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29/06/2023 | FRANCE | N°22/01227

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 29 juin 2023, 22/01227


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 29/06/2023



****



N° de MINUTE : 23/235

N° RG 22/01227 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFCP



Jugement (N° 21/00412) rendu le 18 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe





APPELANT



Monsieur [B] [H] majeur placé sous curatelle renforcée, assisté de Monsieur [S] [E] pris en sa qualité de curateur de Monsieur [B] [H], désigné à cette fonction par jugement d

u tribunal d'instance de Maubeuge en date du 23 juillet 2019

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 13])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]


...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 29/06/2023

****

N° de MINUTE : 23/235

N° RG 22/01227 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFCP

Jugement (N° 21/00412) rendu le 18 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe

APPELANT

Monsieur [B] [H] majeur placé sous curatelle renforcée, assisté de Monsieur [S] [E] pris en sa qualité de curateur de Monsieur [B] [H], désigné à cette fonction par jugement du tribunal d'instance de Maubeuge en date du 23 juillet 2019

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 13])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Frédérique Sedlak, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [N] [O]

née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

SA BPCE IARD

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentées par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Hainaut, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 9 mai 2022 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 12 avril 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU :27 mars 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [B] [H] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par Mme [N] [O] et assuré par la BPCE survenu le 12 janvier 2018.

Une expertise amiable a été organisée par l'assureur au cours de laquelle le docteur [I] s'est adjoint un sapiteur en la personne du docteur [T], psychiatre.

Aux termes de son rapport définitif du 14 mai 2020, l'expert a conclu aux éléments suivants :

- hospitalisations :

o du 12 janvier 2018 au 26 février 2018 au CHRU de [Localité 12].

o du 26 février 2018 au 25 juin 2018 au centre de rééducation [11].

- gêne temporaire totale : du 12 janvier 2018 au 18 mai 2018.

- gêne temporaire partielle :

- de classe IV du 19 mai 2018 au 25 juin 2018.

- de classe III du 26 juin 2018 au 23 juillet 2018.

- de classe II du 24 juillet 2018 au 1er août 2019

- date de consolidation : 2 août 2018

- AIPP : 20 %.

- souffrances endurées : 5ème terme de l'échelle de 7.

- préjudice esthétique : 2ème terme de l'échelle de 7.

- retentissement professionnel : présent et détaillé dans la discussion.

- préjudice d'agrément : perte des capacités de pratique du vélo et du scooter.

- préjudice sexuel : présent, décrit dans la discussion.

- aides humaines : 3 heures par semaine

Par jugement du 23 juillet 2019, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Maubeuge a prononcé une mesure de curatelle renforcée à l'égard de M. [B] [H] pour une durée de 60 mois et a désigné M. [S] [E] en qualité de curateur.

Par acte du 26 février 2021, M. [H], assisté de son curateur, a saisi le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe aux fins de voir liquider son préjudice corporel.

Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe a :

1) constaté que M. [B] [H] ne formule aucune demande des dépenses de santé actuelles,

2) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 4125 euros au titre des frais de médecin conseil,

3) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 33,70 euros au titre des frais de dossier médical,

4) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 4935 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation,

5) condamné Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 2489,15 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

6) constaté que Monsieur [B] [H] ne formule aucune demande au titre des dépenses de santé futures,

7) condamné Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 332 150,86 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

8) condamné Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

9) condamné Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 97 903,72 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente,

10) condamné Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 7 890 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

11) condamné Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 35 000 euros au titre des souffrances endurées,

12) débouté Monsieur [B] [H] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire,

13) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 56 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent,

14) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 3 000 euros pour le préjudice sexuel,

15) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 2 000 euros pour le préjudice esthétique permanent,

16) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 1000 euros au titre du préjudice d'agrément,

17) ordonné la capitalisation des intérêts au double du taux légal pour la période du 13 septembre 2018 au 14 avril 2021,

18) dit que le recours de la caisse s'exercera dans les conditions de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale,

19) dit qu'il conviendra de déduire du préjudice personnel de la victime, la provision d'ores et déjà versée à M. [B] [H] pour la somme de 50 000 euros,

20) condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

21) condamné solidairement Mme [N] [O] et sa compagnie d'assurances BPCE IARD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frédérique Sedlak, avocat aux offres de droit .

Par déclaration du 11 mars 2022, M. [H] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux chefs du dispositif numérotés 4, 8, 9, 12, 13, 14 et 16 ci-dessus.

Aux termes de ses conclusions n°2 notifiées le 19 janvier 2023, M. [B] [H], assisté de son curateur, demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances et de l'article 1343-2 du code civil, de

- infirmer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe le 18 janvier 2022 en ce qu'il a :

. condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 4935 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation,

. condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

. condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 97 903,72 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente,

. débouté Monsieur [B] [H] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire,

. condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 56 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent,

. condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 3 000 euros pour le préjudice sexuel,

. condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 2 000 euros pour le préjudice esthétique permanent,

. ordonné la capitalisation des intérêts au double du taux légal pour la période du 13 septembre 2018 au 14 avril 2021,

Et statuant à nouveau,

- Condamner Mme [N] [O] et sa compagnie d'assurances BPCE IARD à payer solidairement entre eux à M. [B] [H] les sommes suivantes :

*Tierce personne avant consolidation du 02 août 2019 : 8 003, 60 Euros

*Incidence Professionnelle : 384 912, 80 Euros

Se décomposant comme suit :

Préjudice de carrière = 55 987, 86 Euros

Préjudice lié à l'état d'inactivité totale = 100 000 euros

Evaluation perte droit à retraite = 228 924, 94 euros

*Tierce personne après consolidation du 02 août 2019 / 206 453, 47 euros

Se décomposant comme suit :

TP échue au 02/05/2023 = 16 474, 28 euros

TP à échoir = 189 979, 19 Euros

*préjudice Esthétique Temporaire : 3 000 euros

*déficit fonctionnel permanent : 84 000 euros

* préjudice sexuel :15 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 5 000 euros

- condamner la BPCE IARD au doublement du taux de l'intérêt légal à compter du 13 septembre 2018 et jusqu'au prononcé de la décision définitive,

- ordonner la capitalisation du doublement des intérêts

Y ajoutant,

- condamner solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Frédérique SEDLAK, avocat aux offres de droit.

Au soutien de ses demandes, M. [H] fait valoir que :

- le premier juge a fait à juste titre application du barème de capitalisation 2020 qui permet de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire et qui est conforme au principe de réparation intégrale

- sur l'assistance par tierce personne temporaire : le tribunal a retenu à tort un taux horaire de 15 euros en considération de l'absence de production de factures d'emploi d'une aide ménagère et du fait qu'il avait eu recours à une assistance familiale alors que l'indemnité allouée à ce titre ne peut être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses effectives, peu importe que l'aide soit familiale.

- s'agissant de l'incidence professionnelle : le premier juge a à tort indemnisé ce préjudice en considération de la seule dévalorisation sur le marché du travail alors qu'il subit un préjudice de carrière et un préjudice lié à l'état d'inactivité totale, ayant été licencié pour inaptitude le 18 septembre 2020 et n'ayant aucun diplôme scolaire.

* son préjudice de carrière doit être calculé sur la base de 2 000 euros par mois (soit 24 000 euros par an) dont il convient de déduire le revenu au titre des pertes de gains professionnels futurs ( 20 799,54 euros) et d'affecter à cette somme (3 200,46 euros) un taux de perte de chance de 90 % , soit 2 880,41 euros par an de sorte que le préjudice échu représente 10 801,54 euros à capitaliser selon le taux de rente de 19. 815, soit la somme totale de 55 987,86 euros

* le préjudice lié à l'inactivité totale évalué à 100 000 euros répare son exclusion du monde du travail

* la perte de droit à la retraite doit être évaluée en capitalisant les revenus de façon viagère en extrayant du résultat obtenu une pension de l'ordre du quart, les 3/4 restant ayant été sollicités au titre des pertes des gains professionnels futurs, ce sur la base de la perte annuelle évaluée à 20 799,54 euros, et du prix de l'euro de rente viager de 40,275.

- le besoin en tierce personne permanente doit être évalué sur la base d'un taux horaire de 24,82 euros pour les arrérages échus et un taux horaire de 26,65 euros pour ceux à échoir pour tenir compte de l'augmentation des tarifs

- le préjudice esthétique temporaire, qui constitue un préjudice autonome, doit être indemnisé quand bien même l'expert n'a retenu qu'un préjudice esthétique permanent

- le déficit fonctionnel permanent doit tenir compte des souffrances endurées post consolidation, et notamment des souffrances psychologiques résultant de son licenciement pour inaptitude et de la rupture de ses liens avec ses collègues de travail et son employeur de sorte que le taux sera porté à 30 % au lieu de 20 %

- le préjudice sexuel doit être réévalué pour tenir compte des analyses de l'expert

- l'indemnité au titre du préjudice esthétique permanent doit être portée à 5 000 euros compte tenu de son évaluation par l'expert à 2/7

- s'agissant de la sanction du doublement des intérêts, l'offre d'indemnisation devait intervenir au plus tard le 12 septembre 2018 et la BPCE n'a formulé aucune offre provisionnelle dans ce délai de même qu'elle n'a formulé aucune proposition dans le délai de 5 mois à compter de la connaissance de la date de consolidation, une offre n'étant intervenue que le 14 avril 2021, soit deux mois après l'assignation de sorte que le doublement des intérêts doit s'appliquer du 13 septembre 2018 jusqu'à la date de la décision et non jusqu'au 14 avril 2021 comme l'a jugé le tribunal. En outre, l'offre du 14 avril 2021 comporte des réserves sur plusieurs postes de préjudice de sorte que cette offre était incomplète équivalente à une absence d'offre.

Aux termes de ses conclusions d'intimé n°2 notifiées le 24 février 2023, la société BPCE Iard demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les postes de préjudice suivants :

*assistance par tierce personne temporaire

*incidence professionnellement

*assistance par tierce personne permanente

*préjudice esthétique temporaire

*déficit fonctionnel permanente

*préjudice esthétique permanente

- confirmer le jugement en ce qui concerne le doublement des intérêts au taux légal

- débouter M. [H] du surplus de ses demandes

- ramener à de plus justes proportions la somme qui lui sera allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La société BCPE soutient que :

- le barème de capitalisation du BCRIV 2023 doit être appliqué dès lors qu'il reflète au mieux la situation de la victime au regard de son âge et de la durée réelle de ses besoins futurs.

- le besoin en tierce personne temporaire doit être évalué en fonction des besoins réels de la victime et du coût réel de chaque type de prestation d'assistance. Or, M. [H] n'a eu recours à aucune forme d'assistance rémunérée, ayant fait appel à ses proches de sorte que le coût horaire doit être fixé à 15 euros

- le préjudice de carrière ne saurait reposer sur un salaire hypothétique et son inaptitude alléguée à toute activité professionnelle n'est pas démontrée alors qu'il n'a entrepris aucune démarche lui permettant de trouver une nouvelle activité encadrée pour tenir compte de ses limitations.

- l'évaluation de la perte des droits à la retraite repose sur une méthode de calcul erronée.

- le seul aspect de l'incidence professionnelle indemnisable correspond à la dévalorisation sur la marché du travail

- l'assistance par tierce personne viagère ne peut être évalué sur la base d'un taux horaire appliqué par des professionnels de santé s'il n'est pas établi que la victime en a eu recours alors en outre que pour les actes de la vie quotidienne, M, [H] reste autonome de sorte que le taux horaire de 16 euros retenu par le premier juge doit être confirmé. A défaut, il sera fait application du BCRIV 2023.

- le préjudice esthétique temporaire n'a pas été retenu par l'expert

- l'évaluation du déficit fonctionnel permanent doit être confirmé. A défaut, il sera indemnisé à hauteur de 42 000 euros sur la base de 2.245 euros par point de DFP dont il conviendra de déduire la créance de la CPAM.

- le préjudice sexuel résulte de troubles de la libido et érectiles en lien avec la situation dépressive de la victime

- l'indemnité allouée au titre du préjudice esthétique permanent doit être confirmée

- le point de départ du doublement des intérêts au taux légal fixé par le premier juge au 13 septembre 2018, date de l'expiration du délai de 8 mois suivant l'offre d'indemnisation, doit être confirmé dans la mesure la victime n'a complété la fiche de renseignement que le 26 octobre 2018 soit 9 mois après l'accident.

Régulièrement intimée en appel, la CPAM du Hainaut, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle que :

- le droit à indemnisation de M. [H] par le conducteur du véhicule, Mme [O], et son assureur, la société BPCE n'est pas contesté

- M. [H] a reçu une provision de 50 000 euros le 19 décembre 2019

- les parties ne contestent pas les postes de préjudices suivants :

*dépenses de santé actuelles

*pertes de gains professionnels actuels

*dépenses de santé futures

*pertes de gains professionnels futurs

*déficit fonctionnel temporaires

*souffrances endurées

* préjudice d'agrément

Sur le barème de capitalisation applicable

Il est rappelé que la cour dispose de la faculté de choisir le barème de son choix pour procéder à l'évaluation des préjudices susceptibles de capitalisation.

Le barème Gazette du Palais utilise des tables de mortalité récentes et actualisées tous les 2 ans tandis que le BCRIV utilise les tables de mortalité de l'INSEE 2010-2012 et est donc plus défavorable aux victimes.

La table de capitalisation éditée en 2022 par la Gazette du palais qui repose sur une table de mortalité définitive publiée par l'INSEE 2017-2019 France entière et un taux d'intérêt fixé à 0 % sera donc retenue, cette table étant établie à partir de données démographiques récemment publiées par l'INSEE et prenant en compte des données économiques actualisées et objectives concernant le rendement des placements et l'inflation qui affecte ce rendement.

Sur les préjudices patrimoniaux

Sur la tierce personne temporaire

Le premier juge a fixé ce poste à la somme de 4 935 euros.

M. [H] réclame une indemnisation de 8 003,60 euros sur la base du devis de la société Freedom du 1er juillet 2021.

La BCPE demande la confirmation du jugement dont appel sur la base du taux horaire de 15 euros retenu par le premier juge.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

Dans leur rapport d'expertise du 14 mai 2020, les docteurs [I] et [M] retiennent une gêne temporaire partielle de classe IV du 19 mai au 18 juin 2018, de classe III du 26 juin au 23 juillet 2018 et de classe II du 24 juillet 2018 au 1er août 2019 sans préciser la nature et le quantum des besoins de la victime.

M. [H] produit un devis de la société Freedom du 1er juillet 2021 sur la base d'un besoin de 3 heures par jour pour la première période, de 2 heures par jour pour la seconde période et de 3 heures par semaine pour la troisième période.

Une telle évaluation du besoin en tierce personne de M. [H] n'est pas contestée dans son quantum.

Il convient d'évaluer ce poste de préjudice pour une aide active sur une base horaire de 20 euros incluant les charges sociales et congés payés et de calculer ainsi le besoin en aide humaine :

38 jours x 3 h x 20 euros = 2 280 euros

28 jours x 2 h x 20 euros = 1 120 euros

53 semaines x 3 h x 20 euros = 3 180 euros

soit un total de 6 580 euros.

La cour fixe donc le préjudice de M. [H] à la somme de 6 580 euros réparant son besoin temporaire en aide humaine.

Le jugement querellé sera donc infirmé de ce chef.

Sur l'incidence professionnelle

Le premier juge a accordé à M. [H] une indemnisation de 50 000 euros réparant l'incidence professionnelle au regard de la seule dévalorisation sur le marché du travail.

La victime réclame une indemnisation de 384 912,80 euros au titre de l'incidence professionnelle caractérisée par un préjudice de carrière, un préjudice lié à l'état d'inactivité totale et une perte de droits à la retraite.

Sur ce, l'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste, même en, l'absence de perte immédiate de revenus. Il comprend également la perte de droits à la retraite, ou encore les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste. Il inclut enfin le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

La cour apprécie l'indemnisation de ce poste au regard des éléments établis par la victime, et prend en compte la situation réelle de la victime pour réparer spécifiquement et intégralement le préjudice initial subi dans une appréciation concrète des éléments de preuve.

Dans leur rapport du 14 mai 2020, les docteurs [I] et [M], décrivant les séquelles présentées par la victime, font état de la persistance d'un abaissement au niveau du moignon de l'épaule droite avec une discrète limitation de l'amplitude dans la rotation interne de l'articulation scapulo-humérale, de douleurs dans la région costale et de douleurs lombaires ainsi qu'une fatigabilité au cours de la marche qui est limitée à une heure, de douleurs dans la mobilisation du rachis lombaire, d'une petite majoration de la dyspnée chez la victime, tabagique, qui présente un asthme, de la persistance de phénomènes douloureux au niveau de la hanche gauche gênant certaines postures telles que l'accroupissement ou l'agenouillement et sur le plan cognitif, la majoration des difficultés de mémorisation.

Elles considèrent que la victime sera inapte au poste qu'elle occupait antérieurement. Elles précisent qu'un reclassement professionnel risque d'être difficile dès lors que la victime présentait avant l'accident des difficultés d'ordre intellectuel, qu'un travail physique ne sera pas envisageable en raison de ses difficultés aux activités debout prolongé, activités penché en avant, au port de charges, à la manutention et aux déplacements prolongés. Elles concluent que seul un poste sédentaire assis et sur une activité extrêmement simple et routinière est envisageable.

A l'issue de la période de suspension de son contrat de travail, le 2 septembre 2020, le médecin du travail a déclaré M. [H] définitivement inapte au poste d'agent de propreté qu'il occupait au sein de la société Flamme Environnement qui, après avoir précisé l'impossibilité de tout reclassement en interne, a procédé à son licenciement pour inaptitude le 18 septembre 2020.

Par ailleurs, M. [T], psychiatre, indique, dans son rapport du 30 novembre 2019, que M. [H] présentait avant l'accident une vulnérabilité et des difficultés d'insertion. Il rappelle que celui-ci décrit son activité professionnelle comme fondamentale dans sa vie permettant une reconnaissance sociale, une meilleure estime de lui et une insertion dans le contexte d'une enfance et d'une adolescence chaotique. M. [T] précise que de ce fait la perte d'emploi est lourde de conséquence sur le plan de la vie de M. [H] même si sa vulnérabilité et ses difficultés d'insertion sont antérieurs à l'accident.

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que M. [H] subit une dévalorisation sur le marché du travail dès lors que la reprise d'une activité professionnelle s'avère compromise compte tenu de ses séquelles qui empêchent tout travail physique mais ne le prive pas de la possibilité d'exercer un emploi sédentaire assis dans le cadre d'une activité simple et routinière alors en outre qu'il présentait avant l'accident des difficultés d'ordre intellectuel.

Par ailleurs, si la cour observe que M. [H] ne produit pas le montant prévisible de sa retraite, notamment par un relevé de carrière, les périodes pendant lesquelles un assuré bénéficie d'indemnités journalières et d'une pension d'invalidité sont prises en considération en vue de l'ouverture du droit à pension de retraite. En effet, les périodes trimestrielles de maladie indemnisées, c'est-à-dire celles au titre desquelles M. [H] a perçu des indemnités journalières ou une échéance du paiement des arrérages de sa pension d'invalidité de la part de la sécurité sociale, sont assimilées à des périodes de cotisations en application de l'article R. 351-12, 1° et 3° du code de la sécurité sociale ; ces périodes d'incapacité de travail sont dès lors comptabilisées, d'une part, pour le calcul des trimestres requis dans le régime de retraite de base géré par sécurité sociale et d'autre part, pour le calcul des points dans le régime complémentaire Agirc-Arrco.

Il en résulte que sur les périodes du 13 janvier 2018 au 23 août 2020 et du 24 août 2020 au 18 novembre 2020, M. [H] ne justifie aucune perte de droit à la retraite.

Enfin, compte tenu des difficultés initiales d'insertion professionnelle de la victime qui n'a par ailleurs aucun diplôme, le préjudice résultant de la perte de chance d'évolution de carrière n'est pas établi.

En conséquence, compte tenu de l'âge de la victime (44 ans à la consolidation le 2 août 2018), de l'âge prévisible de départ à la retraite (64 ans), des séquelles relevées initialement par l'expert, et de l'ensemble des considérations sus-énoncées, le préjudice de M. [H] au titre de l'incidence professionnelle sera exactement fixé à la somme de 50 000 euros.

Il est rappelé que le premier juge, ayant fixé la perte de gains professionnels futurs à la somme de 332 150,86 euros, poste de préjudice non contesté, a d'ores et déjà déduit le montant du capital constitutif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité (86 106,65 euros) et le montant des arrérages échus (20 658,06 euros) versées par la CPAM et qu'il n'est justifié d'aucun reliquat qui n'aurait pas été imputé au titre des pertes de gains professionnels futurs.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'assistance permanente par une tierce personne

Le premier juge a alloué à M. [H] la somme de 97 903,72 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne.

M. [H] demande une indemnisation de 206 453,47 euros à ce titre.

Sur ce, le poste assistance tierce personne comprend les dépenses liées à la réduction d'autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l'assistance d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

L'indemnisation de ce poste de préjudice n'est pas subordonnée à la production de justificatifs, notamment concernant le paiement effectif des charges sociales afférentes.

Il n'est en outre pas besoin de rapporter la preuve du paiement, ni de la tierce personne, ni des charges sociales y afférentes pour obtenir le règlement de la prestation.

Dans leur rapport du 14 mai 2020, les docteurs [I]- [M] retiennent qu'il sera nécessaire d'encadrer M. [H] pour le port de charges lourdes, les travaux lourds et les déplacements à distance à raison de 3 heures par semaine.

- sur l'assistance par tierce-personne échue : jusqu'au présent arrêt :

L'assistance par tierce-personne échue vise la période de la date de consolidation (2 août 2018) à la date du présent arrêt (29 juin 2023).

Sur une base horaire de 20 euros, il convient d'évaluer le besoin en assistance tierce personne définitive à la somme de :

20 euros X 3 heures X 256 semaines = 15 360 euros

- sur l'assistance par tierce-personne à échoir : au-delà du présent arrêt :

Il convient de capitaliser le coût annuel de la tierce personne future en le multipliant par l'euro de rente viagère correspondant au sexe et à l'âge de la victime au 30 juin 2023 (48 ans), soit :

(20 euros X 59 semaines X 2 heures) X 33.002 = 77 884,72 euros

Le montant total de l'assistance tierce personne définitive, tant passée que future, s'élève ainsi à 94 444,72 euros.

Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.

Sur les préjudices extra patrimoniaux

Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a débouté M. [H] à ce titre.

Celui-ci réclame une indemnisation de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

La BPCE sollicite la confirmation de ce chef.

Sur ce, il s'agit d'indemniser pendant la maladie traumatique, et notamment pendant les hospitalisations, une altération de l'apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

Il ressort du rapport des docteurs [I] et [M] que M. [H] a présenté une nécrose de la cicatrice au niveau de la face interne de la jambe gauche de sorte qu'il a subi une greffe de peau et qu'il avait recours à une canne pour ses déplacements.

En raison du port de pansements et de l'utilisation d'une canne pendant la maladie traumatique, le préjudice esthétique temporaire de M. [H] sera indemnisé à hauteur de la somme de 500 euros.

Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a accordé en réparation du déficit fonctionnel permanent une somme de 56 000 euros qui est contestée par les parties.

Sur ce, il s'agit d'indemniser le préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, alors que son état n'est plus susceptible d'amélioration par un traitement médical adapté.

Les docteurs [I] et [M] évaluent le déficit fonctionnel permanent à un taux de 20 %, qui prend en compte les séquelles douloureuses concernant l'articulation scapulo-humérale, la région thoracique au niveau costal, la hanche gauche, la région lombaire, la limitation d'amplitude dans la rotation interne de l'articulation scapulo-humérale droite, la discrète limitation d'amplitude au niveau de l'articulation coxo-fémorale gauche, les troubles sensitifs au niveau du mollet gauche, les difficultés d'ordre neurocognitifs, les difficultés d'ordre psychologique et les quelques troubles respiratoires résiduels

Contrairement à la demande de la BCPE, la cour juge que la rente accident du travail n'indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, et ne peut donc s'imputer sur ce poste.

Par ailleurs, les souffrances psychologiques invoquées par M. [H] liées à la perte de son emploi ont été prises en compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel permanent dès lors que les experts ont repris les éléments de l'expertise psychiatrique diligentée par M. [T] qui au demeurant a retenu une autodépréciation en lien avec la perte de son emploi et de l'insertion corrélative ainsi qu'un tableau dépressif désormais guéri.

Au regard du taux fixé par l'expert et de l'âge de la victime, une indemnisation à hauteur de 2 245 du point sera retenue en sorte que le préjudice subi par M. [H] sur ce poste sera évalué à la somme de 44 900 euros.

Le jugement critiqué sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice esthétique permanent

Le premier juge a fixé l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 2 000 euros.

La victime réclame une somme de 5 000 euros sans justification.

La BCPE sollicite la confirmation sur ce point.

Sur ce, il s'agit d'indemniser l'altération définitive de l'apparence physique de la victime.

Les experts retiennent un préjudice esthétique permanent qu'ils quantifient à 2 sur une échelle de 7, caractérisé par la présence de plusieurs cicatrices.

Au regard des constatations des experts et de l'âge à la consolidation, le montant du préjudice esthétique permanent a été exactement évalué à la somme de 2 000 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a alloué la somme de 3 000 euros au titre du préjudice sexuel.

La victime réclame une indemnisation de 15 000 euros.

La BCPE sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

Sur ce, ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

Le rapport d'expertise établit l'existence de troubles de la libido et de l'érection chez la victime, qui sont imputables à sa situation dépressive en lien avec la perte d'activité professionnelle.

Alors qu'un tel poste n'a pas déjà été indemnisé au titre de l'incidence professionnelle, la cour approuve le premier juge qui a réparé ce poste de préjudice à hauteur de la somme de 3 000 euros en considération des troubles érectiles et de la libido consécutifs à l'accident.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Il résulte de l'article L. 211-9 du code des assurances :

- tout d'abord, que quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée ; lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande,

- ensuite, qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; en cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son

conjoint ; l'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable,

- enfin, que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

Il résulte également de l'article L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Il ressort de la combinaison de ces textes que :

- la circonstance qu'une instance oppose la victime à la personne tenue à réparation et à son assureur n'exonère pas ce dernier de son obligation de présenter une offre d'indemnité dans le délai imparti par l'article L. 211-9 du code des assurances, sous la sanction prévue par l'article L. 211-13 du même code, de sorte que l'introduction d'une procédure à l'initiative de la victime ne dispense pas l'assureur de faire, dans le délai requis, l'offre imposée par l'article L. 211-9 ;

- le paiement d'une provision en exécution d'une décision de justice n'exonère pas l'assureur de son obligation de présenter une offre ;

- en cas de contestation de la responsabilité, l'assureur n'est pas dispensé de faire une offre dans les délais fixés par l'article L. 211-9 ;

- la sanction prévue par l'article L. 211-13 s'applique sans distinction, selon ce texte, en cas de non-respect des délais fixés par l'article L. 211-9.

=$gt; Sur le point de départ des intérêts au double du taux légal

Il est constant que la BPCE a formulé une offre d'indemnisation provisionnelle le 4 décembre 2018 à hauteur de la somme de 50 000 euros, soit plus de huit mois après l'accident survenu le 12 janvier 2018.

Si M. [H] n'est pas resté sans provision, cela ne dispensait pas l'assureur, en l'absence de connaissance de la date de consolidation de la victime dans les trois mois de l'accident, de respecter son obligation de formuler une offre provisionnelle dans le délai de huit mois à compter de l'accident, soit avant le 12 septembre 2018.

Il s'ensuit que l'accident de la circulation s'étant produit le 12 janvier 2018, l'indemnité allouée produira, conformément à la demande, intérêts au double du taux légal à compter du 13 septembre 2018.

=$gt; Sur le point d'arrivée des intérêts au double du taux légal

S'agissant du point d'arrivée des intérêts au double du taux légal, il ressort de la combinaison des articles L. 211-9 et L. 211-13 que, d'une part, une offre d'indemnisation définitive doit être formulée dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation de la victime, d'autre part qu'une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d'offre et enfin, qu'une offre incomplète, qui ne comprend pas tous les éléments indemnisables du préjudice, équivaut à une absence d'offre.

En l'espèce, la BCPE ne conteste pas que le rapport d'expertise, qui a fixé la date de consolidation au 2 août 2019, porte la date du 14 mai 2021 à laquelle il en a eu connaissance.

Il s'ensuit que l'assureur devait formuler une offre dans le délai de 5 mois prévu par l'article L. 211-9, soit avant le 14 octobre 2021.

Il n'est pas contesté que la BPCE a formulé une offre d'indemnisation définitive par lettre recommandée avec accusé de réception au 14 avril 2021, soit dans le délai de cinq mois après la connaissance de la date de consolidation de la victime.

Cette offre d'indemnisation d'un montant global de 67 744,87 euros, après déduction de la provision et des créances du tiers payeur, proposée le 14 avril 2021 sur les bases du rapport des docteurs [I] et [M] du 14 mai 2020, comprend des éléments indemnisables du préjudice tel que retenus par ces derniers, hormis les dépenses de santé actuelles, les frais d'assistance par tierce personne temporaire, la perte de gains professionnels actuels la perte de gains professionnels futurs et le préjudice d'agrément, qui sont réservés, par l'assureur, en attente de justificatifs, ainsi qu'une offre d'indemnisation des autres postes de préjudices retenus par les experts qui n'est manifestement pas insuffisante eu égard à l'indemnisation arbitrée par la cour.

En outre, l'assureur, qui a pris connaissance de l'accident dont M. [H] a été victime, a effectué les démarches auprès de la victime pour solliciter des justificatifs puisque, par courrier recommandé avec avis de réception du 26 octobre 2018, il lui a adressé une notice d'information lui indiquant ses droits et obligations relativement à la loi du 5 juillet 1985 et une fiche de renseignements à retourner complétée.

Dans ces conditions, la proposition de la BPCE du 14 avril 2021 est de nature à interrompre le cours de la pénalité.

Il s'ensuit que la sanction du doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera à compter du 13 septembre 2018 jusqu'au14 avril 2021

=$gt; Sur l'assiette du doublement de l'intérêt légal

En cas d'offre d'indemnisation de l'assureur, l'assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l'assureur, de sorte que la sanction prévue par l'article L. 211-13 a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l'assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

En conséquence, au vu de l'offre notifiée le 14 avril 2021 et des débours définitifs de la CPAM retenus par le premier juge et non contestés, le doublement des intérêts au taux légal s'appliquera sur la somme de 117 744,87 euros.

Le jugement querellé sera donc confirmé sauf à ajouter que les intérêts au double du taux légal portera sur la somme de 117 744,87 euros.

Sur la capitalisation des intérêts échus pour une année entière

L'article 1343-2 du code civil qui dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise, n'impose pas au créancier de formuler une demande d'anatocisme pour faire courir le délai d'un an.

Si la demande en justice n'est plus une condition d'application de l'anatocisme judiciaire, le cours des intérêts constitue toutefois la condition préalable d'une telle capitalisation annuelle.

En application de l'article 1231-7 alinéa 2 du code civile, dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, en cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

Il en résulte que la capitalisation annuelle des intérêts court à compter du jugement critiqué.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La BPCE qui succombe est condamnée aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de condamner la BPCE à payer à M. [H] la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions critiquées le jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Avesnes-Sur-Helpe, sauf en ce qu'il a :

- condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 4935 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation,

- condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 97 903,72 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente,

- condamné solidairement Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H] la somme de 56 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent,

- débouté M. [B] [H] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire,

L'infirme de ces chefs ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H], assisté de son curateur, M [S] [E], la somme de 6 580 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation,

Condamne in solidum Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H], assisté de son curateur, M [S] [E], la somme de 94 444,72 euros au titre de l'assistance par tierce-personne permanente,

Condamne in solidum Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H], assisté de son curateur, M. [S] [E], la somme de 44 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

Condamne in solidum Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H], assisté de son curateur, M. [S] [E], la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

Condamne in solidum Mme [N] [O] et la BPCE IARD à payer à M. [B] [H], assisté de son curateur, M [S] [E], les intérêts au double du taux légal sur la somme de 117 744,87 euros du 13 septembre 2018 au 14 avril 2021,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts à compter du 18 janvier 2022

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions,

Condamne la BPCE IARD aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

La condamne en outre à payer à M. [B] [H], assisté de son curateur, M [S] [E], la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

[D] [R]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01227
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.01227 ?
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