République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 15/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/06438 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UAW4
Jugement (N° 2020020733) rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SARL Theraform, représentée par Monsieur [KY] [T], en sa qualité de gérant,
ayant son siège social, [Adresse 1] [Localité 3]
représentée par Me Laurent Guilmain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Jean-Baptiste Gouache, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [L] [SN]
né le 04 Octobre 1961 à [Localité 7], de nationalité française
demeurant [Adresse 2] [Localité 5]
Société A Corps Parfait représentée par Madame [J] [F]
ayant son siège social, [Adresse 4] [Localité 9]
représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Hélène Moreira, avocat au barreau de Grenoble, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
DÉBATS à l'audience publique du 23 mars 2023 après rapport oral de l'affaire par Agnès Fallenot
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 décembre 2022
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FAITS ET PROCEDURE
La SARL Théraform développe des centres d'amincissement sous le régime de la franchise.
Le 8 décembre 2015, elle a conclu avec Monsieur [L] [SN] un contrat de franchise pour l'exploitation d'un centre situé à [Localité 9], [Adresse 4], pour une durée de 5 ans.
Le 21 décembre 2015, la SAS A corps parfait, immatriculée au RCS le 24 novembre 2015, s'est substituée à Monsieur [SN].
Le 18 mai 2020, la société A corps parfait a notifié par lettre recommandée avec avis de réception à la société Théraform sa volonté de ne pas renouveler le contrat à son terme, le 8 décembre 2020, invoquant une perte de confiance à la suite d'une tentative d'intimidation.
A la même date, par l'intermédiaire de son conseil, elle a informé le franchiseur qu'elle ne procéderait pas au paiement des redevances appelées pour les mois de mars, avril et mai 2020, compte-tenu de l'absence de prestations fournies sur cette période.
Par lettre recommandée en date du 29 mai 2020, la société Théraform a à son tour avisé Monsieur [SN] qu'elle n'entendait pas renouveler le contrat de franchise à son terme, avant de lui notifier la résiliation immédiate du contrat à ses torts par lettre recommandée du 10 septembre 2020, en lui reprochant d'avoir violé son contrat de franchise en menant une activité concurrente depuis son centre, en modifiant l'enseigne, en proposant des produits étrangers au réseau ainsi que des méthodes non agréées. Elle l'a alors mis en demeure de :
-respecter l'intégralité de ses obligations à la cessation du contrat de franchise stipulées à l'article 17 de celui-ci ;
-respecter la clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l'article 16 du contrat, en cessant toute activité concurrente ;
-payer à la société Théraform la somme de 5 568,30 euros HT au titre des redevances demeurées impayées.
Par courrier en date du 13 octobre 2020, la société A corps parfait a contesté l'intégralité des griefs formulés par le franchiseur et demandé le paiement de la somme de 80 520 euros en réparation de son préjudice.
Par acte d'huissier en date du 2 novembre 2020, la société Théraform a saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement rendu le 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :
« Déboute Mr [SN] et la société A CORPS PARFAIT de toutes leurs demandes au titre de la nullité du contrat, y compris les conséquences financières de ladite nullité
Condamne la société A CORPS PARFAIT à payer à la société THERAFORM la somme de 2 794,50 € TTC au titre des redevances échues demeurées impayées
Déboute la société A CORPS PARFAIT de sa demande au titre de la résiliation abusive du contrat
Déboute la société THERAFORM de toutes ses autres demandes
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du CPC
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution
CONDAMNE la société THERAFORM aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 94.36 € (en ce qui concerne les frais de Greffe), comprenant notamment les frais d'assignation, les frais de greffe et les frais de signification du présent jugement. ».
Par déclaration du 27 décembre 2021, la société Théraform a relevé appel de cette décision en ce qu'elle « déboute la société THERAFORM de toutes ses demandes et condamne la Société THERAFORM aux entiers frais et dépens dont ceux de greffe taxés et liquidés à la somme de 94,36€ ».
Par avis en date du 14 octobre 2022, les parties ont été avisées que l'affaire serait plaidée le 10 janvier 2023 à 9h30 en rapporteur, avec une clôture devant être prononcée le 20 décembre 2022 à 14h00.
A la demande de la société A corps parfait et de Monsieur [SN], un report de l'ordonnance de clôture a été accordé jusqu'au 28 décembre 2022 à 14h00, la société Théraform ayant communiqué de nouvelles conclusions et pièces, numérotées de 49 à 51, le 19 décembre 2022, puis de nouvelles conclusions le 20 décembre 2022, assorties de nouvelles pièces numérotées de 52 à 56.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 28 décembre 2022, la société Théraform demande à la cour de :
« Vu les articles 1217, 1221, 1224, 1226, 1231 et 1231-5 du code civil,
Vu les articles 514, 699 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites,
(...)
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole, en ce qu'il a :
o débouté la société THERAFORM de toutes ses autres demandes
o dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
o condamné la société THERAFORM aux entiers dépens ;
- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu'il a :
o Débouté Monsieur [SN] et la société A CORPS PARFAIT de toutes leurs demandes au titre de la nullité du contrat, y compris les conséquences financières de ladite nullité ;
o Condamné la société A CORPS PARFAIT à payer à la société THERAFORM la somme de 2 794,50 € TTC au titre des redevances échues demeurées impayées ;
o Débouté la société A CORPS PARFAIT de sa demande au titre de la résiliation abusive du contrat ;
- DEBOUTER A CORPS PARFAIT et Monsieur [SN] de leur appel incident
- JUGER que la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] ont violé l'obligation de non-concurrence et de non-affiliation, qui leur était applicable en vertu du contrat de franchise conclu le 8 décembre 2015 avec la société THERAFORM,
- JUGER que la société THERAFORM, était fondée à résilier le contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé,
- CONDAMNER solidairement la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] à payer à la société THERAFORM la somme de 100.000 euros au titre de la réparation de son préjudice subi du fait de la concurrence pendant le contrat,
- CONDAMNER solidairement la société A CORPS PARFAIT à payer à la société THERAFORM la somme de 40.000 euros au titre du préjudice moral en raison de l'extrême déloyauté de M. [SN]
- CONDAMNER solidairement la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] à payer à la société THERAFORM la somme de 1.117,80 euros TTC au titre des redevances dues jusqu'au terme du contrat le 8 décembre 2020,
- CONDAMNER solidairement la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] à payer à la société THERAFORM la somme de 800 euros par jour au titre de la liquidation de l'astreinte prévue contractuellement par les parties en cas d'inexécution par le franchisé de ses obligations contractuelles lors de la cessation du contrat de franchise à liquider à compter du 10 septembre 2020,
- ENJOINDRE la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] d'exécuter immédiatement leurs obligations contractuelles liées à la cessation du contrat de franchise, sous astreinte de 800 euros par jour,
- ENJOINDRE la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] de cesser immédiatement toute activité concurrente de la société THERAFORM dans un rayon de 50 kilomètres autour de la commune d'[Localité 9], sous astreinte de 500 euros par jour,
- CONDAMNER solidairement la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] à payer à la société THERAFORM la somme de 79.000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du fait d'avoir violé leur clause de non-concurrence post-contractuelle,
- CONDAMNER in solidum la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] à payer à la demanderesse la somme de 46.947,60 euros TTC en réparation du préjudice subi du fait de la déstabilisation du réseau THERAFORM,
- CONDAMNER in solidum la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] à verser à la demanderesse la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- CONDAMNER in solidum la société A CORPS PARFAIT et M. [SN] aux entiers dépens de première instance et d'appel en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile, ».
La société Théraform précise qu'elle demande la condamnation de la société A corps parfait et de Monsieur [SN] à titre solidaire, car ce dernier, lors de la signature du contrat de franchise, s'est rendu codébiteur solidaire de la société qu'il allait constituer pour l'exploitation du centre, en application des articles 1310 et suivants du code civil. C'est de parfaite mauvaise foi que Monsieur [SN] prétend qu'il n'aurait pas compris ce à quoi il s'engageait.
Il importe peu que lors de la signature de l'avenant, celui-ci se soit engagé au surplus à se porter caution solidaire, dans les conditions prévues à l'acte de cautionnement annexé, qui lui imposaient de reproduire une mention manuscrite, ce qu'il n'a pas fait. En effet, selon l'article 1331 du code civil, la novation n'a lieu que si l'obligation ancienne et l'obligation nouvelle sont l'une et l'autre valables. Ainsi, si l'obligation créée par la novation (ici le cautionnement) est nulle, l'obligation ancienne renaît (la dette solidaire).
En tout état de cause, Monsieur [SN] a fait dans l'avenant une promesse de cautionnement qu'il n'a pas régulièrement exécutée. L'inexécution de cette promesse engage sa responsabilité contractuelle. Les dommages et intérêts dus sont à hauteur de ce que son cautionnement l'aurait contraint à couvrir.
Monsieur [SN] invoque la prescription car le contrat daterait de 2015. Cependant, en application de l'article 2224 du code civil, sa responsabilité pour inexécution de sa promesse n'existe que du jour où le dommage est constitué.
La société Théraform reproche aux intimés la violation des clauses de non-concurrence stipulées par le contrat, qui prévoyaient que le franchisé s'interdisait d'exploiter toute autre activité similaire sur le territoire national. Dès lors, une autre activité d'amincissement, quels que soient la méthode et le protocole utilisés, était interdite à la société A corps parfait jusqu'au 8 décembre 2020, terme du contrat. Or le constat d'huissier effectué le 30 juin 2020 ne permet pas le moindre doute quant à la nouvelle activité pratiquée par la société A corps parfait et par Monsieur [SN], lequel se présente désormais comme 'digithérapeuthe', exploitant un centre sis [Adresse 4] à [Localité 9], sous l'enseigne 'Cap energys', et adhérent de la société Luxomed.
La société Théraform fait valoir qu'un acte d'huissier de justice vaut jusqu'à inscription de faux, et que le tribunal ne pouvait donc pas valablement juger que ce constat éclairait peu le débat sur une réelle concurrence et n'apportait pas la preuve des faits allégués. La clause de non-concurrence a été violée dès lors que Monsieur [SN] exerce l'activité concurrente, fût-ce en son nom propre, ce qui n'est même pas établi, dans les locaux de la société qu'il dirige, alors qu'il est codébiteur solidaire avec elle de l'obligation contractuelle de non-concurrence pendant l'exécution du contrat.
La société Théraform souligne que la résiliation pouvait être prononcée tant que le contrat était en vigueur, et même pendant le préavis, si l'inexécution était suffisamment grave. En l'espèce, le manquement à l'obligation de non-concurrence a gravement compromis l'image de marque du réseau en créant une confusion dans l'esprit du public. Ces agissements l'ont obligée à résilier sans délai le contrat de franchise, sans mettre en demeure un franchisé qui n'entendait vraisemblablement pas respecter les obligations essentielles de son contrat.
De nombreux investissements ont été réalisés par la société Théraform afin de positionner ses marques sur le marché de l'amincissement, grâce à une méthode que ses fondateurs ont mis au point pendant de nombreuses années, et une formation permettant la transmission aux franchisés d'un savoir-faire unique, distinct par essence des autres programmes d'amincissement. Ces investissements fondent l'image de la marque sur le long terme. En mélangeant plusieurs marques, plusieurs méthodes, et en semant le trouble dans l'esprit du client quant à l'originalité du concept Théraform, Monsieur [SN] et la société A corps parfait ont sans conteste atteint durablement l'image de la marque Théraform dans la zone de chalandise qui leur était attribuée, et bien au-delà.
En outre, jusqu'au terme du contrat, le 8 décembre 2020, la société A corps parfait et Monsieur [SN] devaient s'acquitter de la somme mensuelle de 558,90 euros TTC au titre de la redevance de franchise, indépendamment de tout chiffre d'affaires.
La société A corps parfait et Monsieur [SN] devront être contraints d'exécuter l'ensemble de leurs obligations relatives à la cessation du contrat de franchise, sous astreinte de 800 euros par jour à liquider à compter du 10 septembre 2020. La société Théraform précise déplorer que :
-le mini-site internet local soit toujours accessible en ligne,
-aucune justification des déclarations modificatives auprès du registre du commerce et des sociétés ne lui soit parvenue,
-la table et le tabouret ne lui aient pas été restitués,
-la ligne téléphonique mentionnant le nom Théraform n'ait pas été dénumérotée,
-le matériel et tous les supports relatifs au concept Théraform ne lui aient pas été restitués,
-le site internet www.theraform-ormesson.com, toujours accessible au public, fasse mention du centre sis à [Localité 9] comme faisant partie du réseau,
-le site www.accorpsparfait94.business.site et le site https://www.cylex-locale.fr/entreprises/a-corps-parfait-12849975.html fassent la promotion du centre exploité par la société A corps parfait et Monsieur [SN] à travers des témoignages de clients venus dans ce qui était alors le centre Théraform,
-la page www.annuaire-therapeutes.com/therapeute/131001-[L]-[SN]-[Localité 9] référence Monsieur [SN] comme ayant une formation de plastithérapeute Théraform,
-le référencement du centre d'[Localité 9] comme faisant partie du réseau sur le site https://fr.linkedin.com/in/theraform-ormesson-a39b71134.
Elle plaide que la Cour de cassation a déjà jugé que les clauses de neutralisation des signes distinctifs dans la période post-contractuelle étaient proportionnées, et donc équilibrées.
Elle demande encore l'application de sa clause de non-concurrence, qu'elle considère comme valable tant au regard du droit européen que du droit interne, limitée dans le temps et l'espace, et justifiée par la protection du savoir-faire du franchiseur. Elle demande que la société A corps parfait et Monsieur [SN] soient contraints de cesser immédiatement toute activité concurrente de la société Théraform dans un rayon de 50 kilomètres autour de la commune d'[Localité 9], sous astreinte de 500 euros par jour.
La société Théraform a, le 10 septembre 2020, mis en demeure la société A corps parfait et Monsieur [SN] de cesser toute activité concurrente dans les 15 jours à compter de la réception de la notification. C'est en vain que la société A corps parfait prétend n'avoir plus d'activité mais se contenter de sous-louer son local. Cette argumentation est d'une particulière mauvaise foi dans la mesure où le prétendu sous-locataire est Monsieur [SN] qui viole tout autant l'obligation de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelle. L'article 16 du contrat de franchise stipule qu'« en cas de non-respect des engagements contenus dans les alinéas qui précèdent, lesquels constituent une condition déterminante du consentement de Théraform à signer le présent contrat, le Franchisé versera, à Théraform, une indemnité égale au minimum à 2 fois le montant actualisé du droit d'entrée dans le réseau Théraform. » Or le montant du droit d'entrée payé par les nouveaux membres du réseau Théraform était de 39 500 euros HT en 2020.
La société Théraform demande encore la réparation du préjudice subi du fait de la déstabilisation du réseau. Elle argue que Monsieur [SN] est à l'origine de la création d'un groupe Facebook qu'il administrait et par lequel il incitait les franchisés à refuser notamment de payer les redevances par virement, contrairement à ce qui était stipulé dans leur contrat. Plusieurs franchisés à l'origine de ces violations contractuelles ont fait part au franchiseur de leur volonté de ne pas renouveler leurs contrats. Ces notifications de non-renouvellement en série, pour lesquelles Monsieur [SN] a 'uvré dans l'ombre, se traduisent par une perte significative de revenus pour la société Théraform. En effet, la simple perte des redevances mensuelles, sur cinq ans, pour sept franchisés qui, sans l'intervention de Monsieur [SN], auraient sans nul doute renouvelé leurs contrats, se chiffre à 558,90 euros TTC x 12 mois x 7 franchisés = 46 947,60 euros TTC. Les intimés prétendent que la société A corps parfait ne se serait pas rendue coupable de cette déstabilisation. Mais c'est en tant que représentant de la société franchisée que Monsieur [SN] a cessé de payer les redevances. Le fait qu'il en soit solidaire n'exclut pas que ce soit la société A corps parfait qui ait provoqué cette déstabilisation par le biais de son représentant.
Par ailleurs, la duplicité et la déloyauté de Monsieur [SN] lui ont causé un préjudice moral qu'il convient de réparer. Contrairement à ce que prétend la partie adverse, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en cause d'appel. La demande de réparation du préjudice subi par la société Théraform est dans les débats depuis la première instance et il est tout à fait recevable d'ajouter en appel de nouveaux chefs de préjudice poursuivant la même fin d'indemnisation.
La société Théraform sollicite enfin le rejet des demandes de la société A corps parfait et de Monsieur [SN]. Elle fait valoir que le manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information ne peut entraîner la nullité du contrat de franchise que s'il est prouvé qu'il a causé un vice du consentement.
En l'espèce, Monsieur [SN] a reconnu qu'il avait pu être renseigné au cours de ses différents entretiens et visites au siège, à la fois sur la valeur du concept et sur la solidité du réseau. Il a également reconnu avoir reçu le projet de contrat, le DIP et ses annexes qui lui ont permis de parfaire sa connaissance du réseau. Pour tenter de prouver le contraire, il produit des attestations dénuées de crédibilité. La société Théraform se prévaut des dispositions de l'article 1359 alinéa 2 du code civil et du fait que Monsieur [SN] n'était pas commerçant au jour où il a signé l'acte juridique de quittance prouvant l'exécution de l'obligation d'information. Elle conclut à l'irrecevabilité de la pièce adverse n°57 pour ce motif, ainsi qu'à celle de la pièce adverse n°64 pour irrespect des dispositions de l'article 202 du code civil.
Au cours des presque cinq années d'exécution du contrat de franchise, jamais Monsieur [SN] ou la société A corps parfait n'ont émis le moindre doute quant à la fiabilité des informations contenues dans le DIP. Ils prétendent désormais qu'il aurait manqué l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché, ainsi que les comptes annuels des deux derniers exercices et une présentation du réseau d'exploitants, comportant la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu. Or les pages 5 à 12 du DIP sont consacrées au marché national de l'amincissement, fournissant au candidat les informations utiles. Le franchiseur a bien transmis un comparatif des bilans des années 2013 et 2014, permettant au candidat d'appréhender la santé économique de la société. Enfin, la liste des centres Théraform est située dans l'annexe 6 du DIP.
Monsieur [SN] ne démontre aucunement que l'information qui lui a été remise était incomplète ou erronée et que les informations manquantes l'auraient convaincu de ne pas signer s'il en avait eu connaissance. Il ne caractérise nullement le vice.
En outre, le franchisé est tenu par un devoir général de se renseigner. Monsieur [SN] a disposé d'un délai de deux mois entre la remise du DIP le 9 octobre 2015 et la signature du contrat le 8 décembre 2015. Il a également pu profiter d'une période précontractuelle conséquente. Il avait donc le temps de se rapprocher du franchiseur, ce qu'il n'a pas fait, ou d'aller lui-même chercher les informations qui auraient pu lui permettre de fonder son consentement.
La société Théraform rappelle encore que l'erreur sur la rentabilité du concept d'une franchise ne peut conduire à la nullité du contrat pour vice du consentement du franchisé si elle ne procède pas de données établies et communiquées par le franchiseur. Or Monsieur [SN] a reconnu avoir fait en toute autonomie son compte d'exploitation prévisionnel.
Les intimés prétendent qu'ils auraient été trompés par des chiffres qui leur auraient été donnés par la société Théraform et qui seraient mensongers. Ils produisent à cet égard deux captures d'écran, sans aucune date, de sites de référencement des enseignes exploitées en franchise, qui ne peuvent cependant être mises en rapport avec les informations transmises par la société Théraform dans la période précontractuelle et notamment dans le cadre du DIP. Ces pièces ne sont ni datées, ni constatées par huissier. Du point de vue du droit de la preuve, elles ne sont pas recevables pour établir qu'elles étaient en ligne avant la date de conclusion du contrat. Les attestations d'autres franchisés versées par les intimés ne reposent pas sur les mêmes chiffres, et ne sont par ailleurs pas conformes à la réalité. Quoi qu'il en soit, le contrat de franchise stipule clairement que les résultats d'exploitation du centre sont de la seule responsabilité du franchisé. Le potentiel de la zone de chalandise ne souffrait alors d'aucune objection et c'est pour cela que Monsieur [SN] l'a choisie après mûre réflexion.
Si par extraordinaire, la cour venait à considérer le contrat de franchise comme nul :
-la restitution de la redevance initiale forfaitaire ne serait pas due, car le franchisé a profité de son intégration dans le réseau, jusqu'à la résiliation du contrat ;
-le franchisé a bénéficié de la marque du franchiseur, de son savoir-faire et de son assistance, pendant la période d'exécution du contrat, ce qui implique une compensation avec le montant des redevances mensuelles dues.
Il n'y a eu aucun défaut d'assistance pendant la crise sanitaire, même si les réunions en présentiel ont été transformées en assistance téléphonique et en stages par petits groupes. Invoquer l'inexécution de l'obligation d'assistance, quasiment cinq ans après le contrat, alors qu'il n'y a eu aucune plainte précise sur ce qui est aujourd'hui reproché, n'est pas sérieux.
La société A corps parfait demande le paiement de la somme de 23 058,30 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des investissements réalisés en pure perte pour exploiter cette franchise. Or elle ne prouve aucune faute du franchiseur.
Monsieur [SN] reconnaît avoir reçu 80 heures de formation, ce qui est conforme aux stipulations contractuelles. Il ne s'est jamais plaint de la moindre lacune dans sa formation initiale. Il ne peut reprocher à la société Théraform de ne pas l'avoir assisté face à ses difficultés économiques qui n'entrent pas dans son obligation d'assistance, laquelle a été remplie.
C'est donc à tort que la société A corps parfait prétend qu'elle a payé des redevances sans contrepartie.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 28 décembre 2022, Monsieur [SN] et la société A corps parfait demande à la cour de :
« Vu l'article 1134 du Code civil alors applicable,
Vu l'article 1108 et suivants alors applicables
Vu l'article 1147 du code civil alors applicable
Vu l'article L341-2 du code de la consommation relation au cautionnement
Vu les pièces versées aux débats selon bordereau,
(...)
- CONFIRMER le Jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société THERAFORM de ses demandes à l'encontre de M. [SN]
- CONFIRMER le Jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société THERAFORM de ses demandes au titre de la violation de l'obligation de non concurrence
- REFORMER le Jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société A CORPS PARFAIT de ses autres prétentions,
ET STATUANT A NOUVEAU DE :
DIRE ET JUGER M. [L] [SN] et la société A CORPS PARFAIT recevables et bien fondés en leurs demandes
A titre principal,
PRONONCER la nullité du contrat de franchise correspondant aux contrats signés les 8 décembre 2015 et 21 décembre 2015 entre les parties au litige
En conséquence,
CONDAMNER la société THERAFORM à payer à la société A CORPS PARFAIT
- La somme 47.400 euros au titre de la restitution de la redevance initiale forfaitaire
- La somme de 33.120 euros au titre des restitutions correspondant aux cinq années de redevances payées par le franchisé
- La somme de 23.058,30 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des investissements réalisés en pure perte pour exploiter cette franchise par la société A CORPS PARFAIT
A titre subsidiaire, si la Cour d'appel considère le contrat de franchise valable,
JUGER que la clause de non concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelle est disproportionnée et réputée non écrite,
JUGER, en tout état de cause, l'absence d'actes de concurrence de la part de la société A CORPS PARFAIT ou de M. [SN]
JUGER que la société THERAFORM a rompu brutalement et abusivement le contrat de franchise
CONDAMNER la société THERAFORM à payer à la société A CORPS PARFAIT
- La somme 30.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive du contrat
- La somme de 33.120 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux cinq années de redevances payées sans contrepartie
DECLARER irrecevable la demande nouvelle de la société THERAORM portant sur le prétendu préjudice moral chiffré à 40.000 euros
En tout état de cause,
REJETER l'ensemble des prétentions émises par la société THERAFORM
CONDAMNER la société THERAFORM à payer la somme de 6.000 euros à la société A CORPS PARFAIT ainsi qu'à M. [L] [SN] en application de l'article 700 du CPC
CONDAMNER la société THERAFORM aux entiers dépens de première instance et d'appel ».
Monsieur [SN] et la société A corps parfait soutiennent que le contrat de franchise est nul. En effet, le document d'informations précontractuelles communiqué par la société Théraform est particulièrement lacunaire, puisqu'il ne comprend pas :
-l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ;
-les comptes annuels des deux derniers exercices ;
-une présentation du réseau d'exploitants qui comportant la liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu.
La société Théraform a communiqué en cours de procédure de prétendues annexes qui n'ont jamais été fournies au franchisé et qui étaient nécessaires à son consentement éclairé. La société A corps parfait a été trompée volontairement par le franchiseur qui a occulté des informations essentielles. Le contrat doit être annulé et la société Théraform condamnée à réparer le préjudice causé.
Le franchiseur prétend que le franchisé ne peut, en application de l'article 1359 alinéa 2 du code civil, affirmer n'avoir pas reçu les annexes du DIP car il aurait signé une mention contraire. Or en application de l'article L110-3 du code de commerce, le franchisé est parfaitement recevable à apporter tous les éléments de preuves, notamment des témoignages, permettant d'attester de la véracité de ses propos.
La société Théraform attire des franchisés au moyen de chiffres au caractère mensonger, publiés sur ses différents sites internet. Pendant plusieurs années, Monsieur [SN] n'a pas pu se verser de rémunération. En raison du défaut d'information, il pensait que ces mauvais chiffres lui étaient imputables avant de constater qu'ils étaient généralisés dans le réseau. Les chiffres annoncés par le franchiseur étaient d'autant plus trompeurs que la zone géographique concédée à la société A corps parfait n'était pas pertinente. La ville d'[Localité 9] comprend uniquement 10 000 habitants. Or le contrat exigeait une zone de chalandise de plus de 30 000 habitants. L'erreur provoquée sur la rentabilité de cette activité a été déterminante de l'engagement.
Les manquements du franchiseur à son obligation de contracter loyalement ont vicié le consentement de Monsieur [SN] puis de la société A corps parfait. Si ces derniers avaient eu connaissance de la santé financière de la société Théraform, de l'état réel du marché et de la rentabilité prévisible, ils ne se seraient pas engagés.
Le contrat de franchise doit donc être annulé, et l'ensemble des sommes versées restituées, qu'il s'agisse de la redevance initiale forfaitaire ou des redevances de franchise.
La société A corps parfait conteste en effet avoir bénéficié d'une contrepartie au paiement des redevances, le franchiseur ne lui ayant apporté aucune assistance durant la relation contractuelle. Il ne faisait pas de publicité de nature à rallier la clientèle et n'actualisait pas le savoir-faire. La carence du franchiseur a d'ailleurs poussé les franchisés à se réunir au sein d'un réseau social pour échanger sur leurs pratiques et à cesser de payer les redevances. La société Théraform doit donc être déboutée de sa demande de compensation.
Elle doit en outre être condamnée au titre des investissements réalisés en pure perte en application de l'article 1178, alinéa 4, du code civil. Elle se retrouve aujourd'hui sans activité économique en raison de la défaillance du franchiseur. Elle est contrainte de louer son local commercial.
Le contrat de franchise étant nul, la société Théraform devra être déboutée de toutes ses demandes en découlant.
Les intimées plaident encore que l'engagement de caution de Monsieur [SN] est nul sur le fondement de l'article L341-2 du code de la consommation. La société Théraform soutient que si l'acte de cautionnement est nul, ce dernier engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Or elle est la rédactrice des actes litigieux et donc seule responsable de cette nullité. En outre, son action est prescrite, l'acte ayant été signé en décembre 2015 et la demande formée dans des conclusions d'août 2022. Enfin, le droit du cautionnement a pour objet de protéger la caution face au professionnel, ce dernier ne pouvant invoquer sa propre turpitude ayant consisté à ne pas respecter le formalisme légal pour engager la responsabilité de la personne physique et contourner ainsi le droit du cautionnement.
Monsieur [SN] ne s'est jamais engagé en qualité de codébiteur. Il a signé le contrat de franchise du 8 décembre 2015 en qualité de franchisé. Si le paragraphe qui identifie la personne du franchisé indique qu'il agit « tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de toute personne physique ou morale qui exploiterait le présent contrat et déclare se porter garant solidaire », il a compris que s'il faisait, en sa qualité de franchisé, exploiter le contrat par une autre, il devait s'en porter garant.
La société A corps parfait, Monsieur [SN] et la société Théraform ont régularisé un avenant au contrat de franchise stipulant une substitution de franchisé et de débiteur. L'avenant au contrat de franchise prévoit que « Monsieur [L] [SN] déclare substituer la société A corps parfait, qui l'accepte, dans ses droits et obligations, notamment financières, au titre du contrat de franchise. » Si M. [SN] avait été co-débiteur de la société A corps parfait, la société Théraform n'aurait pas sollicité un engagement de cautionnement solidaire de sa part.
Si par extraordinaire, la cour d'appel considérait que cet article définit les obligations à la charge du franchisé et que cet engagement est valable, il lui est demandé de constater que l'engagement de codébiteur solidaire est nul en raison de l'erreur déterminante de son consentement en application de l'article 1132 du code civil.
Monsieur [SN] observe en outre qu'il n'est pas le président de la société A corps parfait, mais son directeur général. Surtout, il n'est pas démontré de faute intentionnellement commise par lui d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales, justifiant la mise en jeu de la responsabilité personnelle. En conséquence, la société Théraform doit déboutée de son action à son encontre.
La société A corps parfait ayant été substituée dans ses droits et obligations, il n'est tenu d'aucune obligation de non-concurrence. Par ailleurs, les sociétés A corps parfait et Théraform s'étaient accordées sur la fin de la relation contractuelle au 30 juin 2020, date à laquelle chacune a repris sa liberté.
Le site internet visé par la société Théraform, dénommé Cap energys, correspond à un projet réalisé dans le cadre d'une formation professionnelle en web design. La société A corps parfait y est complètement tierce. Ce site a été publié par un élève dans le cadre de son projet sur une durée de moins de 30 jours. Il n'appartient nullement à la société A corps parfait et encore moins à Monsieur [SN].
Ensuite, la société Théraform ne démontre nullement que la société A corps parfait serait affiliée à un centre d'amincissement concurrent et pratiquerait ses techniques dans son centre. Même si un membre de la société A corps parfait a suivi une formation Luxomed en juin 2020, aucun appareil de luxothérapie n'est utilisé pour faire des soins ou pour pratiquer de l'amincissement sous l'enseigne Théraform dans le centre de la société A corps parfait. En outre, cet appareil permet de traiter des fonctionnalités portant sur les troubles de la ménopause, l'arrêt du tabac, la relaxation et le rajeunissement du visage. Ces activités ne sont nullement concurrentes de celle de Théraform qui est l'amincissement.
La société A corps parfait a cessé toute activité professionnelle le 20 septembre 2020, les locaux étant loués à une réflexologue. Elle ne s'est pas rendue coupable d'une quelconque faute de déstabilisation du réseau de Théraform. L'appelante est responsable de sa perte de vitesse, qui existait avant l'arrivée de la société A corps parfait dans le réseau. Mais surtout, la société Théraform n'explicite ni ne démontre la réalité de son préjudice et d'un lien de causalité avec une faute de la société A corps parfait.
Cette dernière reconnaît que toutes les factures de redevances n'ont pas été payées. Toutefois, cette absence de règlement se justifie par l'absence de contrepartie de la part du franchiseur.
La société Théraform sollicite encore sa condamnation à lui verser les redevances des mois d'octobre et novembre 2020 en visant l'article 9 « redevances mensuelles » qui n'est pas applicable post résiliation. Or elle avait résilié de sa propre initiative le contrat litigieux au mois de septembre 2020. Aucune redevance n'est donc due à partir de cette date. En tout état de cause, compte-tenu de la rupture du contrat, la société Théraform ne saurait prétendre avoir fourni une quelconque prestation. Elle ne subit aucun préjudice et ne saurait en conséquence obtenir aucune indemnité.
La société A corps parfait a procédé au dépôt de l'enseigne et fait disparaître tout signe de ralliement à la franchise Théraform. Elle a d'ailleurs cessé de travailler à compter du 20 septembre 2020. Enfin, le matériel acquis par la société A corps parfait estampillé au nom de la société Théraform a été laissé à sa disposition.
La clause 17 du contrat stipulant une indemnité de 800 euros est une clause pénale. Elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui justifie que son application soit écartée en application de l'article L446-6 du code de commerce.
L'article 16 du contrat fait interdiction au franchisé « pendant une durée de 2 ans sur la ville d'[Localité 9] et dans la zone contractuelle et dans un rayon de 50 km autour de cette ville, d'exploiter un Centre d'Amincissement concurrent ou similaire et s'interdit sur le même territoire pendant un délai de 2 ans, de pratiquer seul l'activité d'amincissement ou de travailler dans, pour ou en collaboration avec un Centre d'Amincissement concurrent ou similaire ». Or une telle clause est « illicite, nulle et réputée non écrite », faute de respecter les quatre conditions cumulatives édictées par l'article L341-2 du code de commerce.
Les intimés plaident encore que la demande de condamnation solidaire de Monsieur [SN] et de la société A corps parfait au paiement de la somme de 40 000 euros dans le cadre des conclusions d'appelant n°4 est une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable. Elle est également infondée en l'absence de faute, de préjudice et de lien de causalité.
Alors que les parties s'étaient entendues pour mettre un terme à leurs relations contractuelles à la date du 8 décembre 2020, la société Théraform a rompu le contrat brutalement et abusivement par courrier en date du 10 septembre 2020. Elle n'a pas hésité à nuire à la réputation de la société A corps parfait et de Monsieur [SN], son directeur général. Cela justifie l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé.
La société A corps parfait payait des redevances mais n'a reçu, en contrepartie, ni réelle transmission d'un savoir-faire, ni assistance technique et commerciale. Elle s'est vue facturer des frais abusifs et ses dirigeants ont été victimes de tentatives d'intimidation. Elle est bien fondée à engager la responsabilité de la société Théraform en application de l'article 1147 du code civil alors applicable, celle-ci devant lui rembourser les redevances payées sans contrepartie à titre de dommages-intérêts.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 décembre 2022.
Par message en date du 6 janvier 2023, les parties ont été avisées que l'affaire était renvoyée à l'audience collégiale prévue le 23 mars 2023 à 14h00.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 16 mars 2023, la société Théraform a sollicité la révocation de l'ordonnance du clôture du 28 décembre 2022 et 'la réouverture des débats afin de permettre à la société Théraform de produire à la procédure des attestations prouvant la violant de la clause de non-concurrence de la part de Monsieur [L] [SN]'.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 17 mars 2023, la société A corps parfait et Monsieur [SN] s'y sont opposés à titre principal, demandant à titre subsidiaire la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire devant le conseiller de la mise en état.
Par ordonnance du 21 mars 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande, en soulignant que l'impossibilité de constituer de tels éléments de preuve avant l'ordonnance de clôture n'était pas caractérisée, rappelant que celle-ci était intervenue plus de douze mois après la déclaration d'appel, elle-même formée contre un jugement rendu sur une assignation délivrée le 2 novembre 2020.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 21 mars 2023, la société Théraform a demandé à la cour de :
'Vu l'article 803 du Code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture,
(...)
A titre principal,
de REVOQUER l'ordonnance de clôture du 28 décembre 2022,
et D'ORDONNER LA REOUVERTURE DES DEBATS, afin de permettre à la société THERAFORM de produire à la procédure des attestations prouvant la violation de la clause de non-concurrence de la part de Monsieur [L] [SN]'.
A l'appui de sa demande, elle a fait valoir que la communication après la clôture d'une pièce de nature à déterminer la solution du litige, bien qu'elle ne soit pas 'per se' une cause grave, justifiait la révocation de l'ordonnance de clôture. Elle a ajouté que les attestations qu'elle souhaitait verser aux débats avaient été reçues après l'ordonnance de clôture, car ses franchisés n'avaient accepté de témoigner qu'en 2023. Elle a conclu qu'elle était tenue de produire tout élément en sa possession afin d'éclairer le juge sur l'affaire qui lui était soumise, et souligné que les attestations litigieuses constituaient des preuves décisives de la violation par Monsieur [SN] de son obligation de non-concurrence ainsi que de ses agissements pour déstabiliser le réseau Théraform.
Par conclusions notifiées par le RPVA le 23 mars 2023, la société A corps parfait et Monsieur [SN] ont demandé à la cour de :
'Vu l'article 803 du CPC
Vu les pièces versées au débat selon bordereau
(...)
A titre principal,
- REJETER la demande de révocation de l'Ordonnance de clôture du 28 décembre 2022
- DECLARER irrecevable les conclusions communiquées par THERAFORM le 16 mars 2022
- ECARTER des débats les pièces visées au bordereau de la société THERAFORM dans ses conclusions du 16 mars 2023 et non communiquées à ce jour aux intimées
- STATUER sur les dernières conclusions récapitulatives communiquées par les parties en décembre 2022
A titre subsidiaire, en cas de révocation de l'Ordonnance de clôture
- ORDONNER la réouverture des débats et renvoyer le dossier devant le conseiller de la mise en état'.
Ils ont reproché à la société Théraform de discuter du contenu des attestations litigieuses dans ses conclusions procédurales sans les verser aux débats, violant le principe du contradictoire comme elle l'avait déjà fait en concluant en dernière minute.
Ils ont fait valoir qu'elle ne justifiait pas d'une cause grave et légitime justifiant le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats, rien n'établissant que les attestations litigieuses, non probantes et probablement obtenues par contrainte sur les franchisés, n'avaient pas pu être communiquées antérieurement.
Par message adressé par le RPVA le 22 mai 2023, il a été demandé au conseil de la société Théraform de produire sous 24 heures les pièces numérotées 57 à 64 visées par ses conclusions de rabat de clôture.
Lesdites pièces ont été adressées le jour même par message RPVA.
SUR CE
I - Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.
Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.
Aux termes de l'article 2 du code de procédure civile, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.
Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, c'est de manière totalement péremptoire que la société Théraform soutient qu'elle ne pouvait verser aux débats les attestations de ses franchisés qui figurent à l'appui de ses conclusions procédurales sous les numéros 59 à 63 antérieurement à l'ordonnance de clôture, dans la mesure où ces derniers n'auraient accepté de témoigner qu'en 2023.
Elle ne justifie aucunement de la date à laquelle elle a entrepris des démarches pour obtenir lesdits témoignages, étant observé qu'ils sont tous datés du mois de mars 2023, à savoir du 9 mars 2023 en ce qui concerne Monsieur [P] [I], du 11 mars 2023 en ce qui concerne Madame [X] [U], Madame [D] [N] et Monsieur [Z] [V], et enfin du 13 mars 2023 en ce qui concerne Monsieur [GN] [H].
Elle ne rapporte donc pas la preuve qu'elle ne pouvait pas obtenir ces attestations antérieurement à l'ordonnance de clôture et que leur production tardive ne résulte pas de sa négligence procédurale, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le fait que lesdites pièces auraient une influence déterminante sur l'issue de la procédure, ce qui n'est en tout état de cause pas le cas.
Dès lors, la société Théraform n'établit pas la réalité de la cause grave qu'elle invoque et ne peut qu'être déboutée de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 28 décembre 2022 à 14h00 et de réouverture des débats.
Si aucun motif ne justifie de déclarer irrecevables les conclusions purement procédurales notifiées par la société Théraform le 16 mars 2023, il convient en revanche d'écarter des débats les pièces visées au bordereau de la société Théraform sous les numéros 59 à 63, s'agissant des attestations litigieuses.
Il n'y a pas lieu d'écarter les pièces 57 ('ordonnance de clôture'), 58 ('dernières conclusions de Monsieur [SN]') et 64 ('Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n°12-11.517'), purement procédurales, versées à l'appui de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
II ' Sur l'étendue de la saisine
Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Il en résulte que la cour n'est pas saisie :
-par le dispositif des écritures de la société Théraform, de prétentions portant sur la recevabilité des pièces n°12, 13, 57 et 64 des intimés, qui figurent exclusivement dans le corps de ses écritures ;
-par le dispositif des écritures de Monsieur [SN] et de la société A corps parfait, de prétentions portant sur la nullité de l'engagement de caution de Monsieur [SN] et l'irrecevabilité de l'action en responsabilité engagée à son encontre pour prescription.
III ' Sur les demandes de la société A corps parfait et de Monsieur [SN]
1) Sur l'annulation du contrat de franchise
Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
Aux termes de l'article L110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
Aux termes de l'article 1341 du code civil, en sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.
Aux termes de l'article 1109 ancien du code civil, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Aux termes de l'article L330-3 du code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimums avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.
Aux terme de l'article R330-1 du code de commerce, en sa version applicable au présent litige, le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation.
En l'espèce, Monsieur [SN] et la société A corps parfait réfutent avoir reçu communication des annexes au DIP produites aux débats par cette dernière, comprenant la liste des centres agréés Théraform et le bilan du franchiseur au 31 décembre 2014.
Ce dernier fournit un récépissé daté du 9 octobre 2015, par lequel Monsieur [SN] a certifié avoir reçu :
-'les informations requises par l'article L330'3 du code de commerce dont le contenu est conforme au décret d'application de la loi DOUBIN (DIP) ainsi qu'un exemplaire du projet de contrat de franchise THERAFORM';
-le 'Document d'informations précontractuelles THDIP1507 et Livre des annexes';
-le 'Projet de contrat Théraform CF14SIFI(2) (31 pages),
chacune de ces mentions étant suivie de sa signature.
Pour rapporter la preuve contraire, Monsieur [SN] et la société A corps parfait versent aux débats une attestation établie par Madame [G] [M], ayant travaillé pendant plus de vingt ans en qualité de secrétaire pour la société Théraform, laquelle ne saurait être rejetée au seul motif qu'elle n'est pas manuscrite, en contradiction avec les exigences de l'article 202 du code de procédure civile, dans la mesure où il n'est ni allégué ni démontré qu'il s'agit de l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la société Théraform.
L'appelante ne peut davantage arguer de l'inadmissibilité de cette preuve testimoniale au motif que Monsieur [SN], non commerçant, ne pourrait se prévaloir des dispositions de l'article L110-3 du code de commerce, alors que la preuve d'un acte mixte, entre commerçant et non-commerçant, se règle de façon distributive, et que contre le commerçant, la preuve peut se rapporter librement conformément au droit commercial, et que ce n'est que contre le non-commerçant que la preuve obéit aux règles du droit civil, donc à l'exigence d'une preuve littérale au-delà de 1 500 euros.
Madame [M] indique notamment : 'je souhaite également faire valoir que lors de la mise en place du contrat de franchise de [L] [SN] et sa société 'A Corps Parfait', que le DIP et les annexes fournies par Theraform étaient bien celles que [L] [SN] fait valoir, et il n'y en avait pas d'autres. En effet, lors de la mise en place et la constitution des contrats de franchise tous les dossiers étaient basés et constitués de ces seuls et mêmes documents, d'autant que c'est moi qui montais et réalisais les dossiers, sous couvert de la vérification des pièces envoyées aux franchisés, et de l'aval de [S] [T]. Depuis l'ouverture de ce dossier auprès du Tribunal de Lille, la Direction de Theraform m'a demandé expressément de compléter tous les nouveaux DIP avec les annexes qui manquaient dans le dossier de [L] [SN], afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs s'il y avait besoin de se justifier à nouveau devant un Tribunal.'
Son témoignage est corroboré par celui de Madame [R] [A], ancienne dirigeante de la société A corps parfait, qui 'atteste sur l'honneur que nous n'avons jamais reçu d'autres documents importants et nécessaires à la signature du DIP, ni même avant, ni même après la signature du contrat de franchise définitif, comme il est mentionné par Theraform avec les pièces 'LIVRE des ANNEXES au DIP' n°24, qui devaient comporter: Extrait Kbis, Dépôt des méthodes d'amincissement INPI, Certificat d'enregistrement INPI, RIB Theraform, Liste des Centres pilotes Theraform, Liste des centres Agréés (franchise), Liste d'évolution des contrats de franchise, Tarifs au 1er janvier 2015, Bilan et Compte de résultat...'.
Si ces témoignages doivent être considérés avec prudence compte tenu, concernant Madame [M], du conflit opposant à son employeur, et concernant Madame [A], de son statut d'ancienne dirigeante d'une des parties à la présente procédure, il reste que le DIP, même complété de ses annexes, ne contient :
-les comptes annuels de la société Théraform que de l'exercice clos le 31 décembre 2014, à l'exclusion de l'exercice clos le 31 décembre 2013 ;
-une présentation vague du marché général, essentiellement centrée sur une description de différentes méthodes d'amincissement, sans autre élément sur la concurrence qu'un paragraphe 5.8 sur 'les instituts de beauté et kinésithérapeutes', qui se contente de les présenter comme 'des concurrents et d'éventuels futurs partenaires' ;
-aucune présentation de l'état du marché local.
Si le franchiseur n'a pas à établir une étude mais seulement une présentation du marché local, ni à fournir des chiffres prévisionnels, il doit cependant donner suffisamment d'informations au candidat à la franchise pour lui permettre de consentir au contrat en toute connaissance de cause.
En l'espèce, sa carence a nécessairement empêché le franchisé d'évaluer les chances de succès et les perspectives de rentabilité de son exploitation. Il n'a en effet disposé que d'une information sans intérêt sur le marché général, et d'aucune information sur l'offre (état des entreprises concurrentes) et la demande (typologie des consommateurs concernés par l'activité) existant sur le marché local, ainsi que sur les perspectives de développement (opportunités et menaces existantes).
Il ne peut lui être reproché un manquement à son obligation de se renseigner, alors qu'il n'a disposé, dans le délai restreint de deux mois dont il a disposé entre la remise du DIP et la signature du contrat de franchise, d'aucune information sur laquelle il aurait pu s'appuyer pour procéder à des analyses et vérifications, d'autant que Monsieur [SN] n'avait d'expérience ni dans l'entrepreneuriat, ni dans l'activité spécifique de la franchise, et ne bénéficiait pas d'une quelconque connaissance du marché local, comme en justifie son cursus professionnel.
La société A corps parfait n'a pas prospéré, comme le démontrent ses comptes annuels des exercices clos le 31 décembre des années 2016 à 2019 ainsi que son bilan provisoire au 30 novembre 2020, son dirigeant n'ayant jamais pu se verser une rémunération.
Or selon le témoignage de Madame [A], Madame [T] 'a fait valoir d'une rentabilité très rapide et d'un retour sur investissement très rentable, avec un C.A. annuel minimum H.T. de 80.000 € à 2 ans, et de 120.000 € à 150.000 € à l'issue des 4 premières années d'activité'.
Si ce témoignage n'aurait pu être considéré, à lui seul, comme suffisamment probant, compte tenu de l'implication passée de Madame [A] dans la société A corps parfait, il est corroboré par ceux de Madame [EI] [B], Madame [PI] [C] [K], Madame [E] [Y] et Monsieur [W] [O], franchisés Théraform, qui indiquent de manière concordante que la société Théraform avait pour habitude de mettre en avant, lors des entretiens individuels avec les candidats à la franchise, des chiffres inatteignables, Monsieur [O], Mesdames [B] et [C] [K] citant un chiffre d'affaires annuel de plus de 80 000 euros HT à la fin de la deuxième année et de 120 000 euros à la fin de la quatrième année.
En outre, bien que les captures d'écran des sites 'easyfranchise.fr' et 'toute-la-franchise.com' dont se prévalent les intimés aient été réalisées au mois d'octobre 2020 et soient donc postérieures à la signature du contrat litigieux, elles accréditent le contenu desdits témoignages puisque la première indique que le chiffre d'affaires réalisable après deux années était de 100 000 euros pour un investissement global de 55 000 euros et un investissement personnel de 15 000 euros, et pour la seconde que le chiffre d'affaires réalisable après deux années était de 120 000 euros HT pour un un investissement global de 60 000 à 70 000 euros et un apport personnel de 20 000 euros.
Il sera encore observé que Madame [M] témoigne que : 'quand la société 'A Corps Parfait' a intégré le Réseau des Franchises Theraform sur [Localité 9], c'était le 96e Centre Agréé qui ouvrait et devenait actif dans la Franchise. Aujourd'hui, il reste à peine 50 Centres encore actifs, et un grand nombre d'entre eux se trouvent en grande difficulté financière et il devrait prochainement y avoir beaucoup d'autres fermetures de Centre par manque de résultat et de rentabilité (...)'.
La société Théraform, qui bénéficie d'informations très précises sur la santé financière de ses franchisés, se voyant remettre chaque mois des tableaux de bord comportant notamment le nombre de premiers entretiens, le nombre de séances effectuées et le chiffre d'affaires du mois, n'apporte aucune preuve inverse, se contentant de produire des documents anciens et très parcellaires portant sur les comptes de son centre de [Localité 10] pour les exercices comptables 2012 et 2013, d'[Localité 8] pour les exercices comptables 2009 et 2010, et de [Localité 6] pour les exercices comptables 2007 et 2008, desquels il ne saurait se déduire la santé du réseau au jour de la conclusion du contrat de franchise litigieux.
Elle ne justifie pas non plus de sa propre santé financière, étant observé qu'elle ne produit pas les comptes de l'exercice 2013 qu'elle aurait dû joindre au DIP et qui auraient pu renseigner le franchisé sur l'évolution de sa situation depuis 2012, ses comptes annuels clos au 31 décembre 2014 montrant un résultat courant avant impôt en nette dégradation par rapport à 2013, le maintien de son bénéfice ne résultant que de produits exceptionnels.
Monsieur [SN] et la société A corps parfait démontrent donc suffisamment que l'information remise par la société Théraform était sciemment incomplète et que les informations manquantes les auraient convaincus de ne pas s'engager s'ils en avaient eu connaissance.
Il sera donc retenu que leur consentement a été vicié et le contrat de franchise sera annulé. La décision entreprise sera infirmée de ce chef.
2) Sur les restitutions
L'anéantissement du contrat de franchise implique de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion et de statuer sur les restitutions réciproques, sur le fondement de l'article 1371 ancien du code civil.
Monsieur [SN] et la société A corps parfait demandent la restitution de la redevance initiale forfaitaire et des redevances mensuelles versées à la société Théraform, en arguant n'avoir bénéficié d'aucune contrepartie.
Cependant, il résulte des pièces produites aux débats que :
-la redevance initiale forfaitaire a été la contrepartie de la communication du savoir-faire, des prestations de services prévues avant le démarrage et au débit de l'activité du franchise, des frais de mise en place de la franchise, ainsi que du droit octroyé au franchisé d'effectuer les prestations de services Théraform dans le territoire qui lui a été donné ;
-les redevances mensuelles ont été la contrepartie, à hauteur de 2/3 de leur montant, du droit d'exploiter la méthode de plastithérapie, le tiers restant relevant des services apportés par le franchiseur après l'ouverture du centre.
Or il est démontré que la société Théraform a assuré la formation initiale de Monsieur [SN], et lui a proposé des sessions de formation continue, a organisé des séminaires annuels en 2016, 2017 et 2018, et a effectué différentes actions d'information et d'animation en qualité de tête de réseau entre 2016 et 2020 (lettres d'information, communiqués, webinaires, assistance téléphonique...).
Par ailleurs, seule la publicité nationale lui incombait, la publicité locale devant être prise en charge par le franchisé.
La société A corps parfait et Monsieur [SN] seront donc déboutés de leur demande de condamnation de la société Théraform à payer à la société A corps parfait la somme de 47 400 euros au titre de la restitution de la redevance initiale forfaitaire et de la somme de 33 120 euros au titre des restitutions des cinq années de redevances payées.
La décision entreprise sera confirmée de ce chef.
Elle sera en outre confirmée en ce qu'elle a condamné la société A corps parfait à payer à la société Théraform la somme de 2 794,50 euros, laquelle correspond à la valeur des prestations dont elle a bénéficié sans en payer le prix, pour ce motif substitué.
3) Sur les dommages et intérêts
Les intimés soutiennent que la société A corps parfait a réalisé des investissements en pure perte à hauteur de 8 407,44 euros en mobilier ainsi que de 1 759,37 euros en 2019, 2 161,49 euros en 2018, 2 587 euros en 2017 et 8 143 euros en 2016 en frais de publicité pour faire connaître son activité.
Or elle a maintenu son activité pendant une durée de presque cinq années. Elle ne démontre donc pas la réalité du préjudice invoqué.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de cette prétention.
IV - Sur les demandes de la société Théraform
1) Sur les demandes formées en application du contrat de franchise
La société Théraform ne peut qu'être déboutée de ses demandes formées en application du contrat de franchise annulé.
Par ce motif substitué, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions.
2) Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
a ' sur la recevabilité
Aux termes des dispositions des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou la révélation d'un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
Une prétention n'est pas nouvelle si elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, même si son fondement juridique est différent. Seul le but recherché par la partie importe, la demande doit tendre aux mêmes fins et viser à obtenir un résultat qui ne soit pas différent de celui souhaité en première instance. De même, ne sont pas considérées comme nouvelles et sont donc recevables les demandes virtuellement comprises dans celles présentées en première instance.
En l'espèce, la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la société Théraform, qui tend aux mêmes fins d'indemnisation de son entier préjudice que sa demande initiale, est parfaitement recevable.
b ' sur le fond
La société Théraform invoque 'la duplicité et la déloyauté de Monsieur [SN]' sans en rapporter de preuve.
Elle doit donc être déboutée de sa demande.
V ' Sur les demandes accessoires
1) Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'issue du litige justifie de condamner la société Théraform aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance.
2) Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le jugement querellé sera confirmé du chef des frais irrépétibles de première instance.
La société Théraform, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée à verser à Monsieur [SN] et à la société A corps parfait la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute la société Theraform de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 28 décembre 2022 à 14h00 et de sa demande de réouverture des débats ;
Déboute la société A corps parfait et Monsieur [L] [SN] de leur demande tendant à faire déclarer irrecevables les conclusions purement procédurales notifiées par la société Theraform le 16 mars 2023 ;
Ecarte des débats les pièces numérotées 59 à 63 produites par la société Theraform ;
Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole en ce qu'il a :
-débouté Monsieur [L] [SN] et la société A corps parfait de leur demande de remboursement des redevances payées et de leur demande de dommages et intérêts ;
-condamné la société A corps parfait à payer à la société Théraform la somme de 2 794,50 € TTC ;
-débouté la société Théraform de toutes ses autres demandes ;
-dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la société Théraform aux entiers dépens ;
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule le contrat de franchise en date du 8 décembre 2015 ;
Déclare recevable mais mal fondée la demande de dommages et intérêts de la société Théraform en réparation de son préjudice moral, et en conséquence, l'en déboute ;
Condamne la société Théraform à payer à Monsieur [L] [SN] et à la société A corps parfait la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la société Théraform de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société Théraform aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Marlène Tocco Dominique Gilles