le Nord est, le Sud ou l'Ile de France. L'intéressé a également accepté que les offres de reclassement portent sur un emploi de catégorie inférieure, avec une rémunération mensuelle brute inférieure à celle perçue actuellement dans la limite de 50 %, y compris à temps partiel ou en CDD. Il a également accepté de changer d'emploi.

En parallèle, la société LOOMIS FRANCE a demandé des précisions au médecin du travail par courrier du 2 juillet 2018 écartant de ses investigations les postes de convoyeurs de fonds et techniciens de maintenance et proposant de centrer ses recherches sur le poste d'opérateur de valeurs ou sur un poste administratif, ce qui a été validé par le médecin du travail par courriers des 10 et 24 juillet 2018, ce dernier considérant lesdits postes comme compatibles avec les restrictions médicales de l'avis d'inaptitude.

Par mails des 13 et 24 juillet 2018, la société intimée a adressé des demandes de recherche de reclassement aux divisions la composant. Ce courrier reprenait l'inaptitude et les restrictions de la médecine du travail, les souhaits très larges du salarié, son historique professionnel et la possibilité de proposer un poste d'opérateur de valeurs et un poste administratif, outre un descriptif du poste actuel.

La société LOOMIS FRANCE justifie, en outre, de l'ensemble des réponses négatives des agences concernant ces deux postes.

Cela étant, il résulte des pièces produites et notamment du listing de la bourse interne des emplois qu'un poste d'opérateur de valeurs se trouvait disponible à l'agence de [Localité 5] et avait fait l'objet d'un appel d'offre diffusé à compter du 19 juillet 2018, soit pendant la période de recherche de reclassement. Il ne se trouvait toujours pas pourvu en août 2018.

Par ailleurs, si la société LOOMIS FRANCE soutient qu'elle ne pouvait pas proposer à M. [M] [T] ce poste de préparateur de valeurs qui ne correspondait pas aux aptitudes professionnelles de l'intéressé (faute d'obtention d'un certificat de qualification professionnelle indispensable et renouvelable tous les trois ans), il apparaît que le salarié appelant avait, par le passé, déjà occupé ce poste d'opérateur de valeurs, notamment pour la période du 24 mars 2002 au 19 septembre 2004 soit pendant deux ans et demi, ce avant d'être promu au poste de convoyeur de fonds.

En outre, il résulte de l'accord national professionnel du 5 mars 1991 relatif aux conditions spécifiques d'emploi du personnel des entreprises exerçant des activités de transport de fonds et valeurs pris en son article 18 C.2 que sont concernés par la formation permettant l'accès au poste d'opérateur de traitement des valeurs les personnels «nouvellement embauchés dans l'entreprise en vue d'occuper pour la première fois le poste visé ci-dessus / nouvellement affectés au poste visé ci-dessus y compris si cette affectation nouvelle a un caractère temporaire ou occasionnel. Dans ce dernier cas, seuls les modules complémentaires portant sur le nouveau métier devront être dispensés».

Ainsi, au regard de ces éléments, une affectation au poste d'opérateur de valeurs n'impliquait nullement de former M. [T] à un métier différent du sien et pour lequel il n'avait aucune compétence mais visait uniquement à actualiser sa formation (dont il avait déjà bénéficié par le passé) par quelques modules complémentaires d'une durée limitée à 28 heures, conformément à l'accord précité, ce d'autant que l'intéressé avait pu faire part de son accord pour des offres de reclassement sur tout le territoire français, même sur un emploi de catégorie inférieure, y compris avec une rémunération mensuelle brute inférieure à celle perçue auparavant dans la limite de 50 % ou à temps partiel ou en CDD, acceptant, par ailleurs, de changer d'emploi.

Par conséquent, il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société LOOMIS FRANCE n'a pas procédé à des recherches de reclassement loyales et sérieuses en ne proposant pas à M. [T] ce poste d'opérateur de valeurs disponible à [Localité 5].

En outre, l'employeur a également manqué à son obligation de consultation du comité social économique avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, cette obligation étant requise y compris lorsqu'aucun poste de reclassement ne peut être proposé.

Le licenciement de M. [M] [T] est, par conséquent, dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris est infirmé.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Conformément aux dispositions de l'article L1226-15 du code du travail, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement

du salarié déclaré inapte prévues aux articles L1226-10 à L1226-12 et en l'absence de réintégration, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L1235-3-1 .

Par suite, en application de l'article L1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, il est octroyé au salarié licencié pour inaptitude professionnelle suite au manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ainsi, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de M. [T] (pour être entré au service de l'entreprise le 24 mars 2002), de son âge (pour être né le 24 décembre 1970) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (2616,73 euros), des périodes de chômage subséquentes justifiées ainsi que de la reprise d'une activité professionnelle dans le cadre d'un CDD à compter de septembre 2019 ainsi que de la reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %, le montant des dommages et intérêts est fixé à 40 000 euros.

Sur l'application de l'article L1235-4 du code du travail :

Le licenciement de M. [T] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail.

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société LOOMIS FRANCE aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [M] [T], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés sont infirmées.

Succombant à l'instance, la société LOOMIS FRANCE est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [M] [T] 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lille le 7 juillet 2021 dans l'ensemble de ses dispositions ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DIT que la société LOOMIS FRANCE a manqué à son obligation de recherche de reclassement ;

DIT que le licenciement de M. [M] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société LOOMIS FRANCE à payer à M. [M] [T] 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE le remboursement par la société LOOMIS FRANCE aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [M] [T], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

CONDAMNE la société LOOMIS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [M] [T] 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 21/01399
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.01399 ?
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