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15/06/2023 | FRANCE | N°22/01858

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 15 juin 2023, 22/01858


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 15/6//2023





****





N° de MINUTE : 23/204

N° RG 22/01858 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHFC



Jugement (N° 21/00011) rendu le 22 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque







APPELANTE



Madame [G] [I]

née le [Date naissance 7] 1980 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[LocalitÃ

© 15]



Représentée par Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué





INTIMÉS



Monsieur [N] [U]

né le [Date naissance 4] 1994

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 10]



Représen...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 15/6//2023

****

N° de MINUTE : 23/204

N° RG 22/01858 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHFC

Jugement (N° 21/00011) rendu le 22 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

Madame [G] [I]

née le [Date naissance 7] 1980 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 15]

Représentée par Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [N] [U]

né le [Date naissance 4] 1994

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Léa Maenhaut, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

Monsieur [D] [M]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 9]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 21 juin 2022 à domicile

SA Maif prise en la pesonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représentée par Me Léa Maenhaut, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie, es qualité d'organisme social de Madame [G] [I] immatriculée sous le n° [XXXXXXXXXXX02]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 20 juin à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 16 mars 2023 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui,a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 25 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 février 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 19 novembre 2018, alors qu'elle était passagère d'un véhicule conduit par M. [D] [M], Mme [G] [I] a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [N] [U] et assuré auprès de la Maif.

Une expertise amiable a été réalisée par le docteur [F], mandaté par l'assureur du véhicule conduit par M [M]. L'assureur de ce dernier a versé 500 euros à Mme [I].

Le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire et a condamné à titre provisionnel M. [U] et la Maif à payer la somme de 4 000 euros à Mme [I]. L'expert [V] a déposé son rapport le 20 février 2020.

Mme [I] a assigné devant le tribunal judiciaire de Dunkerque M. [M], M. [U], la Maif et la caisse primaire d'assurance-maladie aux fins d'indemnisation de ses préjudices corporels.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

déclaré M. [U] responsable des préjudices subis par Mme [I] ;

débouté Mme [I] de sa demande de contre-expertise

condamné in solidum M. [U] et la Maif à payer à Mme [I] la somme de 2 950 euros ;

déclaré son jugement commun à la caisse primaire d'assurance-maladie ;

déclaré son jugement opposable à M [M] ;

rappelé l'exécution provisoire de droit ;

condamné in solidum M. [U] et la Maif aux dépens, comprenant ceux de la procédure de référés et les frais de l'expert.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 14 avril 2022, Mme [I] formé appel des seules dispositions du jugement numérotées 1 à 3, et 5 à 7 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 juin 2022, Mme [I], appelante, demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

=$gt; à titre principal, vu le rapport du docteur [F] et les certificats des docteurs [E] et [P] ;

- ordonner une contre-expertise avec mission identique à l'expertise initiale confiée au docteur [V] ;

- constater qu'à ce titre elle bénéficie de l'aide juridictionnelle par décision du (sic)

=$gt; à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à la demande de contre-expertise,

La recevoir en ses demandes.

Juger que la liquidation de son préjudice suite à l'accident dont elle a été victime le 9 novembre 2018, se décomposant tel qu'il suit :

' Préjudice patrimonial avant consolidation 500,00 euros

' Déficit fonctionnel temporaire 3.100,00 euros

' Préjudice esthétique temporaire 300,00 euros

' Assistance tierce personne 375,00 euros

' Déficit fonctionnel permanent 8.000,00 euros

' Préjudice esthétique permanent 3.000,00 euros ' Préjudice d'agrément 3.000,00 euros

' Perte de gains professionnels 3.000,00 euros

' Préjudice sexuel 3.000,00 euros

Condamner M. [U] et la Maif solidairement aux entiers dépens.

Dire que la décision à intervenir sera opposable à M. [M].

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 25 août 2022, la Maif et

M. [U], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de

=$gt; confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il les a condamné in solidum à payer à Mme [I] la somme de 2 950 euros .

=$gt; infirmer le jugement en ce qu'il les a condam

né à payer à Mme [I] la somme de 2 950 euros au titre de la liquidation des préjudices subis ; et rejugeant de ce chef,

Liquider les préjudices subis par Mme [I] à hauteur de 3 950 euros ;

Dire et juger que les provisions versées à hauteur de 4 500 euros devront se déduire des sommes susvisées et condamner Mme [I] à rembourser le trop perçu.

Condamner Mme [I] leur régler la somme de 1 600 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La caisse primaire d'assurance-maladie et M. [M] n'ont pas constitué avocat, malgré les significations de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant valablement effectuées.

Pour un exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

sur la demande de contre-expertise :

Le recours à une contre-expertise judiciaire est justifiée s'il est démontré que le rapport établi par l'expert initialement commis présente des lacunes, des erreurs manifestes ou des incohérences, étant précisé que le seul désaccord d'une partie avec ses conclusions ne constitue pas une cause suffisante pour y recourir.

En l'espèce, pour étayer sa demande de contre-expertise, Mme [I] invoque d'une part des insuffisances du rapport lui-même sans en spécifier la nature et l'importance, et d'autre part des incohérences avec d'autres avis médicaux, qui retiennent des postes qu'a écarté l'expert [V].

M. [U] et son assureur s'opposent à la demande de contre-expertise, estimant que l'expert judiciaire a déjà répondu aux critiques formulées à l'encontre de son pré-rapport sur la base de l'avis du docteur [F].

Sur ce,

L'expert [V] retient comme lésions causées initialement par l'accident une entorse cervicale et une contusion douloureuse de l'épaule gauche. Il estiment que les séquelles sont constituées par des cervicalgies sur arthrose dégénérative non traumatique. Il exclut un lien de causalité avec un retentissement psychologique et avec un préjudice esthétique au niveau de la prothèse mammaire gauche.

S'agissant d'un état dépressif, l'expert [V] relève que Mme [I] lui a indiqué qu'à la suite d'une remarque par un tiers sur son arrêt de travail, elle a ressenti un sentiment d'inutilité qui l'a conduite à consulter un psychologue. Il retient également, dans une réponse à un dire, que Mme [I] ne lui a pas adressé le compte-rendu de sortie d'une hospitalisation antérieure pendant 6 mois en 2011, dont il atteste avoir reçu l'information au cours des échanges avec Mme [I] pendant les opérations d'expertise. Il retient un état anxio-dépressif comme état antérieur, qui perdure tout en étant imputable à des problèmes relationnels avec son ex-époux et son entourage. Seule la possibilité de manifestations psychologiques transitoires, qui n'ont pas été prises en charge médicalement, sont indiquées.

S'agissant d'un préjudice esthétique permanent, résultant d'un méplat du sein gauche, l'expert [V] indique qu'aucune notion de traumatisme de cette zone en relation causale avec l'accident n'est renseignée dans les différents certificats médicaux, alors que la première référence à une telle séquelle résulte d'un compte-rendu établi par le chirurgien ayant procédé à la pose de prothèse mammaire. L'expert [V] retient que s'il objective un tel méplat, ce dernier est imputable à la cicatrice de l'intervention chirurgicale, de sorte qu'il est étranger à l'accident.

Le rapport établi le 7 mai 2019 par le docteur [F] ne comporte aucune liquidation de poste de préjudice, même temporaire, alors que cet expert amiable relève qu'en l'absence de consolidation de l'état de la victime, il y a lieu de procéder à un nouvel examen en octobre 2019. Il est radicalement exclu d'en tirer une quelconque démonstration d'une absence de prise en compte de certains postes de préjudice par l'expert [V].

En l'absence de démonstration d'une carence, d'une erreur manifeste ou d'une incohérence de son contenu, la cour estime dès lors que le rapport établi par l'expert [V] fournit un avis complet, clair et documenté sur les circonstances de l'accident et sur les séquelles en résultant, étant précisé qu'il est seul en possession du dossier médical pour apprécier l'ensemble des circonstances et déterminer en particulier le lien de causalité entre les séquelles invoquées et cet accident.

Au surplus, la cour n'est pas tenue par l'avis de l'expert, conformément à l'article 246 du code de procédure civile, de sorte qu'indépendamment de toute contre-expertise, elle dispose de la faculté de retenir des conclusions contraires ou différentes de celles de l'expert, à charge de préciser les éléments médicaux sur lesquels repose cette appréciation alternative, notamment tirés des pièces produites par Mme [I].

Dans ces conditions, il n'y pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise.

Sur les préjudices corporels

L'expert judiciaire a notamment conclu, concernant le préjudice de Mme [I], à :

un déficit fonctionnel de classe I du 19 novembre 2018 au 21 mars 2019 , soit 123 jours ;

une consolidation fixée à la date du 22 mars 2019 ;

un déficit fonctionnel permanent de 2 % ;

des souffrances endurées à hauteur de 2/7.

Sur les préjudices corporels patrimoniaux temporaires :

Sur les « préjudices corporels patrimoniaux temporaires »

Alors que ce poste n'est pas clairement défini, Mme [I] évoque d'une part une perte de revenus avant consolidation, dont elle ne justifie pas, et sollicite d'autre part une indemnisation au titre d'une aide apportée par ses enfants pour faire le ménage de son logement pendant 15 jours en raison de cervicalgies et de douleurs à l'épaule gauche. Elle réclame à ce titre la somme de 500 euros.

Pour autant, elle sollicite parallèlement une indemnisation de 375 euros au titre de l'aide par tierce personne, de sorte qu'en réalité, ce poste fait double emploi avec cette dernière demande.

Sur l'assistance par tierce-personne :

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne correspond aux dépenses liées à la réduction d'autonomie ; elle doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Dès lors que le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'absence de déclaration de cette aide familiale aux organismes sociaux et de calculer l'indemnité en coût social hors cotisations sociales. L'indemnité doit par conséquent intégrer le montant des cotisation sociales afférentes à cette aide.

Sur ce point, l'expert [V] retient que Mme [I] a effectivement bénéficié de l'aide de ses enfants pendant 15 jours en raison de ses séquelles.

Les parties s'accordent également sur la durée de l'assistance tierce personne, soit 15 jours, alors qu'il ne s'agit pas d'une aide spécialisée.

En conséquence, sur une base horaire de 18 euros, il convient d'évaluer le besoin en assistance tierce personne à la somme de 18 euros X 15 jours X 1 heure + 10 % congés payés = 297,00 euros

Le jugement attaqué sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur les préjudices corporels patrimoniaux permanents

Sur les pertes de gains professionnels futurs

Les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte où à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle.

En l'espèce, Mme [I] ne justifient pas d'une perte de gains professionnels, alors qu'elle sollicite en réalité l'indemnisation d'une incidence professionnelle sous un tel intitulé erroné.

A ce titre, elle sollicite 3 000 euros en invoquant son statut de travailleur handicapé, estimant qu'elle ne peut plus exercer sa profession d'éducatrice spécialisée de sorte qu'elle doit se réorienter

Sur ce,

L'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste, même en, l'absence de perte immédiate de revenus.

Il inclut enfin le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail et les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par la sécurité sociale et/ou par la victime elle-même.

En l'espèce, l'expert [V] a exclu toute incidence professionnelle.

Mme [I] travaillait au moment de l'accident pour la mairie de [Localité 13], s'occupant d'un enfant handicapé en vertu de son obtention antérieure d'un diplôme d'éducatrice spécialisée.

Pour autant, elle n'établit pas que sa reconnaissance en qualité de travailleur handicapé en mars 2020 et que sa perspective de changement professionnel sont causés par l'accident subi.

Le jugement l'ayant débouté de ce chef est confirmé.

Sur les préjudices corporels extra-patrimoniaux temporaires :

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire jusqu'à la consolidation de la victime. Le déficit fonctionnel temporaire regroupe non seulement le déficit de la fonction qui est à l'origine de la gêne mais également les troubles dans les conditions d'existence, les gênes dans les actes de la vie courante, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

Une indemnité égale de 25 euros par jour est de nature à réparer la gêne dans les actes de la vie courante, lorsque ce déficit fonctionnel temporaire est total.

Cette indemnisation est proportionnellement diminuée lorsque le déficit fonctionnel temporaire est partiel.

En l'espèce, l'indemnisation de Mme [I] s'élève à ce titre aux sommes suivantes :

soit 123 jours X 25 euros X 10 % = 307,50 euros

L'indemnisation totale du déficit fonctionnel temporaire s'élève en conséquence à la somme de 307,50 euros

Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef, en ce qu'il a retenu la somme de 310 euros, sur la base de 124 jours, alors que le jour où est fixée la consolidation n'est pas intégré dans l'évaluation de ce poste temporaire de préjudice.

Sur les souffrances endurées :

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.

Alors que l'expert a relevé l'existence de souffrances endurées, aucune demande indemnitaire n'est formulée à ce titre par Mme [I], alors que le premier juge a statué ultra petita. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le préjudice esthétique temporaire :

Le port d'un collier cervical constitue une modification de l'apparence physique dont il résulte un préjudice esthétique temporaire pendant une dizaine de jours.

Le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a retenu une indemnisation de 200 euros à ce titre.

Sur le déficit fonctionnel permanent :

Le déficit fonctionnel permanent inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.

L'expert a fixé un taux de 2 %.

Mme [I] estime que le montant du point doit être majoré en raison de l'état dépressif qu'a entrainé cet accident.

L'expert [V] a estimé qu'un tel état dépressif ne présente pas un lien direct, certain et exclusif avec l'accident.

Pour autant, il n'est pas exigé que le lien de causalité entre le fait générateur de responsabilité et le préjudice soit exclusif pour qu'une indemnisation puisse intervenir.

En réalité, il s'agit d'apprécier l'incidence de l'état antérieur de la victime. À cet égard, le droit de la victime d'un accident de la circulation à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'accident.

En l'espèce, Mme [I] conteste avoir indiqué à l'expert [V] qu'elle a été hospitalisée pendant 6 mois en 2011 pour un syndrome dépressif. Pour autant, elle ne produit aucune attestation de son médecin traitant, qui permettrait d'exclure un tel état antérieur.

Il en résulte que la transcription par l'expert [V] de son entretien avec Mme [I], qu''il a maintenu après avoir été destinataire d'un dire formulée par cette dernière, doit être validée.

Dès lors qu'elle est guérie, une pathologie antérieure ne peut toutefois être prise en compte pour réduire l'indemnisation de la victime. Sur ce point, alors qu'aucun élément médical n'établit que Mme [I] restait suivie pour une telle pathologie dépressive au jour de l'accident, les troubles psychologiques qu'elle a subis à la suite de cet accident, dont attestent de façon concordante son psychiatre et son médecin traitant, ne s'analysent pas comme une aggravation d'une pathologie préexistante, d'ores et déjà déterminée et extériorisée, mais sont directement provoqués par l'accident litigieux.

Alors que le taux fixé par l'expert a ainsi vocation à être majoré, il convient de réparer intégralement le préjudice subi par Mme [I], qui était âgée de 38 ans à la date de consolidation, par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.

Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice d'agrément :

Le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, étant rappelé que la réduction des capacités de la victime avec toutes les répercussions qu'elle a nécessairement sur sa vie quotidienne est par ailleurs réparée au titre du déficit fonctionnel.

Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives ou de bulletins d'adhésion à des associations, mais également par tout autre mode de preuve licite (témoignages, clichés photographiques ...), l'administration de la preuve d'un tel fait étant libre. L'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur.

En l'espèce, Mme [I] se réfère exclusivement à sa pièce 35, dans laquelle une association atteste qu'elle participait auparavant à des défilés, étant précisé qu'elle avait mentionné à l'expert judiciaire son activité antérieure de mannequinat. Cette attestation précise que depuis le 19 novembre 2018, elle n'a pas renouvelé son adhésion et n'a plus participé à aucune manifestation.

A ce titre, elle établit l'existence d'un préjudice d'agrément, dont la réparation sera fixé à 500 euros.

Le jugement l'ayant déboutée de sa demande sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice esthétique permanent :

A l'appui de cette demande, Mme [I] produit un certificat établi le 2 septembre 2019 par le chirurgien ayant procédé à la pose de ses prothèses mammaires. Le docteur [E] y atteste d'une part qu'une déformation du sein gauche est observée et s'analyse « manifestement comme un retournement de l'implant prothétique ». Pour autant, l'expert [V] indique que l'échographie et la mammographie bilatérale réalisée le 17 juillet 2019, précisément avec l'indication de rechercher la cause d'un méplat du côté gauche, conclut à l'absence d'anomalie et de malposition de l'implant mammaire gauche. D'autre part, le docteur [E] estime que le méplat observé n'est pas visible sur les photographies antérieures, de sorte qu'il résulte de l'accident : pour autant, aucun élément de comparaison n'est fourni à cet égard, alors que l'expert [V] souligne qu'une telle irrégularité est imputable à une cicatrice résultant de l'intervention chirurgicale ayant ainsi produit un résultat peu esthétique. Il en résulte que la seule attestation du chirurgien ayant précisément réalisé cette cicatrice n'est pas probante. Enfin, l'expert [V] retient valablement que Mme [I] n'a formulé aucune doléance concernant un écrasement de son sein gauche lors de l'accident, alors qu'aucune trace n'a permis d'objectiver une telle lésion imputable à l'accident, ainsi qu'il en résulte des pièces médicales contemporaines de sa prise en charge médicale dans des délais rapprochés de cet accident.

Dans ces conditions, Mme [I] n'établit pas valablement le lien de causalité entre ce méplat et l'accident.

Le jugement ayant débouté Mme [I] de ce chef est confirmé.

Sur le préjudice sexuel :

Ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

En l'espèce, alors qu'elle classe à tort ce préjudice parmi les préjudices patrimoniaux,

l'expert relève que Mme [I] allègue des douleurs cervicales et de l'épaule gauche lors de la réalisation de l'acte sexuel.

Alors que l'expert retient au titre des séquelles permanentes des douleurs résiduelles du rachis cervical, il en résulte que la victime justifie un préjudice sexuel positionnel.

En revanche, la déformation du sein gauche qu'elle invoque comme préjudiciable à ses relations sexuelles n'a pas vocation à être prise en compte, dès lors que son imputabilité à l'accident n'est pas établie.

Ce poste sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 500 euros à Mme [I].

Le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande de ce chef.

En définitive, la circonstance que Mme [I] ne produise pas le relevé des débours versés par la caisse primaire d'assurance-maladie n'a pas d'incidence, dès lors qu'aucun des postes indemnisés n'a vocation à avoir justifié le versement de prestation par ce tiers-payeur.

sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens,

et d'autre part, à condamner M. [U] et la Maif in solidum aux entiers dépens d'appel, et à débouter ces derniers de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt opposable à M. [M], dès lors qu'il est partie à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 22 mars 2022 par le le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a :

- déclaré M. [U] responsable des préjudices subis par Mme [I] ;

- débouté Mme [I] de sa demande de contre-expertise ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit ;

- condamné in solidum M. [U] et la Maif aux dépens, comprenant ceux de la procédure de référés et les frais de l'expert ;

Le réforme en ce qu'il a :

- condamné in solidum M. [U] et la Maif à payer à Mme [I] la somme de 2 950 euros ;

- déclaré son jugement opposable à M [M] ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Déboute Mme [G] [I] de ses demandes au titre de :

« un préjudice patrimonial avant consolidation » ;

une incidence professionnelle / des pertes de gains professionnels futurs

un préjudice esthétique permanent ;

Condamne in solidum M. [N] [U] et la Maif à payer à Mme [G] [I] les sommes de :

297 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire (frais divers)

307,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

200 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

5 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

500 euros au titre du préjudice d'agrément ;

1 500 euros au titre du préjudice sexuel ;

ladite condamnation étant productive d'intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

Dit que les provisions versées à Mme [G] [I], à hauteur totale de 4 500 euros, seront déduites de ces montants ;

Dit n'y avoir lieu de déclarer le présent arrêt opposable à M. [D] [M] ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [N] [U] et la Maif aux dépens d'appel ;

Déboute M. [N] [U] et la Maif de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01858
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.01858 ?
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