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06/07/2023 | FRANCE | N°22/05843

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 juillet 2023, 22/05843


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023





N° de MINUTE : 23/254

N° RG 22/05843 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUXK



Ordonnance (N° 22/00285) rendue le 07 Décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune





APPELANTE



SARL Clinique Ambroise Pare

[Adresse 4]

[Localité 8]



Représentée par Me Thibaut Franceschini, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉS



Monsieur [F] [I]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]



Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 27 janvi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023

N° de MINUTE : 23/254

N° RG 22/05843 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUXK

Ordonnance (N° 22/00285) rendue le 07 Décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANTE

SARL Clinique Ambroise Pare

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Thibaut Franceschini, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [F] [I]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 27 janvier 2023 article 659 du code de procédure civile

Monsieur [S] [E]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Caroline Kamkar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivia Druart, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

Etablissement Public Oniam

[Adresse 15]

[Localité 9]

Représentée par Me Nicolas Delegove, avocat au barreau de Lille avocat constitué, assisté de Me Sylvie Welsch, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

Etablissement Public Centre Hospitalier [11]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Brigitte Ingelaere, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué, assistée de Me Catherine Tamburini Bonnefoy, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 10 mai 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 avril 2023

****

Le 30 octobre 2019, M. [F] [I] a été admis à la clinique Ambroise Paré pour une médiatinoscopie réalisée par le Docteur [E].

Le 6 novembre 2019, il a été diagnostiqué une plaie oesophagienne à l'origine de plusieurs hospitalisations aux centres hospitaliers de [Localité 13] et de [Localité 10].

Par acte du 23 avril 2020, M. [I] a fait assigner M. [S] [E], la clinique Ambroise Paré et la Cpam de l'Artois devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune afin d'obtenir la désignation d'un expert.

Par ordonnance du 17 juin 2020, le docteur [M] [V], chirurgien thoracique, était désigné en qualité d'expert.

Celui-ci a déposé son rapport le 31 mars 2021 dans lequel il conclut à une perte de chance d'éviter le dommage imputable à la clinique Ambroise Paré et à l'existence d'une infection nosocomiale contractée au sein de cette clinique.

Par acte du 16 septembre 2022, M. [F] [I] a attrait devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune la société clinique Ambroise Paré, le docteur [S] [E], la Cpam de l'Artois, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et le centre hospitalier de Béthune aux fins d'une nouvelle expertise.

Par ordonnance du 7 décembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune a fait droit à la demande d'expertise qu'il a de nouveau confiée à l'expert [M] [V].

Par déclaration du 21 décembre 2022, la clinique Ambroise Paré a formé appel de cette ordonnance en critiquant la mission d'expertise confiée à l'expert [V].

Dans ses conclusions notifiées le 25 janvier 2023, la clinique Ambroise Paré demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé prononcée le 7 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune au titre des chefs de la mission d'expertise confiée au docteur [M] [V]

Statuer de nouveau ;

- A titre principal, juger qu'au titre de l'examen médical, la mission de l'expert judiciaire sera ainsi libellée :

1) convoquer toutes les parties ;

2) entendre tous sachants ;

3) se faire communiquer par le demandeur tous les éléments médicaux relatifs à l'acte critiqué et se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge du patient.

4) prendre connaissance de la situation personnelle et professionnelle du

demandeur ; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activité professionnelle et d'activité sportive, son statut exact ;

5) retracer son état médical avant les actes critiqués ;

6) procéder à un examen clinique détaillé du demandeur ;

7) décrire les soins et interventions dont le demandeur a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs, à savoir distinguer expressément les soins et traitements prodigués par le personnel de la clinique et les soins dispensés par les praticiens exerçant dans le cadre de leur activité libérale.

8) décrire l'évolution de son état de santé :

- s'agissant d'une infection, préciser à quelle date ont été constatés les premiers signes, a été porté le diagnostic et a été mise en 'uvre la thérapeutique, Préciser quels ont été les moyens permettant le diagnostic, les éléments cliniques, par cliniques et biologiques retenus,

- dire le cas échéant, quel acte médical ou paramédical a été rapporté comme étant à l'origine de cette infection et par qui il a été pratiqué, et quel type de germe a été identifié,

préciser en fonction de tous ces éléments :

- quelle est l'origine de l'infection présentée, si cette infection est de nature exogène ou endogène, et si elle a pour origine une cause étrangère et extérieure au(x) lieu(x) où a été dispensé le(s) soin(s).

- quelles ont les autres origines possibles de cette infection '

- s'agit-il de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé '

- quels sont les critères permettant de la qualifier de nosocomiale '

9) réunir tous les éléments permettant de déterminer si les soins ont été consciencieux, attentifs et dispensés selon les règles de l'art et les données acquises de la science médicale à l'époque des faits, et en cas de manquements en préciser la nature et le ou les auteurs ainsi que leurs conséquences au regard de l'état initial du requérant comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; Préciser,

- si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales, dans la négative, dire quelle norme n'a pas été appliquée,

- si les moyens en personnel et matériel mis en 'uvre aux moments du(es) actes(s) mis en cause correspondaient aux obligations prescrites en matière de sécurité,

- si le patient présentait des facteurs de vulnérabilité susceptibles de contribuer à la survenue et au développement de cette infection,

- si cette infection aurait pu survenir de toute façon en dehors de tout séjour dans une structure réalisant des actes de soins, de diagnostic ou de prévention (infection communautaire),

- si la pathologie, ayant justifié l'hospitalisation initiale ou les thérapeutiques mises en 'uvre, est susceptible de complications infectieuses, dans l'affirmative, en préciser la nature, la fréquence et les conséquences,

- si cette infection présentait un caractère inévitable,

- si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque où ils ont été dispensés,

En cas de réponse négative à cette dernière question :

- faire la part entre l'infection stricto sensu et les conséquences du retard de diagnostic et de traitement.

10) à partir des déclarations du demandeur, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, relater les circonstances de l'accident, décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par le requérant, les conditions de reprise de l'autonomie et lorsqu'il a eu recours à une aide temporaire (humaine ou matérielle), en précisant la nature et la durée ;

11) décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en 'uvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates d'hospitalisation avec, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ;

12) recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences sur la vie quotidienne ; décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l'accident s'étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation ;

13) décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions et leurs séquelles,

14) Abstraction faite de l'état antérieur, et de l'évolution naturelle de l'affection et du/des traitements qu'elle rendait nécessaire, en ne s'attachant qu'aux conséquences directes et certaines des manquements relevés, analyser, à l'issue de cet examen, dans un exposé précis et synthétique :

- la réalité des lésions initiales

- la réalité de l'état séquellaire

- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur

15) (perte de gains professionnels actuels) indiquer les périodes pendant lesquelles le demandeur a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ;

en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ;

16) (déficit fonctionnel temporaire)

Indiquer les périodes pendant lesquelles le demandeur a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ;

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

17) (consolidation)

fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir le requérant ;

préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision,

18) (souffrances endurées)

décrire les souffrances physiques, psychiques et morales endurées avant consolidation du fait dommageable.

L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés ;

19) (déficit fonctionnel permanent)

Indiquer si, après consolidation, le demandeur subit un déficit fonctionnel permanent consistant en une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, psychosensorielles ou intellectuelles, auxquelles s'ajoutent les éventuels phénomènes douloureux, répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

En évaluer l'importance et au besoin en chiffrer le taux ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;

20) (assistance par tierce personne)

Indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer (qualification professionnelle) et sa durée quotidienne, ainsi que les conditions dans lesquelles ces besoins sont actuellement satisfaits ;

21) (dépenses de santé futures)

décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillage spécifique, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement ; indiquer leur caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité, ainsi que la durée prévisible

22) (frais de logement et/ou de véhicule adaptés)

donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaire pour permettre, le cas échéant, au plaignant d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ;

23) (perte de gains professionnels futurs)

indiquer notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité

professionnelle ;

24) (incidence professionnelle)

indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future ;

25) (dommage esthétique)

donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du dommage esthétique imputable à l'accident, indépendamment d'une éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre de l'AIPP, et en précisant s'il est temporaire avant consolidation et/ou définitif.

L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés ;

26) (préjudice sexuel)

dire en émettant un avis motivé si les séquelles sont susceptibles d'être à l'origine d'un retentissement sur la vie sexuelle du patient, en discutant son imputabilité ;

27) (préjudice d'agrément)

Donner un avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour le requérant, à des activités spécifiques sportives ou de loisirs effectivement pratiquées antérieurement et dire s'il existe ou existera un préjudice direct, certain et définitif ;

28) relater toutes les constatations ou observations n'entrant pas dans le cadre des rubriques mentionnées ci-dessus que l'expert jugera nécessaires pour l'exacte appréciation des préjudices subis par le patient et en tirer toutes les conclusions médico-légales ;

A titre subsidiaire,

- Ordonner la mission habituelle retenue par la juridiction de céans pour les postes de préjudices critiqués ;

En tout état de cause,

- Dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 23 février 2023, l'ONIAM, intimé et appelant incident demande à la cour de :

prendre acte de ce que l'ONIAM s'en rapporte à justice sur les mérites de l'appel régularisé par la société la clinique Ambroise Paré et de l'appel incident de M. [E],

recevoir l'ONIAM en son appel incident

réformer l'ordonnance de référé et compléter la mission d'expertise aux fins de :

« dire si le dommage survenu et ses conséquences étaient probables, attendus et redoutés ; évaluer le taux du risque qui s'est, le cas échéant, réalisé ; déterminer les conséquences probables de la pathologie présentée en l'absence de traitement ».

statuer ce que de droit quant aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 21 février 2023, la CPAM de l'Artois demande à la cour de :

constater qu'aucune demande n'est formée contre la CPAM

confirmer l'ordonnance de référé prononcée le 7 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune en toutes ses dispositions et notamment en ce que l'expert chargé de la réalisation de la mission d'expertise devra se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec les interventions et soins en cause

condamner solidairement l'appelante principale et l'appelante incidente, ou en cas de désistement de l'appelante incidente, à tout le moins l'appelante principale, ou tout succombant aux entiers frais et dépens d'appel, outre au paiement de la somme de 1 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 20 février 2023, le centre hospitalier de [Localité 10] demande à la cour de :

- constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre

prendre acte qu'il s'en rapporte à la décision de la cour quant au bien-bien-fondé de l'appel interjeté par la clinique Ambroise Paré

condamner la clinique Ambroise Paré à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dans ses conclusions notifiées le 8 février 2023, le docteur [S] [E], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

infirmer l'ordonnance de référé prononcée le 7 décembre 2022 par le Tribunal judiciaire de Béthune au titre des chefs de la mission d'expertise confiée au docteur [M] [V]

statuant à nouveau, ordonner une mission d'expertise libellée selon la formulation également proposée par la clinique Ambroise Paré ; et subsidiairement, ordonner la mission habituelle retenue par la juridiction de céans pour les postes de préjudices critiqués

et, en toute hypothèse, juger que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de la clinique et de M. [E] de modification de la mission d'expertise

La Clinique Ambroise Paré de même que M. [E] critiquent les termes de la mission confiée à l'expert [V] au motif qu'elle va bien au-delà de ce que préconise la nomenclature Dintilhac et déroge totalement aux missions habituellement confiées aux médecins et à la jurisprudence habituelle concernant l'évaluation des séquelles corporelles d'un accident, alors même que cette mission n'avait pas été demandée par la victime.

Les griefs formulés portent essentiellement sur le libellé de la mission d'expertise relativement au déficit fonctionnel temporaire, au préjudice d'agrément, au déficit fonctionnel permanent, à l'incidence professionnelle et au préjudice d'établissement de la victime.

La cour rappelle que la nomenclature Dintilhac n'a aucune valeur normative.

Sur la demande de modification du point 1-2-1 relatif au déficit fonctionnel temporaire

La clinique et M. [E] considèrent que ce chef de mission est imprécis en ce que, d'une part, il n'impose pas à l'expert de lier l'imputabilité de ce préjudice à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution et d'en préciser le caractère direct et certain et d'autre part, il ne mentionne pas la précision de la durée et de la classe pour chacune des périodes retenues.

Toutefois, le chef de mission critiqué en ce qu'il demande à l'expert « de décrire et d'évaluer l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant sa maladie traumatique (troubles dans les actes de la vie courante) » ne souffre d'aucune imprécision dès lors que le premier juge demande préalablement à l'expert d'analyser l'imputabilité entre l'intervention subie par M. [I] le 30 octobre 2019 et ses suites, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur la réalité des lésions initiales, la réalité de l'état séquellaire en décrivant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de cette intervention et l'imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales et de décrire et d'évaluer les préjudices subis par M. [I] en relation de causalité avec le fait générateur du 30 octobre 2019 selon la nomenclature qu'il détaille ensuite.

Par suite, il ne sera pas fait droit à la demande de modification de ce chef de mission.

Sur la demande de modification du point 3-2-2 relatif au préjudice d'agrément

Le chef de mission critiqué est libellé en ces termes : « si la victime allègue l'impossibilité définitive de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs, correspondant à un préjudice d'agrément, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation ».

La clinique et M. [E] prétendent que l'expert pourrait prendre en compte la perte de chance de pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisirs alors que la jurisprudence ne l'admet pas et que la perte de chance constitue une notion juridique dont l'appréciation échappe à l'avis du technicien.

La formulation de ce chef de préjudice n'induit aucunement l'analyse par l'expert d'une éventuelle perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisirs.

En outre, la preuve de la réalité de ce préjudice relève d'un débat devant le juge du fond.

Par suite, il ne sera pas fait droit à la demande de modification de ce chef de mission.

Sur la demande de modification du point 3-2-1 relatif au déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a formulé le chef de mission critiqué en ces termes : « donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable au fait générateur, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties. »

La clinique et M. [E] considèrent que le déficit fonctionnel permanent doit être évalué dans ses trois composantes, à savoir l'atteinte aux fonctions physiologiques, la douleur permanente et la perte de qualité de vie ou les troubles dans les conditions d'existence après consolidation et qu'il doit être évalué de manière global à partir d'un barème médical.

La formulation du chef de mission critiqué n'encourt aucun grief dans la mesure où il est demandé à l'expert d'évaluer le déficit fonctionnel permanent dans toutes ses composantes et de donner un avis sur le taux de ce déficit en précisant le barème d'invalidité utilisé.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de modification de ce chef de mission.

Sur la demande de modification du point 3-1-5 relatif à l'incidence professionnelle

Le chef de mission querellé est ainsi libellé : « décrire l'incidence périphérique du dommage touchant à la sphère professionnelle (notamment dévalorisation sur le marché du travail, augmentation de la pénibilité de l'emploi, frais de reclassement, perte ou diminution de droits à la retraite)

La clinique et M. [E] considèrent qu'il n'appartient à l'expert, qui est médecin, de se prononcer sur des éléments socio-économiques tels que la dévalorisation sur le marché du travail, les frais de reclassement ou la perte ou la diminution des droits à la retraite alors en outre qu'il s'agit d'un point futur et incertain.

Toutefois, le premier juge demande au médecin expert de donner un avis motivé sur les répercussions de l'intervention du 30 octobre 2019 dans l'exercice de l'activité professionnelle au vu des séquelles physiques et psychiques de la victime et non d'évaluer l'incidence professionnelle étant précisé qu'il appartient à la victime de rapporter la preuve de la matérialité de cette incidence.

Dès lors, il ne sera pas droit à la demande de modification de ce chef de mission.

Sur la demande de suppression du point 3-2-5 relatif au préjudice d'établissement

Le chef de mission critiqué est ainsi libellé : « dire si la victime présente un préjudice d'établissement (perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité du handicap permanent) et le quantifier en indiquant des données circonstanciées. »

La clinique soutient qu'il n'appartient pas à un médecin de se prononcer sur un tel poste de préjudice.

Toutefois, l'appréciation de ce poste de préjudice par le juge du fond dépend de la gravité du handicap permanent dont reste atteinte la victime après sa consolidation que seul le médecin expert est en mesure de décrire.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de suppression de ce chef de mission.

Sur la demande de l'ONIAM

L'Oniam demande de compléter la mission d'expertise au regard des dispositions des articles L. 1142-1 et D 1142-1 du code de la santé publique aux fins de permettre au juge du fond d'appréhender la condition d'anormalité selon les critères de la cour de cassation tiré, d'une part, de l'aggravation anormale de l'état de santé au regard de ce qu'aurait été, de manière suffisamment probable, son évolution en l'absence de traitement et, d'autre part, de la faible probabilité que le dommage survienne.

Toutefois, le premier juge a précisé dans la mission d'expertise critiquée que l'expert devait procéder à l'analyse de façon détaillée et motivée, de la nature des erreurs, imprudences, manques de précautions nécessaires, négligences, pré, per ou postopératoires, maladresses ou autres défaillances, lors de la prise en charge de M. [I] à la suite de l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2019, de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet direct et certaine avec le préjudice allégué, éventuellement, dire si les lésions et séquelles imputables relèvent d'une infection ; dans cette hypothèse, préciser si celle-ci est de nature nosocomiale ou relève d'une cause étrangère à l'hospitalisation. Il est également demandé à l'expert d'analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'intervention subie par M. [I] le 30 octobre 2019 et ses suites, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur la réalité des séquelles initiales, la réalité de l'état séquellaire en décrivant les actes, gestes et mouvement rendus difficiles ou impossibles en raison de ladite intervention, l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur.

La demande de complément de l'ONIAM apparaît ainsi redondante au regard des termes précis et détaillés de la mission confiée à l'expert par le premier juge.

Par suite, cette demande sera rejetée.

Sur les autres demandes

La clinique Ambroise Paré et M. [E] seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel.

La clinique Ambroise Paré sera condamnée à payer à la CPAM de l'Artois et au centre hospitalier de [Localité 10] la somme de 1 000 euros, chacun, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la mission d'expertise médicale ordonnée le 7 décembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Béthune, en tous ses points ;

Condamne la clinique Ambroise Paré et M. [S] aux dépens de la présente instance d'appel ;

Condamne la clinique Ambroise Paré à payer à la CPAM de l'Artois et au centre hospitalier de [Localité 10] la somme de 1 000 euros, chacun, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Fabienne DUFOSSÉ

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/05843
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.05843 ?
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