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30/06/2023 | FRANCE | N°22/00158

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 30 juin 2023, 22/00158


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 899/23



N° RG 22/00158 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UC6U



PS/LF

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de lannoy

en date du

26 Janvier 2022

(RG F21/00163 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Z] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A. VILOGIA PREMIUM SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 899/23

N° RG 22/00158 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UC6U

PS/LF

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de lannoy

en date du

26 Janvier 2022

(RG F21/00163 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Z] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-françois SEGARD, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A. VILOGIA PREMIUM SOCIÉTÉ ANONYME COOPÉRATIVE DE PRO DUCTION D'HLM À CAPITAL VARIABLE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI,

assistée de Me Marion HUERTAS, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 avril 2023

FAITS ET PROCEDURE

M.[U] a été engagé le 11 mai 1990 par une association aux droits de laquelle se trouve la société anonyme coopérative de production d'HLM VILOGIA PREMIUM (la société VILOGIA PREMIUM) dont il était, en dernier lieu, le directeur général adjoint. Le 20 juin 2019 il a été convoqué à l'entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire avant d'être licencié pour faute grave le 10 juillet 2019.

Par jugement ci-dessus référencé le conseil de prud'hommes, saisi par l'intéressé le 24 octobre 2019 de réclamations indemnitaires au titre de son licenciement à ses dires infondé, les a rejetées.

Vu l'appel formé par M.[U] le 4/2/2022 et ses conclusions du 15/4/2022 ainsi closes:

«infirmer le jugement... juger les faits prescrits, condamner la société VILOGIA PREMIUM au paiement des sommes suivantes:

' préavis:19 500 euros

' congé payé sur préavis : 1950 euros

' salaires durant la mise à pied: 4300 euros

' congé payé sur mise à pied : 430 euros

' indemnité de licenciement : 78 000 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 156 000 euros

' dommages-intérêts pour procédure vexatoire:78 000 euros

' indemnité de fin de carrière: 39.000 euros

' article 700 : 5.000 euros

dire que l'ensemble sera assorti des intérêts au taux légal à compter de l'appel en conciliation, avec capitalisation, ordonner la modification des documents de fin de contrat sous astreinte...

Vu les conclusions du 23/5/2022 par lesquelles la société VILOGIA PREMIUM demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

MOTIFS

la lettre de licenciement définissant le périmètre des griefs est ainsi rédigée :

«...à la suite de l'entretien préalable qui s'est tenu le mercredi 3 juillet dernier et auquel vous étiez présent, assisté de Madame [D] [L], j'ai décidé de vous notifier votre licenciement pour foute grave pour les motifs suivants :

en votre qualité de Directeur Général Adjoint, vous participez à ce jour, avec la Direction Générale, à la définition des objectifs stratégiques de développement de la Société et animez les activités de Vente (Patrimoine et Accession) et d'Administration des biens de la Société. Plus généralement, vous êtes aussi le garant du respect de nos procédures internes et des règles d'éthique de la Société. En juin 2016, vous avez bénéficié d'une délégation de pouvoirs plus large notamment sur la maîtrise d'ouvrage de VILOGIA PREMIUM et vous étiez chargé de superviser le montage et la conduite des opérations, ainsi que l'exécution des chantiers jusqu'à la livraison des logements. Par ailleurs, je vous avais autorisé à signer tout acte dont le montant n 'excède pas 15 millions d'euros et vous étiez tenu de m en informer par un rapport mensuel. À ce titre vous établissiez les contrats de maîtrise d''uvre des architectes, des bureaux d'études et de contrôle technique.

1. Or, à l'occasion de difficultés récentes rencontrées sur le chantier « Le Clos Matisse » à [Adresse 5], j'ai découvert que vous aviez conclu un marché ou nom de VILOGIA PREMIUM avec l'agence d'architectes GOULARD BRABANT LOIEZ, à laquelle vous avez attribué la mission complète de Maitrise d''uvre. Outre le fait que cette agence n'est pas un prestataire habituel de VILOGIA PREMIUM, j'ai constaté,

en prenant connaissance de ce marché que vous avez signé, qu'il ne respectait pas les exigences de nos procédures internes. D'ailleurs, ce marché {de seulement 5 pages} n'est pas conforme aux modalités d'engagement de nos contrats (aucun outre document contractuel n'y est présent: CCTAP, CCA, etc. et n'a pas été soumis à notre service juridique avant signature. Un acte d'engagement conclu dans ces conditions ne garantit pas les intérêts de VILOGIA PREMIUM, alors que nous disposons de tous les outils juridiques pour nous prémunir contre toute difficulté contractuelle éventuelle. Les difficultés rencontrées sur le chantier à ce jour confirment d'ailleurs que l'engagement que vous avez pris avec l'agence GOULARD BRABANT LOIEZ n'a pas permis de préserver parfaitement les intérêts de notre entreprise.

2. De plus, cet acte d'engagement n'a pas respecté la procédure d'appel d'offres public qui s'applique en la matière. En l'état du dossier, une procédure d'appel d'offres devait être lancée. Vous saviez qu'en cas de coût objectif supérieur à 90 000 euros, vous deviez mettre la prestation en concurrence, la publicité est obligatoire et les documents de consultation comprennent notamment le DCE, le CCT, le CCA. L 'analyse des offres se fait alors selon la méthode multicritères par la commission d'appel d'offres avant tout décision de signature du marché.

Sur simple demande de votre part, le service achat de VILOGIA SA était à votre entière disposition afin de mettre en 'uvre cette procédure, en vertu d'une convention de prestation de service entre VILOGIA SA et VILOGIA PREMIUM. Or, vous vous êtes dispensé de respecter cette procédure d'offres, ce qui a nécessairement causé une rupture d' égalité dans l'attribution des marchés, en totale contradiction avec les règles applicables, avec nos process habituels et avec responsabilités.

3. Enfin, j'ai découvert récemment que votre beau-frère était l'un des associés de l'agence GOULARD BRABANT LOIEZ. Vous vous êtes ainsi placé dans une situation de conflit d'intérêt, et vous avez favorisé cette agence,

alors que vous n 'auriez pas dû attribuer cette prestation à l'agence de l'un de vos parents proches,et ce d'autant plus que cette agence n 'est pas un prestataire habituel de notre Société.

Ces faits sont en totale contradiction avec votre obligation de loyauté et votre devoir d'intégrité et de probité. En votre qualité de Directeur Général Adjoint, il est attendu de votre part une parfaite exemplarité. Ces faits constituent une violation de vos responsabilités et de la délégation de pouvoirs que je vous ai remise et que avez signée le 11 juin 2016. Ces manquements portent atteinte à la confiance indispensable que je vous ai accordée dans l'exécution de vos fonctions. De tels faits, très préjudiciables à la Société, sont constitutifs d'une faute grave et rendent votre maintien dans l'entreprise impossible.. »

Dans ses écritures d'appel la société VILOGIA PREMIUM, qui conteste toute prescription de l'action disciplinaire, développe les griefs et soutient qu'au regard de leur gravité la poursuite du contrat de travail était impossible. M.[U] prétend pour sa part que l'action disciplinaire est prescrite et qu'en toute hypothèse il n'a commis aucun manquement.

Sur ce,

il est de règle que l'employeur ne peut valablement licencier un salarié en raison de faits dont il a eu une suffisante connaissance plus de deux mois avant de le convoquer à l'entretien préalable.

En l'espèce, il est en substance reproché à M.[U], en sa qualité de directeur, d'avoir frauduleusement et en juillet 2016 confié la maîtrise d'oeuvre d'un projet immobilier à un cabinet d'architectes dans lequel son beau-frère était associé. L'employeur prétend avoir mis au jour les faits le 6 juin 2019, date à laquelle son service juridique a selon lui été avisé de l'absence d'appel d'offre à l'occasion de difficultés concernant l'exécution de l'opération de construction.

Tout d'abord, il n'est pas discuté que le cabinet d'architectes a été choisi par M.[U] sans appel d'offres préalable mais alors que la société VILOGIA se prévaut de difficultés résultant de cet état de fait elle n'en précise ni la nature ni l'ampleur et elle n'explique pas pour quelle raison ses services n'ont pas décelé immédiatement les difficultés liées aux conditions d'attribution de la maîtrise d'oeuvre. A l'époque des faits litigieux elle était pourtant dotée de services comptables et juridiques auxquels l'engagement de gré à gré de l'architecte, dérogatoire aux pratiques habituelles, n'a pu échapper, ne serait-ce qu'à l'occasion des factures d'honoraires. Il sera ajouté que l'acte d'engagement de l'architecte a été conclu au nom du directeur général de la société intimée et signé pour ordre par M.[U] en vertu de sa délégation de pouvoirs et qu'aucune pièce n'accrédite l'existence de man'uvres pour celer son intervention ou en retarder la découverte. Du reste, il ressort des procès-verbaux de réunion du conseil d'administration de juin 2019, quelques jours avant la convocation de M.[U] à l'entretien préalable, que l'employeur avait connaissance dès le début de l'année 2018 de difficultés concernant l'exécution du chantier prévu à la livraison avant 2019. Ces difficultés l'ont conduit à engager une procédure de licenciement d'une collaboratrice et à mettre en cause la responsabilité d'un constructeur. Dans ces conditions, il ne pouvait ignorer et il n'a pas ignoré, avant la fin de l'année 2018, les circonstances ayant conduit, plusieurs années avant, au choix du maître d'oeuvre par M.[U].

La procédure disciplinaire le concernant ayant été engagée en juin 2019, soit plus de deux mois après, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Les conséquences financières

Les dispositions applicables sont celles de la Convention collective des sociétés coopératives de HLM du 15 mai 1990. Les montants, justement calculés, n'étant pas discutés il convient de faire droit aux demandes au titre des salaires de la mise à pied conservatoire et de l'indemnité de congés payés afférente. En ce qui concerne l'indemnité de licenciement la Convention collective prévoit des dispositions plus favorables que la loi et elle sera donc appliquée dans la limite de la somme réclamée.

Il ressort de l'article L 1235-3 du code du travail que lorsque le licenciement survient pour une cause non réelle et sérieuse, le juge condamne l'employeur au paiement d'une indemnité comprise entre des minima et des maxima.

Compte tenu des effectifs de l'entreprise, de l'ancienneté de M.[U], du revenu dont il a été privé du fait de son licenciement (6500 euros bruts par mois avant revenus de remplacement), de ses qualifications, de ses difficultés à retrouver un emploi vu son âge (plus de 60 ans), des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture et du montant de l'indemnité de licenciement conventionnelle, il y a lieu de lui allouer 60 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et financier causé par la perte d'emploi injustifiée.

Sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire sera rejetée faute pour le concluant d'alléguer un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre du licenciement abusif et a fortiori d'en justifier. Sa demande d'indemnité de fin de carrière sera également rejetée puisqu'en application de l'article 17 de la Convention collective elle suppose qu'il fût à l'initiative de la rupture, ce qui n'est pas le cas.

Les frais de procédure

l'appel a occasionné des frais qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M.[U].

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnité de fin de carrière et de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant

DECLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M.[U]

CONDAMNE la société VILOGIA PREMIUM à lui payer les sommes suivantes:

' indemnité compensatrice de préavis: 19 500 euros

' indemnité de congés payés: 1950 euros

' salaire de la mise à pied: 4300 euros

' indemnité de congé payé: 430 euros

' indemnité de licenciement: 78 000 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 60 000 euros

' article 700 du code de procédure civile: 4000 euros

ORDONNE le remboursement par la société VILOGIA PREMIUM à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M.[U] suite au licenciement, dans la limite de 6 mois.

AUTORISE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière et dit qu'ils courront à compter de la demande devant le conseil de prud'hommes pour les créances tant salariales qu'indemnitaires

ORDONNE que la société VILOGIA PREMIUM établira un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paie conforme au présent arrêt

DEBOUTE M.[U] du surplus de ses demandes

CONDAMNE la société VILOGIA PREMIUM aux dépens d'appel et de première instance.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 3
Numéro d'arrêt : 22/00158
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.00158 ?
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