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30/06/2023 | FRANCE | N°22/01776

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 30 juin 2023, 22/01776


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 980/23



N° RG 22/01776 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UU3R



MLBR/AL







Appel compétence

























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

18 Novembre 2022

(RG 20/00410 -section )


































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Marianne LECOT, avocat au barreau de PARIS
...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 980/23

N° RG 22/01776 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UU3R

MLBR/AL

Appel compétence

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

18 Novembre 2022

(RG 20/00410 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [D] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Marianne LECOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. BANANA

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 09 Mai 2023

Tenue par [H] [M]

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

[H] [M]

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par [H] [M], Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Statuant sur assignation à jour fixe

EXPOSÉ DU LITIGE':

La SAS Banana est une agence spécialisée dans la création de contenus digitaux.

Le 20 juillet 2018, M. [D] [S] s'est associé à parts égales avec Messieurs [X] et [L] [Z] afin de créer la SAS Banana.

Suivant une délibération de l'assemblée générale des associés en date du 15 janvier 2020, M. [S] a été désigné en tant que directeur général de la société avec effet rétroactif au 8 décembre 2019, M. [L] [Z] étant élu président et M. [X] [Z] également désigné directeur général à compter du 15 janvier 2020.

Par courrier remis en main propre le 13 février 2020, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à un licenciement pour faute grave. Il a également fait l'objet d'une mise à pied conservatoire immédiate.

L'entretien a eu lieu le 24 février 2020, M. [S] étant assisté par un conseiller.

Aucune sanction disciplinaire ou licenciement n'a finalement été prononcée aux termes de cette procédure.

L'assemblée générale extraordinaire des associés du 6 avril 2020 a modifié les statuts de la société avec effet rétroactif au 1er décembre 2019 pour autoriser la désignation de directeurs généraux, et a ratifié la délibération de l'assemblée générale désignant M. [S] en tant que directeur général à la date du 8 décembre 2019.

Une nouvelle assemblée générale extraordinaire a été convoquée le 22 mai 2020 pour se tenir le 2 juin suivant, dans le cadre d'une procédure d'exclusion de M. [S] en tant qu'associé. A l'issue de cette assemblée générale à laquelle M. [S] a participé, son exclusion a été votée.

Plusieurs procédures ont été initiées par les parties devant la juridiction commerciale lilloise dans le cadre de litiges les opposant sur la régularité de cette procédure de révocation de M. [S] en tant qu'associé et directeur général, sur la valeur des parts sociales de M. [S] et enfin sur une éventuelle violation par l'intéressé en tant qu'associé de l'obligation de non-concurrence prévue dans les statuts de la société. Les procédures sont toujours en cours.

En parallèle, par requête du 28 mai 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de voir reconnaître son statut de salarié, dire la procédure d'exclusion engagée à son encontre constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir diverses indemnités liées à l'exécution et à la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement contradictoire du 18 novembre 2022, le conseil de prud'hommes de Lille:

- a jugé que le litige opposant M. [S] à ses co-associés ne relève pas de sa compétence,

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille,

- a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,

- a mis les dépens de l'instance à la charge des parties.

Par déclaration reçue au greffe le 20 décembre 2022, M. [S] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 9 janvier 2023, l'appelant a été autorisé en application de l'article 85 du code de procédure civile, à faire assigner l'intimée à jour fixe pour l'audience du 9 mai 2023.

Par acte du 16 janvier 2023 dont copie a été déposée au greffe, l'appelant a ainsi fait assigner la société Banana devant la cour d'appel de Douai aux fins de comparution à l'audience susvisée.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [S] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris

- constater qu'il exerçait des fonctions salariées distinctes de son mandat social et sous un lien de subordination avec les frères [Z],

- juger que le conseil de prud'hommes était bien compétent pour connaître du litige l'opposant à la société Banana,

usant de sa faculté d'évocation,

- juger la demande reconventionnelle de la société Banana, à hauteur de 189 807,37 euros irrecevable,

- relever que la procédure d'exclusion engagée à son encontre s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et tirer toutes les conséquences indemnitaires afférentes à cette sanction sans préjuger des indemnités de rupture dont il peut se prévaloir,

- juger que la société Banana s'est rendue coupable du délit de travail dissimulé,

- fixer le salaire moyen à la somme de 3 500 euros,

- condamner la société Banana à lui payer les sommes suivantes':

*14 000 euros à titre de rappel de salaire de mars à juin, outre 1 400 euros au titre des congés payés y afférents,

*10 500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 050 euros au titre des congés payés y afférents,

*2 430 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*12 250 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 225 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

*21 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

*3 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale,

*3 500 à euros à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement vexatoire,

*3 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la prime de vacances,

*3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la société Banana de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale à hauteur de 189 807,37 euros,

- débouter la société Banana de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive à hauteur de 30 000 euros,

- ordonner la condamnation de la société Banana à rembourser au Pôle emploi les indemnités chômage qui lui ont été payées dans la limite de 6 mois d'indemnités,

- ordonner la condamnation de la société Banana aux intérêts légaux à compter de sa convocation en bureau de conciliation et d'orientation,

- ordonner la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés conformes, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, que le conseil de prud'hommes se réserve le droit de se liquider,

- condamner la société Banana aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Banana demande à la cour de':

In limine litis,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que le litige opposant M. [S] à ses co-associés ne relève pas de sa compétence et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et a mis les dépens de l'instance à la charge des parties,

Statuant de nouveau,

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 30 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] aux dépens,

Si par extraordinaire, la cour jugeait la juridiction prud'homale compétente,

A titre principal,

- juger que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande de reconnaissance d'un contrat de travail entre elle et M. [S],

- prononcer la mise hors de cause de la société Banana,

A titre subsidiaire,

- juger que M. [S] échoue à démontrer l'existence d'un lien de subordination,

- juger que la relation contractuelle ayant existé entre M. [S] et elle ne s'analyse juridiquement pas en un contrat de travail,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire, si l'existence d'un contrat de travail était reconnue,

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 189 807,37 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements déloyaux,

En tout état de cause,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes et le condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur l'existence d'un contrat de travail :

M. [S] fait grief aux premiers juges de ne pas avoir retenu l'existence d'une relation salariale entre lui et la société Banana et de s'être déclarés incompétents pour connaître du litige les opposant, alors que selon lui, il consacrait l'essentiel de son temps de travail à des fonctions techniques sous la subordination des 2 autres associés dirigeants, en plus de son mandat social de directeur général qu'il qualifie de peu sérieux et sans contenu véritable dans la mesure où il n'était associé à aucune décision concernant la gestion et la stratégie de la société.

Il insiste sur le fait qu'il n'avait aucune liberté et autonomie pour l'exercice des tâches secondaires qui lui étaient confiées en tant que salarié, à savoir chef de projet, photographe, conseil, tâches administratives et comptables, bien distinctes des fonctions de représentation et gestion découlant de son mandat social de directeur général.

L'appelant met également en avant la procédure de licenciement pour faute grave initiée à son encontre en février 2020, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, pour démontrer que ses 2 associés exerçaient un réel pouvoir disciplinaire à son encontre, peu important qu'ils se soient finalement rétractés.

Il ajoute qu'il n'avait aucune autre source de revenus en dehors du salaire versé entre décembre 2019 et février 2020, officiellement au titre de son mandat social mais en réalité en contrepartie du travail salarial accompli.

En réponse, la société Banana conteste d'abord le bien fondé de l'action dirigée à son encontre alors que l'appelant entend démontrer l'existence d'un lien de subordination non pas avec elle mais avec ses 2 associés, de sorte qu'elle doit être mise hors de cause.

Sur le fond, pour contester l'existence d'une relation de travail salariée, la société Banana oppose en substance que les missions accomplies par M. [S] l'ont toujours été en tant qu'associé fondateur et directeur général, les 3 associés, compte tenu de la petite taille de la structure s'étant répartis les missions lors de l'assemblée générale du 15 janvier 2020, et que l'intéressé a d'ailleurs perçu une rémunération à ce seul titre comme indiqué sur les 3 bulletins de salaire.

Elle fait également valoir que M. [S] ne démontre pas, à travers les pièces produites, l'existence d'un lien de subordination, et rappelle qu'en l'absence de contrat écrit, les bulletins de salaire et la procédure de licenciement ne suffisent pas à établir l'apparence d'une relation de travail s'il n'est pas rapporté la preuve de l'exercice de fonctions techniques distinctes du mandat social et sous la subordination des 2 autres associés.

Selon elle, le litige porte en réalité sur un conflit entre les 3 associés qui relève, comme le conseil de prud'hommes l'a décidé, du tribunal de commerce déjà saisi par ailleurs.

Sur ce,

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Un mandat social n'est pas incompatible avec un contrat de travail. Toutefois, pour que le cumul soit possible, il faut que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif s'entendant de fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu en principe à rémunération distincte, exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la société, prise en la personne de ses dirigeants, et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi.

L'existence d'un contrat de travail est ainsi exclue lorsque les fonctions salariales invoquées se confondent avec l'exercice du mandat social.

Par ailleurs, en l'absence de contrat écrit, la production de bulletins de salaire et l'existence d'une procédure de licenciement sont à elles seules insuffisantes à créer l'apparence d'un contrat de travail lorsqu'il n'est pas rapporté la preuve par celui qu'il l'invoque de l'exercice effectif de fonctions techniques distinctes de celles de direction, exercées dans le cadre d'un lien de subordination.

Il est en l'espèce constant que M. [S] est associé minoritaire de la société Banana, à parts égales avec M. [X] [Z] et M. [L] [Z], depuis la création de la société en juillet 2018.

Aux termes de ses conclusions, il reconnaît qu'il a été nommé directeur général avec effet rétroactif au 8 décembre 2019 suivant une délibération de l'assemblée générale des associés du 15 janvier 2020, à laquelle d'ailleurs il a participé ainsi que l'attestent ses paraphes et signatures sur le procès-verbal versé aux débats par l'intimée, dont au demeurant il ne remet pas en cause la régularité.

Il ressort de ce document que les 3 associés, seuls membres de la société, se sont répartis 'les compétences et expertises', M. [S] se voyant attribuer 'le business developpement, la fonction de chef de projet, la diffusion et la créa',les 2 autres associés s'étant vus également confier par l'assemblée générale diverses missions telles que pour M. [X] [Z], nommé également directeur général, la prospection commerciale, la photo, la stratégie/identité de marque et également la fonction de chef de projet.

M. [S] prétend cependant pour soutenir qu'il cumulait son mandat social et un travail salarié qu'il exerçait aussi et principalement des fonctions techniques distinctes desdites attributions et de la fonction de représentation dévolue au directeur général.

Il est acquis aux débats qu'aucun contrat de travail n'a été conclu et M. [S] affirme qu'il n'a pas fait l'objet d'une déclaration d'embauche aux organismes compétents, de sorte qu'à défaut de contrat apparent que les 3 bulletins de salaire produits sont insuffisants à établir, il lui incombe de rapporter la preuve de l'effectivité des fonctions techniques et du lien de subordination allégués.

Il sera d'abord relevé que M. [S] allègue notamment des missions de chef de projet qui ne se distinguent pourtant pas de celle susvisée, qui lui a été dévolue en tant qu'associé directeur général.

Par ailleurs, à l'appui de sa démonstration, M. [S] verse aux débats de nombreux courriels rassemblés en ses pièces 20 et 33.

Toutefois, les courriels échangés avec des clients portent sur l'organisation de prestations et la négociation des devis, ce qui est cohérent avec le fait qu'en 2018 et 2019, la société étant une petite structure de 3 personnes en cours de développement de son activité, les associés, en ce compris M. [S], étaient nécessairement contraints d'assumer certaines fonctions techniques non encore partagées entre eux, et de nouer des relations commerciales avec de potentiels clients. Cela relevait en outre parfaitement de la mission de chef de projet qui lui a été par la suite confiée, comme à ses 2 autres associés.

Par ailleurs et surtout, outre le fait que de nombreux courriels sont antérieurs à la création de la société Banana, aucun d'entre eux n'est de nature à établir que les actions menées par M. [S] dans le cadre de ses échanges avec les clients, étaient soumises à la validation des 2 autres associés, certains échanges montrant au contraire qu'il négociait directement les tarifs avec les clients.

Contrairement à ce qu'il prétend, aucun de ces échanges ne fait état de l'intervention ou de la validation de l'un ou l'autre de ses associés.

M. [S] insiste sur le courriel présenté en sa pièce 33. Toutefois, celui-ci date du 7 janvier 2018, soit à une époque où la société Banana créée le 20 juillet 2018 n'existait pas encore, le contenu de cet échange repris en page 18 des conclusions d'appelant correspondant plus à un travail fait en concertation en vue d'une validation collective de travaux qu'à une directive donnée à M. [S] par M. [X] [Z].

La société Banana qui fait à juste titre observer que les échanges susvisés sont tous signés par M. [S] en tant qu'associé fondateur, produit par ailleurs des échanges de courriels dont il ressort que M. [S] était l'interlocuteur de l'expert-comptable de la société et de la banque (optimisation fiscale, négociation d'emprunt et de plafond bancaire), ce qui rejoint les mission de 'business développement' et de gestion d'un directeur général. Il a notamment donné lui-même les consignes le 2 janvier 2020 pour établir sa fiche de paie de décembre 2019, en précisant le montant de la rémunération et de la prime, sans faire référence à une quelconque validation par ses 2 associés. Ces éléments contredisent donc aussi son affirmation selon laquelle il lui était assigné à des tâches techniques secondaires, et sans véritable autonomie.

Contrairement à ce que M. [S] soutient, il ne se déduit pas du courriel du chargé bancaire du 12 mai 2020 qui certifie qu'à cette date, il n'avait aucune procuration sur le compte de la société Banana, que c'était aussi le cas avant le 13 février 2020, date jusqu'à laquelle il avait selon ce courriel un accès internet aux comptes de la société.

M. [S] prétend également que la société Banana a exercé son pouvoir disciplinaire en déclenchant une procédure en vue de son licenciement pour faute grave, avec une mise à pied à titre conservatoire.

Il sera cependant rappelé qu'une telle mise à pied n'est pas en soi une sanction disciplinaire. Par ailleurs, s'il y a bien eu convocation de M. [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, et la tenue de cet entretien en présence d'un conseiller assistant l'appelant, il est acquis aux débats que cette procédure a été interrompue avant toute notification d'une sanction ou d'un licenciement, les 2 associés de M. [S] lui substituant une procédure en révocation de son statut d'associé et de directeur général soumise à l'assemblée générale extraordinaire du 2 juin 2020.

Aussi, à défaut d'avoir rapporté la preuve à travers les éléments susvisés qu'il exerçait des fonctions techniques sous un lien de subordination, le seul déclenchement de cette procédure disciplinaire finalement interrompue dans un tel contexte ne peut valoir preuve d'un contrat de travail.

Enfin, il sera relevé qu'en page 4 de ses conclusions, M. [S] reconnaît également, confortant l'intimée sur ce point, que la rémunération qui lui a été versée entre décembre 2019 et février 2020, était officiellement la contrepartie de son mandat social de directeur général.

Cela résulte effectivement des 3 bulletins de salaire versés aux débats par les parties, qui portent la mention de 'directeur général' s'agissant de l'emploi, avec une entrée en poste le 1er décembre 2019, en cohérence avec la décision de l'assemblée générale des associés.

Il sera observé que s'il est rappelé sur les bulletins de salaire les textes concernant les congés payés, il n'est en revanche fait état d'aucun jour de congé payé acquis ou pris, ce qui conforte le fait qu'il s'agit d'une rémunération au titre du mandat social et non pour un travail salarié.

M. [S] confirme aussi qu'en dehors de ces 3 mois de rémunération, il n'a jamais perçu de contrepartie pour le travail accompli depuis la création de la société. Il ne prétend pas en avoir revendiqué le versement au cours de la relation contractuelle pour les prestations réalisées avant décembre 2019 qui l'ont donc été à titre gracieux, ce qui n'est compatible qu'avec le statut d'associé ou l'existence d'un mandat social.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [S] n'établit pas la preuve de la relation de travail salariée alléguée, à défaut de rapporter la preuve de l'exercice moyennant rémunération de fonctions techniques distinctes de son mandat social et sous la subordination de l'un ou des deux associés.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes s'estdéclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille pour connaître du litige opposant M. [S] à la société Banana prise en la personne de ses représentants légaux, étant précisé que M. [S] développe une argumentation sur l'éventuelle irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par la société Banana en première instance, mais ne saisit la cour d'aucune prétention à ce sujet aux termes du dispositif de ses conclusions de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner les moyens avancés.

- sur les autres demandes :

Le fait que M. [S] ait échoué en son action devant la juridiction prud'homale ne suffit pas à caractériser un abus du droit d'agir en justice, quelle que soit la pertinence des moyens allégués. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Banana de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance. Partie perdante, M. [S] devra par ailleurs supporter les dépens d'appel.

L'équité commande enfin de débouter les parties de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 18 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que M. [D] [S] supportera les dépens d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

[H] [M]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 22/01776
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.01776 ?
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