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30/06/2023 | FRANCE | N°22/00089

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 30 juin 2023, 22/00089


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 977/23



N° RG 22/00089 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCGY



MLBR/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LILLE

en date du

13 Décembre 2021

(RG 18/01161 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S.U. DECATHLON FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bertrand WAMBEKE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ :



M. [V] [L]

[Adresse 4]

[Locali...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 977/23

N° RG 22/00089 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCGY

MLBR/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LILLE

en date du

13 Décembre 2021

(RG 18/01161 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S.U. DECATHLON FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bertrand WAMBEKE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [V] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Joëlle MARTEAU-PERETIE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE':

M. [V] [L] a embauché en qualité d'ingénieur méthode à compter du 30 avril 2012 par la SAS Décathlon dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le 6 juin 2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

L'entretien s'est déroulé le 19 juin 2018 et par courrier du 25 juin 2018, M. [L] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Par requête du 27 novembre 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de contester son licenciement et d'obtenir diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Lille, en sa formation de départage, a':

- déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à M. [L] le 25 juin 2018,

- condamné la société Décathlon à payer à M. [L] la somme de 32 679,08 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rappelé que l'exonération de la CSG et de la CRDS porte sur le minimum légal de salaires des six derniers mois fixé par l'article L. 1235-3 du code du travail,

- condamné la société Décathlon à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 20 janvier 2022, la société Décathlon a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 avril 2023 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Décathlon demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et statuant à nouveau de':

- dire le licenciement de M. [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

en conséquence,

-condamner la société Décathlon à lui payer les sommes suivantes':

*33 797,61 euros net de CSG/CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

*3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société Décathlon aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur le licenciement de M. [L] :

La société Décathlon prétend que les faits allégués dans la lettre de licenciement de M. [L], corroborés par les pièces qu'elle produit, suffisent à caractériser l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, et qu'elle ne s'est pas fondée sur des faits de nature fautive, comme les premiers juges lui en ont fait le grief.

La société Décathlon dénonce en substance, en développant les motifs de la lettre de licenciement, les difficultés de M. [L] en matière de communication avec ses interlocuteurs et membres de son équipe, son manque de disponibilité, de flexibilité et d'implication (absence à de nombreuses réunions), un manque de sens du travail en équipe préférant notamment s'isoler et le télé travail, ainsi que son incapacité à prendre en charge les problématiques qui lui sont soumises.

Elle précise que ses superviseurs, M. [Y] et M. [E], ont pris des mesures pour accompagner le salarié et l'inciter à changer ses méthodes de travail dès les premières remontées négatives en fin d'année 2016, organisant des entretiens individuels, lui prodiguant à plusieurs reprises des conseils notamment en matière de communication, et en lui assignant des objectifs.

Elle ajoute qu'un suivi renforcé a été mis en place en juillet 2017, avec une proposition d'entretien tous les 15 jours, après avoir alerté une nouvelle fois M. [L] des carences constatées et des retours négatifs des équipes 'marque' mais que celui-ci n'a pas modifié son comportement, ni remis en cause ses méthodes de travail, niant sous une forme parfois humoristique l'existence de lacunes et de difficultés.

La société Décathlon fait valoir que les carences de M. [L] ont engendré la déception et le mécontentement des équipes et des marques avec lesquelles il devait collaborer, et de ce fait une destabilisation du fonctionnement du service.

En réponse, M. [L] qui réfute toute insuffisance professionnelle, fait d'abord grief à la société Décathlon de ne pas reprendre dans ses conclusions tous les griefs visés dans la lettre de licenciement qu'il réfute par la suite un à un à travers ses développements.

En substance, il conteste avoir été excessivement ou de manière injustifiée absent aux réunions, ou encore son prétendu isolement volontaire vis à vis des équipes et son absence d'initiative, et entend démontrer son implication dans les projets et son étroite collaboration avec les équipes à travers ses échanges et ses déplacements internationaux. Il met également en avant les actions réalisées, notamment l'animation de formations, pour améliorer la communication et la transmission de son expertise.

M. [L] conteste également l'existence d'un prétendu mécontentement de ses interlocuteurs, évoquant notamment les avis contraires de certaines marques et le fait que depuis son entrée dans l'entreprise en 2012, il a notamment développé et mis en production 26 nouveaux produits.

Sur ce,

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 1235-1 du même code, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle, qui n'est en soi pas fautive et peut constituer une cause sérieuse de licenciement, se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté. Elle doit reposer sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié et des moyens mis à sa disposition pour accomplir sa tâche et il appartient à cet effet à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux de l'insuffisance professionnelle sur laquelle est fondé le licenciement.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Décathlon fait état 'd'une insuffisance professionnelle avérée', malgré de nombreuses alertes, en citant les carences suivantes de M. [L] :

- l'absence de l'intéressé à la journée d'écriture du projet de l'entité, plastic composite, qui a eu lieu le 12 janvier 2017 malgré de nombreuses demandes, ainsi qu'à la réunion du 11 janvier 2018 de tous les ingénieurs méthodes concernant la rédaction des standards liés à l'industrialisation et à la réunion de deux jours qui a fait suite,

- le retard pris dans la modification de sa signature électronique et de son logo pour s'aligner sur le pavé de signature de l'entité, celle-ci étant intervenue sept mois après la demande qui lui a été faite le 24 août 2017 dans le cadre d'une volonté de communication commune pour l'ensemble des collaborateurs de l'entité,

- la décision du salarié de déplacer son bureau au sein de l'atelier prototypage, en s'isolant ainsi de l'équipe du projet plastic composite auprès de laquelle il était peu présent malgré les demandes de son superviseur,

- le fait de délibérément privilégier le travail à distance sans en référer à son superviseur, ce mode d'organisation n'ayant pas vocation à favoriser le travail en équipe comme il lui était demandé,

- l'insuffisance des déplacements internationaux auprès des principaux fournisseurs malgré une demande réitérée de se rendre en Chine,

- les critiques émanant de plusieurs marques et services, concernant les manques d'échange avec les équipes développement (Caperlan) et le manque de disponibilité (Kispta), sources de retard et d'un mauvais accompagnement dans le suivi des projets, ou encore le manque d'investissement quotidien, certaines équipes (Aptonia) ne souhaitant plus le solliciter en direct en l'absence de prise en compte des problématiques principales qui lui étaient soumises, l'intéressé se focalisant sur ses livrables administratifs et ne prenant plus la peine de prendre part aux réunions de services de la marque Aptonia, ou enfin le manque d'initiative (Artengo) obligeant les équipes à le solliciter en permanence pour qu'il s'implique,

- un défaut de communication sur l'état d'avancement de certains projets créant par la même occasion un climat difficile pour les services avec lesquels il travaillait,

- le manque de réactivité sur les demandes des clients ayant eu pour conséquence de générer une perte de temps et d'argent dans la gestion des dossiers pris en charge.

La société Décathlon fait également état dans la lettre du fait que lors de l'entretien annuel d'évaluation, il a été demandé à M. [L] de 'co-construire le projet avec l'équipe' et que son superviseur l'a sollicité à plusieurs reprises pour convenir d'une organisation 'afin de l'accompagner au mieux', en proposant notamment le 11 juillet 2017 un entretien tous les 15 jours 'afin de pouvoir être disponible sur l'animation des projets suivis' et de venir plus souvent travailler au sein des bureaux 'afin de permettre une meilleure communication entre tous'.

Pour établir la matérialité des carences susvisées, la société Décathlon produit aux débats :

- la fiche métier de M. [L],

- l'évaluation 2014 et les compte-rendus des entretiens 'individuel de décision et développement' avec M. [L] menés par M. [E] les 10 février et 11 juillet 2017, dans lesquels ce dernier évoque à chaque fois la nécessité de faire 'plus preuve d'ouverture collective dans la quête de solution, s'ouvrir aux collègues 'IME, DT' pour t'aider lors de problèmes concrets cf problème d'assemblage ballon', et en juillet concernant les points de non -aisance, 'le courage managérial : oser donner et recevoir des feedbacks positifs et négatifs','co-construire avec l'équipe', 'partager davantage avec tes collègues', pour demander en conclusion à M. [L] de faire preuve d'esprit d'équipe, d'aller chercher 'les feedback' (retours) des interlocuteurs pour nourrir le plan de développement des marques et équipes, 'de manière générale, plutôt co-construire vs les construire seul',

- le courriel adressé le 11 juillet 2017 par M. [E] à M. [L] lui proposant de se voir toutes les 2 semaines pour améliorer la communication et l'animation des projets et nourrir sa réflexion, d'adapter son agenda en fonction des projets, d'être plus souvent au sein des bureaux PC, 'c'est aussi ici que l'on attend pour échanger parfois de manière informelle', d'être plus souvent chez les fournisseurs notamment en Chine,

- le courriel du même jour relayant à M. [L] les retours critiques des équipes des marques Caperlan, Kipsta, Aptonia et Artengo, ayant travaillé avec lui en 2016,

- le courriel de synthèse d'août 2017 concernant la collaboration de M. [L] avec l'équipe 'Caperlan' et les propositions d'amélioration de leur communication sur le suivi des projets,

- le courriel du 6 novembre 2017 d'un salarié de la marque 'Caperlan' informant M. [E] qu'il ne peut plus continuer de travailler avec M. [L], au vu des derniers échanges joints au courriel avec son équipe sur la réalisation d'un projet,

- l'échange de courriels entre M. [L] et M. [E] le 28 mars 2018 concernant l'évaluation 2017 et l'absence d'augmentation de rémunération, M. [E] renouvelant certains constats concernant la non réalisation de certains objectifs et le fait que certaines équipes (Caperlan) ne veulent plus travailler avec lui, M. [L] défendant pour sa part ses méthodes de travail,

- les attestations de 5 collègues ou interlocuteurs et de son ancien superviseur, venant confirmer certaines critiques susvisées,

- les échanges entre M. [L] et M. [E] concernant le motif de l'absence du premier à la réunion du 11 janvier 2018 prévue depuis le 7 novembre 2017.

Toutefois, les moyens et pièces invoqués par la société Décathlon au soutien de son appel ne font que réitérer ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs abondants et pertinents que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Il convient également de rappeler que le licenciement de M. [L] n'étant pas disciplinaire, il ne lui est donc pas reproché par son employeur des absences injustifiées ou une résistance délibérée à des directives et objectifs assignés par sa hiérarchie.

Aussi, les premiers juges ont à raison relevé qu'en l'absence de faute alléguée, le choix d'un bureau non situé dans l'open space, le placement de chaque salarié étant libre, la prise même importante de journées de travail à distance, le retard dans l'harmonisation de sa signature électronique et les absences aux réunions citées par l'employeur, ne constituent pas en soi des éléments susceptibles de caractériser une insuffisance professionnelle telle que définie plus haut, sauf à établir qu'ils ont participé, pris dans leur ensemble avec les autres griefs, aux difficultés de M. [L] à assurer les missions qui lui étaient confiées et à un défaut de communication avec les équipes et les marques.

Or, les attestations ainsi d'ailleurs que les autres éléments avancés par la société Décathlon, mis en balance avec les documents présentés par M. [L], ne permettent pas de retenir les carences professionnelles alléguées comme établies avec certitude, étant rappelé que le doute doit bénéficier au salarié.

En effet, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les attestations produites par la société Décathlon émanant d'autres ingénieurs et de directeur de marque, tous appartenant à l'appelante, ne présentent pas toutes de garanties d'objectivité suffisantes.

En effet, celle de M. [X] reprend in extenso le contenu du courriel susvisé du 11 juillet 2017 pourtant rédigé par M. [E], M. [Y] a pour sa part été le superviseur de M. [L] juste avant M. [E], et M. [R] apparaît manifestement en litige avec le salarié après que celui-ci a aussi émis des critiques sur les méthodes de son équipe (Caperlan) et fait preuve à son sujet d'humour dont il lui fait d'ailleurs le reproche dans son attestation.

Par ailleurs, M. [L] justifie en sa pièce 17 des démarches faites entre juillet et novembre 2017, conformément aux objectifs qui lui avaient été assignés par M. [E], pour tenter d'améliorer les échanges avec son interlocuteur au sein de la marque Caperlan et obtenir des retours sur la gestion du projet Leurre, informant même M. [E] le 24 novembre 2017 du silence de ce dernier à ses sollicitations. Si les critiques émises en juillet 2017 par le responsable de la marque Caperlan sont particulièrement sévères, force est de constater qu'aucune pièce n'est produite par la société Décathlon pour les corroborer et que les tensions existant entre lui et M. [L] au sujet du projet Leurre ne permet pas d'imputer à ce dernier de manière objective la responsabilité des difficultés invoquées par l'appelante.

Il en est de même des prétendues difficultés avec l'équipe de la marque Aptonia, M. [L] justifiant par sa pièce 37 avoir alerté dès avril 2016 son superviseur, en la personne de M. [Y], 'des points bloquants de fonctionnement' avec l'ingénieur produit de la marque, M. [X], qui a par la suite attesté contre lui. A l'époque, M. [Y] avait conforté l'analyse faite par M. [L] de cette situation. En outre, en juillet 2017, ce dernier a répondu précisément aux critiques émises par la marque Aptonia, avec copie à M. [E], et comme précédemment, la société Décathlon ne produit aucune autre pièce que l'attestation de M. [X] pour établir de manière objective le bien fondé de celles-ci.

Il ressort également des pièces de M. [L] que son travail au profit de la marque Kripsta a été apprécié au titre de plusieurs projets en 2015 puis en 2017 dans le projet Easyball, les retours reçus de la part de l'équipe en juillet 2017 étant très satisfaisants (pièces 21, 23), son interlocuteur lui précisant qu'il a été le seul à porter le projet et en a été un moteur du début à la fin. A supposer même qu'il y ait eu des erreurs commises en 2016 dans le processus de conception d'un panier de basket comme évoqué dans 2 autres attestations, les éléments susvisés confirment cependant que M. [L] a globalement toujours réalisé un travail très satisfaisant au point d'être désigné par M. [E] en mai 2018 pour continuer à accompagner le projet Easyball de la marque Kripsta (pièce 24).

Ces mêmes expressions de satisfaction lui ont été adressées en juin 2017 par le directeur de la marque Artengo.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les critiques émises par la société Décathlon sur les méthodes de travail et l'investissement de M. [L] dans les projets menés conjointement avec les marques de la société ne sont confortées par aucun élément objectif crédibles et sont même contredites par les pièces de l'intimé.

En outre, M. [L] justifie des initiatives prises pour accompagner ses équipes dans le suivi des projets, conformément aux objectifs qui lui ont été assignés, à travers les formations organisées à son initiative et la transmission régulières d'outils de travail (pièces 26, 30 à 36), éléments non critiqués par la société Décathlon.

Enfin, s'agissant de la supposée insuffisance de ses déplacements internationaux auprès des fournisseurs et équipes partenaires, M. [L] produit un tableau récapitulatif, non critiqué par la partie adverse, des 31 déplacements réalisés entre mai 2013 et mai 2017, principalement en Italie et au Portugal, l'intéressé s'étant rendu en Chine en 2014. Il fait par ailleurs à juste titre observé qu'il n'avait pas été désigné en janvier 2016 pour être l'interlocuteur privilégié de leur fournisseur chinois. En outre, la société Décathlon ne produit aucune pièce de nature à établir que l'absence de rapprochement avec cet important fournisseur aurait eu des conséquences pour l'activité de la société et la concrétisation de projet.

Au regard de l'ensemble de ces éléments dont il découle qu'aucune des carences professionnelles alléguées n'est établie avec certitude, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'insuffisance professionnelle de M. [L] n'est pas établie, le doute devant bénéficier à l'intéressé, et ont déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Outre l'ancienneté (6 ans) et l'âge de M. [L], retenus par les premiers juges pour évaluer l'importance du préjudice qui est nécessairement résulté pour lui de la perte injustifiée de son emploi, l'intimé produit l'attestation de pôle emploi pour justifier de sa période de chômage entre octobre 2018 et juin 2022, ses difficultés à rechercher un emploi pouvant légitimement s'expliquer par son âge, 58 ans au jour de son licenciement.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société Décathlon, M. [L] a justifié de l'ampleur de son préjudice que les premiers juges ont justement réparé en application de l'article L. 1235-3 du code du travail par une somme de 32 679,08 euros de dommages et intérêts correspondant à 7 mois de salaire, la société Décathlon n'émettant aucune critique sur le salaire de référence retenu par les premiers juges.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef, étant observé qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [L] sollicite une somme supérieure sans cependant saisir la cour d'une demande tendant à l'infirmation du jugement concernant le montant des dommages et intérêts accordés, concluant au contraire à la confirmation de la décision.

Les conditions de l'article L. 1235-4 du code du travail étant applicables au cas d'espèce, il convient en outre d'ordonner d'office le remboursement par la société Décathlon aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [L], dans la limite de 4 mois.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Décathlon devra également supporter les dépens d'appel.

L'équité commande par ailleurs de condamner la société Décathlon à payer à M. [L] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 13 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE la société Décathlon à rembourser aux organismes concernés, les indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [V] [L], dans la limite de 4 mois ;

CONDAMNE la société Décathlon à payer à M. [V] [L] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que la société Décathlon supportera les dépens d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 22/00089
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.00089 ?
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