La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2023 | FRANCE | N°21/00671

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 30 juin 2023, 21/00671


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 989/23



N° RG 21/00671 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTTC



VC/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

14 Avril 2021

(RG 20/00171 -section )








































<

br>

GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Yamin AMARA, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



SAS AMCF PORTAGE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

re...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 989/23

N° RG 21/00671 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTTC

VC/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

14 Avril 2021

(RG 20/00171 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [O] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Yamin AMARA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SAS AMCF PORTAGE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Marie Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Grégoire BRAVAIS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Avril 2023

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 février 2023

EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

M. [O] [W] est formateur spécialisé dans la gestion des ressources humaines. Il est, ainsi, immatriculé à titre individuel au répertoire SIRENE depuis le 3 janvier 2013 sous le n° 530 392 398 dans le cadre d' une activité principale de conseils pour les affaires et autres conseils de gestion (code activité 7022Z), et a ouvert un établissement à [Localité 6] sous le n° 530 392 398 00034.

La société AMCF & Associés, société de portage salarial, a engagé M. [W] par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 2 juin 2014 au 31 décembre 2014 prolongée jusqu'au 30 avril 2015 au poste de Formateur/Gestion des ressources humaines, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 930,91 euros pour 63 heures de travail.

Le 30 avril 2015, M. [O] [W] a été embauché, avec effet à compter du 4 mai 2015 au poste de Formateur/Gestion de projets, par la société AMCF Portage à temps partiel pour une durée déterminée allant jusqu'au 31 décembre 2016, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1974,38 euros pour 63 heures de travail.

À compter du 1er janvier 2017, M. [O] [W] a continué à effectuer sous le régime du portage salarial des missions auprès de diverses sociétés, la relation contractuelle le liant à la société AMCF PORTAGE s'est alors poursuivie.

Par la suite, M. [O] [W] a reçu ses documents de fin de contrat datés du 2 janvier 2018.

Sollicitant la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein puis la résiliation judiciaire du contrat de travail et réclamant diverses indemnités liées à l'exécution et à la rupture ce dernier, M. [O] [W] a le 22 novembre 2018 saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy, qui par jugement du 14 avril 2021, a :

- constaté que la relation de travail à durée déterminée s'est poursuivie au-delà du terme du 31 décembre 2016,

- requalifié le contrat à durée déterminée arrivé à terme le 31 décembre 2016 de M. [O] [W] en contrat à durée indéterminée,

- requalifié la rupture du contrat de travail en date du 2 janvier 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société AMCF PORTAGE à payer à M. [O] [W] les sommes suivantes :

- 1 974,38 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 5 923,14 euros à titre de dommage-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 923,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 592,31 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1 673,31 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes seront majorées de l'intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 26 novembre 2018 pour les créances de nature salariale, et à compter du présent jugement pour tout autre somme,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois,

- ordonné à la société AMCF PORTAGE de remettre à M. [O] [W] des documents de fin de contrat rectifiés,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit le présent jugement exécutoire à titre provisoire,

- condamné la société AMCF PORTAGE aux dépens.

M. [O] [W] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 15 mai 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 août 2021 au terme desquelles M. [O] [W] demande à la cour de :

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la relation de travail s'est poursuivie au-delà du terme du 31 décembre 2016,

- l'infirmer en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 1 974,38 euros nets,

Statuant à nouveau,

- condamner la société AMCF PORTAGE à lui payer la somme de 3 753,38 euros nets correspondant à un mois de salaire, au titre de l'indemnité de requalification,

Sur le rappel de salaire à compter du 1er janvier 2017 au titre du différentiel entre la rémunération à temps partiel et celle à temps complet du contrat de travail,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

Statuant à nouveau,

- constater l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er janvier 2017,

- condamner la société AMCF PORTAGE à un rappel de salaire d'un montant de 26 311,01 euros bruts correspondant au différentiel entre la rémunération perçue et celle que le salaire aurait dû percevoir au titre du temps complet à partir du 1er janvier 2017, outre la somme de 2 631,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

Sur le rappel de salaire à compter du 2 janvier 2018 au titre du défaut de fourniture de travail et de paiement du salaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire à compter du 2 janvier 2018 pour absence de fourniture de travail,

Statuant à nouveau,

- constater que la société AMCF PORTAGE a manqué à son obligation de fourniture de travail et de paiement à compter du 2 janvier 2018,

- constater que la société AMCF PORTAGE reste redevable des salaires dus pour la période pendant laquelle elle a cessé de lui fournir du travail,

- la condamner au paiement de la somme de 158 888,58 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 15 888,85 euros bruts au titre des congés payés y afférents, sommes à actualiser à la date du délibéré,

Sur le rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2015 au 31 décembre 2016 au titre de la requalification en temps complet du contrat de travail à temps partiel,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le contrat de travail de portage salarial ne pouvait pas être requalifié en contrat de travail à temps complet,

Statuant à nouveau,

- constater que le CDD de portage salarial doit être requalifié en contrat de travail à temps complet,

- condamner la société AMCF PORTAGE au paiement de la somme de 28 491,53 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 2 849,15 euros au titre des congés payés y afférents,

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la remise de documents de fin de contrat avait emporté la rupture du contrat de travail et qu'en conséquence, la demande de résiliation judiciaire était sans objet,

Statuant à nouveau,

- constater qu'aucune rupture n'est régulièrement intervenue à l'initiative de l'employeur le 2 janvier 2018,

- constater que le défaut de fourniture de travail constitue un manquement grave aux obligations de l'employeur empêchant la poursuite des relations de travail,

- constater que la société AMCF PORTAGE a manqué à son obligation de loyauté,

- la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommage-intérêts,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société AMCF PORTAGE,

- juger que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société AMCF PORTAGE au paiement des sommes suivantes :

- 18 767 euros nets à titre de dommage-intérêts pour licenciement abusif, somme à actualiser à la date du prononcé de la résiliation judiciaire,

- 11 260 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 126 euros bruts au titre des congés payés y afférents, somme à actualiser à la date du prononcé de la résiliation judiciaire,

- 8 958,06 euros nets à titre d'indemnité de licenciement, somme à actualiser à la date de résiliation judiciaire du contrat,

A titre subsidiaire, si la cour estimait devoir retenir la date de rupture au 2 janvier 2018, 

- constater que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamner la société AMCF PORTAGE au paiement de :

- 18 767 euros nets à titre de dommage-intérêts pour licenciement abusif,

- 11 260 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 126 euros bruts au titre des congés payés y afférents, somme à actualiser à la date de la résiliation judiciaire du contrat,

- 3 346,61 euros nets à titre d'indemnité de licenciement

En toute hypothèse,

- ordonner la remise des bulletins de salaires et des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,

- condamner la société AMCF PORTAGE au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de la première instance et 2 500 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [O] [W] expose que :

Sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein,

- le dernier contrat de travail signé entre les parties avait pour terme le 31 décembre 2016. À partir du 1er janvier 2017, le contrat de travail s'est poursuivi au-delà de ce terme, et ce en l'absence de tout autre contrat écrit contrairement à ce qui est prévu dans le cadre des dispositions particulières du portage salarial. Dès lors, la relation de travail doit être requalifiée à durée indéterminée et à temps complet.

- l'avenant antidaté qui lui a été adressé au mois de février 2018 et comportant un terme nouveau au 2 janvier 2018 est inopérant. En outre, l'employeur ne pouvait plus avoir recours à un nouveau contrat à durée déterminée, la durée maximale de 18 mois étant déjà atteinte.

- avant le 31 décembre 2016, les conditions d'exécution du contrat démontrent que la durée maximale légale autorisée a été dépassée de sorte que la relation de travail à temps partiel doit être requalifiée à temps complet.

- l'ensemble de ces irrégularités lui donne droit à un rappel de salaire pour la période antérieure au 31 décembre 2016 au titre de la requalification de son contrat à temps partiel en temps plein compte tenu du dépassement de la durée légale du travail, à un rappel de salaire depuis le 1er janvier 2017 au titre de l'existence d'un CDI à temps complet, et au versement des salaires non payés depuis le 2 janvier 2018, date à laquelle la société AMCF PORTAGE a cessé de lui fournir du travail sans motif.

Sur la demande de résiliation judiciaire,

- dès le 2 janvier 2018, la société AMCF PORTAGE a cessé de lui de fournir du travail et de le rémunérer. Elle a également manqué à son obligation de loyauté en lui adressant un avenant antidaté ce que cette dernière reconnaît dans un message vocal.

- ces manquements justifient la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société AMCF PORTAGE laquelle doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse étant précisé que les règles relatives à la rupture du contrat de travail n'ont pas été respectées.

- L'envoi des documents de fin de contrat ne peut avoir juridiquement pour effet de marquer la rupture de la relation contractuelle.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 octobre 2021 au terme desquelles la société AMCF PORTAGE demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [W] du surplus de ses demandes,

En conséquence,

- débouter M. [O] [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [O] [W] à lui restituer la somme de 14 263,04 euros versée au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement prud'homal,

- condamner M. [O] [W] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

À l'appui de ses prétentions, la société AMCF PORTAGE soutient que :

Sur la requalification du CDD de portage salarial en temps plein,

- l'ensemble des bulletins de paie de l'appelant démontre qu'il ne travaillait que 63 heures par mois pour le compte de la société, ce dernier n'apportant aucun élément probant pour prouver le contraire. Il ne se tenait pas à la disposition de l'employeur et n'était pas empêché de trouver un autre emploi. Dès lors, une telle requalification ne peut être encourue.

- Le planning produit par M. [W], deux ans après l'introduction de l'instance, ne revêt aucun caractère probant, alors même qu'en parallèle, il exerçait également en qualité d'indépendant, alternant au gré de ses intérêts d'un statut à l'autre.

Sur les relations contractuelles entre le 1er janvier 2017 et le 2 janvier 2018,

- si elle a continué à fournir à l'appelant des bulletins de paie pendant cette période, c'est à sa demande, il avait connaissance du dispositif en cause au regard de ses compétences de juriste à savoir le choix de ne procéder qu'à une libération partielle des sommes disponibles sur son compte de porté et pouvoir rester sous les seuils afin de bénéficier d'une activité sous le régime de l'auto-entrepreneuriat et d'une activité salariée.

- elle a considéré que le fait que M. [O] [W] continue de solliciter le versement chaque mois d'un salaire lissé plutôt que le versement en une seule fois de son solde disponible au 31 décembre 2016, terme du CDD en portage salarial, valait demande ' acceptée - de renouvellement de celui-ci. Dès lors, le CDD en portage salarial ne peut être requalifié en CDI en portage salarial.

- subsidiairement, s'il était fait droit à la demande de requalification du CDD en CDI, contrairement à la demande de l'appelant de voir requalifier son contrat en CDI classique, ce dernier doit conserver la qualification de contrat de travail en portage salarié, et le statut de salarié porté ne doit pas être écarté. Les conditions de travail de M. [O] [W] sont restées inchangées et conformes aux règles qui régissent le portage salarial.

- de même, il n'est pas justifié de la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein pendant la période du 1er janvier 2017 au 2 janvier 2018.

Sur les relations contractuelles alléguées au-delà du 2 janvier 2018 :

- Ayant reçu ses documents de fin de contrat le 2 janvier 2018, le contrat de travail de M. [W] n'a pas continué à recevoir exécution postérieurement à cette date, de sorte qu'il est mal fondé à solliciter un rappel de salaire au-delà de cette date.

Sur la demande de résiliation judiciaire et la période postérieure au 2 janvier 2018,

- le contrat de travail ayant été rompu le 2 janvier 2018, cette demande de résiliation judiciaire est devenue sans objet. En effet, la rupture est démontrée par la remise au salarié porté de ses documents de fin de contrat correspondant au terme de son CDD de portage couvrant la période comprise entre le 4 mai 2016 et le 2 janvier 2018.

- subsidiairement, les règles relatives au portage salarial font échec aux demandes du salarié notamment quant à la fourniture de travail et à l'absence de rémunération.

- en tout état de cause, les demandes financières sont excessives et M. [W] ne peut pas prétendre au paiement d'un préavis qu'il n'était pas en capacité d'exécuter. Il ne justifie, en outre, d'aucun préjudice ni de sa situation financière actuelle.

Sur le supposé défaut de loyauté,

- comme il a pu être démontré, cette demande n'est pas fondée dans son principe, et subsidiairement, elle ne l'est pas non plus en son quantum, couvrant les mêmes chefs de demande que les dommages et intérêts pour résiliation aux torts exclusifs de l'employeur.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 16 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. [O] [W] a été engagé, par contrat du 30 avril 2015, dans le cadre d'un portage salarial par la société AMCF Portage, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2015-380 du 2 avril 2015.

Conformément aux dispositions de l'article L1254-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, le portage salarial désigne l'ensemble organisé constitué, d'une part, par la relation entre une entreprise dénommée «entreprise de portage salarial» effectuant une prestation bénéficiant à une entreprise cliente qui donne lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial et, d'autre part, le contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le "salarié porté", lequel est rémunéré par cette entreprise.

Sur la demande de requalification du CDD en CDI :

Il résulte de l'article L1254-7 du code du travail que le contrat de travail est conclu entre l'entreprise de portage salarial et le salarié porté pour une durée déterminée ou indéterminée.

Il doit, conformément aux dispositions de l'article L1254-14 du code du travail, être établi par écrit.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. [O] [W] a été embauché, avec effet au 4 mai 2015 au poste de Formateur/Gestion de projets, par la société AMCF Portage dans le cadre d'un contrat de portage à temps partiel pour une durée déterminée allant jusqu'au 31 décembre 2016.

Il est établi qu'à l'arrivée du terme de ce contrat, la relation s'est poursuivie au-delà du 1er janvier 2017, le salarié continuant à compter de cette date à effectuer des missions sous le régime du portage salarial. L'appelant produit, en effet, un tableau faisant état de la poursuite de cette activité (ex : au cours de la semaine du 18 au 21 avril avec l'organisation de deux stages «Maîtriser la réglementation des achats publics et «collectivités territoriales : rôle et fonctionnement»). De la même façon, l'intéressé a sollicité de son employeur par mails des 13 avril 2017 et 23 octobre 2017 la délivrance d'une attestation à la demande de CEPRECO et du CNAM ainsi que pour la faculté d'[Localité 5], suite à des formations dispensées, attestant, ainsi, de la réalisation de missions au titre de l'année 2017.

Dans le même sens, le fait pour la société AMCF Portage d'avoir soumis a posteriori, le 2 février 2018, à la signature de M. [O] [W] un avenant au contrat de travail en portage salarial à durée déterminée dans le cadre d'une prolongation jusqu'au 2 janvier 2018, que celui-ci n'a pas accepté de signer, démontre bien la poursuite de la relation de portage salarial au-delà du terme du 31 décembre 2016.

L'intéressé s'est, en outre, vu remettre ses bulletins de salaire mensuels sans discontinuité jusqu'au mois de janvier 2018 et verser une rémunération, laquelle ne résulte pas uniquement du lissage des revenus abondés sur son compte de portage.

Dans ces conditions, il est relevé que le CDD de portage salarial s'est poursuivi au-delà de son terme, sans établissement d'un contrat écrit et doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Le jugement entrepris est confirmé à cet égard.

Sur la demande de requalification du temps partiel en temps plein :

Sauf exceptions prévues par la loi qui ne concernent pas le contrat de portage salarial, il ne peut être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

En l'absence d'un contrat écrit ou de l'une des mentions légales requises, le contrat de travail à temps partiel est réputé à temps plein et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire

ou mensuelle de travail convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, peu important qu'il ait occasionnellement travaillé pour une autre société ou que les plannings aient tenu compte de sa disponibilité.

Par ailleurs, lorsque le recours par un employeur à des heures complémentaires a pour effet de porter, fût-ce pour une période limitée, la durée de travail d'un salarié au-delà de la durée légale, le contrat de travail est réputé conclu à temps complet.

En l'espèce, la cour relève que le CDD à temps partiel prenant effet le 4 mai 2015 mentionnait uniquement au titre de la durée du travail «Base 63 heures». Il ne comportait, par ailleurs, aucune répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois.

Il est, en outre, constaté que la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un CDI par la poursuite des missions au-delà du terme prévu au CDD le 31 décembre 2016, sans qu'un contrat écrit ne soit établi.

Le contrat de travail à temps partiel est, par suite, présumé à temps plein.

Pour sa part, la société AMCF Portage qui ne produit ni les fiches de missions de M. [W], ni ses plannings horaires ne démontre pas la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail réalisée ni le fait que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition, peu important que le salarié ait créé une autre société pour laquelle il intervenait en qualité d'indépendant de façon ponctuelle.

Par ailleurs, concernant ses heures de travail, M. [O] [W] présente, conformément aux dispositions de l'article L3171-4 du code du travail, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Il produit, ainsi, plusieurs plannings hebdomadaires reprenant les dates des formations dispensées, les horaires de travail et le numéro de facturation par AMCF Portage, ce entre le 18 mai 2015 et le 21 avril 2017 desquels il résulte qu'il a travaillé pendant 11 semaines non consécutives entre 44heures et 54,6 heures soit plus de 35 heures.

De son côté, là encore, la société AMCF Portage ne verse aux débats aucune pièce permettant de remettre en cause le fait que durant 11 semaines, le temps de travail de M. [W] a été porté bien au-delà de la durée légale ou conventionnelle du travail.

Le contrat de travail à temps partiel de M. [O] [W] est, par conséquent, requalifié en contrat de travail à temps plein à compter de la première irrégularité laquelle remonte à la conclusion du premier contrat de portage soit du 4 mai 2015.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein :

Compte tenu de la requalification du CDD à temps partiel en CDI à temps plein, M. [O] [W] est fondé à obtenir le paiement d'une indemnité de requalification d'un mois de salaire à temps plein soit 3753,38 euros nets.

La société AMCF Portage doit, en outre, être condamnée à payer à l'appelant des rappels de salaire de :

- 28 491,53 euros bruts, outre 2849,15 euros bruts au titre des congés payés y afférents, pour la période du 1er novembre 2015 au 31 décembre 2016 (le salarié ayant tenu compte dans ses demandes de la prescription),

- 26 311,01 euros bruts, outre 2631,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents, pour la période du 1er janvier 2017 au 2 janvier 2018.

Concernant la période postérieure, il résulte des pièces de la procédure que les documents de fin de contrat ont été établis le 2 janvier 2018, de sorte que nonobstant l'absence de mise en oeuvre d'une procédure de licenciement, la société AMCF Portage a manifesté son intention de mettre un terme au contrat de travail à cette date. En outre, M. [O] [W] ne démontre pas s'être maintenu à la disposition de l'employeur au-delà du 2 janvier 2018.

L'appelant est, par conséquent, débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de la période postérieure au 2 janvier 2018.

Le jugement entrepris est infirmé.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat :

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

Néanmoins, il résulte des développements repris ci-dessus que le contrat de travail a été rompu par la société AMCF Portage le 2 janvier 2018, de sorte que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par M. [O] [W] le 22 novembre 2018 est sans objet.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat à durée indéterminée irrégulière :

La rupture du contrat de travail de M. [W] qui a été requalifié à durée indéterminée, est intervenue de manière irrégulière et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son statut de cadre, l'appelant qui n'a pas été mis en mesure d'exécuter son préavis, est, par conséquent, fondé à obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois conformément à la convention collective applicable (SYNTEC) soit la somme de 11 260 euros bruts, outre 1126 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Au regard de son ancienneté dans l'entreprise à compter du 4 mai 2015, M. [O] [W] a également droit au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement de 3252,92 euros.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.

Ainsi, compte tenu de l'effectif de la société AMCF Portage, de l'ancienneté de M. [W] (pour être entré au service de l'entreprise à compter du 4 mai 2015), de son âge (pour être né le 21 août 1968) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (3753,38 euros) et de l'absence de justificatifs de situations postérieurs à son licenciement, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 11 300 euros.

Le jugement entrepris est infirmé concernant les quantums alloués.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté :

En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, M. [W] démontre que son contrat de travail à durée déterminée s'est poursuivi au-delà de son terme et que la société AMCF Portage, consciente de l'absence de conclusion d'un écrit, lui a soumis a posteriori un avenant audit CDD anti-daté.

Cet élément résulte notamment du procès verbal de constat d'huissier du 8 novembre 2018 établi par la SCP LELEU CUVELIER CHARLEY duquel il résulte que la présidente de la société AMCF Portage, Mme [G] [X] a laissé le message suivant sur son téléphone portable le 2 février 2018 «oui bonjour [O], [G] à l'appareil comment dire pour janvier tu n'avais pas assez de disponibilité pour faire une paie complète. Il reste exactement en paie 190,47 euros comme je n'ai pas de facturation depuis juin de mémoire et bien je propose qu'on solde ton compte sinon tu vas avoir des cotisations supplémentaires sur une tranche que tu n'as pas. Voilà, je suis en cas de besoin donc tu vas recevoir ton solde de tout compte etc, [M] s'en occupe attestation pôle emploi, l'avenant au contrat puisqu'on n'avait pas de date de fin... pour que tu ' et puis le règlement partira en même temps. Ce n'est pas grand chose hein c'est 120,18 euros en net à payer. Donc on t'envoie tout çà aujourd'hui de sorte à ce que tu puisses envoyer à Pôle emploi».

Il est également communiqué par le salarié le projet d'avenant signé de Mme [X] fixant le terme du CDD prolongé au 2 janvier 2018.

La société AMCF Portage a, par suite, manqué à son obligation de loyauté à l'égard de l'intéressé lequel a subi un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 100 euros.

Le jugement entrepris est infirmé.

Sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire :

L'issue du litige commande de ne pas faire droit à cette demande.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte :

Il convient d'ordonner à la société AMCF Portage de délivrer à M. [O] [W] les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés conformément au dispositif de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés en première instance sont confirmées.

Succombant à l'instance, la société AMCF Portage est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [W] 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lannoy le 14 avril 2021, sauf en ce qu'il a requalifié en contrat à durée indéterminée le CDD arrivé à son terme le 31 décembre 2016, en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de prononcé de la résiliation judiciaire, en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de rappel de salaire au-delà du 2 janvier 2018, en ce qu'il a requalifié la rupture du CDI en date du 2 janvier 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société AMCF Portage aux dépens ainsi qu'à payer 1000 euros au titre des frais irrépétibles exposés, en ce qu'il a rappelé le point de départ des intérêts et en ce qu'il a ordonné sans astreinte la remise des documents de fin de contrat rectifiés,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du 4 mai 2015 ;

CONDAMNE la société AMCF PORTAGE à payer à M. [O] [W] :

- 3753,38 euros nets à titre d'indemnité de requalification,

- 28 491,53 euros bruts, outre 2849,15 euros bruts au titre des congés payés y afférents, pour la période du 1er novembre 2015 au 31 décembre 2016,

- 26 311,01 euros bruts, outre 2631,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents, pour la période du 1er janvier 2017 au 2 janvier 2018.

- 11 260 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1126 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 3252,92 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 11 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 100 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté ;

REJETTE la demande de restitution des sommes versées par la société AMCF Portage au titre de l'exécution provisoire ;

CONDAMNE la société AMCF Portage aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [O] [W] 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 21/00671
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00671 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award