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15/06/2023 | FRANCE | N°22/03861

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 15 juin 2023, 22/03861


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 15/06/2023





****





N° de MINUTE : 23/208

N° RG 22/03861 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UN6M



Décision (N° 19/02780) rendue le 30 Septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille





APPELANTS



Monsieur [Z] [S]

né le 10 Août 1997

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Madame [Y] [S]



de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Monsieur [V] [S]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentés par Me Alain-François Deramaut, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 15/06/2023

****

N° de MINUTE : 23/208

N° RG 22/03861 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UN6M

Décision (N° 19/02780) rendue le 30 Septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [Z] [S]

né le 10 Août 1997

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [Y] [S]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [V] [S]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Alain-François Deramaut, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole du Nord Est, agissant par la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Coralie Flores, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 06 avril 2023 tenue par Guillaume Salomon et Yasmine Belkaid, magistrats chargés d'instruire le dossier qui, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Yasmina Belkaid, conseiller

Claire Bertin, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2023

***

Le 17 septembre 2011, M. [Z] [S], assuré auprès de la société Groupama Nord Est au titre d'un contrat de garantie des accidents de la vie, a été victime de plusieurs chutes, à l'occasion d'un match de basket.

Souffrant de douleurs importantes, M. [Z] [S] a alors consulté un médecin traumatologue, qui a notamment constaté un décollement débutant du noyau d'ossification au niveau de l'épine iliaque antéroinférieure droite au niveau de l'insertion du droit antérieur.

Il a ensuite été hospitalisé du 17 janvier au 18 février 2012 et du 26 mars 2012 au 20 avril 2012 à l'Institut Calot à [Localité 3] où il a été diagnostiqué un algodystrophie ou syndrome douloureux régional complexe de type I ayant nécessité un traitement infiltratif puis un traitement de neurostimulation électrique externe.

Par une ordonnance rendue le 14 octobre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a ordonné une expertise médicale qu'il a confiée à M. [T].

Celui-ci a déposé son rapport le 24 mai 2016, fixant la date de consolidation au 5 janvier 2015 et évaluant les préjudices de M. [S] comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire total du 17 janvier au 18 février 2012, du 26 mars au 20 avril 2012, le 20 août 2012, du 28 au 31 août 2012, le 28 février 2013 et du 15 au 22 mars 2013

- Déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25%) o Du 17 septembre 2011 au 16 janvier 2012

o Du 19 février au 25 mars 2012

o Du 21 avril au 19 aout 2012

o Du 21 au 27 aout 2012

o Du 1er septembre 2012 au 27 février 2013

o Du 1er mars au 14 mars 2013

o Du 23 mars 2013 au 5 janvier 2015

- Déficit fonctionnel permanent évalué à 10 %

- Souffrances endurées : 3/7

- Incapacité temporaire partielle pour certaines activités sportives

- Assistance par tierce personne à raison d'une heure par jour

o Du 17 septembre 2011 au 16 janvier 2012

o Du 19 février au 25 mars 2012

o Du 21 avril au 19 août 2012

o Du 21 au 27 août 2012

o Du 1er septembre 2012 au 27 février 2013

o Du 1er mars au 14 mars 2013

o Du 23 mars 2013 au 5 janvier 201

Par un arrêt infirmatif du 1er février 2018, la cour d'appel de Douai, a alloué à M. [Z] [S] la somme de 19 000 euros à titre de provision.

Puis, par acte du 6 mars 2019, M. [Z] [S] et ses parents, [V] et [Y] [S] ont assigné leur assureur, la société Groupama Nord Est, devant le tribunal judiciaire de Lille en indemnisation de leur préjudice au titre de la garantie des accidents de la vie du contrat Groupama.

Par un jugement rendu le 30 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

- rejeté les demandes de contre-expertise, de sursis à statuer et de provision ;

- Condamné la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles à payer à M. [Z] [S] les sommes de :

' 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

' 25 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées ;

- rejeté le surplus des demandes de M. [Z] [S] ;

- rejeté les demandes de M. [V] [S] et Mme [Y] [S] ;

- condamné la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;

- condamné la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles à payer à M. [Z] [S] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions ;

Par déclaration du 26 novembre 2021, les consorts [S] ont formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 21 novembre 2022, M. [Z] [S], Mme [Y] [S] et M. [V] [S] demandent à la cour de :

déclarer leur appel interjeté recevable et bien fondé ;

réformer ledit jugement en ce qu'il a :

' rejeté les demandes de nouvelle expertise, de sursis à statuer et de provision ;

' condamné la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles à payer uniquement à M. [Z] [S] les sommes de 8 000 euros au titre des souffrances endurées, et 25 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

' dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées ;

' rejeté le surplus des demandes de M. [Z] [S] ;

' rejeté les demandes de M. [V] [S] et Mme [Y] [S] ;

confirmer ledit jugement en ce qu'il a :

' condamné la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles aux dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;

' condamné la société Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles à payer à M. [Z] [S] la somme de 4 000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile ;

' ordonné l'exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions ;

En conséquence,

A titre principal :

- ordonner une nouvelle expertise médicale et désigner tel expert ou tel collège d'experts qu'il plaira à votre juridiction avec mission habituelle et évaluation du préjudice de M. [S] conformément à la nomenclature DINTHILLAC si celle-ci estimait ne pas être suffisamment éclairée ;

- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise

- En cas de sursis à statuer, condamner Groupama à payer à Monsieur [S] [Z] une somme de 40 000 euros à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour estimait être suffisamment éclairée :

- Condamner Groupama à payer à M. [Z] [S] les sommes suivantes :

o 45 997.98 euros au titre des préjudices patrimoniaux temporaires (déduction faite des 1 372.15€ dus à ses parents),

o 20 375.45 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires,

o 15 898.33€ au titre des préjudices patrimoniaux définitifs,

o 201 853.60 € au titre des préjudices extrapatrimoniaux définitifs, à minima 117 553.60€,

- déduire de l'indemnisation de M. [Z] [S] la somme de 36.112,95 € au titre des provisions perçues à décembre 2021 ;

- condamner Groupama à payer à M. [V] et Mme [Y] [S] la somme de 1.372,15 €

En tout état de cause :

- constater que le droit à indemnisation contractuelle du préjudice corporel de M. [S] subi le 17 septembre 2011, par son assureur Groupama, ne fait l'objet d'aucune contestation,

- condamner Groupama à payer à M. [S] [Z] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- exécution provisoire

- entiers dépens

Au soutien de leur demande de contre-expertise, ils se prévalent d'une aggravation des séquelles liées au traumatisme du 17 septembre 2011 nécessitant des soins médicaux et soutiennent que le déficit fonctionnel permanent devra être évalué ainsi que son imputabilité à l'accident.

Ils considèrent par ailleurs que le rapport d'expertise judiciaire comporte des lacunes quant aux préjudice esthétique, préjudice d'agrément et préjudice scolaire, qu'ils reprochent à l'expert judiciaire de ne pas avoir retenus. Ils considèrent également que l'expert aurait dû retenir le préjudice résultant de l'adaptation du logement et du véhicule.

A titre subsidiaire, en cas de liquidation du préjudice corporel, ils reprochent à l'assureur d'avoir eu recours à un enquêteur privé qui a établi deux rapports sur lesquels l'assureur se fonde alors que leurs termes sont contestables en ce qu'ils comportent des informations erronées et constituent une violation de leur vie privée.

M. [Z] [S] demande l'application des conditions générales du contrat d'assurance applicables aux accidents de la vie privée et l'indemnisation des préjudices indemnisables au titre de ce contrat.

Ils soutiennent à cet égard que :

les frais d'assistance temporaire par tierce personne ne sont pas inclus dans les frais divers dont l'indemnisation est exclue par la police d'assurance et qu'il serait inéquitable d'écarter les postes de dépenses de santé actuelles et frais divers ainsi que le déficit fonctionnel temporaire alors que l'expert les a retenus et qu'ils sont visés par la nomenclature Dintilhac

les souffrances endurées par M. [Z] [S] sont bien réelles et bien plus importantes que le taux fixé par l'expert à 3/7.

l'indemnisation des frais d'adaptation du logement et du véhicule est prévue par la police d'assurance et que les rapports d'enquête privée de l'assureur ne correspondent pas à la réalité de la situation de [Z] [S] qui vit bien chez ses parents et qui a dû passer un permis spécialisé.

les dépenses de santé futures sont justifiées par la nécessité de suivre une cure thermale par an.

le taux de déficit fonctionnel permanent retenu par l'expert ne correspond pas à la réalité des séquelles présentées par la victime.

le préjudice d'agrément subi par [Z] [S] résulte de la nécessité d'avoir dû renoncer à la pratique d'activités sportives et de se contenter d'exercices de musculation.

son préjudice scolaire résulte de la perte d'une année scolaire.

le préjudice esthétique permanent résulte de l'obligation d'utiliser une canne, une orthèse

Dans ses conclusions notifiées le 7 novembre 2022, la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole du nord est, exerçant sous l'enseigne Groupama Nord Est, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 30 septembre 2021 ;

- en conséquence, débouter M. [Z] [S], M. [V] [S] et Madame [Y] [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [Z] [S] à lui régler une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Elle s'oppose à toute contre-expertise en estimant que sa nécessité n'est pas démontrée alors en outre que les doléances formulées par les consorts [S] ont été prises en compte par l'expert [T] dans le cadre de l'évaluation du préjudice de [Z] laquelle n'a pas été contestée par voie de dire. Elle ajoute que M. [S] ne saurait fonder sa demande de contre-expertise sur des rapports de médecins mandatés par lui et dont les conclusions ont d'ores et déjà été discutées par l'expert judiciaire qui a écarté tout lien de causalité entre l'existence d'un trouble somatoforme ou trouble neurologique fonctionnel, qui n'est pas contesté, et l'accident sportif.

Elle soutient par ailleurs que le rapport d'enquête privé est admis de longue date par la jurisprudence et rappelle que le juge de la mise en état a d'ailleurs débouté M. [S] de sa demande visant à écarter les deux rapports d'enquête des débats. Elle explique que devant l'exagération de ses demandes, elle devait démontrer que la victime a été parfaitement à même de poursuivre sa scolarité et le sport après l'accident, et qu'il peut marcher sans difficulté visible. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, les rapports d'enquête litigieux ne constituent pas les seules preuves sur lesquelles elles s'appuient pour contester les demandes de la victime.

Elle affirme qu'elle ne doit sa garantie que dans les limites du contrat dans la mesure où le litige concerne l'exécution d'un contrat d'assurance entre l'assuré et l'assureur et non l'indemnisation due par une action directe contre l'assureur du responsable de sorte que les consorts [S] ne sont pas fondés à réclamer l'indemnisation de tous les préjudices retenus par l'expert ou visés par la nomenclature Dhintillac.

Elle précise à cet égard que les conditions générales du contrat d'assurance, applicables aux accidents de la vie privée précisent la liste limitative des préjudices indemnisables et excluent l'indemnisation des dépenses de santé actuelles et futures, du déficit fonctionnel temporaire, des pertes de gains professionnels actuels, des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation qui comprennent les frais d'assistance temporaire par tierce personne.

Elle fait valoir que si l'expert judiciaire a précisé qu'il n'existait aucun préjudice esthétique permanent, dans la mesure où l'altération du schéma locomoteur n'est pas imputable à une déficience organique et qu'il ne peut être considéré comme potentiellement durable ou permanent s'agissant de la demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'adaptation du logement et du véhicule, elle fait valoir que M. [Z] [S] est capable de se déplacer à pieds, sans difficultés visibles, à vive allure, qu'il pratique également du sport dans une salle et qu'en toute hypothèse, l'expert a conclu que des appareillages, fournitures complémentaires et soins postérieurs à la consolidation ne sont pas à prévoir, ce que la victime n'a pas contesté avant le dépôt du rapport.

Elle considère que la demande au titre des souffrances endurées est excessive alors que l'expert a fixé ce préjudice à 3/7.

Elle conteste la demande au titre du déficit fonctionnel permanent qu'elle estime excessif au regard des attestations produites.

S'agissant du préjudice d'agrément qu'elle refuse d'indemniser, elle rappelle que l'expert judiciaire a retenu que la victime a une incapacité temporaire seulement partielle pour la réalisation de certaines activités sportives et qu'à l'heure actuelle celle-ci dispose d'un abonnement dans une salle de sport et qu'elle pratique l'haltérophilie.

Elle considère que le préjudice scolaire, qui n'a pas été retenu par l'expert, n'est aucunement établi alors en outre qu'il ne constitue pas un préjudice indemnisable par la police d'assurance.

Sur la demande au titre du préjudice esthétique permanent, elle rappelle que l'expert l'a écarté et que la prétendue utilisation d'une canne par la victime est démentie par les rapports d'enquête privée.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 23 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la demande de contre-expertise

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

le recours à une contre-expertise judiciaire est justifiée s'il est démontré que le rapport établi par l'expert initialement commis présente des lacunes, des erreurs manifestes ou des incohérences, étant précisé que le seul désaccord d'une partie avec ses conclusions ne constitue pas une cause suffisante pour y recourir.

Le reproche formulé par les consorts [S] sur les prétendues insuffisances du rapport de l'expert judiciaire qui n'a pas retenu les préjudices esthétique temporaire, d'agrément, scolaire et liés à l'adaptation du logement et du véhicule n'est pas de nature à justifier une contre-expertise alors qu'il leur était d'une part loisible de contester ces postes de préjudices par voie de dire avant le dépôt du rapport définitif, ce qu'ils n'ont pas fait, indiquant au contraire qu'ils n'avaient aucune observation complémentaire à formuler. D'autre part, la cour n'étant pas liée par les conclusions de l'expert qui s'est expressément prononcé sur les postes de préjudice litigieux, chacune des parties a la possibilité de discuter les termes de son rapport et de produire des éléments permettant d'établir l'existence de postes non retenus par l'expert.

Par ailleurs, dans son rapport du 24 mai 2016, l'expert a tenu compte des doléances de M. [Z] [S], qui se plaint de troubles fonctionnels de sorte que pour répondre à la question du lien de causalité entre le tableau clinique de celui-ci et l'accident il s'est adjoint un sapiteur neurologue psychiatre.

Aux termes de son rapport du 30 mars 2016, le sapiteur retient le diagnostic de trouble somatoforme sans lien toutefois avec l'accident du 17 septembre 2011. En effet, les douleurs invoquées ont fait l'objet de multiples explorations qui n'ont pas permis de retrouver de cause organique patente et indiscutable selon le sapiteur.

Les différents courriers médicaux produits par les consorts [S] ont d'ores et déjà été soumis à l'expert judiciaire et ne contredisent nullement les analyses de celui-ci puisqu'ils retiennent à l'instar du sapiteur l'existence chez la victime d'un trouble somatoforme ou trouble neurologique fonctionnel, l'expert considérant que ces troubles résultent de la prolongation et de la prise en charge pluridisciplinaire rendant la causalité indirecte.

C'est dans ces conditions que l'expert a fixé la date de consolidation de [V] [S] au 15 juillet 2015 et le déficit fonctionnel permanent en lien avec un état dépressif de sévérité modérée à 10 %.

Dès lors, il n'est nullement justifié l'insuffisance des diligences de l'expert qui s'est au contraire adjoint un sapiteur pour déterminer l'existence ou non d'un lien de causalité entre les troubles fonctionnels présentés par M. [S] et l'accident. Il n'est pas davantage établi une aggravation de l'état de santé de la victime dont les troubles allégués ont été analysés dans le cadre des opérations d'expertise.

Par suite, il ne sera pas fait droit à la demande de contre-expertise et, par voie de conséquence, à la demande de provision ainsi que de sursis à statuer.

Le jugement querellé sera confirmé sur ces points.

Sur l'étendue de la garantie souscrite

Il résulte de l'article 1103 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il est constant que, le 19 janvier 2008, M. [V] [S] a souscrit une assurance dite garanties accidents de la vie auprès de la société Groupama couvrant également son épouse et leurs deux enfants dont [Z] [S].

La police d'assurance couvre toutes atteintes corporelles consécutives à un accident subi par l'assuré au cours de sa vie privée y compris lorsque cet accident résulte d'un événement naturel déclaré ou non catastrophe naturelle, d'un accident technologique, d'un attentat ou d'une agression. La garantie s'applique également lorsque l'accident est qualifié d'accident de trajet par la réglementation en vigueur en droit du travail.

M. [Z] [S] a été victime d'un accident de la vie privée le 17 septembre 2011 et réclame l'indemnisation du préjudice qu'il a subi à l'occasion d'un match de basket en club.

La société Groupama Nord-Est ne dénie pas sa garantie mais s'oppose à l'indemnisation des préjudices non couverts par la police.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'action indemnitaire de la victime trouve son fondement dans le contrat d'assurance dont il est demandé l'exécution de sorte que seuls sont couverts au titre de la garantie accident de la vie souscrite les préjudices limitativement énumérés, indépendamment de la nomenclature Dintilhac.

Les conditions générales du contrat d'assurance prévoient au chapitre 2 relatif aux modalités d'application des garanties (page 7) que les préjudices indemnisables sont les suivants :

Les préjudices patrimoniaux suivants :

Les conséquences économiques définitives de l'accident sur la vie professionnelle de l'assuré, les pertes de gains professionnels futurs ainsi que l'incidence professionnelle

Les frais d'adaptation du logement et/ou du véhicule personnel que l'assuré doit supporter de manière permanente dans sa vie privée

Les frais d'assistance d'une tierce personne que l'assuré doit supporter, également de manière permanente, à compter de la consolidation, selon les conclusions du médecin expert de l'assureur

Les préjudices à caractère personnel suivants :

L'atteinte permanente à l'intégrité physique et/ou psychique constitutive d'un déficit fonctionnel permanent subsistant après la date de consolidation

Les souffrances endurées, le préjudice esthétique permanent et le préjudice d'agrément

Cette même clause exclut l'indemnisation des préjudices suivants :

Les dépenses de santé

Les pertes de gains professionnels actuels

Les frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation

Le préjudice sexuel

Dès lors et en application de ces stipulations contractuelles, dont le caractère prétendument inique est indifférent dès lors que les consorts [S] ont valablement consenti et accepté les clauses du contrat, ceux-ci ne sont pas fondés à réclamer l'indemnisation des préjudices non couverts par la police d'assurance quand bien même l'expert aurait retenu leur principe.

Il en est ainsi des dépenses de santé tant actuelles que futures alors qu'elles sont expressément exclues de la garantie souscrite.

Par ailleurs, il résulte des clauses ci-dessus énoncées du contrat d'assurance que ne sont pas garantis les préjudices temporaires. Par suite, les demandes d'indemnisation au titre des frais divers exposés avant la date de consolidation (frais kilométriques pour se rendre aux rendez-vous médicaux), du besoin en tierce personne avant la consolidation de l'état de santé de l'assuré et du déficit fonctionnel temporaire ne sauraient prospérer.

Enfin, aucune clause du contrat d'assurance ne garantit le préjudice scolaire de sorte que la demande d'indemnisation à ce titre doit être rejetée.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [S] de leurs demandes au titre de l'ensemble de ces postes de préjudice.

Sur l'indemnisation des préjudices en exécution du contrat d'assurance

Les postes de préjudice ci-dessous sont garantis par la police d'assurance ce que l'assureur ne conteste pas.

Sur les frais d'adaptation du logement

Les consorts [S] ne formulent aucune critique à l'encontre du jugement qui a les a déboutés de leur demande indemnitaire au titre des frais d'adaptation du logement.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice résultant des frais d'adaptation du logement dès lors que l'expert judiciaire a conclu à l'absence de gênes engendrées par l'inadaptation du logement et alors en outre qu'aucune pièce du dossier ne tend à établir la nécessité d'aménager le logement pour tenir compte des douleurs éprouvées par [Z] [S] et de ses difficultés à monter les escaliers.

En outre, en toute hypothèse, il a été établi par les opérations d'expertise que l'altération du schéma locomoteur n'est pas imputable à une déficience organique, les troubles douloureux, puis moteurs et sensitifs présentés par [Z] [S] ayant une origine psychologique et psychiatrique sans lien avec l'accident du 17 septembre 2011.

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

Sur les frais d'adaptation du véhicule

Les motifs invoqués ci-dessus conduisent également à rejeter la demande d'indemnisation du préjudice résultant des frais d'adaptation du véhicule étant précisé que l'expert judiciaire a précisé que des appareillages et fournitures complémentaires ne sont pas à prévoir.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les souffrances endurées

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des soins et des séances de rééducation fonctionnelle.

L'expert judiciaire a retenu ce poste de préjudice caractérisé par les plaintes fonctionnelles douloureuses constantes ayant justifié un parcours de soins prolongé avec des propositions thérapeutiques antalgiques pluri factorielles de sorte qu'il l'évalue à 3/7.

Le premier juge a justement apprécié ce préjudice en tenant compte des souffrances de M. [Z] [S] eu égard aux douleurs constantes éprouvées à l'origine d'un long parcours médical ponctué d'hospitalisations.

Les consorts [S] ne saurait utilement se prévaloir des douleurs quotidiennes de [Z] depuis plus de 7 ans, soit postérieurement à la date de consolidation alors qu'il s'agit de réparer le préjudice résultant des souffrances endurées avant la consolidation de son état de santé et alors en outre qu'il a été établi que les troubles fonctionnels persistants ne sont pas imputables à l'accident.

L'indemnisation à hauteur de la somme de 8 000 euros constitue une réparation intégrale pour des souffrances endurées évaluée à 3/7.

La décision sera donc confirmée de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

L'expert judiciaire retient un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident qu'il évalue à 10 % en considération du comportement anxieux phobique généralisé avec conduites d'évitement étendues de M. [Z] [S].

Les consorts [S] font valoir que [Z] doit toujours marcher à l'aide d'une béquille et porter une orthèse à renouveler régulièrement, ajoutant que les douleurs dans la cuisse sont très fortes si bien qu'il a régulièrement recours à des séances d'acupuncture.

Toutefois, les pièces médicales versées au débat ne tendent nullement à démontrer que les troubles moteurs de [Z] [S] de même que les troubles sensitifs au niveau du membre inférieur droit et les douleurs sont les conséquences de l'accident alors que, dans le cadre des opérations d'expertise, l'ensemble des examens pratiqués n'ont pas permis de déterminer une cause organique indiscutable.

En revanche, il ressort du rapport du sapiteur neurologue, psychiatre que le déficit fonctionnel permanent est caractérisé par un état dépressif de sévérité modérée comme l'a relevé le premier juge.

Dès lors, la cour approuve le premier juge qui a fixé le déficit fonctionnel permanent de [Z] [S] à 10 % et réparé ce préjudice à hauteur de la somme de 25 000 euros compte tenu de l'âge de celui-ci, 17 ans, à la date de consolidation.

Sur le préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Il est rappelé que le contrat d'assurance ne garantit le préjudice d'agrément que pour la période postérieure à la date de consolidation.

Or, l'expert judiciaire évoque la seule incapacité temporaire partielle pour la réalisation de certaines activités sportives de sorte que le préjudice d'agrément post consolidation n'est pas indemnisable au titre du contrat d'assurance souscrit.

M. [S] ne justifie nullement de la cessation de toute pratique sportive. Il est au contraire établi que [Z] [S] ne présente aucun signe clinique contre-indiquant la pratique de la musculation à l'entraînement et en compétition ainsi que cela ressort de l'attestation du docteur [K] du 23 septembre 2016 et qu'il est titulaire d'un abonnement souscrit le 18 août 2018 au club Gym Street. Il a également indiqué au docteur [B] de l'hôpital de [Localité 4] qu'il pratiquait l'haltérophilie, discipline dans laquelle il a été champion universitaire (compte-rendu du 6 mars 2017).

Par suite, la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément sera rejetée.

Le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Si l'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire, il a en revanche considéré qu'aucun élément était de nature à déterminer un préjudice esthétique permanent.

Ainsi qu'il a été dit, l'altération du schéma moteur de [Z] [S] n'est pas imputable à une déficience organique et, selon l'expert, il ne peut être considéré comme possiblement durable ou permanent.

Dès lors, la cour approuve le premier juge qui a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice esthétique permanent.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner les consorts [S] aux entiers dépens d'appel, et à payer à la société Groupama la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 30 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne M. [Z] [S], M. [V] [S] et Madame [Y] [S] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [Z] [S], M. [V] [S] et Madame [Y] [S] à payer à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles la somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/03861
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.03861 ?
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