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06/07/2023 | FRANCE | N°21/04442

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 juillet 2023, 21/04442


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023





N° de MINUTE : 23/261

N° RG 21/04442 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZOZ



Jugement (N° 21/00439) rendu le 06 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe





APPELANTES



Madame [B] [U]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 9]



SELAS [J] Aras et Associes La

selas [J]-Aras et associés représentée par Maître [E] [J] agissant en qualité de mandataire judiciaire de Madame [B] [U] veuve [R] nommé à cette foncion par jugement prononcé par le tribunal ju...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/07/2023

N° de MINUTE : 23/261

N° RG 21/04442 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZOZ

Jugement (N° 21/00439) rendu le 06 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe

APPELANTES

Madame [B] [U]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 9]

SELAS [J] Aras et Associes La selas [J]-Aras et associés représentée par Maître [E] [J] agissant en qualité de mandataire judiciaire de Madame [B] [U] veuve [R] nommé à cette foncion par jugement prononcé par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe le février 2022

intervenant volontairement en reprise d'instance

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique Sedlak, avocat au barreau d'Avesnes sur Helpe, avocat constitué

INTIMÉES

Société Générale venant aux droits et obligations du Crédit du Nord, représentée par ses représentants légaux domiciliée audit siège en cette qualité

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentées par Me Patrick Houssiere, avocat au barreau d'Avesnes sur Avesnes sur Helpe, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 10 mai 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 avril 2023

****

Mme [U] expose qu'elle a ouvert plusieurs comptes, à titre personnel et professionnel, dans les livres de la banque Crédit du nord agence de [Localité 11], qu'elle a rencontré à l'occasion des obsèques de son époux, M. [X] qui lui a indiqué que son époux lui aurait prêté la somme de 85 750 euros qu'il s'engageait à lui rembourser ; qu'en juillet 2019, elle a été avertie par sa banque de la réception d'un chèque de banque tiré sur la Banque postale d'un montant de

85 750 euros ; qu'elle s'est alors rendue au guichet de la banque pour récupérer le chèque et le conserver pour se renseigner sur sa provenance ; que M. [X] l'a contactéE pour l'inviter à remettre le chèque à l'encaissement, que ce dernier lui a par ailleurs demandé de transférer sur un compte bancaire ouvert à son propre nom une somme de 15 à 20 000 euros ; que la banque refusant de créditer le chèque, elle s'est rendue au guichet de l'agence du Crédit Agricole de [Localité 11] en compagnie de M. [X] pour persuader le préposé de la banque de procéder à l'encaissement dudit chèque, que M. [X] aurait remis au préposé de la banque un certain nombre de document démontrant la véracité du chèque et de sa cause, que le chèque aurait été finalement porté à l'encaissement le 16 août 2019, qu'elle aurait aussitôt effectué quatre virements de 5 000 euros chacun et un virement de 10 000 euros avec date de valeur des 22 et 23 août 2019 et que par la suite, le chèque aurait été rejeté et les virements effectués par elle débités.

Madame [U] indique encore que par courriers recommandés des 11 et 19 décembre 2019, le Crédit du nord a procédé à la clôture de ses comptes et a provoqué la déchéance du terme des prêts bancaires accordés.

Elle précise qu'elle a déposé plainte auprès des services de la gendarmerie de [Localité 11] à l'encontre de M. [X] pour escroquerie.

Par acte du 1er avril 2021, Mme [B] [U] veuve [R] a alors fait assigner la société Crédit du nord en responsabilité et en réparation devant le tribunal judiciaire de Avesnes-sur-Helpe en reprochant à la banque d'avoir crédité un faux chèque de banque le 16 août 2019 alors que celle-ci disposait des moyens nécessaires pour procéder à la vérification préalable de sa validité.

Par un jugement du 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe :

- a déclaré l'action de Mme [U] recevable

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes

- à payer au Crédit du nord la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- l'a condamnée aux dépens avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile

Par déclaration du11 août 2021, Mme [U] a formé appel de ce jugement en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 2, 3 et 4 ci-dessus.

Mme [U] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins d'obtenir la production forcée par le Crédit du nord du chèque de banque n°177626461 E d'un montant de 85 750 euros émis par la banque postale le 25 juillet 2019

Par une ordonnance du 9 février 2023, le conseiller chargé de la mise en état de la présente cour a ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SELAS [J]-Aras et associés agissant en qualité mandataire judiciaire de Mme [B] [U] veuve [R]

- déclaré l'incident recevable

- rejeté l'incident soulevé par la SELAS [J]-Aras et associés agissant en qualité mandataire judiciaire de Mme [B] [U] veuve [R]

- condamné la SELAS [J]-Aras et associés agissant en qualité mandataire judiciaire de Mme [B] [U] veuve [R] aux dépens de l'incident

Dans ses conclusions notifiées le 3 avril 2023, Mme [B] [U] veuve [R] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe le 6 juillet 2021,

- débouter la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord pour défaut de vérification de la validité du faux chèque de banque de 85 750 euros tiré sur la Banque postale daté du 25 juillet 2019,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord à indemniser les préjudices qu'elle a subis,

En conséquence,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au remboursement de la somme de 68 000 euros au titre du prêt n° 30076 02834 2422841 138 00

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement de la somme de 30 000 euros en remboursement des virements effectués de son compte bancaire,

- Condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement des sommes suivantes :

*17 343, 87 euros correspondant au solde débiteur du compte courant professionnel outre intérêts au taux contractuel de 5.90 % à compter 10 septembre 2020,

*8 234, 91 euros correspondant au solde débiteur du crédit renouvelable FACILINVEST outre les intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020 sachant que ces sommes se capitaliseront conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

* 706, 52 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2020,

*7 898.30 euros au titre du prêt personnel n° 24188914601 outre intérêts au taux contractuel de 6 % l'an à compter du 10 septembre 2020,

* 5 522, 64 euros pour le prêt personnel n° 24188914602 outre intérêts au taux contractuel de 5.50 % l'an à compter du 10 septembre 2020

- ordonner la capitalisation des condamnations, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement de la somme de 35 588, 57 euros outre les intérêts moratoires égaux au double du taux légal à compter du 31 juillet 2020 avec capitalisation.

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement du solde débiteur du prêt immobilier pour la maison d'[Localité 9] soit 65 747, 82 euros outre intérêts courus et à courir depuis le 10 décembre 2020 au taux contractuel de 4.60 % l'an jusqu'à parfait règlement,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement du solde débiteur du prêt immobilier pour la maison de [Localité 11] située [Adresse 8] soit 67 513.87 euros outre intérêts courus et à courir depuis le 10 décembre 2020 au taux contractuel de 2.30 % l'an jusqu'à parfait règlement,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société crédit du nord au paiement du solde débiteur du prêt immobilier pour l'immeuble de [Localité 11] situé [Adresse 4] soit 137 988, 55 euros outre intérêts courus et à courir depuis le 16 mars 2021 au taux contractuel de 2.65 % l'an jusqu'à parfait règlement,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont distraction est demandée au profit de Maître Frédérique Sedlak, avocat aux offres de droit.

Au soutien de ses prétentions, Mme [U] fait valoir que :

- la banque n'a pas vérifié la présence du filigrane sur le chèque de banque litigieux alors que cette vérification constitue une diligence indispensable et préalable incombant à tout établissement bancaire et l'absence de filigrane était suffisante pour détecter la fausseté du chèque, qu'à cet égard, la banque a manqué à son obligation de vigilance

- seule la banque, et non le client, est tenue à une obligation de vigilance

- il ne peut lui être reproché l'absence de production du chèque litigieux alors que celui-ci est resté en possession du Crédit du nord qui a refusé de le communiquer malgré une sommation

- les circonstances d'obtention du chèque sont indifférentes pour établir la responsabilité de la banque

- la responsabilité contractuelle du Crédit du nord est ainsi engagée

- à la suite du rejet du chèque litigieux le 22 août 2019, le Crédit du nord a clôturé son compte professionnel le 11 décembre 2019, a prononcé la déchéance du terme d'un crédit renouvelable, consenti le 15 novembre 2016, le 11 décembre 2019 et a bloqué ses moyens de paiement pour ensuite l'assigner en paiement le 16 octobre 2020 devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe et devant la chambre de proximité du même tribunal pour obtenir le paiement des soldes débiteurs

- le crédit-bail souscrit auprès de la BNP Paribas Lease Group destiné au financement d'un appareil d'échographie a été résilié pour défaut de paiement

- le Crédit du nord a fait inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur son immeuble abritant son activité professionnelle et sur un immeuble à usage d'habitation

- il a également engagé plusieurs procédures de saisies immobilières

- le comportement du Crédit agricole est ainsi à l'origine de son préjudice financier correspondant aux sommes réclamées au titre des soldes débiteurs de son compte courant professionnel, de son compte personnel, des prêts personnels, du crédit-bail, des prêts immobiliers

- son préjudice est également constitué du montant des cinq virements qu'elle a effectués pour la somme totale de 30 000 euros

- la banque a enfin commis une faute en débitant de son compte bancaire un chèque de 5 000 euros plus d'un an après son émission et alors que son compte avait été clôturé par le Crédit du nord.

Dans ses concluions notifiées le 3 avril 2023, La SELAS [J] 'Aras et associés représentée par Maître [E] [J] agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [B] [U] veuve [R] nommé à cette fonction par jugement prononcé par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe le 8 février 2022, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe le 6 juillet 2021,

- débouter la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- donner acte à Maître [J], ès-qualités, qu'il fait sienne les prétentions formulées par Mme [B] [U] dans le cadre de la présente instance,

- condamner la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord aux entiers frais et dépens dont distraction est demandée au profit de Maître Frédérique Sedlak, avocat aux offres de droit.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 10 mars 2023, la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du nord demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe le 6 juillet 2021 en ce qu'il a :

* débouté Mme [U] [B] épouse [R] de l'ensemble de ses demandes

* condamné Mme [U] [B] épouse [R] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile.

* condamné Mme [U] [B] épouse [R] aux dépens, avec recouvrement direct au profit de la SCP Lemmens Houssière, avocats au barreau d'Avesnes-sur-Helpe

- débouter Mme [U] [B] épouse [R] et Maître [E] [J], es qualité de représentant des créanciers, de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

- condamner Mme [U] [B] épouse [R] et Maître [E] [J], es qualité de représentant des créanciers, à lui une indemnité procédurale justement fixée à la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par devant la Cour

- condamner Mme [U] [B] épouse [R] et Maître [E] [J], es qualité de représentant des créanciers, aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Lemmens Houssière, avocats aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du Code Procédure Civile.

La Société Générale, venant aux droits du Crédit du nord, rappelle qu'en matière de tenue de compte, le banquier est tenu d'une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, que s'agissant de l'encaissement d'effets ou de chèque, il est toutefois tenu à une obligation de vigilance. Il est ainsi tenu de détecter les anomalies apparentes d'un chèque qu'il a la charge d'encaisser pour le compte de son client. Il ajoute que sa responsabilité peut être atténuée voire supprimée en cas de faute commise par le client.

Elle considère qu'elle n'a pas manqué à ses obligations à l'égard de Mme [U] dès lors que :

il s'agissait d'un chèque de banque tiré sur la banque postale qui lui a été envoyé et que Mme [U] a récupéré afin de se renseigner sur sa provenance ce qui apparaît singulier

celle-ci n'a pas contacté la banque postale pour vérifier la validité du chèque avant de le remettre à l'encaissement alors qu'elle a admis que M. [X] lui aurait demandé de lui transférer des sommes sur compte après encaissement du chèque, ce qui s'apparente à une opération de blanchiment ou de fraude

Mme [U] a ainsi fait preuve d'une légèreté blâmable d'autant plus qu'elle a établi 11 chèques à destination de plusieurs comptes notamment à l'étranger dès après la remise du chèque et avant son encaissement effectif de sorte qu'elle est responsable de son propre préjudice

elle a pris des précautions eu égard au montant du chèque et à la personnalité de l'émetteur

la falsification du chèque n'était pas apparente ni décelable en l'absence d'anomalies grossières, de surcharge ou de grattage ajoutant que seule la banque postale pouvait la détecter

le filigrane n'était pas en cause et ne l'a jamais été

elle a respecté les procédures et les dispositions de la loi bancaire en procédant à la clôture des comptes et à en prononçant la déchéance du terme des prêts de Mme [U]

s'agissant du chèque de 5 000 euros, elle n'a commis aucune faute en le rejetant dès lors que son compte professionnel avait été clôturé. En outre, Mme [U] n'établit aucun préjudice.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la responsabilité contractuelle de la banque

La banque est tenue, en qualité de présentatrice d'un chèque, à une obligation générale de vigilance et de sécurité.

Sa responsabilité contractuelle envers son client ne peut être engagée qu'à la condition que le chèque présente une anomalie apparente c'est-à-dire une irrégularité aisément décelable par un employé normalement diligent.

La charge de la preuve incombe au cocontractant de l'établissement bancaire arguant d'un manquement à ses obligations en relation de causalité avec le préjudice allégué.

En l'espèce, la qualification non contestée de chèque de banque repose sur la qualité d'établissement de crédit du tireur, en l'espèce la banque postale.

Le contrôle exigé de la banque présentatrice qui reçoit un chèque de banque à l'encaissement porte notamment sur le filigrane normalisé, mention apparente, depuis juillet 2009, sur tous les chèques de banque qui doit être identique en motif, qui est intégré au papier, et en taille pour l'ensemble des banques opérant en France.

Il comporte en outre la mention « chèque de banque » lisible au dos du chèque.

En outre, en application des dispositions de l'article L 131-2 du code monétaire et financier, le chèque contient :

- la dénomination de chèque, insérée dans le texte même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre

- le mandat pur et simple de payer une somme déterminée

- le nom de celui qui doit payer, nommé le tiré

- l'indication du lieu où le paiement doit s'effectuer

- l'indication de la date et du lieu où le chèque est créé

- la signature de celui qui émet le chèque, nommé le tireur.

Il est constant que Mme [U] a présenté le chèque litigieux d'un montant de 85 750 euros à l'encaissement et que le Crédit du Nord a, dans un premier temps, refusé de le porter au crédit du compte de Mme [U] compte tenu de son montant inhabituel au regard des opérations de compte de celle-ci.

Il n'est pas davantage contesté qu'à la suite de ce refus, Mme [U] s'est de nouveau présentée à la banque en compagnie du tireur du chèque, à savoir M. [X], aux fins de justifier du bien-fondé du chèque, ce dernier ayant remis au Crédit du Nord une copie de ses documents d'identité.

Le Crédit du Nord produit en outre un acte sous seing privé du 12 août 2009 par lequel M. [X], de la société Corinne Import- Export à [Localité 12], fait un don de la somme de 85 750 euros au docteur [U] pour rénover son cabinet médical.

A l'issue de ces vérifications sur la personne du tireur, auxquelles, au demeurant, il n'était nullement tenu au regard de son devoir de non-ingérence, le Crédit du nord a également vérifié les mentions exigées par l'article L. 131-2 du code monétaire et financier précité, figurant sur le chèque qui apparaissaient toutes valides comme l'a relevé le premier juge, puisque loin de constituer un faux grossier, ledit chèque était falsifié en ce que les cinq derniers chiffres avaient été modifiés.

Une telle falsification n'est pas constitutive d'une anomalie apparente susceptible d'être facilement détectée étant ajouté que seule la banque émettrice en l'occurrence celle du tiré à savoir la banque postale, était tenue de procéder à la vérification matérielle de ce chèque alors qu'elle percevait une commission en contrepartie de la garantie offerte par un chèque de banque.

Par ailleurs, Mme [U] ne démontre pas que le chèque litigieux ne comportait pas de filigrane puisqu'elle produit une copie du seul recto de ce chèque. A cet égard, le Crédit du Nord affirme que le filigrane n'a jamais été en cause. En toute hypothèse, le chèque de banque, qui constitue un formulaire papier à compléter a été remis par la banque postale à son client de sorte qu'il comportait nécessairement un filigrane.

Dans ces conditions il ne saurait valablement être reproché des manquements de la banque présentatrice à son obligation de vérification ou de vigilance alors en outre que la preuve d'une faute du Crédit du Nord n'est pas davantage rapportée en cause d'appel par Mme [U].

Dès lors, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de ses demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité de la banque au titre du chèque de 5 000 euros

Il incombe à Mme [U] de rapporter la preuve d'une faute imputable au Crédit du Nord à l'occasion du prétendu débit du chèque de 5 000 euros et d'un préjudice en lien avec cette faute.

Il est constant que le chèque de 5 000 euros a été émis par Mme [U] le 5 mai 2016 à l'ordre de l'EURL Darmanin, débité de son compte le 6 mai 2016 puis rejeté le 13 mai 2016 et donc recrédité au compte de Mme [U].

Il a été représenté au paiement le 6 février 2020 par le bénéficiaire puis a fait l'objet d'un rejet le 7 février 2020 compte tenu de la clôture du compte professionnel de Mme [U] intervenue le 11 décembre 2019.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, le rejet du chèque litigieux opéré le 7 février 2020 (pièce 32) n'est assorti d'aucun motif.

Néanmoins, alors qu'il appartient à Mme [U] d'établir que la faute de la banque a été à l'origine de son préjudice, celle-ci, qui s'abstient de produire ses relevés de compte couvrant la période litigieuse, n'établit aucunement que le montant du chèque a été porté au débit de son compte alors en outre qu'il est justifié de la clôture du compte courant de Mme [U] intervenue par mise en demeure du 11 décembre 2019.

Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire formée à ce titre.

Le jugement querellé sera donc confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner Mme [U] aux entiers dépens d'appel, et à payer au Crédit du Nord la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [B] [U] veuve [R] à payer les dépens de l'instance d'appel ;

Condamne Mme [B] [U] veuve [R] à payer à la Société Générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, la somme totale de 2 000 euros au titre des frais exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04442
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.04442 ?
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