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30/06/2023 | FRANCE | N°21/00486

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 30 juin 2023, 21/00486


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 887/23



N° RG 21/00486 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRNX



VCL/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

26 Mars 2021

(RG 19/00418 -section )








































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.R.L. MASSIMO DUTTI FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Héloïse AYRAULT, avocat au barreau de PARIS...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 887/23

N° RG 21/00486 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRNX

VCL/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

26 Mars 2021

(RG 19/00418 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. MASSIMO DUTTI FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Héloïse AYRAULT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Lea DEMIRTAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Mme [G] [R] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier CINDRIC, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Avril 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Février 2023

EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société ZARA FRANCE a engagé Mme [G] [R] par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 22 septembre 1999 en qualité de vendeuse au sein du magasin situé à Euralille.

À compter du 18 octobre 1999, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Ce contrat de travail était soumis à la convention collective des maisons à succursales de vente au détail de l'habillement.

Par avenant du 1er octobre 2002, Mme [G] [R] a occupé un poste de vendeuse-caissière, puis par avenants des 10 et 11 avril 2006, un poste de caissière auxiliaire et ce à temps complet.

Par avenant du 27 novembre 2006, elle a été promue aux fonctions de directrice adjointe et a intégré la société MASSIMO DUTTI FRANCE, appartenant au groupe INDITEX, avant d'être promue au poste de responsable de rayon par avenant du 1er décembre 2008.

Mme [G] [R] a occupé à titre temporaire les fonctions de directeur de magasin du 15 mars au 5 décembre 2010 et du 1er septembre au 31 octobre 2014.

Par courrier du 3 mai 2018, la société MASSIMO DUTTI FRANCE a transmis à Mme [G] [R] un avenant à son contrat de travail stipulant qu'à compter du 11 juin 2018, elle serait mutée au magasin MASSIMO DUTTI de [Localité 4] en application de la clause de mobilité. Cette nouvelle affectation a été confirmée par courrier recommandé du 28 mai 2018.

La salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 8 juin 2018 jusqu'au 18 juillet 2018.

Par courrier du 19 juin 2018, Mme [G] [R] a fait part de son refus quant à cette nouvelle affectation, a interrogé son employeur sur les raisons de celle-ci et a dénoncé les conditions dans lesquelles la décision d'affectation avait été prise.

Par courrier du 9 juillet 2018, Mme [G] [R] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 août 2018 et a été informée qu'elle était dispensée d'activité à compter du même jour.

Par lettre du 23 août 2018, Mme [G] [R] s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse motivé par son refus d'accepter sa nouvelle affectation suite à la mise en 'uvre de la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail.

À compter du 29 août 2018, elle a été placée en arrêt maladie.

La relation de travail a pris fin le 27 novembre 2018.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités liées à l'exécution du contrat de travail et à sa rupture, Mme [G] [R] a saisi le 2 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Lille qui, par jugement du 26 mars 2021, a :

- jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société MASSIMO DUTTI FRANCE à payer à Mme [G] [R] les sommes suivantes :

- 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- 10 000 euros au titre du manquement à l'obligation de formation et d'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois,

- 935,40 euros brut au titre des dispositions de l'article 18 de la convention collective des maisons à succursales de vente au détail et de l'habillement,

- ordonné le paiement de la somme de 247,50 euros brut au titre du paiement du rappel sur journées non travaillées,

- ordonné d'établir de nouveaux documents, fiche de paie, attestation pôle emploi tenant compte des condamnations ordonnées par le présent conseil,

- condamné la société MASSIMO DUTTI FRANCE à payer à Mme [G] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société MASSIMO DUTTI FRANCE de toutes ses demandes,

- condamné la société MASSIMO DUTTI FRANCE aux dépens de l'instance,

- précisé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale, et à compter du prononcé de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire.

La société MASSIMO DUTTI FRANCE a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 9 avril 2021.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 janvier 2022 au terme desquelles la société MASSIMO DUTTI FRANCE demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau de :

- constater que Mme [G] [R] a refusé la mise en 'uvre de sa clause de mobilité,

- juger que le licenciement de Mme [G] [R] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter Mme [G] [R] de l'ensemble de ses demandes y compris ses demandes incidentes tendant à lui ordonner d'établir une attestation pôle emploi et des bulletins de paie tenant compte des condamnations salariales à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement et à la condamner à verser à Mme [G] [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel,

- condamner Mme [G] [R] au remboursement des sommes suivantes :

-2 986,84 euros au titre des sommes versées par erreur durant le préavis,

-1 923 euros au titre du salaire indûment versé de décembre 2018,

- condamner Mme [G] [R] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société MASSIMO DUTTI FRANCE expose que :

-la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail de la salariée est licite et répond aux conditions prévues par le droit positif dans la mesure où elle est limitée géographiquement et qu'elle ne confère pas à l'employeur la possibilité d'en étendre unilatéralement la portée.

-cette clause indispensable eu égard à l'activité de l'entreprise, a été expressément acceptée par la salariée qui n'en a contesté ni les termes, ni les conditions.

-contrairement à ce qu'elle prétend, elle a été informée de la mise en 'uvre de la clause dans un délai raisonnable et aurait pu bénéficier de mesures d'accompagnement.

-elle justifie de la nécessité de la mise en 'uvre de la clause de mobilité par les difficultés de la salariée à assumer ses fonctions dans un magasin tel que [Localité 6] d'où sa mutation dans un magasin de taille inférieure.

-la salariée est de particulière mauvaise foi lorsqu'elle invoque des impératifs familiaux tant au niveau de la scolarité de ses enfants que de l'emploi de son époux.

-le licenciement de la salariée est intervenu en raison de son refus non justifié quant à la mise en 'uvre de la clause de mobilité dont il a été démontré qu'elle était légitime et assortie d'un délai raisonnable de sorte que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

-elle s'est acquittée son obligation de formation à l'égard de Mme [G] [R] comme le démontrent les éléments versés aux débats.

-les demandes financières de la salariée sont infondées et excessives et le calcul de l'ancienneté doit prendre en compte la durée de son arrêt maladie non professionnel (18 ans).

- la société s'est, par ailleurs, aperçue qu'elle avait commis une erreur et qu'elle avait versé indûment à la salariée un mois de salaire en décembre 2018 alors que la relation de travail a pris fin au mois de novembre 2018 ainsi que son préavis, lequel n'était pourtant pas dû, la salariée étant responsable de l'inexécution du préavis qu'elle a refusé d'exécuter.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 octobre 2021 au terme desquelles Mme [G] [R] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné d'établir, sans astreinte, de nouveaux documents, fiche de paie, attestation pôle emploi, de le réformer pour le surplus et de :

- ordonner à la société MASSIMO DUTTI FRANCE d'établir une attestation pôle emploi et des bulletins de paie tenant compte des condamnations salariales à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement,

- condamner la société MASSIMO DUTTI FRANCE à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, Mme [G] [R] soutient que :

-la mise en 'uvre de la clause de mobilité est abusive et n'avait que pour but de mettre un terme par tous moyens à son contrat de travail.

-la société employeur n'apporte aucune raison objective de nature à justifier de la mise en 'uvre de cette clause de façon si précipitée. Elle ne peut nullement affirmer qu'une mutation à plus de 350kms pour exercer les mêmes fonctions et attributions est justifiée par l'intérêt de l'entreprise.

-en outre, le magasin dans lequel elle devait être affectée a fait l'objet d'une fermeture définitive le 2 février 2019 laquelle était déjà actée lors de la mise en 'uvre de la clause de mobilité.

-son licenciement est donc nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

-contrairement à ce que la société appelante prétend, le délai de prévenance n'a pas été respecté comme cela ressort de la chronologie des événements. Elle n'a en réalité bénéficié que de 10 jours alors même que ce délai doit en principe tenir compte de la perturbation de la mise en 'uvre de la clause pour elle et sa famille.

-sa mutation portait atteinte à sa vie personnelle et familiale au regard de son engagement financier pour sa résidence principale, de la scolarité de ses enfants et de l'emploi de son époux.

-elle justifie de la réalité de son préjudice notamment de par son âge, de son ancienneté dans l'entreprise, de son professionnalisme, de sa situation de famille et de sa situation professionnelle actuelle.

-alors que la société lui reproche une insuffisance professionnelle servant à justifier la mise en 'uvre de la clause de mobilité ce qu'elle conteste, elle n'a pourtant bénéficié que de 5 formations en près de 19 ans d'ancienneté. Dès lors, la société a manqué à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi.

- En outre, alors qu'elle était en arrêt maladie, la société appelante n'a pas transmis malgré plusieurs demandes l'attestation de salaire auprès de la CPAM dans les délais. Cela a entraîné un manque à gagner correspondant à 20 jours indemnisés dont seuls 5 ont fait l'objet d'un règlement.

- Aucune erreur n'a été commise par la société MASSIMO DUTTI FRANCE concernant les mois de septembre à novembre 2018 les sommes versées correspondant au salaire ou au maintien de salaire qui lui était dû.

-la demande de la société quant au remboursement du salaire du mois de décembre est irrecevable car elle n'a pas été sollicitée en première instance et en tout état de cause, elle n'est pas fondée, les sommes versées en décembre correspondant au paiement de son solde de tout compte.

-elle était soumise à une convention de forfait et bénéficiait à ce titre de jours de repos dénommés JNTA, journées non travaillées. Au 31 mai 2018, elle bénéficiait d'un solde de JNTA de 3 jours lesquels n'ont pas été payés dans le cadre du solde de tout compte ouvrant droit à un rappel de salaire.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 2 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement :

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

En l'espèce, Mme [G] [R] a été licenciée pour avoir refusé son changement d'affectation du magasin de [Localité 6] vers le magasin de [Localité 4].

En premier lieu, le contrat de travail de Mme [G] [R] comportait une clause de mobilité géographique en vertu de laquelle il était prévu «vous pouvez être affectée dans l'un quelconque des établissements de Massimo Dutti France situé en France métropolitaine lorsqu'un changement de lieu de travail sera nécessité par l'organisation et l'intérêt légitime de la société Massimo Dutti France. Vous acceptez expressément que tout changement de votre lieu de travail dans l'un quelconque des établissements de Massimo Dutti France situé en France métropolitaine , nécessité par l'organisation et l'intérêt légitime de la société Massimo Dutti France, ne soit pas considéré comme une modification de votre contrat de travail même s'il doit entraîner un changement de résidence, ce dont vous restez seul juge. ».

La société MASSIMO DUTTI a, par suite, fait jouer cette clause de mobilité dont la validité n'est pas contestée, ce afin de muter la salariée au sein du magasin de [Localité 4].

Dans ces conditions et en application de cette clause de mobilité, le changement du lieu de travail de Mme [R] de [Localité 6] à [Localité 4] ne constitue pas une modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur.

Il en résulte que constitue , en principe, une faute contractuelle le refus par l'intéressée de ce changement de lieu de travail.

Néanmoins, une mutation géographique peut priver de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié qui la refuse lorsque l'employeur la met en oeuvre dans des conditions exclusive de la bonne foi contractuelle. La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que cette décision a été prise pour des causes étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusive de la bonne foi contractuelle ou encore que cette décision porte une atteinte excessive à sa situation personnelle ou familiale, à moins que cela ne soit justifié par les tâches ou fonctions du salarié et proportionné au but recherché.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que Mme [G] [R] a été informée par l'employeur, lors d'un entretien du 9 mai 2018 de la mutation envisagée au sein du magasin de [Localité 4] à compter du 11 juin suivant. Cette mutation lui a, ensuite, été confirmée par courrier recommandé du 28 mai 2018.

Suite à un courrier en réponse adressé par la salariée pour contester cette décision, la société MASSIMO DUTTI a convoqué l'intéressée le 9 juillet 2018 à un entretien préalable au licenciement prévu le 6 août suivant. Enfin, Mme [R] a été licenciée par lettre recommandée du 23 août 2018.

Au regard des pièces produites, l'intimée démontre que :

- La société MASSIMO DUTTI appartient au groupe INDITEX lequel comprend également l'enseigne ZARA au sein de laquelle elle a également été affectée au cours de la relation contractuelle. 15 boutiques étaient, ainsi, existantes à proximité du domicile lillois de Mme [R].

-Pendant 18 années, elle a été employée au sein de plusieurs magasins tous situés à [Localité 6].

- Elle a bénéficié de plusieurs promotions successives, accédant à des postes de plus en plus élevés au fil des contrats et avenants, l'employeur n'hésitant pas à lui confier provisoirement la direction du magasin.

-Suite à un entretien du 9 mai 2018, la société MASSIMO DUTTI l'a informée, par courrier du 28 mai suivant, de sa mutation au sein du magasin de [Localité 4] à compter du 11 juin 2018 soit un mois après l'annonce initiale et surtout une dizaine de jours seulement après la démarche officielle de l'employeur.

- En parallèle de cette proposition de mutation, la société MASSIMO DUTTI avait connaissance de la fermeture prochaine et définitive du magasin de [Localité 4] ( PV de séance du comité social et économique des 14 novembre 2018 et 30 janvier 2019), finalement intervenue le 2 février 2019.

- Concernant sa situation familiale, elle était alors mariée et avait la charge de 4 enfants (extrait du livret de famille), son époux bénéficiant d'un CDI à [Localité 7].

Il résulte, par suite, de l'ensemble de ces éléments que la société MASSIMO DUTTI a mis en oeuvre la clause de mobilité contractuelle de mauvaise foi en imposant à Mme [R] une mutation à près de 400 km de son domicile et alors qu'elle se trouvait, en réalité, « sédentarisée » depuis son embauche 18 ans auparavant et qu'une décision de fermeture définitive à court terme du magasin d'affectation avait d'ores et déjà été prise.

La mauvaise foi de l'employeur se trouve d'autant plus caractérisée que celui-ci invoque dans la lettre de licenciement que le magasin de [Localité 4] constitue l'unique établissement répondant aux compétences de la salariée dont il est également allégué qu'au cours des 5 dernières années d'exercices, il lui a été notifié qu'elle n'avait pas le niveau requis pour le poste occupé. Or, aucune pièce ne démontre l' « insuffisance professionnelle » de Mme [R] dont l'employeur ne fournit d'ailleurs pas les évaluations et alors même que la direction du magasin lui avait déjà été confiée provisoirement.

Par ailleurs, il est indéniable qu'en imposant à sa salariée domiciliée à [Localité 6] depuis plus de 18 années et mère de 4 enfants scolarisés, de déménager en moins d'un mois et avant même la fin de la période scolaire, la société MASSIMO DUTTI a également fait preuve de mauvaise foi et a surtout porté une atteinte excessive à la situation personnelle et familiale de sa salariée.

Dans ces conditions,le licenciement de Mme [R] consécutif à la mise en oeuvre de mauvaise foi de la clause de mobilité par l'employeur est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L1235-3 du code du travail applicable à l'espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés, dans le cadre des tableaux repris auxdits articles.

Ainsi, compte tenu de l'effectif supérieur à 11 salariés de la société MASSIMO DUTTI, de l'ancienneté de Mme [R] (pour être entrée au service de l'entreprise à compter du 22 septembre 1999), de son âge (pour être née le 14 juillet 1973) ainsi que du montant de son salaire brut mensuel (2830 euros) et des périodes de chômage subséquentes justifiées, le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixé à 40 000 euros.

Le jugement entrepris est infirmé concernant le quantum alloué.

Sur l'obligation de formation et d'adaptation :

Conformément aux dispositions de l'article L6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut également proposer des formations qui participent au développement des compétences.

Cette obligation relève de l'initiative de l'employeur, sans que les salariés n'aient à émettre une demande de formation au cours de l'exécution de leur contrat de travail.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a satisfait à cette obligation.

La SARL MASSIMO DUTTI ne produit aucune pièce de nature à démontrer le respect de son obligation de formation et d'adaptation à l'égard de Mme [R] au cours de la relation contractuelle.

Et si la salariée indique et justifie du seul suivi de 6 jours de formation en plus de 18 années d'emploi, aucune d'entre elles n'est intervenue dans les trois dernières années, alors même que l'employeur reproche à cette dernière, dans un courrier en réponse au refus de l'intéressée d'être mutée à [Localité 4], de s'être vue notifier, sur les 5 derniers exercices, chaque année, qu'elle n'avait pas le niveau requis pour le poste occupé au sein du magasin lillois.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments un manquement de l'employeur à son obligation de formation et de veiller au maintien de la capacité de Mme [R] à occuper un emploi.

Il en est résulté pour l'intimée un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur de 1500 euros.

Le jugement entrepris est infirmé concernant le quantum des dommages et intérêts alloués.

Sur le maintien de salaire au titre de l'arrêt maladie :

Conformément à l'article 18 de la convention collective applicable, lorsqu'ils perçoivent des indemnités journalières au titre de la sécurité sociale, les cadres bénéficieront d'une indemnité complémentaire (tous éléments de salaire compris) calculée de façon à ce qu'ils reçoivent après 15 ans de présence dans l'entreprise 4 mois à 100% et 1 mois à 75%. Ces dispositions prévoient également que si plusieurs congés de maladie sont pris au cours d'une même année, la durée totale d'indemnisation ne peut dépasser, au cours de cette même année, la durée à laquelle l'ancienneté de l'intéressé lui ouvre droit.

En l'espèce et dans l'année ayant précédé la rupture de la relation contractuelle, Mme [R] a été placée en arrêt maladie du 8 juin au 18 juillet 2018 et à compter du 29 août jusqu'à la fin de son contrat de travail le 27 novembre 2018.

La salariée avait donc droit au paiement d'une indemnité complémentaire afin de bénéficier d'un salaire à 100% jusqu'à la mi-novembre 2018.

Or, Mme [R] démontre que son salaire n'a pas été maintenu dans son intégralité pendant le mois d'octobre 2018, avec un manque à gagner correspondant à 15 jours, compte tenu d'une régularisation partielle effectuée en janvier 2019.

Il en résulte que la SARL MASSIMO DUTTI est redevable à l'égard de l'intimée de la somme de 935,40 euros.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur le rappel de salaire au titre des journées non travaillées :

Il est constant que, dans le cadre de la convention de forfait à laquelle Mme [R] était soumise, elle bénéficiait de jours de repos dénommés « JNTA » (journées non travaillées).

La salariée produit l'extrait informatique daté du 6 mai 2018 mentionnant le nombre de jours travaillés, le nombre de jours de repos, le nombre de jours de congés payés et de JNTA pris et restant, ainsi qu'un rapport résumé des GDT Cadres au 31 mai 2018. Ainsi, au 31 mai 2018, l'intéressée bénéficiait de 3 JNTA non posés.

Son solde de tout compte et les bulletins de salaire produits ne font pas état du règlement de ces 3 JNTA.

La SARL MASSIMO DUTTI est, par conséquent, condamnée à payer à Mme [R] 247,50 euros bruts au titre des JNTA non payés.

Le jugement entrepris est confirmé.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées durant le préavis :

Le licenciement de Mme [R] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait de la mise en oeuvre de mauvaise foi de la clause de mobilité, le refus de la salariée d'accepter ladite mobilité et de poursuivre l'exécution de son contrat de travail ne la rend nullement responsable de l'inexécution du préavis.

C'est donc à raison que les sommes versées durant le préavis lui ont été payées par la société MASSIMO DUTTI laquelle est déboutée de sa demande reconventionnelle de remboursement des sommes versées durant le préavis.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la demande renconventionnelle de remboursement de la somme versée au titre du salaire du mois de décembre 2018 :

Mme [R] se prévaut de l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée en cause d'appel et tendant au remboursement de la somme de 1923 euros versée au titre du salaire du mois de décembre 2018.

Il résulte de la suppression du principe de l'unicité de l'instance en matière prud'homale et de l'article 564 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La cour constate à la lecture des conclusions de première instance de la société MASSIMO DUTTI que la demande en restitution des sommes versées au titre du mois de décembre 2018 n' avait pas été sollicitée et constitue une demande nouvelle sans lien avec les prétentions adverses.

Cette demande est, par conséquent, irrecevable.

Au surplus et en tout état de cause, il est relevé que les sommes reprises au bulletin de salaire de décembre 2018 correspondent au solde de tout compte constitué de l' indemnité de congés payés, au solde du CET et à l'indemnité de licenciement et en aucun cas à un salaire versé.

Sur les documents de fin de contrat :

Il convient d'ordonner à la SARL MASSIMO DUTTI de délivrer à Mme [G] [R] une attestation destinée à Pôle Emploi ainsi que les bulletins de paie conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L1235-4 du code du travail :

Le licenciement de Mme [G] [R] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail.

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la SARL MASSIMO DUTTI aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [G] [R], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les autres demandes :

Les dispositions afférentes aux intérêts, aux dépens et aux frais irrépétibles exposés en première instance sont confirmées.

Succombant à l'instance, la SARL MASSIMO DUTTI est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [G] [R] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lille le 26 mars 2021, sauf en ce qu'il a fixé à 10 000 euros le manquement de la société MASSIMO DUTTI à son obligation de formation et en ce qu'il a fixé à 50 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DIT que la demande formée par la SARL MASSIMO DUTTI tendant au remboursement de la somme de 1923 euros versée au titre du salaire du mois de décembre 2018 est irrecevable ;

CONDAMNE la SARL MASSIMO DUTTI à payer à Mme [G] [R] [K] :

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation,

ORDONNE le remboursement par la SARL MASSIMO DUTTI aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [G] [R] [K], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

CONDAMNE la SARL MASSIMO DUTTI aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [G] [R] [K] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 21/00486
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00486 ?
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