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06/07/2023 | FRANCE | N°22/01937

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 juillet 2023, 22/01937


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023



****



N° de MINUTE : 23/256

N° RG 22/01937 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHLJ



Jugement (N° 20/00754) rendu le 29 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer





APPELANTE



Société Malakoff Humanis Prevoyance venant aux droits de Humanis Prevoyance

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Tania Normand, avocat au barr

eau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué, assistée de Me Emmanuelle Gintrac, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



INTIMÉES



Madame [B] [J]

née le 03 Août 1978 à [Localité 7...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023

****

N° de MINUTE : 23/256

N° RG 22/01937 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHLJ

Jugement (N° 20/00754) rendu le 29 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTE

Société Malakoff Humanis Prevoyance venant aux droits de Humanis Prevoyance

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Tania Normand, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué, assistée de Me Emmanuelle Gintrac, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

Madame [B] [J]

née le 03 Août 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Nina Penel, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/004551 du 13/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

SA Axa France Vie

[Adresse 2]

[Localité 6]

Compagnie d'assurance Axa Assurances Vie Mutuelle

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentées par Me Vincent Troin, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué, assisté de Me Alice Simounet, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 03 mai 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 avril 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [B] [J] a été embauchée comme éducatrice spécialisée au sein de l'association Foyer international d'accueil et de culture (Fiac) du 1er janvier 2008 au 19 octobre 2018.

Son employeur a adhéré à un contrat de prévoyance collective pour ses salariés garantissant les risques décès, incapacité temporaire de travail et invalidité permanente, d'abord selon contrat du 7 mars 1986 auprès de l'Union des assurances de Paris-vie (UAP vie) et l'Union des assurances de Paris-iard (UAP iard), aux droits desquelles vient désormais la société Axa France vie (Axa), puis auprès de l'institution Humanis prévoyance suivant contrat prenant effet au 1er janvier 2016.

Mme [J] a bénéficié d'un arrêt de travail du 5 au 16 octobre 2015, du 26 octobre 2015 au 15 août 2016, puis d'un arrêt de travail à temps partiel dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique du 16 août 2016 au 9 avril 2017, reprenant le travail à compter du 10 avril 2017.

A compter du 1er mai 2017, Mme [J] a été reconnue en invalidité de 1ère catégorie.

Elle a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail à compter du 9 novembre 2017.

A compter du 1er septembre 2018, Mme [J] a été placée en invalidité de 2ème catégorie.

Elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude le 19 octobre 2018.

Par actes d'huissier de justice du 21 et 24 février 2020, Mme [J] a fait assigner l'institution Humanis prévoyance et la société Axa assurances vie mutuelle devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer notamment aux fins de voir :

- condamner Axa à lui régler les sommes afférentes à son contrat de prévoyance au titre de ses arrêts de travail jusqu'en août 2016, et de son invalidité catégorie l jusqu'au 9 novembre 2017 ;

- condamner Humanis prévoyance à lui régler, à compter de novembre 2017, le complément prévoyance afférent à ses différents arrêts de travail relatifs à la dépression et à son invalidité catégorie 2.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 29 mars 2022, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer

a :

1. condamné la société Axa France vie à verser à Mme [J] la somme de 1 725,42 euros ;

2. condamné l'institution Malakoff humanis prévoyance à verser à Mme [J] la somme de 38 692,74 euros ;

3. dit que l'institution Malakoff humanis prévoyance était tenue au versement des prestations au titre de l'invalidité catégorie 2 de Mme [J] pour la période postérieure au 1er février 2021 dans les conditions et limites de la police d'assurance ;

4. condamné in solidum la société Axa France vie et l'institution Malakoff humanis prévoyance à payer à Maître Nina Penel la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

5. rejeté les autres demandes ;

6. condamné in solidum la société Axa France vie et l'institution Malakoff humanis prévoyance aux dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 19 avril 2022, l'institution Malakoff humanis prévoyance (Malakoff humanis), venant aux droits de l'institution Humanis prévoyance, a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 2 à 6 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2022, Malakoff humanis demande à la cour, au visa de l'article 7 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 et de l'article 455 du code de procédure civile, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- infirmer le jugement critiqué ;

à titre principal,

- juger que le fait générateur de l'arrêt de travail prescrit le 9 novembre 2017 à Mme [J] et du classement en invalidité de celle-ci est antérieur à la résiliation du contrat d'assurance collective conclu entre l'association Fiac et l'UAP, survenue le 30 juillet 2016, ainsi qu'à la souscription par l'association Fiac auprès d'elle du contrat de régime de prévoyance collective à adhésion obligatoire à effet du 1er janvier 2016 ;

- condamner la société Axa France vie venant aux droits de l'UAP à prendre en charge l'indemnisation complémentaire de l'incapacité de travail de Mme [J] ayant couru du 9 novembre 2017 au 31 août 2018, ainsi que l'invalidité de Mme [J] ;

- débouter Mme [J] de l'ensemble des demandes formulées à son encontre ;

à titre subsidiaire,

- constater que la juridiction saisie ne dispose pas en l'état d'éléments suffisants pour statuer ;

- ordonner une expertise médicale judiciaire ;

- désigner un expert judiciaire avec notamment pour mission d'examiner Mme [J], de se faire remettre tous documents utiles, de décrire l'état de santé de celle-ci, de déterminer si la maladie qui a justifié la prescription de l'arrêt de travail à compter du 9 novembre 2017 constitue une rechute de la pathologie ayant justifié la prescription des arrêts de travail du 5 et 26 octobre 2015 et, en conséquence, si la maladie survenue le 9 novembre 2017 trouve son origine antérieurement à la souscription du contrat par l'association Fiac auprès d'elle ;

à titre plus subsidiaire,

- dire qu'Axa est tenue au versement des prestations au titre de l'invalidité de 1ère catégorie de Mme [J] à compter du 1er mai 2017 et pour les périodes postérieures au 9 novembre 2017 et 1er septembre 2018 ;

- condamner Axa à prendre en charge l'intégralité de l'indemnisation complémentaire de l'invalidité de 1ère catégorie de Mme [J] à compter du 1er mai 2017 et pour les périodes postérieures au 9 novembre 2017 et 1er septembre 2018 ;

à titre infiniment subsidiaire,

- limiter la condamnation prononcée à son encontre au titre du classement en invalidité de 2ème catégorie pour la période courant du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2021 à la somme de 20 962,42 euros ;

en tout état de cause,

- confirmer pour le surplus le jugement critiqué ;

- condamner la partie succombante à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, Malakoff humanis fait valoir que :

- le classement de Mme [J] en invalidité de 1ère catégorie à compter du 1er mai 2017 faisait suite au diagnostic de myalgies, thyroïdite auto-immune, et pathologies liées à l'humeur ;

- lors du nouvel arrêt de travail du 9 novembre 2017, ses pathologies étaient prises en charge par l'assurance maladie au titre d'une affection longue durée, et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) n'a appliqué aucune carence, considérant que la maladie avait la même origine que celle ayant motivé les arrêts de travail précédents du 5 et 26 octobre 2015 ;

- le classement de Mme [J] a été révisé en invalidité de 2ème catégorie à compter du 1er septembre 2018 en raison de la persistance et de l'évolution défavorable des pathologies dont elle était affectée depuis octobre 2015 ;

- l'arrêt de travail pour maladie du 9 novembre 2017 et le classement en invalidité de 2ème catégorie sont la suite directe des arrêts maladie initiaux du 5 octobre puis du 26 octobre 2015, et le fait générateur de ces incapacité et invalidité est antérieur à la souscription du contrat de régime de prévoyance auprès d'elle ;

- elle a continué à refuser toute prise en charge du sinistre en dépit des mises en demeure que lui ont adressées, le 28 février et 13 août 2019, Mme [J] et son conseil ;

- l'article 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 prévoit sans ambiguïté que les garanties d'incapacité temporaire de travail et d'invalidité sont maintenues en dépit de la résiliation du contrat de prévoyance à la condition que l'événement qui donne naissance au droit à prestations trouve son origine antérieurement à la résiliation ou au non renouvellement du contrat ;

- considérer, comme l'a fait le premier juge, que le sinistre ouvrant droit à prestations devait être appréhendé, non pas au regard de son fait générateur, mais par simple référence aux seules dispositions contractuelles, aboutit à violer les dispositions d'ordre public de l'article 7 précité ;

- la date du fait générateur des arrêts de travail prescrits successivement à Mme [J], et de son classement en invalidité est celle du 5 octobre 2015, soit une date antérieure à l'adhésion de l'association Fiac au contrat de prévoyance Malakoff humanis ;

- le contrat d'assurance collective souscrit par l'association Fiac auprès d'Axa ne pose aucune autre condition à l'acquisition des droits à prestations, étant rappelé que les risques incapacité et invalidité relevant de l'assurance non-vie ne sont pas des risques distincts au regard des conditions générales et particulières applicables ; - il appartient à Axa de verser à Mme [J] les indemnisations complémentaires dues au titre du classement en invalidité et de l'arrêt de travail du 9 novembre 2017 ;

- à titre subsidiaire, elle rappelle que l'état d'invalidité de 1ère catégorie de Mme [J] n'a pas pris fin le 9 novembre 2017, dès lors qu'un assuré peut cumuler le versement de sa pension d'invalidité avec des indemnités journalières ; c'est à tort que le premier juge a mis fin à la prise en charge par Axa de l'indemnisation de l'invalidité de 1ère catégorie au 8 novembre 2017.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 10 octobre 2022, les sociétés Axa France vie (Axa) et Axa assurances vie mutuelle, intimées et appelantes incidentes, demandent, au visa des articles 1103, 1193, 1353 du code civil, 472, 700 et 763 du code de procédure civile, 2 et 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

. condamné Malakoff humanis à verser à Mme [J] la somme de 38 692,74 euros ;

. dit que Malakoff humanis était tenue au versement des prestations au titre de l'invalidité de catégorie 2 de Mme [J] pour la période postérieure au 1er février 2021 dans les conditions et limites de la police d'assurance ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. condamné la société Axa France vie à verser à Mme [J] la somme de 1 725,42 euros ;

. condamné in solidum la société Axa France vie et Malakoff humanis à payer à Maître Nina Penel la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

. rejeté les autres demandes ;

. condamné in solidum la société Axa France vie et Malakoff humanis au dépens.

statuant à nouveau,

- à titre liminaire, prononcer la mise hors de cause de la société Axa assurances vie mutuelle ;

à titre principal,

- juger qu'Axa a effectivement réglé et pris en charge l'arrêt de travail du 5 au 16 octobre 2016 et celui du 26 octobre 2016 au 9 avril 2017 ;

- juger que l'invalidité de 1ère catégorie intervenue le 1er mai 2017 constitue un nouveau sinistre intervenu postérieurement à la résiliation du contrat Axa ;

- juger qu'en tout état de cause, l'invalidité de 1ère catégorie intervenue le 1er mai 2017 ne remplit pas les conditions contractuelles de la garantie Axa ;

- juger que l'arrêt de travail du 9 novembre 2017 au 31 août 2018 constitue un nouveau sinistre intervenu postérieurement à la résiliation du contrat Axa ;

- juger que l'invalidité de 2ème catégorie intervenue le 1er septembre 2018 constitue un nouveau sinistre intervenu postérieurement à la résiliation du contrat Axa ;

- juger bien fondé son refus de garantie opposé à compter du 10 avril 2017 ;

- juger que seule Malakoff humanis est l'assureur tenu à prendre en charge les sinistres intervenus après le 10 avril 2017 ;

- par conséquent, débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes présentées à l'encontre d'Axa ;

- débouter Malakoff humanis de l'intégralité de ses demandes présentées à l'encontre d'Axa ;

à titre subsidiaire,

- juger qu'Axa a d'ores et déjà indemnisé le sinistre incapacité temporaire au profit de Mme [J] pour la période « du 5 octobre au 9 avril 2017 » ;

- juger que le montant de la rente invalidité mensuelle s'élève au maximum à la somme de 236,15 euros avant prise en compte des prestations sociales et salaires perçus ;

- juger que le montant de l'indemnité journalière doit se calculer conformément aux conditions et limites du contrat n°2320000142900H ;

en tout état de cause,

- juger Mme [J] mal fondée en sa demande formulée au titre de l'incapacité de travail à compter d'octobre 2015 jusqu'au 9 avril 2017, incapacité ayant déjà donné lieu à indemnisation de sa part, et l'en débouter ;

- juger qu'Axa ne s'oppose pas à la demande d'expertise judiciaire présentée par Malakoff humanis sous les plus expresses protestations et réserves quant à ses responsabilités et garanties ;

- débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros, ce préjudice n'étant justifié ni en son principe ni en son quantum ;

- condamner toute partie succombante à payer à Axa la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la société LLC avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, les sociétés Axa France vie (Axa) et Axa assurances vie mutuelle font valoir que :

- Axa a pris en charge l'arrêt de travail sur les périodes du 5 au 16 octobre 2015, du 26 octobre 2015 au 16 août 2016, le mi-temps thérapeutique du 16 août 2016 au 9 avril 2017, date de cessation du versement des indemnités journalières par la CPAM dès lors que Mme [J] avait repris le travail ;

- Axa refuse de maintenir sa garantie pour la période postérieure au 9 avril 2017 ;

- le principe de sa garantie doit s'apprécier au seul regard des dispositions du contrat d'assurance collective n°2320000142900H, et les dispositions de l'article 7 de la loi Evin ne font pas obstacle à l'application des dispositions contractuelles ;

- la mise en 'uvre de sa garantie suppose, d'une part, la survenance du risque assuré pendant la période de validité du contrat d'assurance et, d'autre part, que les conditions de la garantie soient remplies pendant la période de validité du contrat, c'est-à-dire que le sinistre soit indemnisable ;

- en application des articles 4 et 8 de ses conditions générales, les garanties incapacité de travail et invalidité sont dues à la double condition que le risque couvert se soit réalisé durant l'exécution du contrat, et du versement par la sécurité sociale d'indemnités journalières ou d'une pension ou rente d'invalidité ;

- Axa justifie avoir versé les prestations dues jusqu'au 9 novembre 2017 au titre de la garantie incapacité de travail directement entre les mains du souscripteur, l'association Fiac ;

- Axa considère que l'adhérente a cessé de percevoir des indemnités de la part de la sécurité sociale à compter du 10 avril 2017, et que le risque invalidité de catégorie 1 s'est réalisé en dehors de l'exécution de son contrat lequel a pris automatiquement fin le 1er janvier 2016 ;

- le placement en invalidité de 1ère catégorie constitue un nouveau sinistre réalisé postérieurement à la résiliation de sa garantie invalidité ;

- le seul rapport du médecin conseil est insuffisant pour justifier de l'existence d'un lien médical entre l'arrêt de travail d'octobre 2015 et le placement en invalidité de 1ère catégorie du 1er mai 2017 ;

- l'arrêt de travail survenu le 9 novembre 2017 est intervenu 7 mois après la fin du précédent arrêt, postérieurement à la résiliation du contrat Axa, au cours de l'exécution du contrat Malakoff humanis, et alors que Mme [J] avait repris son activité professionnelle à compter du 10 avril 2017 ; au surplus, il concerne une pathologie ne présentant aucun lien avec la pathologie initiale ; il doit être pris en charge par l'assureur dont le contrat est en cours de validité à cette date ;

- la qualification de rechute éventuelle par la sécurité sociale ne lui est pas opposable ;

- le placement en invalidité 2ème catégorie le 1er septembre 2018 est également un nouveau sinistre intervenu postérieurement à la résiliation du contrat de prévoyance Axa, et doit être intégralement couvert par Malakoff humanis.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 12 octobre 2022, Mme [J], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué, sauf à faire droit à la demande de réparation de son préjudice moral en application de l'article 1231-1 du code civil, et à la condamnation des caisses de prévoyance aux entiers dépens et frais irrépétibles engagés en cause d'appel en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- en conséquence, condamner chacune des caisses de prévoyance à la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 1231-1 du code civil ;

- condamner solidairement les caisses de prévoyance à la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, dont distraction au profit de Maître Nina Penel avocat ;

- condamner Malakoff humanis et Axa aux entiers frais et dépens de la procédure ;

- débouter Malakoff humanis et Axa de leurs prétentions plus amples ou contraires.

A l'appui de ses prétentions, Mme [J] fait valoir que :

- en octobre 2015, elle a fait l'objet d'un premier arrêt de travail avec renouvellement pour maladie non professionnelle pour fibromyalgie et thyroïdite ;

- après reprise de son travail, elle a bénéficié, à compter du 9 novembre 2017, d'un nouvel arrêt de travail initial pour dépression, lequel a été prolongé à plusieurs reprises jusqu'à sa mise en invalidité catégorie 2 le 1er septembre 2018.

- les caisses de prévoyance reconnaissent toutes deux l'existence d'un droit à prestations à son profit, mais se rejettent la prise en charge de ses droits ; elles sont en désaccord sur la portée de leurs engagements respectifs et les modalités de prise en charge de la garantie ;

- aux termes des deux contrats de prévoyance, les garanties commencent dès la souscription du contrat et, en cas de rupture du contrat, l'indemnisation ayant débuté au cours de l'exécution de celui-ci se poursuit jusqu'à extinction des droits ;

- nonobstant la résiliation du contrat de prévoyance souscrit auprès d'Axa, il appartient à celle-ci, conformément aux dispositions contractuelles, de l'indemniser jusqu'en août 2016 pour les arrêts de travail, puis jusqu'au 9 novembre 2017 pour l'invalidité de catégorie 1 ;

- Axa ne justifie pas du versement, à l'adhérente ou directement à l'employeur, des prestations pour arrêt de travail sur la période de mai 2016 à mai 2017 ;

- son placement en invalidité 1ère catégorie s'inscrit dans la continuité de l'arrêt de travail initial du 5 octobre 2015, et concerne les mêmes pathologies, comme l'indique le rapport médical d'attribution d'invalidité du 22 mars 2017 ; il doit être indemnisé par Axa pour la période du 1er mai 2017 au 9 novembre 2017, date à compter de laquelle survient un nouvel arrêt de travail pour une dépression, nouvelle pathologie qui ne s'avère pas liée à l'arrêt de travail du 5 octobre 2015 ;

- la CPAM a appliqué un nouveau délai de carence de trois jours lors de la prescription de l'arrêt de travail initial du 9 novembre 2017 ;

- l'indemnisation de l'arrêt de travail du 9 novembre 2017 et du placement en invalidité de 2ème catégorie relève de la garantie de Malakoff humanis ;

- la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire est dénuée de pertinence compte tenu de l'ancienneté du litige ; une telle mesure aboutirait à augmenter considérablement la date de liquidation de ses droits.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la mise hors de cause de la société Axa assurances vie mutuelle

Les sociétés Axa intimées sollicitent la mise hors de cause de la société Axa assurances vie mutuelle.

Malakoff humanis et Mme [J] ne s'opposent pas à cette demande, étant ici observé qu'aucune d'elles ne forme de prétention à son encontre.

Sur ce, il apparaît que seule la société Axa France vie vient aux droits des sociétés UAP-vie et UAP-iard, lesquelles avaient conclu la convention d'assurance collective n°2320000142900H avec l'employeur, l'association Fiac.

Le premier juge indique dans sa motivation qu'il n'est pas contesté que le litige intéresse les garanties potentiellement dues par la société Axa France vie, et non par la société Axa assurances vie mutuelle, et met en conséquence celle-ci hors de cause, sans toutefois statuer sur ce point dans son dispositif.

Rectifiant une telle omission de statuer, la cour prononce la mise hors de cause de la société Axa assurances vie mutuelle.

II - Sur la prise en charge de prestations différées en cas de succession d'assureurs

Aux termes des dispositions de l'article 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, lesquelles sont d'ordre public et s'appliquent quelle que soit la loi qui régit le contrat, lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention. De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement.

L'engagement doit être couvert à tout moment, pour tous les contrats ou conventions souscrits, par des provisions représentées par des actifs équivalents.

En application de ce texte, les prestations liées à la réalisation d'un sinistre survenu pendant la période de validité du contrat d'assurance de groupe ne peuvent être remises en cause par la résiliation ultérieure de la police. Il en résulte que l'assureur doit poursuivre, au-delà de la résiliation ou du non-renouvellement de la police, le service des prestations prévues acquises ou nées du fait d'un risque qui s'est réalisé au cours de la période d'effet du contrat.

Dès lors que la date du fait générateur du sinistre intervient au cours de la période de validité de la police d'assurance de groupe, l'assureur a l'obligation de garantir le risque souscrit au titre de ce contrat.

La rente invalidité constitue une prestation différée d'une garantie indemnités journalières, et doit être servie par l'ancien organisme assureur, lorsque cette maladie est survenue pendant la période d'exécution d'un contrat.

En l'espèce, la CPAM de la Côte d'Opale a adressé à Mme [J] le 8 septembre 2019 une attestation de paiement des indemnités journalières pour la période du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2018 ; si ce document mentionne « arrêt de travail initial » pour la période du 9 novembre 2017 au 23 mars 2018, laquelle est prolongée jusqu'au 1er septembre 2018, cela s'avère en totale contradiction avec les rapports médicaux de son médecin-conseil.

En effet, le rapport médical d'attribution d'invalidité, établi le 22 mars 2017 par le médecin conseil de la CPAM de la Côte d'Opale, mentionne :

« Mode d'entrée en invalidité : stabilisation

Arrêt en cours (L.323-1) : oui, du 5.10.2015 [']

Histoire de la maladie :

PAM du 05/10/2015 avec reprise à mi-temps thérapeutique le 16/08/2016.

Symptomatologie diffuse associant asthénie importante.

Trouble du sommeil, acouphènes, trouble visuel, amaigrissement, douleur diffuse, céphalées, trouble de la concentration

Ptosis palpébral gauche

Urticaire récidivant

Traitement : avlocardyl 160 1/jour ; cymbalta 2/jour ; laroxyl 25 1/jour

Documents présentés :

Évaluation neuro psychologique du 08/02/2017, Dr [E] : "défaut de flexibilité mentale associé à un ralentissement psychomoteur, déficit de mobilisation des capacités attentionnelles en situation d'attention continue..."

Doléances : fatigue

Examen :

['] Douleur chronique invalidante au niveau cervical responsable de céphalées ; ptosis palpébral ; instabilité de l'humeur (ne maîtrise pas ses réactions) ; urticaire superficiel ; points douloureux de fibromyalgie majorés pendant les règles.

Discussion médico-légale : fibromyalgie ; thyroïdite auto-immune

Diagnostic : myalgie ; autres symptômes et signes relatifs à l'humeur

Conclusions : avis favorable catégorie 1 par réduction de capacité gain ».

Le rapport médical de révision d'invalidité, établi le 26 avril 2019 par le médecin conseil de la CPAM de la Côte d'Opale, mentionne :

« Histoire de la maladie :

PAM du 05/10/2015 avec reprise à mi-temps thérapeutique le 16/08/2016.

Symptomatologie diffuse associant asthénie importante.

Trouble du sommeil, acouphènes, trouble visuel, amaigrissement, douleur diffuse, céphalées, trouble de la concentration

Ptosis palpébral gauche

Urticaire récidivant

Nouvel arrêt au 9 novembre 2017 pour déstabilisation de la thyroïde aux différentes saisons, avec nouvelle adaptation du traitement antidépresseur

Sous 100 mg de thyroxine [']

Traitement : avlocardyl 160 1/jour ; xanax 0,50 1 le soir ; cymbalta et laroxyl arrêtés il y a un an relayé par seroplex 1 matin et 1 soir ; bilaska 2 matin et soir [...]

Documents présentés :

Évaluation neuro psychologique du 08/02/2017, Dr [E] : "défaut de flexibilité mentale associé à un ralentissement psychomoteur, déficit de mobilisation des capacités attentionnelles en situation d'attention continue..."

Examen :

['] Douleur chronique invalidante au niveau cervical responsable de céphalées ; ptosis palpébral gauche ; caractère explosif ; vertiges ; tremblements ; exacerbation des sujets d'inquiétudes ; instabilité de l'humeur (maîtrise avec difficultés ses réactions) ; urticaire superficiel ; points douloureux de fibromyalgie majorés pendant les règles ; hémorroïde ; côlon irritable

Discussion médico-légale : fibromyalgie ; thyroïdite auto immune ; trouble neuro psychologique persistant, avec répercussion cutanée ; nouvel arrêt continu au 09/11/2017 sans reprise à mi-temps thérapeutique, pour récidive dépressive

Diagnostic : épisodes dépressifs

Conclusions : capacité gain

L'examen attentif et détaillé de ces documents médicaux, lesquels ont été soumis à la libre discussion des parties, montre à l'évidence, au chapitre « histoire de la maladie » que le premier arrêt de travail du 5 octobre 2015 est en lien avec une fibromyalgie, une thyroïdite auto immune, et des symptômes et signes relatifs à l'humeur avec une asthénie importante, outre des troubles sensoriels et psychosomatiques, et que ces pathologies chroniques ont par la suite conduit au classement de Mme [J] en invalidité de 1ère catégorie à compter du 1er mai 2017.

Dès lors, le placement de l'adhérente en invalidité de 1ère catégorie ne constitue pas un nouveau sinistre, contrairement à ce que prétend Axa, mais trouve bien son fait générateur dans les pathologies à l'origine du premier arrêt de travail survenu le 5 octobre 2015.

S'agissant de l'arrêt de travail du 9 novembre 2017, en dépit des allégations d'Axa selon lesquelles la sécurité sociale ne l'aurait pas envisagé comme une rechute consécutive au premier arrêt du 5 octobre 2015, il s'observe que le médecin-conseil le retient expressément comme un « nouvel arrêt au 9 novembre 2017 pour déstabilisation de la thyroïde aux différentes saisons, avec nouvelle adaptation du traitement antidépresseur ». La fibromyalgie, la thyroïdite auto immune et la récidive dépressive ayant donné lieu à ce nouvel arrêt de travail sont bien des pathologies identiques à celles ayant donné lieu à l'arrêt maladie initial, étant ici relevé qu'il s'agit de maladies évolutives et que l'état de santé de Mme [J] n'était pas stabilisé.

A cet égard, et contrairement aux allégations de Mme [J], la lecture de l'attestation récapitulative de paiement des indemnités journalières, établie le 8 septembre 2019 par la CPAM, ne prévoit aucun nouveau délai de carence pour l'arrêt de travail du 9 novembre 2017, ce qui tend à démontrer qu'il s'agit d'une rechute de son état de santé.

Il s'ensuit que le fait générateur de l'arrêt de travail du 9 novembre 2017 au 31 août 2018 est bien à rechercher dans les pathologies initiales ayant donné lieu à l'arrêt de travail du 5 octobre 2015, et Axa doit également sa garantie à ce titre.

Enfin, doit être considérée comme différée, au sens de l'article 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, la prestation relative à une invalidité survenue postérieurement à la résiliation du contrat, mais après la prise en charge par le premier assureur au titre d'une incapacité de travail, dès lors que l'incapacité et l'invalidité trouvent leur origine dans le même fait générateur.

En l'espèce, le classement de Mme [J] en invalidité de 1ère catégorie puis de 2ème catégorie, bien que décidé respectivement le 1er mai 2017 puis le 1er septembre 2018, après la résiliation du contrat de prévoyance Axa laquelle est intervenue le 30 juillet 2016, est la conséquence d'un fait générateur unique, à savoir les maladies nées pendant la période de validité de celui-ci, et les indemnités réclamées par Mme [J] constituent des prestations différées de la garantie invalidité, lesquelles doivent être versées par l'institution de prévoyance Axa.

Il s'ensuit que le refus de garantie opposé par Axa à l'adhérente au titre de l'arrêt de travail du 9 novembre 2017 au 31 août 2018, de l'invalidité de 1ère catégorie et de l'invalidité de 2ème catégorie n'est pas fondé.

Le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a condamné Malakoff humanis à verser à Mme [J] la somme de 38 692,74 euros, et dit que celle-ci serait tenue au versement des prestations au titre de l'invalidité catégorie 2 de Mme [J] pour la période postérieure au 1er février 2021 dans les conditions et limites de la police d'assurance.

III - Sur la demande d'expertise judiciaire

La mise en 'uvre d'une mesure d'expertise judiciaire n'apparaît pas nécessaire à la solution du litige, dès lors que les éléments médicaux, versés au débat par l'adhérente, apparaissent suffisants pour trancher le litige, et ont été soumis contradictoirement à la libre discussion des parties.

Malakoff humanis et Axa seront purement et simplement déboutées de leur demande subsidiaire tendant à la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise médicale.

IV - Sur le quantum des droits à garantie

A - Sur l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail

1 - Sur l'arrêt de travail jusqu'au 9 avril 2017

Si Mme [J] soutient n'avoir perçu aucune somme d'Axa ni de son employeur par le jeu de la subrogation au titre de l'arrêt de travail du 5 au 16 octobre 2016, de l'arrêt de travail du 26 octobre 2015 au 15 août 2016, et du mi-temps thérapeutique du 16 août 2016 au 9 avril 2017, il reste pour autant qu'Axa produit au débat, numéros de chèques, dates d'émission et d'encaissement à l'appui, une attestation de son service trésorerie du 4 mars 2021, dont il résulte qu'elle a versé directement à l'employeur souscripteur les prestations indemnisant le sinistre incapacité temporaire de Mme [J] survenu le 26 octobre 2015, sur la période du 22 avril 2016 au 9 avril 2017.

Le premier juge a exactement apprécié qu'en l'absence de demande formulée directement auprès de l'employeur qui a, au demeurant, reconnu son obligation de subrogation dans une lettre du 18 février 2019 adressée à son ancienne salariée, celle-ci est mal fondée à réclamer directement à Axa le paiement des prestations incapacité de travail, lesquelles ont déjà été entièrement réglées par l'assureur pour la période considérée.

Il y a lieu de débouter Mme [J] de sa demande de condamnation d'Axa à lui payer une somme de 2 183,69 euros au titre de la garantie incapacité de travail sur la période antérieure au 9 avril 2017.

2 - Sur l'arrêt de travail du 9 novembre 2017 au 31 août 2018

Le premier juge a condamné Malakoff humanis à payer à Mme [J] la somme de 7 242,78 euros Humanis au titre de la garantie incapacité de travail pour la période du 9 novembre 2017 au 31 août 2018.

Mme [J] demande la confirmation du jugement dont appel.

Malakoff humanis sollicite l'infirmation du jugement querellé sur ce point, sollicitant la condamnation d'Axa à prendre en charge l'indemnisation complémentaire de l'incapacité de travail de Mme [J] ayant couru du 9 novembre 2017 au 31 août 2018.

Axa fait valoir subsidiairement que la prise en charge de ce sinistre doit se calculer conformément aux conditions et limites contractuelles, selon la formule suivante prévue par les conditions particulières :

« Le montant de l'indemnité journalière est fixée à :

20% de la 365ème partie de la tranche A de la base ;

20% de la 365ème partie de la tranche B de la base. »

Sur ce, il s'observe que l'adhérente ne sollicite pas, dans ses écritures, la condamnation d'Axa à lui payer les indemnités contractuellement dues à ce titre. En effet, Mme [J] ne formule, à titre subsidiaire, aucune demande indemnitaire en exécution du contrat de prévoyance collective n°2320000142900H souscrit auprès d'Axa par son employeur.

En vertu de la règle « nul ne plaide par procureur », Malakoff humanis, qui est un tiers audit contrat, et qui n'est pas expressément mandatée pour ce faire, ne peut se substituer à l'adhérente pour solliciter, pour le compte de celle-ci, la prise en charge de l'indemnisation complémentaire due par Axa au titre de la garantie incapacité de travail.

En conséquence, la cour infirmera le jugement querellé en ce qu'il a condamné Malakoff humanis à payer l'indemnité d'assurance due au titre de la garantie incapacité de travail pour la période du 9 novembre 2017 au 31 août 2018, et constatera que Mme [J] ne formule subsidiairement à l'encontre d'Axa aucune demande de condamnation à ce titre.

B - Sur l'indemnisation au titre de l'invalidité permanente

1 - Sur l'invalidité de première catégorie du 1er mai au 9 novembre 2017

Le premier juge a condamné Axa à payer à Mme [J] la somme de 1 725,42 euros à ce titre.

Mme [J] demande la confirmation du jugement dont appel sur ce point.

Malakoff humanis demande à la cour de condamner Axa à prendre en charge l'indemnisation de l'invalidité de Mme [J].

Axa demande à la cour, à titre subsidiaire, de juger que le montant de la rente invalidité mensuelle s'élève au maximum à la somme de 236,15 euros avant prise en compte des prestations sociales et salaires perçus ; elle fait valoir que :

- en application de l'article 6-II « Base des prestations » et de l'annexe 5 des conditions générales, et des conditions particulières, les douze mois civils devant être pris en considération pour le calcul de la base des prestations sont ceux antérieurs à l'arrêt de travail du 5 octobre 2015 ;

- d'octobre 2014 à septembre 2015, Mme [J] a perçu un salaire annuel brut de 29 818 euros, soit un salaire net imposable de 23 614,74 euros ; en conséquence, le montant de la rente s'élève à la somme mensuelle de 236,15 euros ;

- il revient à Mme [J] une indemnité de 1 487,75 euros pour la période d'invalidité 1ère catégorie du 1er mai au 9 novembre 2017, soit six mois et 9 jours ;

- rien ne vient démontrer que Mme [J] a bénéficié du cumul de la rente invalidité de 1ère catégorie avec les indemnités journalières après le 9 novembre 2017.

Sur ce, il résulte de l'article 6-II « Base des prestations » des conditions générales du contrat de prévoyance applicable au litige, que « la base des prestations est égale à la base de l'assurance afférente aux douze mois civils immédiatement antérieurs à la date du sinistre, sous réserve des dispositions particulières de l'article 8-II.

Lorsqu'un assuré ne compte pas douze mois civils de présence à temps complet chez le souscripteur à la date du sinistre, la base est égale à douze fois la moyenne mensuelle des salaires déclarés.

Lorsqu'un assuré a eu une ou plusieurs périodes d'arrêt de travail au cours des douze mois civils précédant le sinistre, la base annuelle est reconstituée prorata temporis à partir des salaires déclarés au cours des mois civils de présence à temps complet chez le souscripteur. »

Selon l'article 6 dudit contrat, « la base de l'assurance est égale au salaire annuel brut déclaré par le souscripteur à l'administration fiscale en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu des personnes physiques ».

En outre, l'annexe 5 des conditions générales précise que :

« Des montants des indemnités journalières et rentes, il faut déduire les prestations versées au même titre par la sécurité sociale ».

Les conditions particulières indiquent en page 5, s'agissant de la garantie invalidité permanente, que « pour un assuré classé en 1ère catégorie, la rente versée est égale à la rente qui aurait été servie s'il avait été classé par la sécurité sociale en 2ème catégorie, réduite de 40% ».

En application de ces dispositions, les douze mois civils devant être pris en considération pour le calcul de la base des prestations sont ceux antérieurs à l'arrêt de travail survenu le 5 octobre 2015, soit la rémunération brute cumulée d'octobre 2014 à septembre 2015.

Sur cette période, Axa retient que Mme [J] a perçu un salaire annuel brut d'un montant de 29 818 euros, soit un salaire net imposable de 23 614,74 euros.

Si Mme [J] produit ses bulletins de salaire de septembre 2015 à octobre 2018, elle ne verse au débat ni sa déclaration d'impôt sur les revenus 2014 et 2015, ni ses bulletins de salaire établis d'octobre 2014 à août 2015, de sorte qu'elle n'apporte pas les éléments de nature à contester ce chiffrage.

Il s'ensuit que le montant de la rente mensuelle s'élève à la somme de 236,15 euros selon le calcul suivant :

23 614,74 x 20% = 4 722,95 euros

4 722,95 x 40% = 1 889,18 euros

4 722,95 ' 1 889,18 = 2 833,77 euros

2 833,77 / 12 = 236,15 euros

En conséquence, il revient à Mme [J] les sommes suivantes au titre de la garantie invalidité de 1ère catégorie :

du 1er mai au 31 octobre 2017 : 236,15 x 6 = 1 416,90 euros

du 1er au 9 novembre 2017 : 236,15 x 9/30 = 70,85 euros

soit une somme totale de 1 487,75 euros.

Contrairement aux allégations de Malakoff humanis selon lesquelles l'adhérente aurait cumulé sa rente invalidité de 1ère catégorie avec des indemnités journalières entre le 9 novembre 2017 et le 31 août 2018, rien ne vient corroborer une telle hypothèse, dans la mesure où l'attestation de paiement des indemnités journalières établie le 8 septembre 2019 par la CPAM montre que l'assurée a bien perçu à compter du 9 novembre 2017 des indemnités journalières complètes de 40,49 euros, et non divisées par deux.

Le jugement sera infirmé sur ce point, et Axa sera condamnée à payer à Mme [J] une somme de 1 487,75 euros au titre de la garantie invalidité de 1ère catégorie.

2 - Sur l'invalidité de deuxième catégorie

Le premier juge a condamné Malakoff humanis à payer à Mme [J] une indemnité de 31 449,96 euros au titre de l'invalidité de 2ème catégorie du 1er septembre 2018 au 1er février 2021, et pour le surplus que celle-ci serait tenue au versement des prestations au titre de l'invalidité catégorie 2 de Mme [J] pour la période postérieure au 1er février 2021 dans les conditions et limites de la police d'assurance.

Mme [J] sollicite la confirmation du jugement attaqué sur ces points.

Axa indique que, dans les conditions et limites du contrat, le cour doit retenir le calcul de la rente mensuelle opéré à hauteur de 236,15 euros.

Malakoff humanis demande à la cour de condamner Axa à prendre en charge l'indemnisation de l'invalidité de Mme [J].

Sur ce, il s'observe que l'adhérente ne sollicite pas, dans ses écritures, la condamnation d'Axa à lui payer les indemnités contractuellement dues à ce titre. En effet, Mme [J] ne formule, à titre subsidiaire, aucune demande indemnitaire en exécution du contrat de prévoyance collective n°2320000142900H souscrit auprès d'Axa par son employeur.

En vertu de la règle « nul ne plaide par procureur », Malakoff humanis, qui est un tiers audit contrat, et qui n'est pas expressément mandatée pour ce faire, ne peut se substituer à l'adhérente pour solliciter, pour le compte de celle-ci, la prise en charge de l'indemnisation complémentaire due par Axa au titre de la garantie invalidité.

En conséquence, la cour infirmera le jugement querellé en ce qu'il a condamné Malakoff humanis à payer l'indemnité d'assurance due au titre de la garantie invalidité de 2ème catégorie, et constatera que Mme [J] ne formule subsidiairement à l'encontre d'Axa aucune demande de condamnation à ce titre.

V - Sur le préjudice moral de l'adhérente

Le premier juge a débouté Mme [J] de sa demande de ce chef.

Mme [J] réclame à chaque assureur une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

Axa soutient qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité, qu'elle a rempli les obligations qui lui incombaient en tant qu'assureur en appliquant strictement les dispositions contractuelles, et que Mme [J] ne rapporte la preuve ni de l'existence d'un préjudice ni de son quantum.

Malakoff humanis conteste avoir manqué aux obligations lui incombant, et argue n'avoir commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Sur ce, aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Mme [J], qui n'articule aucun argument au soutien de ses prétentions, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l'égard des institutions de prévoyance, étant relevé, d'une part, qu'elle ne justifie pas avoir mis Axa en demeure d'exécuter ses obligations contractuelles avant de l'assigner au fond en février 2020 et, d'autre part, que Malakoff humanis a dénié à bon droit sa garantie au regard de législation applicable.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral.

VI - Sur les dépens et les indemnités de procédure

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement dont appel sur les dépens et l'indemnité de première instance sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

Axa qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité conduit à débouter Malakoff humanis de sa demande d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour constate l'intervention volontaire de Maître Nina Penel à la présente instance au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, et condamne en conséquence Axa à lui payer la somme de 2 500 euros, au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens, que Mme [J], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, aurait exposés si elle n'avait pas eu cette aide, Maître Nina Penel s'engageant à renoncer bénéfice de l'aide juridictionnelle en cas de recouvrement de cette indemnité.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Nina Penel avocate à recouvrer directement contre la personne condamnée les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer ;

Prononçant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la mise hors de cause de la société Axa assurances vie mutuelle ;

Juge que le fait générateur de l'arrêt de travail prescrit le 9 novembre 2017 à Mme [B] [J], et de son classement en invalidité de 1ère catégorie puis de 2ème catégorie, est antérieur à la résiliation survenue le 30 juillet 2016 du contrat d'assurance collective conclu entre l'association Foyer international d'accueil et de culture et l'Union des assurances de Paris-vie et l'Union des assurances de Paris-iard, aux droits desquelles vient la société Axa France vie, ainsi qu'à la souscription par l'association Foyer international d'accueil et de culture du contrat de prévoyance collective à effet au 1er janvier 2016 auprès de l'institution Malakoff humanis prévoyance ;

Condamne la société Axa France vie, venant aux droits de l'Union des assurances de Paris-vie et l'Union des assurances de Paris-iard, à payer à Mme [B] [J] la somme de 1 487,75 euros au titre de la garantie invalidité de 1ère catégorie ;

Constate que Mme [B] [J] ne formule subsidiairement à l'encontre de la société Axa France vie aucune demande de condamnation au titre de la garantie incapacité de travail pour la période du 9 novembre 2017 au 31 août 2018, ni au titre de la garantie invalidité de 2ème catégorie ;

Déboute Mme [B] [J] de sa demande au titre de la garantie incapacité de travail sur la période antérieure au 9 avril 2017 ;

Rejette la demande aux fins d'expertise médicale ;

Déboute Mme [B] [J] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne la société Axa France vie aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Nina Penel avocate recouvrera directement contre la société Axa France vie les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Constate l'intervention volontaire de Maître Nina Penel à la présente instance au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Condamne en conséquence la société Axa France vie à payer à Maître Nina Penel la somme de 2 500 euros, au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens d'appel, que Mme [B] [J], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, aurait exposés si elle n'avait pas eu cette aide, Maître Nina Penel s'engageant à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en cas de recouvrement de cette indemnité ;

Déboute les parties de leurs autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01937
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.01937 ?
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