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06/07/2023 | FRANCE | N°22/01568

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 juillet 2023, 22/01568


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023



****



N° de MINUTE : 23/258

N° RG 22/01568 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGGV



Jugement (N° 20/02638) rendu le 25 Février 2022 par le tribunal judiciaire de Lille





APPELANTE



Madame [S] [L]

née le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Charles-H

enry Lecointre, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,



INTIMÉE



SAS SIXT

[Adresse 8]

[Localité 4]



Représentée par Me Jacques-Eric Martinot, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023

****

N° de MINUTE : 23/258

N° RG 22/01568 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGGV

Jugement (N° 20/02638) rendu le 25 Février 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [S] [L]

née le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Charles-Henry Lecointre, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

INTIMÉE

SAS SIXT

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques-Eric Martinot, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, Me Raphaël Benillouche, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant substitué par Me Carla Librati, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l'audience publique du 03 mai 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 avril 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Suivant contrat du 14 décembre 2018, Mme [S] [L] a loué un véhicule Audi A3 immatriculé [Immatriculation 6] auprès de la SAS Sixt pour une durée de trois jours. Mme [L] a indiqué qu'elle serait la seule conductrice du véhicule et a souscrit des limitations de responsabilité optionnelles.

Le 16 décembre 2018, ce véhicule a été accidenté.

Par courrier du 11 janvier 2019, Sixt a informé Mme [L] que sa responsabilité était engagée, que le bénéfice des franchises ne lui était pas applicable au motif que le conducteur au moment de l'accident n'était pas mentionné sur le contrat et lui a demandé de s'acquitter de la somme de 19 295,59 euros en réparation du préjudice subi.

Mme [L] a contesté cette réclamation puis a été mise en demeure de payer la somme de 20 275,37 euros par courrier recommandé du 16 avril 2019.

Par courrier du 13 mai 2019, le Bureau national de recouvrement des impayés, mandaté par Sixt, a indiqué à Mme [L] que les conditions générales du contrat excluaient expressément les chocs sous caisse de la protection optionnelle souscrite et a proposé une transaction amiable. Il a ainsi été proposé à Mme [L] de régler une somme de 10 000 euros.

Par acte du 20 mai 2020, Sixt a fait assigner Mme [L] devant le tribunal judiciaire de Lille afin d'obtenir une indemnisation.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 25 février 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré Mme [L] responsable des conséquences des dégradations du véhicule Audi A3 immatriculé [Immatriculation 6] appartenant à Sixt, sans pouvoir bénéficier des couvertures d'assurance souscrites ;

en conséquence,

- condamné Mme [L] à payer à Sixt la somme de 19 295,59 euros à titre de dommages et intérêts ;

- réduit la clause pénale prévue au contrat ;

- dit que les sommes dues produiront intérêt au taux d'une fois le taux légal à compter du 29 mai 2019, date de la mise en demeure ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté Sixt de sa demande au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné Mme [L] à payer à Sixt la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [L] aux dépens avec faculté de recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- rappelé que le jugement était assorti de l'exécution provisoire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 31 mars 2022, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Sixt de sa demande au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2022, Mme [L], appelante, demande à la cour :

- dire et juger son appel recevable ;

- la dire recevable et bien fondée ;

=$gt; infirmer le jugement du 25 février 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il :

. l'a déclarée responsable des conséquences des dégradations du véhicule Audi A3 immatriculé [Immatriculation 6] appartenant à Sixt, sans pouvoir bénéficier des couvertures d'assurance souscrites ;

en conséquence,

. l'a condamnée à payer à Sixt la somme de 19 295,59 euros à titre de dommages et intérêts ;

. a réduit la clause pénale prévue au contrat ;

. a dit que les sommes dues produiront intérêt au taux d'une fois le taux légal à compter du 29 mai 2019, date de la mise en demeure ;

. a ordonné la capitalisation des intérêts ;

. a débouté Sixt de sa demande au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive ;

. l'a condamnée à payer à Sixt la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

. l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

. l'a condamnée aux dépens avec faculté de recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

. a rappelé que le jugement était assorti de l'exécution provisoire ;

=$gt; statuant à nouveau,

- dire et juger qu'elle était conductrice du véhicule Audi A3 immatriculé [Immatriculation 6] lors de l'accident survenu le 16 décembre 2018 ;

- dire et juger que Sixt n'apporte pas la preuve de la réunion des conditions empêchant l'application de la clause exclusive de responsabilité de l'article

10.2.3 ;

par conséquent,

- dire et juger que sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée ;

- débouter Sixt de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause,

- condamner Sixt à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, Mme [L] fait valoir que :

- conformément aux dispositions de l'article 1732 du code civil, le contrat de louage met à la charge du preneur les dégradations survenant pendant qu'il a la jouissance du bien objet du contrat, à moins qu'il ne prouve qu'elles aient eu lieu sans qu'il n'ait commis de faute ;

- des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité peuvent toutefois être contractées et c'est à l'assureur qui se prévaut d'une exclusion de garantie de démontrer que les conditions de fait de cette exclusion sont réunies ;

- en l'espèce, elle a souscrit les garanties « protection vol-collision », « garantie pneus et vitres » et « protection occupants accident » pour lesquelles la franchise est de 0 euro ;

- contrairement à ce que soutient Sixt, elle était la conductrice au moment de l'accident ;

- le véhicule conduit et endommagé par son compagnon était son véhicule personnel, un véhicule BMW ;

- les pièces produites permettent d'établir la chronologie des faits et de constater que l'agence de location a commis une erreur de compréhension tandis qu'elle n'a pas menti ;

- si son compagnon s'est retrouvé en possession des clés du véhicule loué, cela s'explique par le contexte de violences conjugales, néanmoins il ne conduisait pas cette voiture au moment où l'accident est survenu, ainsi qu'il en atteste ;

- il n'a « reconduit » le véhicule accidenté qu'à la suite et à son insu ;

- son compagnon a seulement effectué le rapatriement du véhicule loué après l'accident, étant précisé qu'elle devait aller travailler et que le véhicule ne pouvait plus rouler après le déclenchement des airbags ;

- elle justifie ainsi pouvoir bénéficier des limitations de responsabilité optionnelles qu'elle a souscrites, les clauses d'exclusions de l'article 10.2.3 des conditions générales ne trouvant pas à s'appliquer en l'espèce.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 27 septembre 2022, Sixt, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1231-6, 1240, 1343-1, 1343-2 et 1732 du code civil, de :

=$gt; confirmer le jugement sauf en ce qu'il a :

- réduit la clause pénale prévue au contrat ;

- dit que les sommes dues produiront intérêt au taux d'une fois le taux légal à compter du 29 mai 2019, date de la mise en demeure ;

- l'a débouté de sa demande au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamné Mme [L] à lui payer la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

=$gt; statuant à nouveau,

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et

conclusions ;

- la condamner au paiement de la somme de 19 295,59 euros ;

- juger que cette somme sera assortie des intérêts de retard au taux contractuel de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 25 janvier 2019, date d'échéance de la facture de dommage régulièrement émise le 11 janvier

2019 ;

- ordonner la capitalisation de ces intérêts de retard ;

- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de réparation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive ;

- la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la procédure abusive ;

en tout état de cause,

- la condamner à lui payer la somme principale de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément aux dispositions des articles 695 à 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la responsabilité de Mme [L] est engagée sur le fondement de l'article 1732 du code civil ;

- sa responsabilité est par ailleurs engagée conformément aux stipulations de l'article 10 des conditions générales ;

- si Mme [L] a bien souscrit les clauses limitatives de responsabilité prévues à l'article 10.2 des conditions générales, des causes exclusives de ces limitations de responsabilité sont toutefois stipulées à l'article 10.2.3 des mêmes conditions générales ;

- or, plusieurs de ces clauses s'appliquent en l'espèce ;

- tout d'abord, conformément à l'article 2 des conditions générales et aux déclarations de Mme [L] lors de la signature du contrat, elle seule était habilitée à conduire le véhicule loué, ce qui n'a pas été le cas malgré ses allégations contradictoires pour tenter de faire croire le contraire ;

- ensuite, les limitations de responsabilité sont également exclues pour les dommages causés aux parties supérieures du véhicule, définies comme étant les éléments de carrosserie situés au-dessus de la limite haute du pare-brise, et pour les dommages causés aux parties inférieures du véhicule, c'est-à-dire les éléments situés sous le châssis ;

- en l'espèce, des dommages sont survenus sur les parties supérieures et inférieures, de sorte que les limitations de responsabilité doivent être exclues ;

- par ailleurs, Mme [L] a violé les stipulations des articles 11.1 et 11.2 des conditions générales ;

- les manquements à ses obligations contractuelles justifient d'exclure le bénéfice des clauses limitatives de responsabilité et de condamner Mme [L] à indemniser l'entier préjudice ;

- s'agissant de la réduction des pénalités de retard, c'est à tort que le jugement querellé a considéré que les conditions générales prévoyaient une clause pénale, l'article 13.2 du contrat devant s'analyser en une clause prévoyant des pénalités de retard et non en une clause pénale ;

- il convient ainsi d'infirmer le jugement de ce chef, l'article 13.2 trouvant à s'appliquer au cas d'espèce.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité du preneur

L'article 1732 du code civil dispose que le preneur est responsable des dégradations ou pertes survenant pendant qu'il a la jouissance de la chose louée, à moins qu'il ne prouve qu'elles aient eu lieu sans sa faute.

Le contrat de louage peut toutefois déroger à cette règle et prévoir des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité.

Conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver tandis que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Sur ce,

Les conditions générales du contrat de location souscrit par Mme [L] stipulent en leur article 10.1 nommé « Principe de responsabilité du Client et de tout Conducteur autorisé » que :

« A MOINS QU'IL NE DEMONTRE QU'ELLES ONT EU LIEU SANS SA FAUTE, LE CLIENT ET TOUT CONDUCTEUR AUTORISE REPONDENT, EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1732 DU CODE CIVIL, DE LA PERTE ET DES DEGRADATIONS CAUSEES AU VEHICULE AU COURS DE LA LOCATION.

La responsabilité du Client ou de tout Conducteur autorisé pourra comprendre le montant des réparations évalué à dire d'expert ou facturé par le garagiste, la valeur vénale du véhicule, une indemnité d'immobilisation du véhicule et tous autres frais annexes en rapport avec la perte ou les dégradations causées au véhicule loué au cours de la location (tels que notamment frais de remorquage, frais de stockage du véhicule, frais d'expertise, honoraires de l'expert, frais de gestion du dossier, etc.), ainsi que les frais de nettoyage rendus nécessaires par un état de saleté excessif du véhicule.

La facture de sinistre comprendra les frais de réparation ou les frais évalué par le rapport d'expertise, les honoraires de l'expert automobile, les frais d'immobilisation, les frais de remorquage, les frais de fourrière ainsi que les frais administratifs de traitement du dossier par SIXT.

(')

Contre paiement d'un supplément de prix, le Loueur accepte que cette responsabilité du Client ou de tout Conducteur autorisé soit limitée et/ou exclue (« Limitations de responsabilité optionnelles »). CES LIMITATIONS DE RESPONSABILITE OPTIONNELLES, DONT LES CONDITIONS FIGURENT A L'ARTICLE 10.2 CI-APRES, NE SONT PAS DES ASSURANCES. ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [L] a souscrit à ces limitations de responsabilité optionnelles avec une franchise de 0 euro.

Le contrat stipule que l'application de ces limitations de responsabilité est toutefois subordonnée au respect par le client des dispositions des conditions générales du contrat.

Par ailleurs, l'article 10.2.3 du contrat, intitulé « Causes d'exclusion d'application des Limitations de responsabilité « Protection vol et collision - LDW » et « Protection pneus et vitres » - « GT » » stipule que ces limitations de responsabilité ne s'appliquent pas notamment :

- en cas de faute intentionnelle ou dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

- en cas de négligence ou d'imprudence caractérisée du client ou du conducteur autorisé « (par exemple clés laissées dans le véhicule) » ;

- en cas de violation des dispositions du code de la route ;

- en cas d'utilisation du véhicule loué contrairement aux stipulations de l'article 7 des conditions générales du contrat, à savoir notamment l'utilisation :

' par toute personne sous l'emprise de l'alcool (taux d'alcoolémie supérieur au taux légal admis) ou de toute substance interdite (stupéfiants, médicaments, etc.) ;

' dans le but de commettre intentionnellement une infraction ;

- en cas d'absence de déclaration des circonstances de l'accident prévue par l'article 11.2 des conditions générales ou d'absence ;

- en cas de déclaration des circonstances de l'accident non-conforme aux dispositions de l'article 11.2 des conditions générales ;

- en cas de tentative d'escroquerie ;

- en cas de fausses déclarations intentionnelles dans le contrat de location, dans la déclaration des circonstances de l'accident ou dans le constat amiable d'assurance établi après un accident ;

- pour les dégradations intérieures ;

- pour les dommages causés aux parties supérieures du véhicules, « les parties supérieures s'entendant des éléments de carrosserie situés au-dessus de la limite haute du pare-brise » ;

- pour les dommages causés aux parties inférieures du véhicules, « les parties inférieures s'entendant des éléments situés sous le châssis » ;

- en cas de vol du véhicule par les préposés du client ou de tout conducteur autorisés, les membres de leur famille « (cf. article 311-12 du code pénal) » ou les personnes habitant sous leur toit.

Le contrat prévoit en ses articles 11.1 et 11.2 qu'en cas de sinistre, le client doit prendre toutes mesures utiles pour sauvegarder les intérêts du loueur, à savoir :

- avertir le loueur dans le plus bref délai et au plus tard dans les 5 jours ouvrés qui suivent la survenance ou la découverte de l'un des sinistres ou dommages susmentionnés, sous peine de pouvoir perdre le bénéfice des limitations de responsabilité optionnelles, si le retard dans la déclaration a causé un préjudice au loueur, sauf si ce retard est dû à un cas de force majeure.

Ces dispositions stipulent également que le loueur est tenu de :

- prévenir si nécessaire les services de police ou de gendarmerie ;

- remplir la demande de déclaration adressée par le service sinistre du loueur, laquelle devra être renvoyée au loueur dûment complétée sous peine de perdre le bénéfice des limitations de responsabilité optionnelles ;

- établir un constat en complétant le document mis à disposition dans le véhicule, sauf cas de force majeure ;

- communiquer tout rapport de police, de gendarmerie ou un constat d'huissier qui auraient été établis.

Le loueur soutient que les limitations de responsabilité optionnelles souscrites doivent être exclues aux motifs que Mme [L] n'a pas respecté les conditions générales en laissant son compagnon conduire le véhicule, en raison de dommages aux parties supérieures et inférieures du véhicule, d'infractions au code de la route, de faute intentionnelle ou dolosive, en raison de l'absence d'information donnée au loueur dans les meilleurs délais, en raison de l'absence de déclaration des circonstances de l'accident et en l'absence de transmission du rapport de police.

Si le loueur reproche notamment à Mme [L] de ne pas avoir effectué de déclaration circonstanciée au sens des articles 11.1 et 11.2 des conditions générales, il ne lui reproche pas de s'être abstenue d'établir un constat et de compléter le document mis à disposition à cette fin dans le véhicule, bien que cette obligation soit stipulée au contrat. En effet, si le loueur affirme que les limitations de responsabilité optionnelles doivent être exclues en cas de non-respect des conditions générales, l'absence d'établissement dudit constat ne figure pas au rang des manquements contractuels reprochés par Sixt à l'encontre de Mme [L].

Il convient ainsi d'examiner si le loueur démontre bien l'existence de l'une des causes de déchéance qu'il invoque.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [L] n'a pas déclaré d'autre conducteur lors de la conclusion du contrat et que, conformément à l'article 2 du contrat, elle seule pouvait conduire le véhicule loué. Ainsi, s'il est démontré que son ex-compagnon a bien conduit le véhicule loué, a déchéance des limitations de responsabilité optionnelles devra être prononcée, le contrat subordonnant leur application au respect des conditions générales du contrat.

L'étude des pièces produites et notamment des procès-verbaux établis par la police, des courriers de Mme [L], des attestations, du devis de la société Carglass, du rapport d'expertise et des photographies du véhicule loué, enseigne que :

- le 16 décembre 2018, Mme [L] est allée chercher son compagnon ainsi que des amis de celui-ci ;

- un accident et survenu durant le trajet avec le véhicule loué ;

- Mme [L], son compagnon, M. [M] [D], et ses amis sont montés à bord du véhicule personnel de Mme [L] et M. [D] a pris le volant contre la volonté de Mme [L] puis s'est montré violent envers elle, verbalement et physiquement ;

- il a également brisé le pare-brise du véhicule de Mme [L] ;

- le même jour, à 16 heures, celle-ci est allée déposer plainte à l'encontre de son compagnon pour ces violences en précisant que celui-ci conduisait durant les violences.

Il s'observe que le procès-verbal de dépôt de plainte ne précise ni avec quel véhicule Mme [L] est allée chercher les individus, ni quel véhicule a conduit M. [D].

Mme [L] a par la suite retiré sa plainte et précisé qu'elle conduisait le véhicule de location lorsqu'il a été accidenté et que c'est son véhicule personnel que M. [D] a conduit contre sa volonté. Elle produit une facture de la société Carglass pour justifier que les dégradations ont été commises sur son véhicule BMW par M. [D] et que la scène de violences conjugales durant laquelle M. [D] conduisait ne concerne pas le véhicule loué. Au soutien de ses explications, elle indique que les dégradations ainsi commises n'ont pas été constatées sur le véhicule loué.

M. [D] et l'un de ses amis présent lors des faits attestent en ce sens. La cour en conclut que l'ex-compagnon de Mme [L] a bien conduit son véhicule personnel.

En revanche, Mme [L] explique qu'après l'accident, ils ont dû aller chez elle en métro afin de prendre son véhicule personnel et que c'est à ce moment que M. [D] est devenu agressif et a pris le volant. Or, dans sa plainte déposée quelques heures seulement après les faits, elle a déclaré :

« Ce matin j'ai reçu un appel de [M], me demandant de venir le chercher près du CHR de [Localité 7], comme je m'étais réveillée et que je devais aller au travail je suis allée le chercher.

Une fois arrivé sur place, il m'a forcé à descendre de ma voiture, je l'ai supplié de pas prendre le volant, car je voyais qu'il était ivre, il m'a frappé devant ses copains, et je lui ai laissé le volant.

Il a commencé à rouler comme un malade, il roulait vite, il a déposé son premier ami à [Localité 5], puis son second ami à [C], j'ai supplié son ami de [C] de ne pas me laisser seule avec lui mais il est descendu quand même.

Mon conjoint était très énervé, il donnait des coups sur le toit de ma voiture, le pare-brise, il a même brisé celui-ci, il a aussi cassé l'écran d'ordinateur de bord, il roulait tellement vite sur les dos d'ânes qu'il a dû casser quelque chose sous la voiture. ».

Si Mme [L] a par la suite relaté aux policiers que seul son véhicule personnel avait été conduit par M. [D], elle n'apporte cette précision qu'après avoir reçu la réclamation du loueur. Lors du dépôt de plainte initial, elle a déclaré que M. [D] l'avait fait descendre de force de la voiture pour la conduire lui-même et ce, dès son arrivée sur les lieux, et non à partir de son domicile après avoir récupéré le véhicule BMW.

Ainsi les déclarations postérieures de Mme [L] sont en contradiction avec sa déposition initiale. Au surplus, elle-même émet l'hypothèse que son ex-compagnon a dû occasionner des dégâts sous le véhicule ; or, son véhicule personnel ne présente, suivant la facture Carglass, aucun désordre de cette nature, alors que le véhicule litigieux présente des dommages en partie basse au niveau du châssis.

En définitive, les déclarations fluctuantes et peu crédibles des protagonistes suffisent à établir que les deux véhicules ont bien été utilisés, et que M. [D] a contraint Mme [L] à lui céder le volant du véhicule loué dès son arrivée sur les lieux.

En dépit des dernières déclarations des intéressés, lesquelles constituent en réalité des man'uvres visant à dénaturer les faits et à dédouaner M. [D], il est aussi suffisamment démontré que le véhicule loué a bien été conduit et accidenté par celui-ci.

Au surplus, l'appelante écrit dans ses dernières conclusions : « Monsieur [D] a ainsi soustrait volontairement les clefs à Madame [L] de sorte qu'à son insu, il a reconduit par la suite le véhicule déjà accidenté. ».

Quand bien même il est précisé par la suite qu'il n'effectuait que le rapatriement du véhicule qui ne pouvait plus rouler du fait du déclenchement des airbags, la cour observe qu'en indiquant en gras et souligné que M. [D] a « reconduit » le véhicule accidenté, Mme [L] admet que son ex-compagnon avait déjà conduit le véhicule loué.

Par conséquent, elle n'a pas respecté les conditions générales en confiant le véhicule à un tiers de sorte que les limitations de responsabilité optionnelles n'ont pas vocation à s'appliquer conformément aux articles 10.2 et 10.2.3 du contrat.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné Mme [L] à payer à Sixt la somme de 19 295,29 euros à titre de dommages et intérêts, la cour observant que l'appelante ne fait aucune observation sur le montant des dommages retenu par l'expert.

Sur la clause pénale

L'article 1231-5 du code civil dispose que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ».

En l'espèce, l'article 13.2 des conditions générales stipule notamment que : « Tout règlement intervenant après la date d'échéance indiquée sur la facture correspondante donnera lieu, après mise en demeure du Client restée sans effet, au paiement de pénalités de retard égales à trois fois le taux d'intérêt légal pour la période courant de la date d'échéance jusqu'au paiement effectif de la créance ».

Contrairement à ce que soutient Sixt, les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, qui concernent les obligations contractuelles entre commerçants, ne s'appliquent pas en l'espèce, dès lors que Mme [L] n'a pas une telle qualité.

L'article 13.2 des conditions générales s'analyse donc, en vertu de l'article 1231-5 précité, en une clause pénale que la cour juge manifestement excessive comme l'a retenu à raison le premier juge. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les sommes dues produiront intérêt au taux d'une fois le taux légal à compter du 29 mai 2019, date de la mise en demeure.

Sur la procédure abusive

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant.

En l'espèce, le caractère dolosif ou malveillant de l'appel interjeté par Mme [L] n'est pas démontré. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à Sixt une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 25 février 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [S] [L] aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Mme [S] [L] à payer à la SAS Sixt la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01568
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.01568 ?
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