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07/07/2023 | FRANCE | N°21/01325

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 07 juillet 2023, 21/01325


ARRÊT DU

07 Juillet 2023







N° 1075/23



N° RG 21/01325 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TY5W



LB/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

22 Juin 2021

(RG 19/00398 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 07 Juillet 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT E:



SARL ACOUSTIFRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marie hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI,

assistée de par Me Jean-luc TIGROUDJA, avocat au barr...

ARRÊT DU

07 Juillet 2023

N° 1075/23

N° RG 21/01325 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TY5W

LB/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

22 Juin 2021

(RG 19/00398 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 07 Juillet 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT E:

SARL ACOUSTIFRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marie hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI,

assistée de par Me Jean-luc TIGROUDJA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

M. [O] [T]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 11 Mai 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Virginie CLAVERT, conseiller et parValérie DOIZE , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20/04/2023

EXPOSE DU LITIGE

La société Acoustifrance exerce une activité de commercialisation de matérieux d'isolation, elle est soumise à la convention collective nationale aéraulique et frigorifique et emploie moins de 11 salariés.

M. [T] a été engagé par la société Acoustifrance à compter du 1er septembre 2018 en qualité de responsable commercial, cadre niveau 6 coefficient 500.

Par courrier du 17 septembre 2019, M. [T] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 24 septembre ; il a été licencié pour faute grave par courrier du 15 octobre 2019.

Le 15 novembre 2019, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lens afin principalement de contester le bien fondé de son licenciement.

Par jugement rendu le 22 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [T] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Acoustifrance à payer à M. [T] :

- 14 689 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 469 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

- 3 583,32 euros brut au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire, outre

- 358,33 euros au titre des congés payés à titre conservatoire

- 4 896, 96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [T] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Acoustifrance aux dépens.

La société Acoustifrance a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration 2 août 2021.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 19 avril 2023, la société Acoustifrance demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes indemnitaires pour irrégularité de procédure et débouter M. [T] de toutes ses demandes

- à titre subsidiaire requalifier le licenciement de M. [T] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- à titre infiniment subsidiaire, ramener le montant des sommes allouées à M. [T] à de plus justes proportions,

- condamner M. [T] aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 17 novembre 2022, M. [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le montant de son indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- condamner la société Acoustifrance à lui payer 9 793, 08 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4 896,54 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

- condamner la société Acoustifrance aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien fondé du licenciement

La société Acoustifrance soutient qu'elle démontre bien que M. [T] a commis des fautes graves qui justifiaient son éviction immédiate de la société.

M. [T] conteste, selon, le bien fondé des griefs énoncés contre lui dans la lettre de licenciement ou leur caractère fautif.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l'existence d'une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise.

Devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

Enfin, la sanction doit être proportionnée à la faute et tenir compte du contexte dans lequel les faits ont été commis, de l'ancienneté du salarié et des conséquences des agissements incriminés

En l'espèce, M. [T] occupait depuis le 1er septembre 2018 un poste de responsable commercial, cadre niveau 6 coefficient 500.

Il a été licenciée pour faute grave par courrier du 15 octobre 2019 pour avoir :

- refus de respecter les méthodologies en place dans l'entreprise depuis plusieurs années, ce qui a eu pour effet une insuffisance de résultats et une perturbation et la désorganisation de l'entreprise, avec un impossibilité d'assurer la traçabilité de la gestion des stocks, et du suivi des comptes clients de la société,

- refusé d'utiliser le téléphone et la ligne téléphonique ainsi que l'adresse mail Acoustifrance mis à son service en se servant d'un numéro de téléphone et une adresse mail personnelle, empêchant ainsi de suivre les commandes et la facturation chez certains clients,

- avair assuré une mauvaise gestion et un mauvais suivi des stocks, certains produits n'ayant jamais été distribués, ou d'autres, non référéncés dans l'entreprise, étant présents,

- avoir emmené des documents de la société à son domicile, ainsi que l'ordinateur de Mme [J], sa collègue.

Le seul rappel de consigne de l'employeur sur le fait de passer les commandes uniquement par une adresse mail Acoustifrance dans une note de service datée du 15 août 2019 et destinée à tous les salariés du service et la facture de la ligne téléphonique professionnelle de M. [T] sont insuffisants à démontrer que a refusé d'utiliser son téléphone et sa ligne téléphonique professionnelle ainsi que l'adresse mail Acoustifrance mis à son service en se servant d'un numéro de téléphone et une adresse mail personnelle; au contraire, M. [T] établit qu'il recevait de nombreux mails sur son adresse Acoustifrance. La société Acoustifrance n'apporte aucun élément permettant de caractériser les difficultés de suivi des commandes et de facturation chez certains clients alléguées.

Concernant le refus d'appliquer les méthodologies applicables dans l'entreprise reproché à M. [T], la consultation par l'employeur du prestataire informatique courant mai 2019 a révélé l'existence d'erreurs de stocks notamment suite à la tranformation de facture en avoir.

Ainsi, par une note de service à destination des salariés du service établie le 15 août 2019, M. [S] a précisé :

- l'obligation de passer les commandes auprès des fournisseurs par une adresse mail spécifique Acoustifrance, avec les mentions à préciser,

- les modalités de facturation : Devis/ARC/BL/FACTURE

- l'interdiction de supprimer les factures,

- l'obligation de numéroter et classer les factures dans l'ordre de numérotation,

- l'interdiction d'établir des avoirs sans validation par M. [S].

Cependant, il ne ressort d'aucune pièce que M. [T] avait reçu des instructions quant une méthodologie précise applicable sur le logiciel dédié pour l'établissement de bons de commande, de bons de livraison avant la note de service daté du 15 août 2019, rédigée à l'attention de tous les salariés du service.

De même, les avoirs n'ont été soumis à validation préalable de M. [S], directeur, que par une note du 15 août 2019.

Or, il n'est pas démontré qu'après la note service du 15 août 2019 M. [T] a refusé d'appliquer les consignes ou les procédures applicables.

Ainsi, si des erreurs dans la facturation ou dans la gestion des stocks ont pu être effectuées, elles ne relèvent pas d'un acte d'insubordination.

Il n'est caractérisé aucun refus de se conformer aux directives quant aux méthodologies applicables.

Concernant le fait d'avoir fait appel à un transporteur plus coûteux que précédemment (la société Lampe), si ce choix pouvait se révéler économiquement peu judicieux, l'employeur ne démontre pas en quoi cette erreur était grossière a fait subir des pertes conséquentes à la société.

Surtout, l'interdiction de recourir à des transporteurs payés au temps n'a été formellement édictée que par un mail du 3 septembre 2019, sans qu'il soit démontré que M. [T] ait continué à faire appel à ce type de transporteur après cette date.

Concernant le mauvais suivi et la mauvaise gestion des stocks imputée à M. [T], la société Acoustifrance n'apporte aucun élément concret caractérisant ces défaillances, et en particulier aucun élément tiré de l'inventaire postérieur à l'entretien préalable évoqué dans la lettre de licenciement.

S'agissant du fait pour M. [T] de s'être présenté sur son lieu de travail malgré sa mise à pied conservatoire, il ressort des échanges de mail entre M. [S] et M. [P] ce dernier s'est présenté sans avoir reçu le courrier lui notifiant sa mise à pied conservatoire, de sorte que son comportement ne revêt pas de caractère fautif.

Concernant le fait pour M. [T] d'avoir emporté des documents de la société et l'ordinateur de sa collègue Mme [J] le 16 septembre 2019, le salarié souligne à juste titre qu'il n'est pas précisé quels sont les documents litigieux ; par ailleurs, les attestations de Mme [J], et Mme [H] ainsi que les échanges de sms entre M. [S] et M. [T] démontrent que Mme [J] avait sollicité de ce dernier qu'il mette son ordinateur en lieu sûr dans l'attente de son entretien préalable, dans un armoire fermée à clé, et qu'elle l'a remis à son employeur le 24 septembre 2019.

Enfin l'insuffisance de résultats qui aurait pour origine le refus de M. [T] d'appliquer les directives et les méthodologies n'est nullement avérée, étant observé qu'aucun objectif chiffré n'avait été assigné au responsable commercial.

Il résulte de ces éléments qu'il n'est caractérisé aucune faute disciplinaire imputable à M. [T] qui justifiait son licenciement.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement de M. [T] était dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

M. [T] qui exerçait en qualité de responsable commercial, statut cadre, bénéficiait d'une ancienneté d'une année lorqu'il a été licencié et percevait un salaire brut mensuel de 4 896, euros.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes lui a alloué la somme de 14 689 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 469 euros brut au titre des congés payés afférents, 3 583,32 euros brut au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire, outre 358,33 euros au titre des congés payés afférents.

De la même manière, compte tenu des éléments précités, de l'âge de M. [T] au moment du licenciement (46 ans), de sa qualification et de ses possibilités de retour à l'emploi, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à la somme de 4 896, 96 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer la perte injustifiée de son emploi, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

En application de l'article L.1235-2 du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l'espèce, le licenciement de M. [T] étant sans cause réelle et sérieuse, celui-ci ne peut, en application du texte précité, obtenir une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Le jugement déféré doit dès lors être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement de première instance sera confirmé concernant le sort des dépens et l'indemnité de procédure.

La société Acoustifrance sera condamné aux dépens de l'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à M. [T] une indemnité complémentaire de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 22 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Lens, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Acoustifrance aux dépens ;

CONDAMNE la société Acoustifrance à payer à M. [T] la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

POUR LE PRESIDENT EMPECHE

Valérie DOIZE Virginie CLAVERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 2
Numéro d'arrêt : 21/01325
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.01325 ?
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