ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 923/23
N° RG 22/00145 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UC2Z
PS/CH
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Dunkerque
en date du
30 Décembre 2021
(RG 21/00007 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [T] [J]
[Adresse 1]
représenté par Me Hervé JOLY, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. WRA La SELARL W.R.A, prise en la personne de Maître [K] [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL CIVE
[Adresse 3]
représentée par Me Julie BROY, avocat au barreau de DUNKERQUE
Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 2]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Cindy LEPERRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 avril 2023
FAITS ET PROCEDURE
En 2005 M. [J] a été engagé en qualité de tuyauteur par la société CIVE. Suite à un accident du travail il a été déclaré inapte par avis définitif du médecin du travail délivré le 10 février 2020. Le 2 mars 2020 la société CIVE lui a proposé un reclassement en qualité de préparateur. Suite à son refus il a été licencié le 31 mars 2020 pour inaptitude. Son employeur, tenant pour abusif son refus de reclassement, lui a versé les indemnités de rupture de droit commun.
Par jugement ci-dessus référencé le conseil de prud'hommes, saisi par le salarié de demandes d'indemnité compensatrice et d'indemnité spéciale de licenciement, les a rejetées et a dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais non compris dans les dépens. Par la suite la société CIVE a été placée en liquidation judiciaire.
Vu l'appel formé par M. [J] et ses conclusions du 22/4/2022 ainsi closes :
Infirmer le jugement et fixer comme suit sa créance au passif de la liquidation avec obligation de garantie de l'AGS :
- rappel d'indemnité spéciale de licenciement : 13 561.44 €
- indemnité compensatrice : 6 253.30 €
Condamner la Selarl WRA prise en sa qualité de liquidateur judiciaire à délivrer un bulletin de paie ainsi qu'une attestation PÔLE EMPLOI conforme au dispositif de l'arrêt à intervenir
Condamner la Selarl WRA ès qualités à payer la somme de 3 000.00 € en application de l'article 700 du CPC...
Vu les conclusions du 12/7/2022 par lesquelles la société CIVE représentée par son liquidateur demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions par lesquelles l'AGS CGEA conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes du salarié et rappelle les règles de mise en 'uvre de sa garantie
MOTIFS
Les demandes au titre des indemnités de rupture majorées
il ressort des débats que :
- pendant une quinzaine d'années M. [J] a accompli au service de la société CIVE des fonctions de tuyauteur niveau III de la Convention collective
- son inaptitude est sans conteste d'origine professionnelle
- la société CIVE lui a adressé une proposition de reclassement le 2 mars 2020 ainsi libellée :
«Monsieur, vous avez été reçu en consultation pour une visite de reprise le lundi 10 février dernier par le Docteur B. du CEDEST. Nous avons reçu un avis d'inaptitude avec un reclassement possible. Suite aux éléments en notre possession via l'avis d'inaptitude, nous avons écrit au Médecin du Travail afin de la solliciter sur la proposition de reclassement que nous souhaitions vous soumettre. Nous avons reçu ce jour, le lundi 17 Février 2020, le retour positif du Médecin du Travail sur la proposition de reclassement au poste de préparateur-formateur. Nous vous proposons donc un poste de préparateur-accompagnateur au sein de la société CIVE dont voici les attributions :
Accompagner les nouveaux embauchés au poste de tuyauteur : lecture de plans, utilisation des outils, méthode de calcul... Préparer les dossiers d'intervention, les communiquer aux intervenants à l'atelier Suivre l'avancement des dossiers d'intervention et les contrôler en phase finale Préparer les plans pour les intégrer dans le logiciel de la table de découpe PLASMA Vérifier les matériels pour la préparation des chantiers et leur retour après activité Préparer les surfaces avant soudage. Pour ce faire, nous mettrons à disposition les moyens suivants :
Un bureau avec ordinateur, téléphone, une chaise adaptée à son handicap dans l'atelier pour pouvoir se reposer toutes les 2 heures, les EPI nécessaires aux activités à l'atelier, une table élévatrice dans l'atelier pour travailler à hauteur d'homme, un accompagnement par le coordinateur IWT pour une durée à définir
Vos horaires de travail seront les suivants : du Lundi au Vendredi de 8h à 12h et de 14h à 17h ; soit 35 heures par semaine. Votre rémunération reste identique à celle que vous aviez en tant que tuyauteur, niveau III, échelon III, coefficient 240...»
- le salarié a décliné cette proposition par lettre du 6 mars au motif qu'elles n'étaient pas adaptées à ses «compétences» et à ses «aspirations professionnelles».
M. [J] fait valoir que l'offre de reclassement ne portait pas sur le même emploi que précédemment, qu'elle emportait une modification du contrat de travail, qu'il n'avait pas les compétences pour occuper le poste proposé et que son refus était légitime. La société CIVE rétorque que le médecin du travail a validé sa proposition, que celle-ci ne modifiait pas le contrat de travail et que le salarié disposait des capacités utiles pour occuper le poste transformé.
Sur ce,
Les moyens invoqués par le salarié au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Il sera ajouté que constitue une modification du contrat de travail la modification d'un ou plusieurs de ses éléments essentiels.
En l'espèce, le poste proposé comportait sans conteste le maintien des éléments essentiels du contrat s'agissant du lieu et des horaires de travail, de la rémunération et de la classification. Par ailleurs, la qualification du salarié était inchangée puisque dans le cadre de l'aménagement/transformation de son poste il aurait poursuivi ses missions de tuyauteur sous d'autres formes dans le cadre d'une réorganisation des moyens de production relevant du pouvoir d'organisation dévolue à l'employeur. Du reste, il est allégué mais non avéré que M. [J], salarié qualifié pourvu d'une grande expérience, se serait trouvé dans l'incapacité d'utiliser, ponctuellement, les outils informatiques mis à sa disposition dans le cadre de sa nouvelle affectation, d'autant qu'une formation à leur utilisation était prévue. Il disposait d'ailleurs, selon le médecin du travail, de «bonnes capacités intellectuelles» et ses écrits attestent d'une maîtrise de la langue courante.
M. [J] n'est pas fondé de soutenir que l'emploi proposé était différent du précédent puisque par définition il a été déclaré inapte à l'occuper et que son reclassement devait être recherché, comme tel a été le cas, par le biais d'un aménagement ou d'une transformation de son emploi, lesquels ont recueilli l'assentiment du médecin du travail après une étude de poste.
Il en ressort que la société CIVE a veillé à maintenir la capacité du salarié à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des technologies et que le refus de ré affectation de M. [J] présente un caractère abusif faisant obstacle à l'octroi des indemnités de rupture dérogatoires.
Il sera donc débouté de ses demandes par confirmation du jugement entrepris.
Il serait inéquitable de le condamner au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
CONFIRME le jugement
REJETTE les demandes d'indemnité au titre des frais non compris dans les dépens
CONDAMNE M. [J] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS