La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2023 | FRANCE | N°21/00282

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 30 juin 2023, 21/00282


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 950/23



N° RG 21/00282 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TO6O



MLB/CH





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

28 Janvier 2021

(RG 19/00122 -section )



































GROSSE :



Au

x avocats



le 30 Juin 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-Baptiste ZAAROUR, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.R.L. ECO-ALTERNATIV Prise en la personne de ...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 950/23

N° RG 21/00282 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TO6O

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

28 Janvier 2021

(RG 19/00122 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-Baptiste ZAAROUR, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. ECO-ALTERNATIV Prise en la personne de son représentant légal, [B] [V], gérant

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Anaïs PERA, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Charlotte LAMBERT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Angelique AZZOLINI

DÉBATS : à l'audience publique du 29 Mars 2023

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 26 mai 2023 au 30 juin 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 04 janvier 2023

EXPOSE DES FAITS

M. [I] [P], né le 3 décembre 1969 et reconnu travailleur handicapé depuis le 7 mars 2014 en raison d'une déficience motrice au niveau du bras droit, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2017, en qualité de technicien, par la société Eco-Alternativ, qui emploie de façon habituelle au mois onze salariés, pour l'installation, l'entretien et la maintenance des produits commercialisés par la société, avec une mobilité géographique sur les départements 80, 59, 62, 60, 02, 51 et 08.

Il percevait en dernier lieu un salaire fixe mensuel brut de 2 150 euros.

Aux termes de l'attestation de suivi du 23 février 2018, le médecin du travail a proposé en application de l'article L.4624-3 du code du travail les aménagements suivants : contre indication au travail en hauteur, limiter le port de charges lourdes répétitif, maintien de l'activité au sol (dépannage, installation), suivi tous les ans.

Une étude préalable à l'aménagement/adaptation de situation de travail a été mise en oeuvre le 24 avril 2018. L'organisme Initiatives Prévention, chargé de l'étude, a établi son rapport sur les solutions préconisées le 9 juillet 2018.

M. [I] [P] a écrit à son employeur le 17 août 2018 pour se plaindre de ses conditions de travail et demander la régularisation de frais et d'heures supplémentaires.

La société Eco-Alternativ a répondu à M. [I] [P] le 23 août 2018 pour lui faire part de son désaccord avec sa présentation des faits et lui proposer un entretien le 5 septembre 2018.

La société Eco-Alternativ a établi les documents de rupture le 19 septembre 2018 en mentionnant que M. [I] [P] avait fait partie de son personnel jusqu'au 1er septembre 2018 et que le motif de la rupture était sa démission.

Par requête reçue le 8 avril 2019, M. [I] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes pour obtenir des rappels de salaire et d'heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et discrimination et faire constater la nullité ou l'illégitimité de son licenciement, ainsi que son caractère irrégulier.

Par jugement en date du 28 janvier 2021 le conseil de prud'hommes a dit que la société Eco-Alternativ n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat envers M. [I] [P] et l'a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre, dit que M. [I] [P] n'a pas fait l'objet d'une discrimination de la part de la société Eco-Alternativ relativement à son handicap et l'a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre, dit que la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative de M. [I] [P] sous forme de démission et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à un licenciement dont il prétendait avoir fait l'objet et condamné la société Eco-Alternativ à payer à M. [I] [P] :

620,31 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires

4 euros net à titre de participation à un ticket-repas manquant sur la paie d'août 2018, sans astreinte.

Il a ordonné à la société Eco-Alternativ de rectifier le bulletin de salaire d'août 2018, sans astreinte, débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront à la charge des parties par moitié.

Le 1er mars 2021, M. [I] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions reçues le 26 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [I] [P] sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement entrepris, dise que l'employeur a violé son obligation de sécurité de résultat, qu'il a fait l'objet d'une discrimination, que son licenciement est nul pour cause de discrimination ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, qu'il est en tout état de cause irrégulier et condamne la société aux sommes de :

9 712,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur les années 2017 (5 067,06 euros) et 2018 (4 645,3 euros) ou subsidiairement 3 212,36 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur les années 2017 et 2018

1 488,9 euros au titre des salaires impayés du mois d'août

148,9 euros au titre des congés payés afférents

10 000 euros à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

10 000 euros à titre d'indemnité pour préjudices matériels et moraux consécutifs à sa discrimination

6 400 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

640 euros au titre des congés payés y afférents

652,57 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

2 150 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier en la forme

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Il demande également qu'il soit ordonné sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir des bulletins de paie afin que les heures supplémentaires payées soient affectées à la grille «heures supplémentaires», la cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte.

Par ses conclusions reçues le 9 août 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Eco-Alternativ sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] [P] de ses demandes, l'infirme en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, en conséquence :

- à titre principal, dise qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat, que M. [I] [P] n'apporte aucun élément de fait qui laisserait supposer l'existence d'une discrimination à son égard, qu'en tout état de cause il n'a nullement fait l'objet d'une discrimination, que le contrat de travail a été rompu à l'initiative du salarié, qu'il a été intégralement rempli de ses droits en matière d'heures supplémentaires, qu'elle ne lui a pas imposé la prise de congés payés en août 2018 et le déboute de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, si la cour estimait que M. [I] [P] est en droit de bénéficier d'une indemnité de préavis qu'elle considère que le préavis applicable est de deux mois et non trois, si la cour estimait que M. [I] [P] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle limite les dommages et intérêts à un mois de salaire et déboute le salarié de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier, si la cour estimait que M. [I] [P] est fondé à solliciter un rappel d'heures supplémentaires impayées qu'elle prenne en compte le fait que les heures supplémentaires calculées par M. [I] [P] pour les mois de septembre et octobre 2017 sont erronées, si la cour estimait que M. [I] [P] s'est vu imposer des congés payés en août 2018, qu'elle prenne en compte le fait que le montant qu'il sollicite est erroné,

- en tout état de cause, qu'elle condamne M. [I] [P] à lui payer la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 4 janvier 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Il convient de constater que l'appel incident de l'employeur ne porte pas sur la participation au ticket-repas manquant sur la paie d'août 2018, de sorte que la décision déférée est définitive en ce qui concerne ces dispositions.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

 

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

 

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

 

En l'espèce, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires M. [I] [P] produit ses fiches de pointage mensuelles, sur lesquels il a mentionné pour chaque jour l'horaire de début et de fin de journée, et les tableaux des heures comptabilisées par l'employeur. Il détaille dans ses conclusions le calcul des sommes demandées. Il conteste la déduction arbitraire, chaque jour, d'une pause de 45 minutes, indiquant qu'il ne prenait que rarement cette pause. Il conteste par ailleurs la prise en compte par le conseil de prud'hommes des primes exceptionnelles qui lui ont été attribuées comme étant susceptibles de rémunérer les heures supplémentaires.

La société Eco-Alternativ répond que la pause journalière de 45 minutes n'était pas facultative, que le mode de calcul du temps de travail à partir du domicile du salarié lui était favorable, de même que le décompte des heures supplémentaires à la journée et non à la semaine, que la mise en corrélation des bulletins de salaire et des récapitulatifs d'heures montre que le montant des primes exceptionnelles correspond au paiement des heures supplémentaires, que M. [I] [P] bénéficiait également de journées de récupération, qu'en réalité il a perçu plus que la somme qu'il aurait dû recevoir.

Les imprimés sur lesquels le salarié devait pointer ses heures ne comportaient pas de rubrique destinée à la pause méridienne. M. [I] [P] produit les attestations de M. [Z], client, et de M. [Y], plaquiste. Le premier indique que M. [I] [P] et son collègue ont travaillé à son domicile, sans pause déjeuner, de 8h00 à 18h00, horaires toutefois contredits par la liste des interventions réalisées chez lui. Le second déclare que la société les faisait travailler sans relâche et sans pause déjeuner, en moyenne plus de dix heures par jour, et qu'ils étaient présents chaque jour au dépôt à 7h00 pour finir très tard, ce qui ne correspond pas cependant aux horaires de début d'activité mentionnés par M. [I] [P] sur ses fiches de pointage ni à ses explications puisqu'il ne prétend pas n'avoir jamais bénéficié de pause. Les tableaux des heures comptabilisées par l'employeur sur la base des fiches de pointage montrent qu'il déduisait de l'amplitude horaire indiquée par le salarié 45 minutes de pause par jour travaillé. Si le nouveau modèle d'imprimé utilisé par la société Eco-Alternativ, distinguant les horaires du matin et de l'après-midi et rappelant que le temps de pause à prendre par jour est de 45 minutes, n'a jamais été utilisé par M. [I] [P], la société Eco-Alternativ produit également les attestations de Messieurs [N], [X], [F], [S] et [F], dont il ressort que les salariés disposaient bien de 45 minutes de pause à prendre à n'importe quel moment dans la journée et que tous les techniciens en étaient informés.

M. [F] précise également que les trajets étaient comptés dans le décompte des heures, sans préciser cependant s'il s'agit des trajets entre le domicile et le chantier, l'entreprise et le chantier ou entre chantiers. Il ajoute que les heures supplémentaires étaient payées sous forme de prime trimestrielle. Cependant, les dispositions relatives au paiement au taux majoré des heures supplémentaires sont d'ordre public et l'employeur ne peut s'y soustraire par le paiement de primes, même avec l'accord du salarié. Le paiement de primes ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires et le montant des primes ainsi versées ne peut être déduit du rappel de salaire pour heures supplémentaires dû par l'employeur. Le jugement, qui a déduit les primes versées des sommes dues au titre des heures supplémentaires effectuées, sera infirmé.

Il convient au vu de ces éléments et en tenant compte de l'évolution du taux horaire d'évaluer le rappel d'heures supplémentaires accomplies par le salarié à la somme de 7 020,21 euros et les congés payés y afférents à 702,02 euros.

Sur le rappel de salaire au titre du mois d'août

Au soutien de sa demande, M. [I] [P] fait valoir que la société Eco-Alternativ a refusé de lui fournir du travail suite à l'avarie de son véhicule et qu'il a été contraint de prendre des congés payés pendant trois semaines courant août 2018, alors que tel n'était pas son souhait.

La société Eco-Alternativ répond d'abord, à juste titre, que le salaire correspondant à la prise de congés payés du 20 au 31 août 2018 s'élève à la somme de 992,15 euros et non pas à la somme réclamée par M. [I] [P] de 1 488,9 euros. De plus, M. [I] [P] ne justifie pas que son employeur a refusé de lui fournir du travail. Il résulte au contraire du message qu'il a adressé au dirigeant de la société le 19 août 2018 que c'est bien lui qui a décidé de prendre des congés, même si c'est un problème de voiture qui a déterminé sa demande.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

Sur la demande d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

M. [I] [P] invoque au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité le délai entre son embauche et la mise en 'uvre de l'étude préalable à l'aménagement/adaptation de situation de travail (EPAAST) et le non respect des recommandations du médecin du travail et de l'étude préalable.

Il se prévaut à mauvais escient des conclusions d'un entretien qu'il a eu avec Cap Emploi le 24 août 2017, avant son embauche par la société Eco-Alternativ. En effet, si la piste d'un emploi auprès de la société Eco-Alternativ est évoquée dès cette date, il n'est pas établi que Cap Emploi est intervenu auprès de la société Eco-Alternativ pour l'informer des aides mobilisables à l'embauche d'une personne reconnue travailleur handicapé, ce que la société Eco-Alternativ conteste.

Le médecin du travail a émis les recommandations suivantes le 23 février 2018 : contre indication au travail en hauteur, limiter le port de charges lourdes répétitif, maintien de l'activité au sol (dépannage, installation), suivi tous les ans.

L'EPAAST a été mise en oeuvre le 24 avril 2018. Il ressort du rapport établi par l'organisme Initiatives Prévention le 9 juillet 2018 que l'étude lui avait été confiée par le Sameth en accord avec le médecin du travail. M. [I] [P] ne peut utilement reprocher à son employeur de n'avoir pas signalé son cas au Sameth, étant observé qu'il avait également la possibilité de le saisir. De même, il ne peut utilement lui reprocher le délai de l'étude menée par l'organisme Initiatives Prévention pour définir les solutions de compensation préconisées, aucun élément ne permettant d'imputer, même en partie, ce délai au comportement de l'employeur.

M. [I] [P] se prévaut des attestations de M. [K] et M. [Z], clients, du contenu de l'étude préalable et d'un accident du 1er mars 2018 pour soutenir que les recommandations du médecin n'ont pas été suivies d'effet.

Les interventions chez M. [Z] et M. [K] sont postérieures à l'avis du médecin du travail. Le premier atteste que M. [I] [P] a monté des châssis de fenêtre avec son collègue M. [Y], sans aide par rapport à son handicap et précise qu'il a même dû les aider pour monter la baie vitrée. Le second indique que M. [I] [P] était seul alors que les tâches demandées (porter et changer un ballon thermodynamique, porter et changer un poêle) requéraient la présence d'un autre professionnel. Il ajoute que M. [I] [P] a dû intervenir sur sa toiture pour l'installation du conduit de cheminée, sans matériel de sécurité adéquat. Il ressort toutefois du message adressé par le conjoint de M. [K] le 30 avril 2018 que M. [I] [P] n'est pas intervenu seul mais avec le directeur de l'entreprise.

M. [I] [P] a informé son employeur le 1er mars 2018 de la chute d'une échelle sur sa tête. Il n'a pas signalé cependant qu'il avait travaillé en hauteur sur cette échelle. La société Eco-Alternativ indique que c'est M. [Y] qui a fait tomber l'échelle et que M. [I] [P] se trouvait, lui, au sol.

L'EPAAST mentionne que les installations d'équipement de chauffage, systématiquement effectuées en binôme, impliquent la manipulation des équipements de chauffage lors de la dépose et l'installation du matériel, que l'équipement neuf est manipulé à minima trois fois, que s'y ajoute l'équipement à remplacer et qu'un équipement peut peser seul jusqu'à 200 kg. Elle précise que l'entreprise, attentive aux conditions de travail des salariés, a déjà investi dans des équipements pour limiter le port de charge lors du chargement dans le camion (rampe, chariot de manutention, gerbeur et diable à trois roues), ce qui a permis de réduire considérablement les efforts liés au port de charge au niveau du dépôt et de les limiter sur le lieu de l'installation, et qu'elle a déjà mis à disposition de M. [I] [P] une sertisseuse électrique pour réduire les sollicitations des membres supérieurs.

Dès la remise du rapport de l'organisme Initiatives Prévention listant les solutions techniques et organisationnelles à mettre en 'uvre, la société Eco-Alternativ a soumis des devis au salarié, le 9 juillet 2018, afin qu'il puisse vérifier que le matériel objet de ces devis était adéquat. Le Sameth a demandé à la société Eco-Alternativ le 3 août 2018 de ne pas commander les éléments avant d'avoir reçu l'accord de financement de l'Agefiph.

L'accident du 1er mars 2018, les témoignages des clients et l'EPAAST ne permettent pas de caractériser une violation de la recommandation du médecin du travail tenant à la limitation, et non à l'interdiction, du port de charges lourdes répétitif, étant observé que le planning des interventions produit par la société Eco-Alternativ montre que M. [I] [P] a été pour l'essentiel affecté à des opérations d'entretien et de service après-vente.

En revanche, le témoignage de M. [K] montre que la contre indication au travail en hauteur n'a pas toujours été respectée, même si les éléments produits font apparaître le caractère ponctuel d'une telle situation.

En outre, M. [I] [P] fait observer qu'à la suite d'un contrôle au sein de la société Eco-Alternativ, l'inspectrice du travail a relevé le concernant cinq dépassements des durées maximales quotidiennes au cours de la période du 3 au 31 mai 2018. La société Eco-Alternativ répond qu'il s'agit des heures déclarées par le salarié qui débutent au départ de chez lui et au retour chez lui sans tenir compte de la pause méridienne, sens de sa réponse du 17 août 2018 à l'inspectrice du travail. Toutefois, même à déduire le temps de pause, la société Eco-Alternativ ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la durée maximale de travail n'a pas été dépassée les 30 et 31 mai 2018, en l'absence de justificatif des horaires d'arrivée à l'entreprise ou sur le premier chantier et de départ du dernier chantier ou de l'entreprise.

Les éléments ci-dessus justifient d'accorder à l'appelant la somme de 500 euros à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité.

Sur la demande d'indemnité pour discrimination

En application des articles L.1132-1, L.1134-1 et L.5213-6 du code du travail, M. [I] [P] invoque au titre d'une discrimination liée à son état de santé et son handicap l'absence d'aménagement de son poste de travail, le refus d'adapter son poste de travail à son handicap en lui imposant un travail non conforme à son état de santé, la tardiveté de l'étude d'impact organisée qu'à compter du mois de juillet 2018, la marginalisation dont il a fait l'objet par l'interdiction faite d'utiliser les véhicules de fonction, l'absence de fourniture d'outillage, le refus de lui fournir du travail à compter de l'avarie de son véhicule le 17 août 2018, son affectation sans binôme à compter de l'année 2018.

La société Eco-Alternativ rappelle qu'elle savait que M. [I] [P] présentait un handicap lorsqu'elle a décidé de l'embaucher, que l'adaptation du poste n'était pas un problème car elle voyait cette embauche sur le long terme, qu'elle a mis en place toutes les mesures à sa disposition pour aider M. [I] [P] en initiant les démarches auprès du Sameth et de l'Agefiph, qu'il était nécessaire d'attendre l'avis favorable de l'Agefiph, qui est intervenu seulement le 16 octobre 2018, pour acquérir un véhicule utilitaire adapté, que les frais relatifs à l'utilisation par M. [I] [P] de son véhicule personnel étaient pris en charge, que c'est le salarié qui a proposé lors de son embauche d'utiliser ses propres outils, que la prise de congés payés n'a pas été imposée au salarié, que M. [I] [P] s'est d'ailleurs vanté de travailler dans une autre entreprise alors qu'il était toujours son salarié, qu'il n'a pas satisfait à la demande de communication de son avis d'imposition pour l'année 2018 afin de démontrer l'existence de revenus autres, qu'il a travaillé en binôme mais moins que d'autres salariés compte tenu des missions qui lui ont été confiées.

Il résulte de ce qui précède d'une part que la société Eco-Alternativ n'a pas refusé de fournir du travail à M. [I] [P] mais que c'est bien le salarié qui a décidé de prendre des congés à compter du 19 août 2018, d'autre part que la recommandation du médecin du travail tenant à la limitation du port de charges lourdes répétitif a été respectée par l'employeur mais qu'il est justifié qu'à une reprise M. [I] [P] a travaillé en hauteur en dépit de la contre indication médicale.

Si le rapport de l'organisme Initiatives Prévention a été déposé le 9 juillet 2018, l'étude a été mise en 'uvre dès le mois d'avril 2018. Il résulte du rapport que c'est précisément en raison de son handicap que M. [I] [P] utilisait son propre véhicule, dans la mesure où il ne pouvait conduire qu'un véhicule à boîte automatique et disposant d'une boule au volant, et que l'entreprise avait déjà, au moment de la mise en 'uvre de l'EPAAST, acheté et mis à disposition de M. [I] [P] une sertisseuse électrique pour réduire les sollicitations des membres supérieurs. De plus, dans son courrier du 23 août 2018, la société Eco-Alternativ a rappelé au salarié, qui avait géré sa propre entreprise de plomberie chauffagiste avant son embauche, que c'est lui qui avait proposé d'utiliser son propre outillage. Selon le rapport d'Initiatives Prévention, les installations d'équipements de chauffage sont systématiquement réalisées en binôme, étant observé que le planning des interventions montre que si M. [I] [P] n'a pas toujours travaillé en binôme c'est précisément parce qu'il a principalement été affecté à des travaux de maintenance, d'entretien et de dépannage sur les équipements de chauffage, opérations réalisées par un seul technicien.

Les solutions préconisées par le rapport ont immédiatement donné lieu à des initiatives de la société, qui a de suite transmis les devis pour l'acquisition d'outils et d'un véhicule adaptés, le coût total de la solution préconisée s'élevant à 17 746,48 euros HT. Le Sameth a informé la société Eco-Alternativ le 3 août 2018 que le dossier était complet et qu'il ne fallait pas commander les éléments avant l'accord de financement de l'Agefiph. Ce n'est que le 16 octobre 2018 que l'Agefiph a donné un avis favorable au financement de cette solution, par l'attribution d'une subvention de 3 801,67 euros HT.

Ainsi, M. [I] [P] ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de son état de santé et de son handicap, l'employeur ayant au contraire agi positivement pour que le salarié bénéficie des mesures de compensation nécessaires.

Le jugement déboutant M. [I] [P] de sa demande d'indemnité pour discrimination sera donc confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte de ce qui précède que M. [I] [P] n'a pas fait l'objet d'une discrimination. Il ne peut être retenu, comme le soutient l'appelant, que l'employeur a préféré mettre fin à son contrat de travail plutôt que d'aménager son poste de travail, ce qui est contredit par le planning du salarié, qui montre que l'employeur a limité ses interventions d'installation d'équipements, et par les démarches faites par la société en vue d'acquérir l'outillage et le véhicule adaptés à son handicap.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] [P] de sa demande tendant à voir dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul.

M. [I] [P] soutient à titre subsidiaire qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal, dépourvu en conséquence de cause réelle et sérieuse.

La société Eco-Alternativ répond que M. [I] [P] lui a fait savoir oralement fin août 2018 qu'il avait trouvé un nouvel emploi et ne viendrait plus travailler et qu'il a sollicité la remise de ses documents de fin de contrat, ce qu'elle a légitimement considéré comme une démission.

La démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de la part du salarié de mettre fin à son contrat de travail.

Par courrier à son employeur daté du 17 août 2018 M. [I] [P] s'est plaint de ses conditions de travail et lui a notamment demandé de mettre fin au contrat de travail. La société Eco-Alternativ a réfuté dans sa réponse du 23 août 2018 les griefs formulés par le salarié et lui a proposé un entretien le 5 septembre 2018 pour «trouver un accord amiable». Les éléments du dossier ne permettent pas de déterminer si cet entretien a eu lieu ou pas.

M. [I] [P] était en congés payés du 20 au 31 août 2018.

Mme [U], assistante commerciale, atteste que lors d'un contact téléphonique avec M. [I] [P], courant août 2018, celui-ci l'a informée qu'il avait trouvé du travail dans une autre entreprise. Outre que M. [I] [P] conteste les déclarations de Mme [U], les seuls propos rapportés par cette dernière ne peuvent suffire à caractériser une manifestation claire et non équivoque de volonté de la part de M. [I] [P] de mettre fin à son contrat de travail avec la société Eco-Alternativ.

La rupture du contrat de travail ne peut donc être imputée au salarié et s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse comme étant non motivée.

Les parties s'opposent sur la durée du préavis applicable, M. [I] [P] revendiquant l'application de la convention collective des ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise de l'exploitation d'équipements thermiques et de génie climatique, tandis que la société Eco-Alternativ soutient qu'elle a pour activité la commercialisation de systèmes d'énergie renouvelable et l'installation de pompe à chaleur et de poêle à granulé, que son code APE correspond à la vente à domicile et qu'aucune convention collective ne lui est applicable.

Le site de présentation de l'entreprise indique que la société est spécialisée notamment dans l'installation, mais également l'entretien et la réparation de poêles à granulés, d'inserts, de chaudières, de ballons thermodynamiques et de pompes à chaleur. La fiche de présentation de l'EPAAST signée par les parties le 24 avril 2018 présente l'entreprise en indiquant qu'elle propose diverses solutions de chauffage, qu'elle est notamment spécialisée dans l'installation mais également l'entretien et la réparation de poêles à granulés, d'inserts, de chaudières, de ballons thermodynamiques et de pompes à chaleur et qu'elle compte trente salariés dont huit techniciens.

L'application d'une convention collective est déterminée en application de l'article L.2261-2 du code du travail par l'activité principale de l'employeur, en l'espèce l'installation des appareils de chauffage que la société Eco-Alternativ commercialise et l'entretien et la réparation de poêles à granulés, d'inserts, de chaudières, de ballons thermodynamiques et de pompes à chaleur. Cette activité relève bien, nonobstant le code APE 4799 A qui figure sur les bulletins de salaire de M. [I] [P] et qui n'est pas à lui seul créateur d'obligations ou exonérateur de l'application des lois, de la convention collective des entreprises d'installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifiques et connexes du 21 janvier 1986.

Selon l'article 17 de la convention collective, qui déroge à l'article L.1234-1 du code du travail, le délai de préavis en cas de licenciement est de deux mois au-delà de six mois et jusqu'à douze mois d'ancienneté, de trois mois au delà de douze mois d'ancienneté. En application de l'article L.5213-9 du code du travail, M. [I] [P] a donc droit au paiement d'un préavis de trois mois, justifiant l'octroi de la somme demandée de 6 400 euros, auxquels s'ajoutent les congés payés afférents pour 640 euros.

Il n'existe aucune contestation sur le montant de l'indemnité de licenciement dont l'intimée ne conteste que le principe. La société Eco-Alternativ sera condamnée à payer à M. [I] [P] la somme de 652,57 euros de ce chef.

En considération de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération brute mensuelle, de son âge et de l'absence de tout justificatif sur son activité professionnelle postérieure à la rupture du contrat de travail, il convient de lui allouer la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au licenciement.

En application de l'article L.1235-2 dernier alinéa du code du travail, le licenciement est survenu en violation des dispositions des articles L.1232-2 et L.1232-6 du code du travail puisque le salarié n'a fait l'objet d'aucune convocation à un entretien préalable et ne s'est pas vu notifier de lettre comportant le motif de son licenciement. Toutefois, une telle irrégularité ne donne lieu à réparation que lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui, en l'espèce, n'est pas le cas.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner à la société Eco-Alternativ de remettre à M. [I] [P] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Il convient de condamner la société Eco-Alternativ à payer à M. [I] [P] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû exposer, tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] [P] de ses demandes au titre du salaire du mois d'août 2018, d'une discrimination, de la nullité et de l'irrégularité du licenciement.

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Eco-Alternativ à payer à M. [I] [P] :

7 020,21 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires

702,02 euros au titre des congés payés y afférents

500 euros à titre d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité.

6 400 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

640 euros au titre des congés payés y afférents

652,57 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

2 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne à la société Eco-Alternativ de remettre à M. [I] [P] un bulletin de salaire conforme à l'arrêt.

Condamne la société Eco-Alternativ à verser à M. [I] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Eco-Alternativ aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier

Valérie DOIZE

Pour le Président empêché

Muriel LE BELEC,

Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 21/00282
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00282 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award