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30/06/2023 | FRANCE | N°21/00025

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 30 juin 2023, 21/00025


ARRÊT DU

30 Juin 2023







N° 983/23



N° RG 21/00025 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TL2N



LB/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

24 Novembre 2020

(RG F17/01596 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 30 Juin 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.R.L. CLOISONOR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine CAMUS DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cécile HULEUX avocat au...

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 983/23

N° RG 21/00025 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TL2N

LB/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

24 Novembre 2020

(RG F17/01596 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. CLOISONOR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine CAMUS DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cécile HULEUX avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Eric DEMEY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Mme [C] [M] épouse [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurence PIPART-LENOIR, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Avril 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 23 Mars 2023

EXPOSE DU LITIGE

La société Cloisonor exerce une activité de Bâtiment Travaux Publics, elle est soumise à la convention collective du bâtiment et emploie une douzaine de salariés.

Mme [C] [M] épouse [I] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée du 8 octobre 2001 en qualité de secrétaire comptable.

Par courrier recommandé daté du 20 avril 2017, Mme [C] [I] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 2 mai 2017 ; elle a été licenciée par courrier du 22 mai 2017 rédigé en ces termes :

«'Au début de ce mois d'avril 2017 ayant relevé des anomalies relatives au montant des débits des cartes gasoil de l'entreprise, je vous demandais à plusieurs reprises de solliciter de la société Total la délivrance d'un relevé détaillé des prestations.

Malgré mon insistance, vous ne vous exécutiez point ce qui ne manqua pas de m'étonner.

Puis dès le 11 avril, vous ne vous présentiez plus à votre poste de travail sans pour autant justifier d'un arrêt maladie.

Nous recevions finalement vos deux premiers arrêts du 11 avril au 18 avril et du 20 avril au 26 avril selon courrier posté le 21 avril 2017.

J'ai donc sollicité de Total l'envoi du relevé détaillé des prestations du mois de mars 2017 et des quinze premiers jours du mois d'avril 2017.

L'examen minutieux de ces relevés m'a permis de constater qu'un doublon de carte gasoil avait été effectué sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 4], et que la carte gasoil attachée au véhicule immatriculé [Immatriculation 3] était également active alors même que ce véhicule ne fait plus partie de la flotte de l'entreprise.

Or, il apparaît que vous avez utilisé à des fins personnelles ces deux cartes qui auraient dû être détruites.

A minima, vous les avez utilisées le 18 mars 2017 à 11 heures 18 à [Localité 5], le 22 mars 2017 à 8 heures 06 à [Localité 5], le 23 mars 2017 à 23 heures 49 à [Localité 5], le 29 mars 2017 à 8 heures 16 à [Localité 5] et le 8 avril 2017 à 13 heures 41 à [Localité 6].

Une plainte pénale a été déposée par nos soins auprès des services de police.

Ces griefs constituent manifestement une faute grave.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise y compris pendant votre préavis.»

Le 9 novembre 2017, Mme [C] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille aux fins principalement de contester la rupture des relations de travail, d'obtenir des indemnités afférentes ainsi que le remboursement d'une indemnité de transport et de frais de déplacement.

Par jugement rendu le 24 novembre 2020, la juridiction prud'homale a :

- dit que le licenciement est dépourvu de tout caractère réel et sérieux,

- condamné la société Cloisonor à payer à Mme [C] [I]':

- 6'440'euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 644'euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 15'115,94'euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 3'220'euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 19'320'euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 500'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la rectification du dernier bulletin de paie et des documents de fin de contrat,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Cloisonor aux dépens.

La société Cloisonor a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 4 janvier 2021.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 23'mars'2023, la société Cloisonor demande à la cour de':

- infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [C] [I] du surplus de ses demandes,

- condamner Mme [I] à lui payer 5000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] au paiement des entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 22 mars 2023, Mme [C] [I] demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner la société Cloisonor à lui payer 4'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Cloisonor aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé du licenciement

La société Cloisonor reproche à sa salariée l'utilisation frauduleuse de deux cartes de carburant Total de la société à des fins personnelles. Elle fait valoir qu'elle s'est rendu compte des agissements de sa salariée après examen approfondi des relevés Total suite à des dépassements du plafond de 2 500 euros mensuel ; conteste avoir donné son assentiment pour que Mme [C] [I] utilise les cartes de carburants concernées et soutient qu'elle ignorait qu'une carte avait été demandée en doublon pour le véhicule immatriculé immatriculé [Immatriculation 4].

Mme [C] [I] conteste le caractère fautif des faits reprochés. Elle admet avoir sollicité une carte de carburant en doublon sur un véhicule de la société et l'avoir utilisée pour payer ses trajets domicile/travail mais indique que son employeur en était informé, ayant donné son accord à cette pratique en suite du changement du lieu de siège social de la société (déménagement à [Localité 7] en 2016). Elle fait valoir qu'il existait un différend antérieur avec son employeur au sujet de la pose de ses congés et que celui-ci n'a pas supporté qu'elle soit placée en arrêt maldie à compter du 11 avril 2017.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l'existence d'une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise.

Devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part, d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part, de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

Enfin, la sanction doit être proportionnée à la faute et tenir compte du contexte dans lequel les faits ont été commis, de l'ancienneté du salarié et des conséquences des agissements incriminés

En l'espèce, la lettre de licenciement énonce comme motif du licenciement l'utilisation frauduleuse par Mme [I], secrétaire comptable de la société, de deux cartes de carburant Total de la société :

- l'une affectée à un véhicule immatriculé [Immatriculation 3] qui ne faisait plus partie de la flotte de l'entreprise (comme ayant été vendu à une autre société),

- l'autre affectée en doublon à un véhicule immatriculé [Immatriculation 4].

La société Cloisonor a déposé plainte pour ces faits le 20 avril 2017. Cette plainte a été classée sans suite pour absence d'infraction.

Mme [I] a admis auprès des services enquêteurs avoir utilisé une carte de carburant de la société mais a invoqué une tolérance de l'employeur qui en était parfaitement informé.

L'utilisation par Mme [I] de la carte affectée au véhicule immatriculé [Immatriculation 3] qui avait été cédé à une autre sociéte en 2014 n'est établie par aucun élément du dossier.

Ainsi , seule l'utilisation par Mme [I] de la carte affectée à un véhicule immatriculé DR 680 LVest avérée (vidéo-surveillance).

Cette carte existait en doublon avec une autre carte sur ce véhicule .

Si l'employeur invoque une découverte des faits frauduleux au début du mois d'avril 2017, force est de constater que la carte litigieuse avait été commandée dès 2015 par Mme [I] et utilisée régulièrement en 2016 et 2017 ; que l'employeur recevait deux fois par mois un relevé de la société Total, sachant que la flotte de la société était composée de seulement 10 véhicules ce qui rendait les vérifications régulières aisées.

La société Cloisonor n'apporte en outre aucun élément objectif quant à la détermination des règles encadrant l'usage des cartes de carburant par les salariés (aucune note de service) et ne verse aux débats aucun listing précis des cartes et de leur affectation, étant observé que toutes étaient utilisées au moyen de codes confidentiels.

Ainsi, il existe un doute quant au fait que l'utilisation par Mme [I] de la carte en doublon sur le véhicule immatriculé [Immatriculation 4] revêtait un caractère frauduleux.

C'est donc de manière justifiée que le conseil de prud'homme a dit que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes, tenant compte de l'ancienneté et du salaire de Mme [I], lui a alloué 6'440'euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 644'euros bruts au titre des congés payés afférents et 15'115,94'euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Concernant les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'article L.1235-3 dans sa rédaction applicable prévoit que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, à défaut de réintégration, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'ancienneté de Mme [I] (plus de 16 ans), de son salaire mensuel (3 220 euros brut), de son âge au moment du licenciement (50 ans) et de ses possibilité de retrouver un emploi de qualification équivalente, c'est par une juste appréciation que le conseil de prud'hommes lui a alloué la somme de 19 320 euros en réparation du préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point, conformément à la demande de la salariée.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, aucune indemnité pour irrégularité de la procédure ne peut être accordée à Mme [I], conformément à l'article L.1235-2 du code du travail.

Partant, par infirmation du jugement entrepris, Mme [I] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dispositions du jugement de première instance relatives au sort des dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

La société Cloisonor sera condamnée au dépens de l'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Mme [I] la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 24 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Lille sauf en ce qu'il a alloué à Mme [I] une indemnité pour irrégularité de procédure,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Mme [I] née [M] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

CONDAMNE la société Cloisonor aux dépens de l'appel ;

CONDAMNE la société Cloisonor à payer à Mme [I] née [M] la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 2
Numéro d'arrêt : 21/00025
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.00025 ?
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