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30/06/2023 | FRANCE | N°22/00082

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 30 juin 2023, 22/00082


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 976/23



N° RG 22/00082 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCCV



MLBR/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

17 Décembre 2021

(RG F20/00401 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANT :



M. [V] [G]

[Adresse 1]

représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE



INTIMÉES :



Société SASU SAMSIC EMPLOI [Localité 7]

[Adresse 3]

représen...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 976/23

N° RG 22/00082 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCCV

MLBR/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

17 Décembre 2021

(RG F20/00401 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [V] [G]

[Adresse 1]

représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉES :

Société SASU SAMSIC EMPLOI [Localité 7]

[Adresse 3]

représentée par Me Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

S.A.S. ADEQUAT 705

[Adresse 5]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Virginie DENIS-GUICHARD, avocat au barreau de LYON

S.E.L.A.R.L. DELEZENNE & ASSOCIES Es qualité de liquidateur judiciaire de la Société ETMI

[Adresse 2]

représentée par Me Yann LEUPE, avocat au barreau de DUNKERQUE

DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE':

M. [V] [G] a été mis à disposition de la société ETMI en qualité de tuyauteur ou de soudeur par différentes sociétés de travail temporaire, notamment la société Adequat 705 (anciennement F. Emploi) et la société Samsic Emploi Nord Pas-de-Calais (ci-après dénommée la société Samsic) dans le cadre de plusieurs contrats de mission temporaire sur une période comprise entre le 17 novembre 2008 et le 13 décembre 2019.

Le 5 juin 2020, la société ETMI a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL Delezenne et Associés étant nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 14 décembre 2020, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque afin de voir prononcer la requalification de ces contrats de missions temporaires en un contrat à durée indéterminée et d'obtenir la condamnation solidaire de la société ETMI, de la société Adequat 705 et de la société Samsic à lui verser diverses indemnités au titre de cette requalification et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 17 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Dunkerque a':

- dit que la prescription soulevée par le CGEA de [Localité 6], la société F. Emploi (Adequat) et la société Samsic s'applique aux contrats de mission établis avant le 4 janvier 2018,

- débouté M. [G] de ses demandes,

- débouté le liquidateur judiciaire de la société ETMI, la société F. Emploi (Adequat) et la société Samsic de leur demande reconventionnelle,

- donné acte au CGEA de [Localité 6] de sa qualité de représentant de l'AGS dans l'instance,

- dit le jugement opposable au CGEA de [Localité 6],

- laissé les dépens éventuels à la charge de M. [G].

Par déclaration reçue au greffe le 19 janvier 2022, M. [G] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 3 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à la requalification de la relation contractuelle,

- prononcer la requalification des missions temporaires par lesquelles les sociétés Samsic et Adéquat le mettaient aux services de la société ETMI en contrat à durée indéterminée,

- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixer sa créance dans la procédure collective de la société ETMI et condamner solidairement les sociétés Adéquat et Samsic à lui payer les sommes suivantes':

*4 592 euros à titre d'indemnité de requalification,

*5 134 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*112 euros au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

*8 111,72 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*25 670 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire le jugement opposable au CGEA de [Localité 6],

- condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 mars 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la SELARL Delezenne & Associés en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ETMI demande à la cour de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions et en conséquence de':

- juger que l'action en requalification des contrats de mission temporaire de M. [G] en contrat à durée indéterminée est prescrite pour la période du 17 novembre 2008 au 3 juin 2015,

- débouter'M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner M. [G] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 1er juillet 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Adéquat 705 demande à la cour de confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions, et de':

Sur la requalification du contrat,

- à titre principal, dire la demande de requalification irrecevable comme prescrite pour les contrats conclus antérieurs au 14 décembre 2018,

- à titre subsidiaire, dire qu'aucun délai de carence n'avait à être respecté'; à supposer que tel soit le cas, dire que le non-respect ne peut entraîner la requalification des contrats d'intérim, et déclarer M. [G] mal fondé,

- à titre plus subsidiaire, pour le cas où il serait fait droit à la demande de requalification, rejeter la demande de condamnation solidaire à son égard, aucune demande ne pouvant être dirigée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire,

Sur la rupture du contrat de travail, pour le cas où par impossible, il serait fait droit à la demande de requalification,

- à titre principal, dire les demandes financières irrecevables comme prescrites au titre de la rupture de la relation contractuelle intervenue le 20 septembre 2019,

- à titre subsidiaire, débouter M. [G] de ses prétentions à son égard concernant la rupture du contrat de travail,

- à titre plus subsidiaire, fixer la rémunération mensuelle brute à 1 857,62 euros bruts et l'ancienneté à 9 mois 1/2 et l'indemnisation à la somme de 1 857,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 185,76 euros au titre des congés payés y afférents (sans indemnité de licenciement ni de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse),

- débouter M. [G] du surplus de ses demandes,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées le 6 mai 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Samsic demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu,

- constater que l'intégralité des demandes de M. [G] sont infondées à son égard, et rejeter l'intégralité des demandes de ce dernier,

subsidiairement,

- rejeter toute solidarité entre elle et toute autre défenderesse,

- retenir l'ancienneté de M. [G] au sein de la société Samsic à 3 mois,

- retenir un salaire de référence de 2 418,43 euros,

- rejeter à son égard les demandes suivantes':

*demande d'indemnité de requalification,

*demande de règlement d'une indemnité de licenciement,

*demande de règlement d'une indemnité de préavis,

*demande de règlement de dommages-intérêts,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 avril 2023 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, le CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

subsidiairement, si la cour devait ordonner la requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée,

- juger que cette requalification ne pourrait intervenir qu'à effet du 4 juin 2018 compte tenu de la prescription s'appliquant aux contrats conclus antérieurement,

- limiter l'indemnité de requalification à la somme de 1 355,20 euros,

- limiter l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 2 418,43 euros,

- limiter l'indemnité de licenciement à la somme de 906,89 euros,

- limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal,

En toute hypothèse,

- juger qu'aucune fixation au passif de la société ETMI ne pourra intervenir de sorte que la garantie de l'AGS n'est pas due en l'absence de qualité de salarié de la société ETMI,

- dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L143.11.1 et suivants du code du travail) et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du code du travail), et ce toutes créances du salarié confondues,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur la prescription des actions de M. [G] :

M. [G] fait grief au jugement d'avoir considéré que son action était en partie prescrite, s'agissant des contrats antérieurs au 4 juin 2018, au motif qu'il n'aurait exécuté aucune mission au profit de la société ETMI entre le 3 juin 2015 et le 4 juin 2018.

Il fait valoir que la durée des périodes d'inactivité est pourtant sans effet sur la prescription dans la mesure où son point de départ, en cas de succession de mission, est fixé au terme du dernier contrat de mission, et où, si la requalification est admise, son effet remonte au premier jour de la mission irrégulière, soit en l'espèce le 17 novembre 2008.

En réponse, les intimés, à l'exception de la société Samsic qui reconnaît que l'action de M. [G] n'est pas prescrite à son égard au vu de la période d'exécution des missions la concernant, concluent à la confirmation du jugement de ce chef :

- la SELARL Delezenne et Associés, ès qualités, et le CGEA reprennent à leur compte la motivation du jugement,

- la société Adequat 705 soutient d'une part que le délai de prescription d'une action en requalification dirigée contre une entreprise de travail temporaire en raison du non-respect du délai de carence court à compter du premier jour d'exécution du second contrat, soit en l'espèce s'agissant des contrats qui l'intéressent, le 15 décembre 2018, de sorte que M. [G] ne peut se prévaloir de la moindre irrégularité des contrats antérieurs au 14 décembre 2018, et d'autre part que les demandes financières du salarié en lien avec la rupture du contrat sont prescrites dès lors que le délai pour agir est en la matière d'une année.

Sur ce,

En l'espèce, M. [G] fonde à l'égard de l'ensemble des intimés son action en requalification des contrats de mission sur 2 fondements, la contestation du motif du recours auxdits contrats au profit de la société ETMI d'une part, le non-respect du délai de carence entre plusieurs contrats de mission successifs d'autre part.

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance objet de la demande, l'action en requalification d'un contrat de mission temporaire en un contrat à dure indéterminée obéit à la prescription biennale prévue par l'article L. 1471-1 alinéa 1er du code du travail. Contrairement à ce que prétend la société Adequat 705, il en est de même des demandes financières subséquentes liées à la rupture du contrat susceptible de requalification.

Il est constant qu'il a saisi le conseil de prud'hommes suivant une requête déposée le 14 décembre 2020, de sorte que la prescription n'était pas acquise au jour de la requête, pour les actions dont le point de départ du délai de prescription est postérieure au 14 décembre 2018.

Il convient d'apprécier le caractère prescrit ou pas des demandes de M. [G] à l'égard des intimés selon le fondement de l'action en requalification, le point de départ du délai de prescription n'étant pas nécessairement le même.

Ainsi, le délai de prescription d'une action en requalification d'une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée fondée sur la contestation du motif du recours énoncé au contrat de mission, a pour point de départ le terme du dernier contrat, M. [G] faisant valoir à raison que les périodes d'inactivité entre des contrats de mission successifs n'ont pas d'effet sur le point de départ du délai de prescription.

Il est en l'espèce constant que M. [G] a été mis à la disposition de la société ETMI dans le cadre de nombreux contrats de mission successifs, interrompus par des périodes d'inactivité. Toutefois, le dernier contrat ayant pris fin le 13 décembre 2019, l'action en requalification en raison du motif du recours n'était pas prescrite au 14 décembre 2020, date du dépôt de la requête de M. [G].

Se faisant, si la requalification sur le fondement du motif du recours est retenue, il sera rappelé que son effet remontera au jour de la première mission irrégulière, même antérieure au 14 décembre 2018, peu important qu'il y ait eu des périodes d'inactivité puisqu'il s'agira alors d'une relation contractuelle unique et continue.

S'agissant de l'action pour non-respect du délai de carence entre deux contrats de mission successifs, le délai de prescription commence à courir à compter du premier jour d'exécution du second contrat de mission. Aussi, au vu de la date de la requête, l'action de M. [G] sur ce fondement est prescrite pour l'ensemble des contrats successifs avec la même entreprise de travail temporaire ayant débuté avant le 14 décembre 2018.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur la demande de requalification en raison du motif du recours au contrat de mission temporaire :

En application de l'article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance notamment de L. 1251-6 du même code relatif au motif autorisant le recours à un salarié temporaire, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière.

Il se déduit de ces dispositions, ainsi que le font justement observer la société Adequat 705 et la société Samsic, qu'une telle action ne peut être dirigée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, à savoir en l'espèce la société ETMI, représentée par son liquidateur judiciaire.

Sauf à établir l'existence d'une collusion frauduleuse entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire, ce qui n'est pas prétendu par M. [G] au cas d'espèce, aucun manquement ne peut donc être retenu de ce chef à l'encontre des deux sociétés de travail temporaire, la société Adequat 705 et la société Samsic.

M. [G] produit tous les contrats de mission temporaire conclus depuis le 1er mars 2012 le mettant à disposition de la société ETMI pour des travaux de tuyauterie, puis à compter du 23 septembre 2019, des travaux de soudure. Sur l'ensemble de ces pièces contractuelles, figure comme motif de recours : ' accroissement temporaire d'activité'.

L'appelant en conteste la véracité, faisant valoir qu'un tel accroissement sur une période de plus de 11 années ne peut être qualifié de temporaire, son embauche ayant simplement eu pour but de répondre à un besoin structurel de main d'oeuvre de la société ETMI lié à l'activité normale de l'entreprise.

Or, la SELARL Delezenne et Associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ETMI, à qui il incombe de produire les éléments permettant de vérifier la réalité des motifs énoncés dans chacun de ces contrats, procède par affirmation sans pièce à l'appui pour soutenir que l'accroissement temporaire d'activité de la société ETMI était à chaque fois liée à la nécessité de renforcer ponctuellement les équipes en place en raison du caractère aléatoire des commandes et chantiers. Elle ne rapporte aucun élément concret pour en justifier, de sorte que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée.

Aux termes du dispositif de ses conclusions, M. [G] limitant sa demande de requalification aux seuls contrats de mission conclus avec la société Adequat 705 et la société Samsic, il convient de faire remonter les effets de cette requalification au 13 mai 2014, date de la première mission accomplie avec une de ces deux sociétés, à savoir la société Adequat 705, dont l'irrégularité est établie au vu du contrat produit.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur l'autre manquement allégué concernant les entreprises de travail temporaire :

M. [G] reproche indifféremment aux deux sociétés de travail temporaire et à la société ETMI de ne pas avoir respecté pour plusieurs contrats de mission qu'il cite le délai de carence tel que défini par le code du travail. Il conteste notamment en réponse au moyen adverse que l'accord collectif national du 29 juin 2018 relatif au contrat à durée déterminée et au contrat de travail temporaire dans la métallurgie, qui écarte l'application du délai de carence dans certains cas, soit applicable au litige dans la mesure où selon lui, seule la convention collective du personnel intérimaire des entreprises de travail temporaire lui est opposable.

Il sera d'abord rappelé que les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d''uvre est interdite n'ont pas été respectées, étant précisé que le non-respect du délai de carence caractérise un manquement par l'entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l'établissement des contrats de missions. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, un tel manquement peut justifier la requalification des contrats de mission à l'égard des sociétés de travail temporaire.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelant, conformément à l'article L. 1251-37 du code du travail, les intimés se prévalent à bon droit de l'accord collectif national du 29 juin 2018 applicable à la société ETMI, entreprise utilisatrice, relatif notamment aux contrats de travail temporaire dans la métallurgie.

Il résulte de l'article 4.2 de cet accord qu' 'en application de l'article L. 1251-37 du code du travail, le délai de carence n'est pas applicable dès lors que l'un des deux contrats successifs est conclu pour l'un des cas suivants :

(...)

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.'

L'application de cet accord ayant été étendue par un arrêté publié au journal officiel le 23 décembre 2018, il s'impose dans ce secteur d'activité aux entreprises de travail temporaire pour tous les contrats successifs conclus postérieurement à cette date.

Or, il résulte des documents contractuels versés aux débats qu'au cours de la période non prescrite, la société Adequat 705 a mis M. [G] à la disposition de la société ETMI'dans le cadre de contrats de mission temporaire conclus le 15 décembre 2018 (du 15 au 21 décembre) puis à partir du 11 février 2019, étant précisé que celui du 15 décembre 2018 n'était qu'un avenant contractuel portant prolongation d'une mission antérieure de sorte qu'il n'était pas soumis au délai de carence.

S'agissant de la société Samsic, les contrats de mission temporaire sont tous postérieurs au 23 septembre 2019.

Ainsi, à la suite du contrat du 15 décembre 2018, tous les contrats qui lui ont succédé, motivés par un accroissement temporaire d'activité dont il n'incombait pas aux entreprise de travail temporaire de vérifier la véracité, sont tous postérieurs à l'entrée en vigueur de l'accord collectif susvisé, de sorte qu'il ne peut être reproché aux 2 entreprises de travail temporaire, la société Samsic et la société Adequat 705, de ne pas avoir respecté le délai de carence.

M. [G] sera donc débouté de ses demandes à leur encontre.

- sur les demandes financières de M. [G] :

M. [G] sollicite en premier lieu une indemnité de requalification, telle que prévue par l'article L. 1251-41 du code du travail, à hauteur d'un montant de 4 592 euros équivalent au salaire du mois de novembre 2019, en ce compris les primes de transport.

Toutefois, il n'y a pas lieu d'intégrer ces primes qui s'apparentent à une compensation financière des frais de transport et non à un salaire.

Au vu du salaire perçu au dernier état de la relation de travail et de son équivalence en mois plein, il convient de fixer sa créance au titre de l'indemnité de requalification au passif de la procédure collective de la société ETMI à hauteur d'une somme de 2 500 euros.

Le salarié étant titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée du fait de la requalification, l'employeur ne pouvait mettre fin à la relation de travail qu'en respectant la procédure de licenciement inhérente à la rupture de ce type de contrat. A défaut, cette rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [G] sollicite de ce fait une indemnité compensatrice de préavis de 5 134 euros, en se fondant sur un salaire de référence de 2 567 euros, outre les congés payés y afférents. Toutefois, au vu de son ancienneté qui remonte au 13 mai 2014 ainsi que du dernier salaire perçu et de son équivalence en mois plein, sa créance à ce titre sera fixée à la somme de 4 526,76 euros, outre 452,67 euros de congés payés y afférents.

S'agissant de l'indemnité de licenciement au titre de laquelle M. [G] réclame une somme de 8 111,72 euros, sans détailler sa méthode de calcul. Son ancienneté étant de 5 ans et 9 mois à l'issue de son préavis, il convient de fixer sa créance à ce titre, sur la base du salaire brut moyen des 3 derniers mois, à la somme de 4 147,59 euros.

Enfin, M. [G] est en droit de solliciter l'indemnisation du préjudice résultant nécessairement de la perte injustifiée de son emploi. Il sollicite à ce titre l'équivalent de 10 mois de salaire, en faisant valoir qu'il a été contraint de faire valoir ses droits à la retraite, ce qui a entraîné une perte de revenus.

Au vu de son ancienneté et de son âge au jour de la fin de la relation de travail, presque 60 ans, ce qui a pu générer des difficultés pour retrouver un emploi, avant de prendre sa retraire, M. [G] ne présentant pas d'autre élément pour justifier de l'ampleur du préjudice qu'il allègue, il convient de fixer sa créance au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, au passif de la liquidation judiciaire de la société ETMI à la somme de 11 000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

En application des dispositions des articles L.3253-6 du Code du travail, l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du même code, dans les limites d'un plafond défini par décret.

Le présent arrêt sera en conséquence opposable à l'UNEDIC AGS CGEA de [Localité 6] dans la limite de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et suivants et de l'article D. 3253-5 du code du travail.

- sur les demandes accessoires :

M. [G] étant accueilli en ses principales demandes, il convient par voie d'infirmation de condamner la SELARL Delezenne et Associés, ès qualités, à supporter les dépens de première instance et d'appel. Cette dernière sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est en outre inéquitable de laisser à M. [G] la charge des frais irrépétibles. La SELARL Delezenne et Associés, ès qualités, est condamnée à lui verser une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en revanche de débouter la société Adequat 705 et la société Samsic de leur demande respective sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 17 décembre 2021 sauf en ce qu'il a débouté la SELARL Delezenne et Associés, la société Adequat 705 et la société Samsic Emploi Nord Pas-de-Calais de leurs demandes reconventionnelles ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription concernant l'action aux fins de requalification fondée sur le motif du recours au contrat de travail temporaire ;

DECLARE irrecevable comme étant prescrite l'action aux fins de requalification fondée sur le non-respect du délai de carence, pour les contrats conclus avant le 14 décembre 2018 ;

REQUALIFIE à l'égard de la société ETMI, représentée par la SELARL Delezenne et Associés, les contrats de mission temporaire de M. [V] [G] en un contrat à durée indéterminée, avec effet au 13 mai 2014 ;

DIT que la rupture de la relation de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE la créance de M. [V] [G] au titre de la requalification et de la rupture de la relation de travail au passif de la liquidation judiciaire de la société ETMI à hauteur des sommes suivantes :

- 2 500 euros d'indemnité de requalification,

- 4 526,76 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 452,67 euros de congés payés y afférents,

- 4 147,59 euros d'indemnité de licenciement,

- 11 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE M. [V] [G] de ses demandes à l'égard de la société Adequat 705 et de la société Samsic Emploi Nord Pas-de-Calais pour les contrats non touchés par la prescription ;

DECLARE l'arrêt opposable l'Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 6] dans la limite de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et suivants et l'article D. 3253-5 du code du travail ;

CONDAMNE la SELARL Delezenne et Associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ETMI, à payer à M. [V] [G] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la SELARL Delezenne et Associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ETMI, supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 22/00082
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.00082 ?
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