République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 15/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/00159 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UBPE
Jugement (N° 2020J00107) rendu le 13 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque
APPELANTE
SAS Damen Shiprepair Dunkerque agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 4]
représentée par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
assisté de Me Eric Dhorne, avocat au barreau de Dunkerque, avocat plaidant
INTIMÉES
SAS AM2K
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Didier Parr, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
SAS Layher agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Laurent Zeindenberg, avocat plaidant, substitué par Me Raphaëlle Pierre, avocats au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 13 décembre 2022 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 après prorogation du délibéré du 30 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 novembre 2022
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EXPOSE DU LITIGE
La société Damen Shiprepair Dunkerque exerce une activité de construction, réparation et maintenance navale.
La société AM2K exerce une activité de location d'échafaudages avec montage et démontage.
La société Layher exerce une activité de location de matériel d'échafaudages.
La société Damen Shiprepair Dunkerque s'est vu confier par le Grand port maritime de [3] des travaux de remplacement du radier du dock flottant.
A cette fin, elle a sous-traité auprès de la société AM2K la fourniture d'échafaudages.
Pour répondre à une telle demande, la société AM2K a elle-même sollicité la fourniture d'échafaudages auprès de la société Layher.
Ces échafaudages ont été livrés et montés sur le radier du dock flottant en septembre et octobre 2016 par la société AM2K, avant d'être progressivement démontés et restitués par ses soins à la société Layher quelques mois plus tard.
Soutenant qu'une partie du matériel restitué était hors d'usage, la société Layher a, par actes des 14 et 18 mai 2018, assigné en référé les sociétés AM2K, Damen Shiprepair Dunkerque et Elite Insurance Company, en sa qualité d'assureur de la société AM2K, aux fins d'obtenir, à titre principal, leur condamnation solidaire au paiement d'une somme de 205 344,24 euros TTC en réparation du préjudice matériel subi, à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise outre l'allocation d'une somme provisionnelle de 100 000 euros.
Par ordonnance du 5 octobre 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Dunkerque a ordonné une expertise destinée notamment à examiner les désordres allégués, à rechercher leur origine et à déterminer les préjudices subis.
L'expert a déposé son rapport le 31 juillet 2020.
Par actes des 16 et 17 septembre 2020, la société Layher a assigné les sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque devant le tribunal de commerce de Dunkerque aux fins notamment de voir condamner solidairement celles-ci à lui payer la somme de 237 927,90 euros HT au titre de son préjudice matériel et celle de 603 814,34 euros HT au titre de son préjudice locatif.
' Par jugement du 13 décembre 2021, le tribunal de commerce de Dunkerque a statué en ces termes :
« Condamne solidairement entre elles les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE à payer à la société LAYHER les sommes de 237 927,90 € en principal, majorée de intérêts au taux légal à compter du 17/09/2020, et 3 000 € pour indemnité procédurale ;
Condamne chacune des défenderesses à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées dans la présente décision ;
Rejette toutes demandes de dommages-intérêts ou indemnités supplémentaires ,
Condamne solidairement entre elles les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE aux entiers dépens, incluant ceux de référé du 05/10/2018 ainsi que le coût de la mesure d'expertise, et dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 94,34 € TTC ».
' Par déclaration du 11 janvier 2022, la société Damen Shiprepair Dunkerque a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement précité.
' Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2022, la société Damen Shiprepair Dunkerque demande à la cour de :
« - DECLARER la société DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE recevable en son appel.
- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de DUNKERQUE du 13 décembre 2021 en ce qu'il a :
. condamné solidairement entre elles les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE à payer à la société LAYHER les sommes de 237 927.90 € en principal, majorée des intérêts aux taux légal à compter du 17/09/2020, et 3 000 € pour indemnité procédure.
. condamné chacune des défenderesses à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées dans la présente décision ;
. rejeté toutes demandes de dommages-intérêts ou indemnités supplémentaires ;
. condamné solidairement entre elles les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE aux entiers dépens, incluant ceux de référé du 5/10/2018 ainsi que le coût de la mesure d'expertise et dont frais de greffe ;
- DIRE que la société DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE n'est pas responsable du préjudice matériel et du préjudice immatériel subi par la Société LAYHER ;
En conséquence,
- DEBOUTER la société LAYHER de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE ;
- DEBOUTER la société LAYHER de sa demande tendant à voir condamner la société DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE au paiement de la somme de 19.516,68 euros au titre des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;
- CONDAMNER la société LAYHER à payer à la société DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER la société LAYHER aux entiers dépens de la procédure. »
' Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2022, la société Layher demande à la cour de :
« CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de DUNKERQUE le 13 décembre 2021 en ce qu'il :
« Condamne solidairement entre elles les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE à payer la société LAYHER les sommes de Deux Cent Trente Sept Mille Neuf Cent Vingt Sept Euros Quatre Vingt Dix Centimes (237.927,90 €) en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17/09/2020, et Trois Mille Euros (3.000 €) pour indemnité procédurale ;
Condamne chacune des défenderesses à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées dans la présente décision ;
Condamne solidairement entre elles les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE aux entiers dépens, incluant ceux de référé du 05/10/2018 ainsi que le coût de la mesure d'expertise, et dont frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 94,34 € TTC (=tarifs 05-2018 n°18, 19, 22, 20 x3). »
RECEVOIR la société LAYHER en son appel incident ;
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il :
« Rejette toutes demandes de dommages-intérêts ou indemnités supplémentaires»
STATUANT A NOUVEAU
JUGER bien fondée la demande de la société LAYHER en réparation du préjudice locatif subi ;
Par conséquent,
CONDAMNER solidairement les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE à verser à la société LAYHER la somme de 603.814,34 € HT au titre du préjudice locatif subi ;
En tout état de cause,
DEBOUTER les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
CONDAMNER solidairement les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE à verser à la société LAYHER la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DIRE que les sommes réclamées porteront intérêt au taux légal à compter de la signification de l'assignation ;
CONDAMNER solidairement les sociétés AM2K et DAMEN SHIPREPAIR DUNKERQUE aux entiers dépens d'instance et d'appel. »
' Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, la société AM2K demande à la cour de :
« Dire et juger recevable la Société AM2K en son appel incident limité à l'encontre du Jugement rendu le 13 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de DUNKERQUE et la dire bien fondée en sa défense portant demande en garantie,
Et débouter la Société DAMEN SHIPREPAIR de tous ses chefs de demande, fins et conclusions,
Et débouter la SAS LAYHER de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence, infirmer ledit Jugement du 13 Décembre 2021, en ce qu'il a dit : « Condamne chacune des défenderesses à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées dans la présente décision » ;
Et le réformant sur ce chef,
Vu les dispositions des articles 1240, 1241 et 1242 du Code Civil,
Dire et juger que la Société DAMEN SHIPREPAIR devra pleinement garantir la Société AM2K, de toute condamnation prononcée au bénéfice de la Société LAYHER, au titre de tous les préjudices subis par cette demanderesse, y inclus le montant des frais d'expertise [X] et de l'article 700 du Code de Procédure Civile reconnus à la Société demanderesse ;
Condamner la Société DAMEN SHIPREPAIR à payer à la Société AM2K, la somme de 15.000 € à titre de réparation indemnitaire pour le préjudice commercial subi par cette dernière, du fait de la présente action judiciaire ;
Condamner la Société DAMEN SHIPREPAIR à payer à la Société AM2K, la somme de 7.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à la charge des entiers dépens. »
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour l'exposé de leurs moyens.
' L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 novembre 2022.
' En application de l'article 445 du code de procédure civile, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur :
1°) la qualification juridique du contrat liant la société Damen Shiprepair Dunkerque à la société AM2K ;
2°) les conséquences d'une telle qualification sur les droits et obligations respectives des parties au regard du litige les opposant ;
3°) la recevabilité de la demande en garantie formée par la société AM2K au regard du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.
Chacune des parties a formulé ses observations en réponse par voie de note en délibéré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des appels
La recevabilité des appels principal et incidents respectivement formés par les sociétés Damen Shiprepair Dunkerque, AM2K et Layher n'est ni contestée ni contestable, de sorte qu'il y a lieu d'accueillir les demandes tendant à voir déclarer ces différents appels recevables.
Sur le préjudice matériel de la société Layher
La société Layher invoque un préjudice de 237 927,90 euros au titre du matériel restitué hors d'usage. Sa demande indemnitaire est dirigée contre chacune des sociétés Damen Shiprepair Dunkerque et AM2K, dont il convient d'apprécier les responsabilités respectives.
' Sur la responsabilité de la société AM2K
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En l'espèce, aucun contrat n'est produit, mais il n'est pas contesté que la société Layher a consenti à la société AM2K la location d'échafaudages en vue de réaliser les travaux de réfection du dock flottant confiés à la société Damen Shiprepair Dunkerque.
Il n'est pas davantage contesté que les échafaudages ont été remis à la société AM2K en bon état.
Aux termes de l'article 9 des conditions générales de vente et de location de la société Layher, dont l'acceptation n'est pas contestée par la société AM2K, « le loueur ou l'acquéreur, tant que le transfert de propriété n'a pas eu lieu, assurent la conservation du matériel ».
Il résulte des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que les échafaudages restitués à la société Layher ont souffert d'un « manque total de soins durant l'exécution du chantier, montage, exploitation, dépose, stockage et transport », l'expert ayant relevé de multiples détériorations, telles que des coups, vissages perforants interdits, déformations, accessoires de montages tordus, dépôts de matières diverses et oxydation.
L'expert a chiffré le préjudice matériel consécutif à la somme de 237 927,90 euros HT, montant repris tel quel par la société Layher.
Un tel préjudice n'est contesté ni dans son principe ni dans son montant par la société AM2K, dont la responsabilité est engagée en application des conditions générales précitées, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a accueilli la demande en paiement formée à ce titre contre elle, ce avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2020, date de délivrance de l'assignation en paiement.
' Sur la responsabilité de la société Damen Shiprepair Dunkerque
Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Selon une jurisprudence constante, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
En l'espèce, la société Layher soutient que la société Damen Shiprepair Dunkerque a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société AM2K, ce qui lui a causé un préjudice matériel dont elle réclame réparation.
S'il est acquis aux débats que les sociétés Damen Shiprepair Dunkerque et AM2K sont liées par un contrat, les obligations qui en résultent pour chacune d'elles ne s'infèrent pas avec évidence des pièces produites.
En effet, la société Damen Shiprepair Dunkerque se borne à verser deux bons de commande en date des 5 septembre 2016 et 5 octobre 2016 désignant sommairement les échafaudages à fournir, les prestations à réaliser par le fournisseur et la durée de mise à disposition du matériel, seul le premier de ces bons de commande étant assorti d'un document intitulé « Conditions générales d'achat pour les sous-traitants et les fournisseurs ».
De son côté, la société AM2K se borne à verser un devis en date du 5 octobre 2016 désignant à son tour sommairement les échafaudages à fournir, les prestations à réaliser par le fournisseur et la durée de mise à disposition du matériel, sauf à comporter deux mentions spécifiques :
- « NOTA : impact de l'eau de mer sur les roulettes d'échafaudages peut abîmer le système de roulement. La détérioration des roulettes sera à la charge du client. »
- « Tout matériel manquant ou dégradé sera facturé à votre charge après constatation des deux parties. »
Outre que ces bons de commande et devis sont elliptiques, aucun élément produit ne permet de se convaincre qu'ils aient été acceptés par les parties concernées.
Aussi convient-il de déterminer les obligations respectives des parties au regard du régime juridique applicable au contrat les unissant, ce qui suppose au préalable de procéder à sa qualification.
Il est acquis aux débats que la société AM2K s'est engagée à mettre à disposition de la société Damen Shiprepair Dunkerque des échafaudages, en se chargeant de leur pose et de leur dépose. A la mise à disposition d'une chose est donc associée une prestation de service, laquelle s'avère cependant accessoire à la mise à disposition du matériel sur le chantier pendant plusieurs mois, de sorte qu'il y a lieu de retenir la qualification de contrat de louage de chose, étant observé que la société Damen Shiprepair Dunkerque soutient qu'elle n'a pas loué les échafaudages à la société AM2K, tout en mentionnant une « durée de location » de quinze semaines dans le bon de commande du 5 septembre 2016 dont elle se prévaut.
C'est donc au regard des obligations générales du preneur à bail, telles que prévues aux articles 1728 et suivants du code civil, qu'il y a lieu d'apprécier les manquements reprochés à la société Damen Shiprepair Dunkerque par la société Layher, étant rappelé qu'il appartient au preneur d'user raisonnablement de la chose louée, dont il se voit transférer la garde, et de répondre des dégradations ou pertes qui surviennent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont lieu sans sa faute.
En l'espèce, il résulte des termes du rapport d'expertise judiciaire que les échafaudages litigieux ont été dégradés pendant leur « exploitation » par la société Damen Shiprepair Dunkerque sur le chantier du dock flottant, en raison notamment de leur oxydation.
De telles conclusions rejoignent celles du rapport d'expertise amiable établi à l'initiative de la société Layher, dont il résulte que l'absence de gommage des projections métalliques intervenues au cours du chantier a conduit au développement d'une corrosion surfacique et à une atteinte de la galvanisation. Si un tel phénomène a très certainement été aggravé par le stockage prolongé sur les quais après le démontage des échafaudages par la société AM2K, le processus d'oxydation a manifestement pris naissance au cours du chantier dirigé par la société Damen Shiprepair Dunkerque, laquelle évoque elle-même dans ses écritures « les contraintes du chantier, et notamment la présence de poussières métalliques liées aux opérations de découpage et de soudage des éléments de charpente métallique du dock » (p. 10), mentionnant expressément l'existence d'une « corrosion [...] superficielle » (ibid.) sur le matériel litigieux.
Il s'ensuit que la société Layher reproche à juste titre à la société Damen Shiprepair Dunkerque d'avoir laissé se dégrader les échafaudages dont elle avait la garde pendant le chantier, sans démontrer l'existence d'une cause exonératoire de responsabilité, étant précisé que la mention d'une « inspection journalière des échafaudages réalisée par une personne habilitée » et la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut l'appelante, figurent toutes deux dans le seul bon de commande du 5 septembre 2016, dont on a vu que l'acceptation n'était pas établie.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a accueilli la demande en paiement formée par la société Layher contre la société Damen Shiprepair Dunkerque au titre de son préjudice matériel, ce avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2020, date de délivrance de l'assignation.
Les manquements commis par les sociétés Damen Shiprepair Dunkerque et AM2K ayant généré le même préjudice, celles-ci seront condamnés in solidum à le réparer, le jugement entrepris étant uniquement réformé en ce qu'il a prononcé leur condamnation solidaire.
Sur le préjudice locatif de la société Layher
La société Layher sollicite l'indemnisation d'un préjudice consécutif à l'immobilisation du matériel litigieux. Elle calcule son préjudice en fonction du sort réservé aux échafaudages après expertise (matériel récupérable, matériel à remettre en état, matériel hors d'usage) et au regard d'un tarif Windec, sans plus de précision à cet égard.
Si l'indisponibilité du matériel litigieux a pu lui causer un préjudice, celui s'analyse nécessairement en la perte d'une chance de le donner en location.
L'indemnisation d'une telle perte de chance suppose que soient démontrées des sollicitations commerciales au cours de la période litigieuse, auxquelles la société Layher n'aurait pu donner suite en raison de l'indisponibilité des échafaudages endommagés.
Or la société Layher ne produit aucune pièce de nature à établir l'existence de marchés qui lui auraient échappé pour un tel motif.
Elle sera donc déboutée de sa demande indemnitaire au titre du préjudice locatif et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la garantie réciproque des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque
Le jugement entrepris condamne chacune des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées par la décision.
Un tel chef de décision, dont l'infirmation est sollicitée par les sociétés Damen Shiprepair Dunkerque et AM2K, n'est pas justifié par les motifs du jugement ni non plus par les écritures de la société Layher.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement de ce chef, étant observé que, si la condamnation in solidum des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque obligera chacune d'elles au paiement de la totalité de la somme due à la société Layher en réparation de son préjudice, ladite somme devra se répartir entre elles par moitié au stade de la contribution à la dette.
Sur la garantie sollicitée par la société AM2K
Selon une jurisprudence constante, il est interdit au créancier contractuel de se prévaloir des règles de la responsabilité extracontractuelle en cas de manquement du débiteur à ses obligations contractuelles.
En l'espèce, sa société AM2K sollicite la garantie de la société Damen Shiprepair Dunkerque au visa des articles 1240 à 1242 du code civil, soit au titre de la responsabilité extracontractuelle.
Or, ainsi qu'indiqué précédemment, les sociétés AM2K et Damen Siprepair Dunkerque sont liés par un contrat de louage.
Il s'ensuit qu'est irrecevable la demande de garantie formée par la société AM2K à l'encontre de la société Damen Shiprepair Dunkerque.
Sur le préjudice commercial de la société AM2K
La société AM2K sollicite réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi en raison de l'atteinte portée à son image par l'attitude fautive de la société Damen Shiprepair Dunkerque.
Elle ne produit toutefois aucun élément pour caractériser le préjudice invoqué, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande indemnitaire, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'issue du litige justifie de condamner in solidum les sociétés Damen shiprepair Dunkerque et AM2K aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle les a condamnées aux dépens de première instance incluant ceux du référé et les frais d'expertise judiciaire, sauf à les condamner in solidum et non solidairement.
La décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a condamné les sociétés Damen shiprepair Dunkerque et AM2K à payer à la société Layher la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à les condamner in solidum et non solidairement. Tenues aux dépens d'appel, les sociétés Damen shiprepair Dunkerque et AM2K seront en outre condamnées in solidum à payer à la société Layher la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et déboutées de leurs propres demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé des condamnations solidaires à l'encontre des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque, et en ce qu'il a condamné chacune d'elles à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit n'y avoir lieu à condamnation de chacune des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque à garantir l'autre à hauteur de la moitié de l'ensemble des condamnations prononcées ;
Dit que les condamnations prononcées à l'encontre des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque le sont in solidum et non solidairement ;
Y ajoutant,
Déclare recevables tant l'appel principal que les appels incidents ;
Déclare irrecevable la demande de garantie formée par la société AM2K au titre de la responsabilité extracontractuelle de la société Damen Shiprepair Dunkerque ;
Condamne in solidum les sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque à payer à la société Layher la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par chacune des sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Condamne in solidum les sociétés AM2K et Damen Shiprepair Dunkerque aux dépens d'appel ;
Le greffier Le président
Marlène Tocco Samuel Vitse