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30/06/2023 | FRANCE | N°22/00094

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 30 juin 2023, 22/00094


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 938/23



N° RG 22/00094 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCHE



MLBR/VM

















AJ















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BÉTHUNE

en date du

27 Octobre 2021

(RG F 19/00254 -section 2 )





































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GROSSE :



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le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Z] [P]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Elodie HANNOIR, avocat au barreau de BÉTHUNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 938/23

N° RG 22/00094 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCHE

MLBR/VM

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BÉTHUNE

en date du

27 Octobre 2021

(RG F 19/00254 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Z] [P]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Elodie HANNOIR, avocat au barreau de BÉTHUNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021012970 du 23/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉS :

S.E.L.A.R.L. SELARL [D]-ARAS ET ASSOCIES

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Brigitte INGELAERE, avocat au barreau de BÉTHUNE

CGEA D'[Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BÉTHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 avril 2023

EXPOSÉ DU LITIGE':

M. [Z] [P] a été embauché par la SARL Casa Résine International dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 15 mai au 15 septembre 2018 en qualité d'agent de service AS1 B.

Le 6 juin 2018, il a fait l'objet d'un avertissement disciplinaire pour abandon de poste qu'il a contesté par courrier du 11 juin 2018.

Par lettre recommandée du 14 juin 2018, la société Casa Résine International a notifié au salarié une mise à pied à titre conservatoire en raison de l'abandon de poste du 2 juin 2018 et de la mesure disciplinaire envisagée pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par courrier du 2 août 2018 suite à un entretien préalable organisé le 30 juillet 2018, la société Casa Résine International lui a notifié la rupture du contrat pour faute grave lui reprochant des propos insultants et un dénigrement de l'entreprise publiés sur Facebook.

Par requête du 2 août 2019,'M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune afin de contester les sanctions disciplinaires dont il a fait l'objet ainsi que la rupture selon lui abusive de son contrat et d'obtenir diverses indemnités au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

La société Casa Résine International a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Arras rendu le 27 novembre 2020, la SELARL [D] Aras et Associés ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement contradictoire du 27 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Béthune a':

- débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté la demande la société Casa Résine International de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à l'opposabilité du jugement au CGEA d'[Localité 6],

- rejeté la demande de la société Casa Résine International et de M. [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de chacun.

Par déclaration reçue au greffe le 21 janvier 2022, M. [P] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Casa Résine International de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ses dispositions critiquées et statuant à nouveau,

- juger nul et de nul effet l'avertissement notifié le 6 juin 2018,

- requalifier la mise à pied conservatoire du 14 juin 2018 en mise à pied disciplinaire et la juger nulle et de nul effet,

- juger abusive la rupture de son contrat de travail,

- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Casa Résine International aux sommes suivantes':

*500 euros nets à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement du 6 juin 2018,

*2 790,31 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied, outre 279,03 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

*800 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre de la mise à pied du 14 juin 2018,

*820,32 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 82,03 euros au titre des congés payés y afférents,

*15,82 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de repos,

*300 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,

*8 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

*1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de résultat,

*654,40 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre du droit de retrait, outre 65,44 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- condamner Me [D], ès qualités, à remettre une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour et par document à compter du 1er jour du mois suivant la notification de la décision à intervenir, et dire que «'le conseil'» se réserve le droit de liquider l'astreinte ainsi fixée,

- condamner Me [D] aux dépens,

- ordonner que le jugement à intervenir soit opposable au CGEA d'[Localité 6],

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, reprise intégralement dans celles du 28 avril 2023 postérieures à la clôture, Me [D], ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner reconventionnellement M. [P] à lui payer en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Casa Résine International la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, le CGEA d'[Localité 6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

subsidiairement,

- déclarer la décision opposable au CGEA AGS d'[Localité 6] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-1 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

en tout état de cause et si l'opposabilité à l'AGS est prononcée,

-dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justifications par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- condamner M. [P] aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur l'avertissement et la mise à pied à titre conservatoire :

M. [P] sollicite l'annulation de l'avertissement prononcé à son encontre le 6 juin 2018 en faisant valoir que :

- il n'est pas justifié par l'employeur que cette sanction est prévue par le règlement intérieur de l'entreprise,

- il n'a jamais abandonné son poste mais a fait jouer son droit de retrait compte tenu de l'absence d'équipement de protection individuelle à sa disposition et de la détention de cannabis par un de ses collègues.

Il conclut également à l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire du 14 juin 2018 aux motifs qu'elle constituait en fait une mise à pied disciplinaire, en l'absence de déclenchement dans un temps proche d'une procédure aux fins de rupture du contrat, et de surcroît portait sur le même grief que l'avertissement susvisé.

En réponse, les intimés font en substance valoir que l'abandon de poste sanctionné par l'avertissement est établi par les attestations de salariés, M. [P] n'ayant jamais exercé son droit de retrait et ne justifiant d'aucun préjudice.

S'agissant de la mise à pied à titre conservatoire, le liquidateur judiciaire indique qu'elle visait un abandon de chantier et que le salarié ne justifie d'aucun préjudice, l'AGS prétendant pour sa part que la mesure est préalable 'au licenciement' de M. [P] et se trouvait parfaitement justifiée au regard des manquements professionnels de l'intéressé.

Sur ce,

* sur l'avertissement :

Il est constant que par courrier du 6 juin 2018, M. [P] s'est vu notifier un avertissement pour le grief libellé comme suit : 'Depuis le 2 juin 2018, vous avez abandonné votre poste de travail sur le chantier AGCO à [Localité 7].....De plus, depuis le lundi 4 juin 2018, vous êtes absent de votre poste et à ce jour vous n'avez donné aucun justificatif de votre absence'.

M. [P] fait justement remarquer que la société Casa Resine International ayant déclaré dans l'attestation Pôle Emploi avoir un effectif de 21 salariés, elle était tenue d'établir un règlement intérieur conformément aux dispositions de l'article L. 1311-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 22 mai 2019 et ne pouvait donc prononcer à l'encontre de M. [P] qu'une des sanctions disciplinaires, à l'exception du licenciement, prévues audit règlement.

Or, en réponse au moyen adverse, Maître [D], ès qualités, ni ne prétend, ni ne justifie de l'existence d'un règlement intérieur au sein de la société Casa Resine International d'une part, et des sanctions disciplinaires qui y figurent, notamment l'avertissement, d'autre part.

Pour ce seul motif et sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la faute était caractérisée, il convient, par voie d'infirmation, d'annuler l'avertissement prononcé le 6 juin 2018 à l'encontre de M. [P].

Le prononcé de cette sanction irrégulière, que M. [P] avait d'ailleurs contesté par son courrier du 11 juin 2018, étant susceptible d'avoir une incidence sur son avenir professionnel, il en est nécessairement résulté pour le salarié un préjudice moral dont la réparation sera fixée à 300 euros.

M. [P] sollicite par ailleurs un rappel de salaire de 654,40 euros correspondant au remboursement de la retenue sur salaire qui a été opérée en juin 2018 en raison de son prétendu abandon de poste, arguant du fait qu'il n'avait fait qu'exercer son droit de retrait en ne revenant plus sur le chantier à partir du 2 juin 2018.

Toutefois la seule attestation d'un de ses collègues, M. [N], contredite par celles de M. [H] et de M. [B], produites par l'intimée, ne suffit pas à établir que M. [P] a régulièrement exercé son droit de retrait dont il ne fait d'ailleurs nullement état dans son courrier de contestation du 11 juin 2018.

M. [P] ne prétendant pas avoir repris son poste entre le 2 et le 14 juin 2018, malgré la mise en demeure de son employeur dans son courrier du 6 juin 2018, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de cette période non travaillée.

* sur la mise à pied à titre conservatoire :

Il est constant que par courrier du 14 juin 2018, la société Casa Resine International a notifié à M. [P] sa mise à pied à titre conservatoire dans les termes qui suivent : 'Le 2 juin 2018, vous vous êtes rendu coupable d'un abandon de chantier. Pour cette raison, nous envisageons une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Dans l'attente d'un entretien préalable à un éventuel licenciement,...nous avons le regret de vous signifier votre mise à pied conservatoire.'

Il se déduit de cette lettre de notification que la mesure de mise à pied est liée à l'abandon de chantier du 2 juin 2018 pour lequel M. [P] s'est déjà vu sanctionner par l'avertissement susvisé. Or, la société Casa Resine International ayant de ce fait épuisé son pouvoir disciplinaire, elle ne pouvait plus déclencher une seconde procédure disciplinaire au titre des mêmes faits fautifs.

La mise à pied à titre conservatoire est pour l'ensemble de ces raisons injustifiée et sera dès lors annulée.

Le fait qu'une nouvelle procédure disciplinaire ait été initiée à l'encontre de M. [P] le 17 juillet 2018 ne peut constituer une régularisation a posteriori de la mesure de mise à pied, dès lors qu'elle a uniquement porté sur des faits d'insultes et de dénigrement de l'entreprise sur le réseau social Facebook, postérieurs à la lettre de notification de la mise à pied à titre conservatoire prise de surcroît pour un autre motif.

Au regard de la durée de cette mise à pied à titre conservatoire qui s'est poursuivie jusqu'à la rupture anticipée du contrat, et de la légitime inquiétude qui en est résultée, M. [P] justifie d'un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 800 euros de dommages et intérêts.

Par ailleurs, M. [P] est fondé à solliciter un rappel de salaire au titre des sommes retenues de manière injustifiée du fait de cette mise à pied d'un montant total de 2 790,31 euros, outre 279,03 de congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur la rupture anticipée du contrat pour faute grave :

M. [P] soutient que la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée est abusive en ce que ses publications sur Facebook étaient en accès restreint 'à ses amis' et donc à caractère privé, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir publiquement diffamé et dénigré l'entreprise. Il insiste également sur le contexte de la diffusion de ses propos, rappelant qu'il était alors sous le coup d'une mise à pied depuis 14 jours et privé de ce fait de toute rémunération, le stress résultant de cette situation expliquant sa colère.

Les intimés lui opposent qu'il ne démontre pas que l'accès à ses publications était réellement restreint, les documents illustrant au contraire qu'elles étaient accessibles à un grand nombre de personnes. Au regard de leur contenu, le liquidateur judiciaire soutient que les propos tenus ont excédé la liberté d'expression du salarié.

Sur ce,

L'article L.1243-1 du code du travail dispose que, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

La faute grave est définie comme celle dont la gravité est telle qu'elle rend impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes d'un courrier du 2 août 2018, maladroitement intitulé 'lettre de notification d'un licenciement pour faute grave', la société Casa Resine International a notifié à M. [P], à la suite d'un entretien préalable qui s'est tenu le 30 juillet 2018, la rupture de son contrat de travail en raison d'insultes et de dénigrement exprimés à travers des publications sur Facebook notamment le 28 juin 2018.

Elle évoque dans cette lettre plusieurs propos tenus par son salarié : 'entreprise de resine de merde Casa Resine international MDR....apprend déjà à faire du régional..ils ont eu un chantier en espagne MDR ils ont tout abattue trafiquant de truand demain j'en dirai bcp +++', 'au lieu de recruter dans les bistrots tes sois disant applicateurs de résine...surtout ferme bien ton bec' ou encore '...je ne savais pas que vous avez un diplôme de chimie pour faire vos durcisseurs et le reste sera dévoilé devant le tribunal correctionnel de BÉTHUNE'.

Pour établir la faute, le liquidateur judiciaire verse aux débats les publications sur Facebook dont sont extraits les propos susvisés, étant observé que M. [P] ne critique pas la licéité de ces éléments de preuve.

En qualifiant son employeur, parfaitement identifiable grâce au nom de la société, de truand et trafiquant, M. [P] a tenu des propos injurieux en ce qu'il sous-entend qu'il aurait commis des infractions qu'il menace de dévoiler devant le tribunal correctionnel. En outre, en laissant penser que la société Casa Resine International recrute ses salariés dans les bars, M. [P] a porté atteinte à l'image de l'entreprise en remettant en cause ses méthodes de recrutement et la compétence de ses employés.

Par ailleurs, les intimés font justement observer que M. [P] ne produit aucune pièce pour démontrer que ces publications sur son compte Facebook l'ont été à un cercle restreint. En effet, le sigle 'amis' n'exclut pas nécessairement la diffusion à une très large assistance en fonction des paramètrages de confidentialité et de diffusion de son compte. Or, M. [P] ne donne aucune précision à ce sujet et plus particulièrement sur le nombre d'amis avec lesquels il partage ses publications. Un des commentaires apparaît en outre avoir été partagé sur un autre compte.

Ainsi, à travers la publication de ces propos injurieux et dénigrants, qui sont par ailleurs sans rapport avec le litige l'opposant à son employeur, M. [P] a excédé sa liberté d'expression de salarié, agissements suffisants à caractériser une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail jusqu'à son terme compte tenu des propos tenus.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes au titre de la rupture prétendument abusive de son contrat.

- sur les demandes au titre de la durée du travail et des repos :

En vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande de rappel de salaire, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

* sur les heures supplémentaires :

M. [P] soutient qu'il n'a pas été rémunéré pour l'ensemble des heures supplémentaires qu'il a accompli entre le 15 mai et le 2 juin 2018, réclamant le versement d'une somme de 820,32 euros, outre les congés payés y afférents, pour 55,25 heures supplémentaires non payées qu'il détaille en sa pièce 11 en précisant pour chaque jour travaillé, y compris certains samedis et dimanches, les heures de début et fin de chantier et son temps de pause. Il aurait ainsi travaillé plus de 55 heures chaque semaine.

Ces éléments sont suffisamment détaillés et précis pour permettre au liquidateur judiciaire de la société Casa Resine International d'y répondre.

Pour soutenir que M. [P] a été rémunéré pour l'ensemble des heures supplémentaires réalisées, le liquidateur judiciaire produit, outre les bulletins de salaire du salarié, les planning de travail des semaines considérées et les fiches 'de pointage' ainsi que les rapports de géolocalisation du véhicule utilisé par le salarié .

Il résulte des bulletins de salaire que M. [P] n'a pas été rémunéré au titre d'heures supplémentaires excédant la 39 ème heure hebdomadaire.

Par ailleurs, les fiches de 'pointage' confortent le décompte de M. [P] puisqu'elles font mention des mêmes journées de travail, celui-ci ayant notamment travaillé tous les jours entre les 15 mai et le 26 mai 2018. L'appelant fait en outre observer à raison qu'en l'absence d'indication des débuts et fins des journées de travail et de la durée journalière accomplie, ces fiches ainsi que les planning sont insuffisants à contredire son décompte des heures supplémentaires.

Sont également inopérants les rapports de géolocalisation du véhicule de l'entreprise dans la mesure où ils portent uniquement sur les 1er et 2 juin 2018, cette dernière date étant celle au cours de laquelle M. [P] a quitté définitivement le chantier. Les horaires de déplacement donnés pour le 1er juin sont en outre conformes à ceux indiqués par M. [P] dans son décompte.

Aucun des éléments présentés par Me [D] ne contredisant utilement le décompte très précis et cohérent des heures supplémentaires établi par M. [P], il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Casa Resine International, la créance de M. [P] à ce titre à la somme de 820,32 euros, outre 82,03 euros de congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

* sur le non-respect du repos hebdomadaire :

M. [P] dénonce le non-respect par son employeur de la durée minimale de repos hebdomadaire.

L'intimé conteste ce manquement mais ne produit aucune pièce en dehors des fiches de pointage évoquées plus haut, pour justifier, la charge de la preuve lui incombant, que l'employeur a strictement respecté la législation et la convention collective en la matière.

Comme précédemment évoqué, il ressort des fiches de pointage qu'entre le 15 mai et le 26 mai 2018, M. [P] n'a jamais bénéficié d'un minimum de 32 heures de repos hebdomadaire comme prévu par la convention collective.

Ce manquement, certes ponctuel, a cependant nécessairement causé au salarié un préjudice qui sera réparé à hauteur d'une somme de 200 euros de dommages et intérêts.

Par ailleurs, il ne résulte ni des bulletins de salaire, ni du reçu du solde de tout compte que la société Casa Resine International a versé à M. [P] l'indemnité de repos prévue à l'article 6.4.4 de la convention collective lorsque le temps de repos n'atteint pas 35 heures consécutives.

Sachant que l'intéressé n'a pas bénéficié de repos hebdomadaire après la semaine du 15 au 20 mai 2018, sa créance au titre de l'indemnité conventionnelle de repos sera fixée à la somme de 14,38 euros, outre les congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur le manquement à l'obligation de sécurité :

M. [P] dénonce le manquement de son employeur à son obligation de sécurité en faisant valoir qu'il n'a reçu aucune formation adéquate à l'utilisation de certains produits toxiques et n'a pas bénéficié d'équipements de protection individuelle en dépit de ses demandes réitérées, ni de visite médicale d'embauche. Il allègue d'un préjudice financier et moral qu'il évalue à 1000 euros, rappelant qu'il a été contraint d'exercer son droit de retrait.

A supposer même que la société Casa Resine International ait manqué à son obligation de sécurité, notamment en ne proposant pas de formation adaptée à M. [P], ni visite médicale d'embauche, des salariés ayant en revanche attesté qu'ils bénéficiaient tous d'équipement de protection individuelle contredisant en cela l'attestation de M. [N], force est de constater que M. [P] ne produit aucune pièce pour établir la réalité du préjudice qui en serait résulté, sachant qu'il a été précédemment retenu que l'intéressé ne justifie pas de l'exercice de son droit de retrait et qu'il ne produit aucun élément quant à ses demandes réitérées relatives aux équipements de protection.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté de sa demande indemnitaire de ce chef.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui a été précédemment statué, il est enjoint à Maître [D], ès qualités, de remettre à M. [P] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Le présent arrêt sera par ailleurs opposable à l'UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 6] dans la limite de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et suivants et de l'article D. 3253-5 du code du travail.

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Me [D] de sa demande sur le fondements de l'article 32-1 du code de procédure civile, M. [P] ayant été accueilli en ses principales demandes, ainsi qu'en ses dispositions sur les frais irrépétibles.

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance que Maître [D], ès qualités, devra supporter. Il en sera de même des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 27 octobre 2021 en ses dispositions critiquées sauf en celles déboutant M. [Z] [P] de ses demandes au titre du manquement à l'obligation de sécurité, de la rupture de son contrat de travail et du rappel de salaire de 654,40 euros, ainsi qu'en celles relatives aux frais irrépétibles de première instance ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

ANNULE l'avertissement du 6 juin 2018 et la mise à pied à titre conservatoire du 14 juin 2018 ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société Casa Resine International, les créances de M. [Z] [P] à hauteur des sommes suivantes :

- 300 euros de dommages et intérêts pour l'avertissement injustifié,

- 800 euros de dommages et intérêts pour la mise à pied injustifiée,

- 2 790,31 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied, outre 279,03 de congés payés y afférents,

- 820,32 euros au titre des heures supplémentaires, outre 82,03 euros de congés payés y afférents,

- 200 euros de dommages et intérêts pour le non-respect de son droit au repos hebdomadaire,

- 14,38 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de repos, outre 1,43 euros de congés payés y afférents ;

DECLARE l'arrêt opposable l'Unedic Délégation AGS CGEA d'[Localité 6] dans la limite de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et suivants et l'article D. 3253-5 du code du travail ;

ORDONNE à Maître [D], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Casa Resine International, de transmettre à M. [Z] [P] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail rectifiés conformément aux présentes dispositions ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que Maître [D], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Casa Resine International, supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRÉSIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 22/00094
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.00094 ?
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