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30/06/2023 | FRANCE | N°21/01239

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 30 juin 2023, 21/01239


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 889/23



N° RG 21/01239 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXZJ



VCL/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

30 Juin 2021

(RG 19/00218 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [A] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Simon DUTHOIT, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE venant aux droits de la SA A...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 889/23

N° RG 21/01239 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXZJ

VCL/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

30 Juin 2021

(RG 19/00218 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [A] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Simon DUTHOIT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE venant aux droits de la SA AUCHAN FRANCE

[Adresse 2]

représentée par Me Hervé MORAS, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Julie VALLEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l'audience publique du 04 Mai 2023

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 avril 2023

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société AUCHAN FRANCE a engagé M. [A] [U] par plusieurs contrats de travail à durée déterminée aux fins de remplacer des salariés absents pour la période du 22 février 1989 au 15 octobre 1989.

A l'issue de ces contrats de travail à durée déterminée, M. [A] [U] a été embauché par la Société AUCHAN HYPERMARCHE venant aux droits de la société AUCHAN FRANCE au sein de son établissement de [Localité 3] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'employé au sein du rayon pâtisserie en date du 15 janvier 1990 à effet du 1er février 1990.

Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 février 2019, M. [A] [U] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement prévu le 18 février 2019. Il a, en outre, fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

La rupture du contrat de travail se trouvait motivée par le fait d'avoir le 19 janvier 2019 tenu des propos et avoir eu des gestes déplacés à connotation sexuelle dans la réserve du magasin à l'égard de Mme [F] [C].

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 février 2019, M. [A] [U] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Par Jugement du 03 mai 2019 rendu par le tribunal de police de Lille, M. [A] [U] a été déclaré coupable d'outrage sexiste : propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste portant atteinte à la dignité ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante imposé à une personne, faits commis du 1er novembre 2018 au 19 janvier 2019 à [Localité 3] et en répression a été condamné à une amende contraventionnelle de 200 € avec sursis.

Contestant la légitimité de son licenciement pour faute grave et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [A] [U] a saisi le 9 octobre 2019 le conseil de prud'hommes de Tourcoing qui, par jugement du 30 juin 2021, a rendu la décision suivante :

- dit et juge le licenciement pour faute grave de M. [U] justifié,

- en conséquence, déboute M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

-condamne M. [U] à payer à la société AUCHAN HYPERMARCHE la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-déboute la société AUCHAN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- condamne M. [U] aux entiers dépens de l'instance.

M. [A] [U] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 16 juillet 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 septembre 2021 au terme desquelles M. [A] [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société AUCHAN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AUCHAN de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En conséquence,

- condamner la société AUCHAN HYPERMARCHE à payer à M. [U] les sommes suivantes : - 91 883 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (30 mois de salaires bruts) et à défaut, 61225 euros,

- 1046,63 euros au titre du rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée,

- 104,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 6125, 58 euros au titre du préavis, outre 612,56 euros au titre des congés payés y afférents, - 28 075,58 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,

- assortir les condamnations pour les créances de nature salariale des intérêts légaux à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes,

- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a condamné M. [A] [U] à une indemnité procédurale de 1500 euros,

Ajouter à la décision attaquée,

- condamner la société AUCHAN à payer à M. [A] [U] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- dépens comme de droit.

Au soutien de ses prétentions, M. [A] [U] expose que :

- Le licenciement pour faute grave se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce qu'il n'a jamais touché Mme [C] et a juste admis «'être sur la déconne'», la juridiction pénale n'ayant retenu qu'un outrage à caractère sexiste écartant tout fait de harcèlement sexuel.

- Aucun abus d'autorité n'est, en outre, caractérisé, dès lors qu'il n'était pas le supérieur hiérarchique de Mme [C] laquelle ne s'est d'ailleurs pas constituée partie civile et s'est contentée de faire état de violences devant les services de police.

- L'employeur a, en outre, attendu 16 jours pour procéder à une mise à pied conservatoire.

- L'enquête réalisée par l'employeur a, en outre, été faite sans la présence d'un représentant du CHSCT et la médiation prévue à l'article L1152-6 du code du travail n'a pas non plus été mise en oeuvre. Les caméras de vidéosurveillance n'ont pas non plus été exploitées et aucune confrontation n'a été réalisée.

- Les attestations produites n'émanent pas de témoins des faits et celle du directeur du magasin a été établie au mépris de la règle «'Nul ne peut se constituer de preuve à soi-même'».

- L'attestation de M. [M] doit également être écartée ayant été établie en février 2020 alors que la procédure était engagée.

- L'absence de cause réelle et sérieuse doit conduire à lui payer le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, le préavis de deux mois au regard de son ancienneté, l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

- Le barème Macron doit être écarté, en ce qu'il est contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT et à l'article 24 de la charte sociale européenne et ne permet pas de réparer son entier préjudice ayant retrouvé un emploi moins rémunéré et en dehors de son domaine de compétence.

- Compte tenu de la communication tardive des documents du fin de contrat, il doit être indemnisé à hauteur de 3062,79 euros.

- Enfin, il y a lieu de débouter la société AUCHAN de ses demandes reconventionnelle, aucun abus dans l'exercice de la procédure n'étant établi.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 décembre 2021, dans lesquelles la société AUCHAN HYPERMARCHE, intimée et appelante incidente demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la Société AUCHAN HYPERMARCHE de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [U] à des dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

En conséquence,

- Dire et juger le licenciement de M. [A] [U] justifié pour faute grave.

En conséquence,

- Débouter M. [A] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Reconventionnellement,

- Condamner M. [A] [U] à payer à la Société AUCHAN HYPERMARCHE la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

- Condamner M. [A] [U] à payer à la Société AUCHAN HYPERMARCHE la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- Condamner M. [A] [U] au paiement des entiers frais et dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, la société AUCHAN HYPERMARCHE soutient que :

- Le licenciement pour faute grave se trouve fondé sur une cause réelle et sérieuse en lien avec l'attitude indécente de M. [U] à l'égard de plusieurs collègues féminines manifestée en dernier lieu par le fait de tenter d'embrasser l'une d'elles sur le lieu de travail et les propos déplacés à connotation sexuelle tenus à l'égard du personnel féminin pour tenter d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, agissements pour lesquels il a été définitivement condamné.

- Une véritable enquête interne a été réalisée en y associant le CHSCT et la procédure de médiation prévue à l'article L1152-6 du code du travail n'est prévue qu'en matière de harcèlement moral.

- Une confrontation ne pouvait, en outre, être réalisée compte tenu de l'arrêt de travail de Mme [C] qui n'était pas salariée de la société AUCHAN mais de la société LAFRAICHERIE.

- M. [U] doit, par conséquent, être débouté de ses demandes financières, le barème MACRON ne pouvant, en tout état de cause, pas être écarté.

- La remise des documents de sortie n'est pas intervenue tardivement, ce d'autant qu'il appartenait au salarié de récupérer lesdits documents mis à la disposition par son employeur. Aucun préjudice n'est, en outre, établi.

- M. [U] doit également être condamné à des dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire, ayant, en outre, été condamné de façon définitive par le tribunal de police.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 avril 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le licenciement :

Il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est, par ailleurs, entendue comme la faute résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent, ainsi, caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement du 25 février 2019 que M. [A] [U] a été licencié pour faute grave pour avoir le 19 janvier 2019, dans la réserve, tenu des propos à connotation sexuelle et commis des gestes déplacés à l'encontre de Mme [F] [C], employée par la société LA FRAICHERIE et intervenant au sein du magasin AUCHAN [Localité 3].

En premier lieu, concernant les pièces produites par l'employeur, il est rappelé qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement si les pièces soumises à son examen présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

Surtout, le principe selon lequel «'nul ne peut se constituer de preuve à soi-même'» n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique tel que des gestes déplacés ou des propos de nature sexuelle, de sorte que l'attestation du directeur du magasin ne peut être rejetée au seul motif d'avoir été rédigée par celui-ci alors même que l'enquête interne a été réalisée par ses soins, en compagnie d'autres membres du personnel lesquels confirment, par ailleurs, le contenu de son témoignage.

De la même façon, l'attestation de M. [M] ne doit pas être écartée des débats pour l'unique raison de la date de son établissement en 2020, ce témoignage étant, en outre, corroboré par d'autres éléments de la procédure.

Enfin, si certaines attestations émanent de personnes n'ayant pas assisté aux faits reprochés à M. [A] [U], leur contenu ne fait que reprendre la révélation qui leur a été faite par Mme [F] [C] des agissements de l'intimé, de sorte que cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la véracité de leur témoignage concernant notamment l'état de choc de Mme [C], ses larmes et sa relation des faits.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les attestations produites par la société AUCHAN HYPERMARCHE.

Ainsi, à l'appui de son licenciement pour faute grave, la société intimée produit la déclaration d'accident du travail établie pour Mme [F] [C] laquelle fait état d'une agression avec des intentions sexuelles par un salarié du rayon pâtisserie, alors qu'elle allait chercher des fruits et légumes en réserve, ce dernier l'ayant fait tomber à terre et son genou ayant heurté le sol, après avoir été attrapée par son filet à cheveux. Suite à ces faits, il est justifié d'un arrêt maladie continu de Mme [C] jusqu'au 8 juillet 2019, date à laquelle une rupture conventionnelle a été entérinée.

La société AUCHAN HYPERMARCHE produit surtout le dépôt de plainte réalisé le 25 janvier 2019 par Mme [F] [C] et une attestation établie par cette dernière desquels il résulte que M. [A] [U] tenait à son égard des propos déplacés à connotation sexuelle depuis deux mois. Le 19 janvier 2017, elle relate avoir été interpellée par l'intéressé («'Bonjour ma belle'»), celui-ci lui indiquant avoir envie de la «'sauter'». Mme [C] indique, en outre :' «'Il est venu me voir en murmurant des propos obscènes, ensuite il m'a attrapé le bras et m'a tiré vers lui, je les repousser comme je pouvais en lui disant « lâche moi après il a continué à venir sur moi. Ensuite il m'a attrapé les cheveux à tiré mon filet et mon élastique, il m'a frotter les cheveux et puis j'ai hurler de toutes mes forces et ma collègue est arrivé et s'est mise entre nous deux et il continué à essayer de me touché, il passer au-dessus d'elle avec son bras, du coup, j'ai voulu partir mais avec le stress et la peur j'ai coincé mon pied dans une palette. Je suis tombé, j'ai du m'assoir. J'ai failli tomber dans les pommes et lui il me regardai en rigolant, il murmure entre ses dents puis il est parti. Cela fait pratiquement deux mois qu'à chaque fois qu'il passe à côté de moi il murmure et il essayé de me toucher. Ma chef était toujours la du coup, elle lui disait retourne à ton service sinon je vais voir ta chef. Les propos obscènes qui m'a dit durant cette altercation est ce que tu as quelqu'un. J'aimerai bien faire des choses avec toi. J'ai envie de te mettre une carotte, tu es belle, j'en ai une grosse etc' ».

Ce déroulement des faits se trouve, par ailleurs, conforté par le témoignage de sa collègue de travail, Mme [H] [K], laquelle a découvert aux alentours de 7h30 le 19 janvier 2019, [F] [C] «'courbée les cheveux défaits son filet enlevé. [A] lui caressait sauvagement les cheveux sa main est descendue le long du dos jusqu'aux fesses. Elle lui disait bien d'arrêter. Donc je me suis interposée entre les deux en le poussant. Je lui ai demandé de repartir à son poste de travail mais il a continué à toucher ma collègue [F]. Il a pris un citron il me l'a lancé. J'ai repris ce citron je lui ai relancé. Je lui ai encore demandé une fois de partir. Il était sur le point de partir, il est revenu sur ses pas ma collègue a pris peur en voulant s'éloigner elle est tombée sur une palette. A plusieurs reprises nous avons pu remarquer que [A] a un humour obscène déplacé vis-à-vis de ses collègues féminines (exemple légumes, tels que carottes, aubergines, courgettes qui représente ses parties intimes) ».

La responsable de Mmes [C] et [K], Mme [X] [R], atteste également de propos déplacés à connotation sexuelle régulièrement employés par M. [A] [U] tels que « Qu'est ce qui a, t'as tes règles ' ! » « T'as pas pris ton pied '! » mais également de gestes au cours desquels le salarié s'est collée à elle de tout son corps.

D'autres témoignages viennent relater l'état de Mme [F] [C] après les faits. Ainsi, M. [T] [L] indique avoir découvert la salariée «'visiblement choquée et au bord des larmes'», n'osant pas en parler à son supérieur hiérarchique.

Cet état de choc a perduré pendant l'entretien mené avec l'intéressée par M. [E] [S].

Il est également justifié par la société AUCHAN HYPERMARCHE qu'une enquête interne a été menée par le directeur adjoint du magasin, M. [Y] [J], et M. [I] [M], responsable commerce, en y associant les membres du CHSCT. Ceux-ci confirment la relation des faits de Mme [F] [C] mais également Mme [K] et les salariés ayant reçu les révélations de celle-ci.

Concernant ladite enquête, nonobstant les allégations de M. [U] relatives à l'absence d'un membre du CHSCT, il résulte du procès verbal du CHSCT du 5 juin 2019 que M. [V] [N] membre élu indique dans ce compte rendu que « Le membre du CHSCT a des retours de : où nous en sommes, les enquêtes sont faites du mieux possible. Je peux le dire car sur le fond je suis informé et je suis tenu informé au fil de l'enquête. En revanche, c'est une réelle difficulté de prendre une décision par rapport aux faits. Les gens reçus, je peux confirmer que les entretiens ont été bien faits ».

L'employeur n'était, en outre pas tenu de réaliser la médiation prévue à l'article L1152-6 du code du travail laquelle ne concerne que les agissements de harcèlement moral.

Dès lors et nonobstant les contestations émises par M. [A] [U] qui admet uniquement avoir «'chahuté et tenu des propos graveleux'» ou encore «'être sur la déconne'», la preuve de propos et gestes déplacés de celui-ci à l'égard de Mme [F] [C] se trouve pleinement démontrée, peu important que des extraits de vidéo-surveillances ne soient pas versés aux débats.

Les agissements reprochés ont, en outre, donné lieu à une condamnation pénale prononcée par le tribunal de police de Lille du 3 mai 2019 pour outrage sexiste. Et la qualification pénale retenue ou encore l'absence de constitution de partie civile de Mme [F] [C] ne sont pas de nature à amoindrir l'importance des fautes commises par M. [U].

Ces agissements constituent, par suite et nonobstant l'ancienneté très importante de l'intéressé sans passé disciplinaire, une violation grave des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle a rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis.

La faute grave est, par suite, établie et le licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire est justifié.

Concernant la mise à pied conservatoire, si un délai de 16 jours s'est écoulé entre la révélation des faits et la mise à pied conservatoire notifiée dans le même courrier que la convocation à l'entretien préalable, ce délai se justifie, d'une part, par la nécessité de réaliser une enquête interne mais également par l'avis d'inaptitude temporaire de M. [A] [U] rendu par le médecin du travail dès le 22 janvier 2019.

La mise à pied conservatoire est, ainsi, également fondée.

M. [A] [U] est, par conséquent, débouté de ses demandes financières relatives à l'indemnité de préavis et aux congés payés y afférents, à l'indemnité de licenciement, au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, aux congés payés y afférents et aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

Conformément aux dispositions de l'article R1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

Il résulte des pièces produites qu'ayant été licencié par courrier daté du 25 février 2019, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi ont été remis à M. [A] [U] respectivement les 7 mars et 8 avril suivant, étant précisé qu'une erreur avait été commise concernant la première attestation Pôle emploi délivrée ayant nécessité l'établissement d'une seconde.

Néanmoins, au-delà des délais précités, l'appelant n'apporte aucun élément de nature à justifier du préjudice allégué. Il ne produit, ainsi, nullement les relevés Pôle emploi au titre de son indemnisation et il ne démontre pas de retard pris dans l'ouverture de ses droits ni tout autre préjudice.

La demande de dommages et intérêts est, par conséquent, rejetée, étant précisé que le jugement de première instance n'a pas statué sur cette demande.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire :

La société AUCHAN HYPERMARCHE ne rapporte pas la preuve de ce que M. [A] [U] aurait fait un usage abusif de son droit d'agir en justice et d'exercer un recours ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d'appel.

Il y a dès lors lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens de première instance sont confirmées mais infirmées concernant l'indemnité procédurale.

Succombant à l'instance, M. [A] [U] est condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à la SAS AUCHAN HYPERMARCHE 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tourcoing le 30 juin 2021, sauf en ce qu'il a condamné M. [A] [U] à payer à la société AUCHAN HYPERMARCHE 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DEBOUTE M. [A] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

CONDAMNE M. [A] [U] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS AUCHAN HYPERMARCHE 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 21/01239
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.01239 ?
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