La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°22/05624

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 juillet 2023, 22/05624


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023



****



N° de MINUTE : 23/263

N° RG 22/05624 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUAT



Ordonnance (N° 22/01067) rendue le 11 Octobre 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Lille



APPELANT



Monsieur [K], [C], [G] [Z]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté p

ar Me Julie Paternoster, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Hugo de Smedt, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant



INTIMÉE



SAS HPM [Localité 6] agissant par...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023

****

N° de MINUTE : 23/263

N° RG 22/05624 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UUAT

Ordonnance (N° 22/01067) rendue le 11 Octobre 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [K], [C], [G] [Z]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julie Paternoster, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Hugo de Smedt, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS HPM [Localité 6] agissant par la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assisté de Me Juliette Vogel, avocat au barreau de Paris, avocat constitué, substitué par Me Wemaere, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 13 avril 2023 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023 après prorogation du délibéré en date du 15 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE :

Par ordonnance rendue le 11 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

1- ordonné une expertise médicale de M. [Z]';

2- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision';

3- laissé à M. [Z] la charge des dépens';

4- condamné M. [Z] à verser à la société HPM [Localité 6] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

5- débouté M. [Z] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

6- rappelé que son ordonnance est opposable à la Cpam de [Localité 5].

Par déclaration du 7 décembre 2022, M. [Z] a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 2 à 5 ci-dessus.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2023, M. [Z] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en ses dispositions critiquées par la déclaration d'appel et statuant à nouveau de':

- condamner la société HPM [Localité 6] à lui payer 5 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices en lien avec l'aggravation';

- condamner la société HPM [Localité 6] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- débouter la société HPM [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes';

- réserver les dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [Z] fait valoir que :

- alors qu'il était hospitalisé dans un établissement relevant de la société HPM [Localité 6], il a été victime en 2012 d'une infection nosocomiale dans les suites d'une adénomectomie prostatique, suivie de plusieurs cures d'éventration et de traitement de hernies inguinales';

- il a subi une récidive d'éventration en avril 2016 avec mise en place d'une prothèse'; cette récidive est en lien de causalité directe et certaine avec l'infection nosocomiale initiale et constitue ainsi une aggravation de ses préjudices antérieurs, dès lors que cette infection nosocomiale ayant conduit à une sclérose de ses tissus a affaibli sa paroi abdominale'; à ce titre, il sollicite une indemnisation provisionnelle des dommages causés par cette aggravation'; à la suite des soins subis en avril 2016, une nouvelle complication a en outre nécessité une double réhospitalisation en juin 2020 au centre hospitalier de [Localité 5] pour procéder notamment à l'ablation d'une prothèse infectée';

- l'expert mandaté par l'assureur a remis en cause l'existence d'une infection nosocomiale initiale, de sorte que seule une expertise judiciaire était envisageable'; il est à l'origine de l'expertise amiable qu'il aurait toutefois préféré poursuivre si la position de l'expert désigné n'avait pas été incompatible avec une telle démarche'; la demande d'expertise repose sur un motif légitime et le droit de saisir le juge des référés est un droit dont il n'a pas abusé'; il est inéquitable de le condamner à payer à la société HPM [Localité 6] une somme au titre des frais irrépétibles.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 30 janvier 2023, la société HPM [Localité 6], intimée, demande à la cour de confirmer l'ordonnance critiquée, de débouter M. [Z] «'ainsi que toute autre partie à l'instance'», du surplus des demandes formulées à son encontre et de condamner M. [Z] à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société HPM [Localité 6] fait valoir que':

- la demande de provision se heurte à une difficulté sérieuse, dès lors qu'il n'est pas certain que les différentes interventions chirurgicales subie depuis juillet 2015 soient imputables à l'infection nosocomiale contractée dans son établissement en 2012';

- alors qu'il a bénéficié d'une prothèse intra-péritonéale en avril 2016 au sein du centre hospitalier de [Localité 5], il n'est pas démontré que sa réhospitalisation en 2020 dans ce même centre pour traiter une infection de cette prothèse soit imputable à l'infection nosocomiale initiale';

- M. [Z] a pris seul l'initiative de judiciariser l'affaire qui aurait pu être réglée à l'amiable'; son médecin-conseil a exclusivement émis des doutes sur le lien de causalité entre l'infection nosocomiale survenue en 2020 et l'intervention chirurgicale ayant donné lieu à l'infection nosocomiale en 2012, notamment à défaut de disposer des germes respectivement impliqués dans chacune de ces infections'; alors qu'une seconde réunion d'expertise amiable était prévue, elle a été assignée devant le juge des référés.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la provision':

En application de l'article 835 du code de procédure civile, dans sa rédaction résultant du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, le juge des référés peut prononcer une condamnation à titre de provision lorsque l'obligation invoquée n'est pas sérieusement contestable ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La preuve d'une telle contestation sérieuse repose sur le débiteur de cette obligation.

L'appréciation du caractère sérieusement contestable porte à la fois sur le principe et le montant de la provision sollicitée.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

En l'espèce, il convient de distinguer plusieurs phases successives dans l'aggravation de l'état de M. [Z]':

. en premier lieu, la récidive d'éventration subie en avril 2016':

À cet égard, l'expertise judiciaire des docteurs [O] et [I] relève qu'un suivi de M. [Z] est notamment intervenu auprès du chirurgien digestif [B] en juillet et septembre 2015 «'car on redoute une éventuelle récidive de cette hernie inguinale gauche du fait de la difficulté loco-régionale de cicatrisation de ces tissus sclérosés'».

Dans leurs conclusions (page 26 de leur rapport), ces experts judiciaires précisent en outre que la consolidation de l'état de M. [Z] est acquise au 2 juillet 2015 «'sous réserve de complications possibles et éventuelles à distance, en rapport avec soit une récidive de l'éventration, soit une récidive de sa hernie inguinale gauche, soit une complication digestive liée aux adhérences intra-abdominales de cet abdomen pluri-cicatriciel'».

Dans son compte rendu du 7 avril 2016, le professeur [B] indique enfin avoir hospitalisé M. [Z] dans son service au sein du CHRU de [Localité 5], «'du 4 au 11 avril 2016 pour la prise en charge d'une récidive d'éventration'». Il précise avoir réalisé une nouvelle intervention ayant conduit à la mise en place d'une prothèse intra-péritonéale et autorise la sortie avec les consignes suivantes':

- port d'une ceinture pendant 8 semaines

- éviction du port de charges lourdes

- antibiothérapie

- traitement prophylaxique anti-thrombotique';

- soins infirmiers à domicile.

Il en résulte que la nouvelle éventration subie en avril 2016 correspond à la réalisation d'un tel risque de récidive d'éventration à court ou moyen terme qu'avaient ainsi identifié les experts judiciaires initialement désignés. Elle présente par conséquent un lien de causalité direct et certain avec l'infection nosocomiale survenue en 2012 au sein d'un établissement de la société HPM [Localité 6] (fasciite nécrosante).

Alors que la nouvelle intervention chirurgicale a notamment entraîné à la fois des douleurs et un préjudice esthétique complémentaire (plaie opératoire légèrement inflammatoire, à la sortie, puis ajout définitif d'une telle séquelle esthétique sur un abdomen déjà multi-cicatriciel), il convient de condamner, à titre provisionnel, la société HPM [Localité 6] à payer à M. [Z] une somme de 5 000 euros, en réparation de ces préjudices résultant d'une aggravation causée par l'infection nosocomiale contractée au sein de cet établissement.

L'ordonnance ayant dit n'y avoir lieu à condamnation provisionnelle est par conséquent réformée de ce chef.

. en second lieu, l'infection nosocomiale subie en 2020':

Sur ce point, la cour valide l'analyse du premier juge ayant retenu que le principe même de l'obligation de payer est sérieusement contestable : outre que l'expertise amiable a permis d'observer que la comparaison des germes respectifs n'était pas possible, à défaut de disposer d'une telle information, la circonstance que l'infection subie en 2020 sur une prothèse soit intervenue alors que M. [Z] était hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 5], et non dans un établissement de la société HPM [Localité 6], ne permet pas de retenir en l'état un lien de causalité direct et certain entre l'infection nosocomiale de 2012 et cette nouvelle aggravation de l'état de santé de M. [Z]. À cet égard, il appartient à l'expert désigné par le juge des référés de se prononcer sur une telle imputabilité de l'aggravation observée en 2020 à l'infection nosocomiale de 2012 en relation avec les soins pratiqués au sein de la société HPM [Localité 6].

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le présent arrêt mettant fin à l'instance et dessaisissant la juridiction, il convient de statuer sur les dépens dans les conditions fixées au dispositif.

Si la partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34), la société HPM [Localité 6] est toutefois une partie perdante devant la cour, dès lors que le bien-fondé de la demande indemnitaire provisionnelle de M. [Z] a été reconnu.

Il n'est enfin pas contraire à l'équité de condamner la société HPM [Localité 6] à payer une indemnité au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés, dès lors que':

- le juge des référés a admis que M. [Z] justifiait d'un motif légitime à solliciter une mesure d'instruction,

- en l'absence de toute obligation pour M. [Z] de poursuivre une démarche d'expertise amiable, la saisine du juge des référés constitue un droit dont il n'est pas démontré qu'il ait abusé.

Par conséquent, le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner la société HPM [Localité 6], outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à M. [Z] la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Réforme l'ordonnance rendue le 11 octobre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille dans toutes ses dispositions critiquées par la déclaration

d'appel ;

Et statuant à nouveau sur les chefs réformés :

Condamne la SAS HPM [Localité 6] à payer à M. [K] [Z] la somme de 5 000 euros à titre de provision sur la réparation intégrale de l'aggravation de ses préjudices résultant d'une récidive d'éventration en avril 2016';

Condamne la SAS HPM [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel';

Condamne la SAS HPM [Localité 6] à payer à M. [K] [Z] la somme de 1'500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/05624
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.05624 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award