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01/06/2023 | FRANCE | N°22/02416

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 01 juin 2023, 22/02416


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 01/06/2023





****





N° de MINUTE : 23/197

N° RG 22/02416 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJAM



Jugement (N° 18/03464) rendu le 05 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer





APPELANTS



Monsieur [U] [J]

né le 03 Avril 1952 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]
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Madame [C] [J]

née le 03 Avril 1952 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]



Monsieur [I] [J]

né le 30 Septembre 1945 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 5...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 01/06/2023

****

N° de MINUTE : 23/197

N° RG 22/02416 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJAM

Jugement (N° 18/03464) rendu le 05 Avril 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTS

Monsieur [U] [J]

né le 03 Avril 1952 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

Madame [C] [J]

née le 03 Avril 1952 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Monsieur [I] [J]

né le 30 Septembre 1945 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 5]

Représentés par Me Anne Policella, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [B] [J] épouse [W]

née le 17 Septembre 1944 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Alain Reisenthel, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substitué par Me Marine Douterlugne, avocat au barreau de Douai et assistée de Me Jean-Luc Virfolet avocat au barreau du Mans, avocat plaidant,

SA la Banque Postale prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Nicolas Duval, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant,

S.A. CNP ASSURANCES

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Sophie Graux, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 01 mars 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 11 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 février 2023

****

[H] [J] avait souscrit un contrat d'assurance vie dit Cachemire 079 055 048 18 le 8 août 2009 auprès de la société CNP Assurances par l'intermédiaire de la banque postale.

Il est décédé le 17 novembre 2017 laissant pour lui succéder ses quatre enfants, M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] et Mme [B] [J] épouse [W].

A l'occasion du règlement de la succession de [H] [J], la CNP assurances a informé les héritiers que le capital décès du contrat d'assurance-vie dénommé Cachemire sera réparti entre les quatre enfants désignés en qualité de bénéficiaires par la clause bénéficiaire dudit contrat.

Mme [W] a donc réclamé le versement de sa quote-part qui a été versée à hauteur de la somme de 34 990,44 euros par la CNP assurances.

M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O], se prévalant de la détention de l'original du contrat d'assurance-vie dans lequel figure la mention manuscrite de la désignation d'eux-seuls en qualité de bénéficiaires du contrat à l'exclusion de leur s'ur, [B] [W], ont fait assigner la CNP Assurances, la banque postale et Mme [W].

Par un jugement du 5 avril 2022 le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la banque postale

- débouté la banque postale de sa demande de mise hors de cause,

- débouté M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] de leur demande tendant à voir dire qu'ils sont seuls bénéficiaires du contrat souscrit par [H] [J] auprès de la société CNP Assurances,

- dit que le capital disponible au titre du contrat souscrit auprès de la SA CNP assurances par [H] [J] doit être partagé entre M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O], et Madame [B] [J] épouse [W],

- dit en conséquence que la SA CNP assurances devra régler à M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] la quote-part leur revenant après réalisation des formalités administratives et fiscales préalables,

- débouté en conséquence M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] de leur demande de paiement de la somme de 46.653,93 euros chacun,

- rejeté la demande de consignation des fonds,

- condamné M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] aux dépens,

- autorisé s'ils en ont fait l'avance sans en avoir reçu provision, Maître Graux et Maître Aubron Avocats à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 17 mai 2022, M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Dans leurs conclusions notifiées le 20 janvier 2023, les consorts [J] demandent, au visa des articles 132 et suivant du code des assurances, 1217 et 1240 du code civil, à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer en date du 5 avril 2022,

Statuant à nouveau :

dire qu'ils sont les seuls bénéficiaires du contrat n° 079 055 043 18 souscrit par [H] [J] auprès de la SA CNP assurances et la banque postale

dire que le capital disponible au titre du contrat n° 079 055 043 18 souscrit auprès de la SA CNP assurances et la banque postale, par Monsieur [H] [J] soit partagé entre eux

condamner in solidum la banque postale et la CNP assurances au paiement de la quote-part leur revenant à ce titre, après réalisation des formalités administratives et fiscales préalables,

condamner in solidum la banque postale et la CNP assurances à leur payer à la somme de 46.653,93 euros chacun,

condamner in solidum la banque postale et la CNP assurances aux dépens de première instance,

Y ajoutant :

condamner in solidum la banque postale, la CNP assurances et Mme [W] à leur verser la somme de 5 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum la banque postale, la CNP assurances et Mme [W] aux entiers dépens d'appel,

débouter Mme [W], la banque postale et la CNP assurances de leurs demandes fins et conclusions.

Ils sollicitent la reconnaissance de ce qu'ils sont les seuls bénéficiaires du contrat d'assurance vie Cachemire souscrit par leur père à l'exclusion de leur soeur Madame [B] [J] épouse [W] en application de la clause bénéficiaire portée de manière manuscrite sur le contrat d'adhésion Cachemire.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 février 2023, la société CNP assurance demande à la cour de :

A titre principal :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 avril 2022 par le tribunal de Boulogne sur Mer

En conséquence,

débouter M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] de l'ensemble de leurs demandes

les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

les condamner in solidum aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître Sophie Graux, avocat

A titre subsidiaire, si la cour estimait que les fonds bénéficiaient aux seuls consorts [J], au visa des articles L. 132-25 du code des assurances et 1342-3 du code civil :

dire que la CNP a effectué un paiement libératoire à hauteur du quart du capital décès, soit la somme de 34 990,44 euros

En conséquence,

limiter son obligation au paiement au versement d'un quart du capital à chacun des requérants, soit la somme de 34 990,44 euros , sous réserve de la production par ces derniers des pièces justificatives nécessaires

débouter les consorts [J] de leurs plus amples demandes

A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que le règlement en faveur de Mme [W] n'était pas libratoire, au visa de l'article 1382 du code civil :

condamner Mme [W] à lui payer la somme de 34 990,44 euros en restitution de l'indû

débouter les consorts [J] de leurs plus amples prétentions

Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 février 2023, la société Banque Postale demande à la cour, au visa de l'article L. 132-8 du code des assurances, de :

- confirmer le jugement entrepris à son égard,

- débouter M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner in solidum, M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile titre des frais d'appel,

- condamner in solidum M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] en tous les dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Laurent du Barreau de Douai, dans les formes prévues à l'article 699 du code de procédure civile

Aux termes de ses conclusions notifiées le 6 décembre 2022, Mme [B] [W], née [J], demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] de leur demande tendant à les voir jugés comme seuls bénéficiaires du contrat d'assurance-vie CACHEMIRE souscrit auprès de la CNP assurances,

- les débouter de toutes leurs autres demandes,

- condamner in solidum M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- Subsidiairement débouter la CNP assurances de ses demandes en répétition de l'indu et la condamner aux dépens d'appel ainsi qu'à lui payer une indemnité de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 27 février 2023.

MOTIFS

Sur la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie

Les consorts [J] sollicitent la reconnaissance de leur qualité de seuls bénéficiaires du contrat d'assurance-vie Cachemire souscrit par leur père à l'exclusion de leur s'ur, Mme [W].

Ils se prévalent d'un exemplaire original et signé du contrat d'assurance-vie qui comporte la mention manuscrite des bénéficiaires nommément désignés, à savoir trois enfants.

Selon eux, cette mention manuscrite remplit les conditions exigées par l'article L.132-8 du Code des assurances.

Ils considèrent qu'aucune autre exigence légale ne pourrait être requise quant au libellé de la clause des bénéficiaires et que la clause manuscrite doit primer sur la clause pré imprimée.

A titre subsidiaire, ils font valoir que la mention manuscrite ajoutée postérieurement constitue une modification de la clause bénéficiaire qui est régulière et opposable à la CNP assurances mais également aux tiers dont Mme [W].

La CNP assurances se prévaut de son exemplaire en original du contrat d'assurance-vie souscrit par [H] [J] pour soutenir que la mention manuscrite est postérieure à la souscription du contrat alors que s'agissant d'une modification d'une clause bénéficiaire, elle devait en être informée du vivant de l'assuré ou en cas de transmission après le décès, selon les modalités de l'article L. 132-8 du code des assurances. Or, dans cette dernière hypothèse, la copie du certificat d'adhésion comportant la mention manuscrite produite par les consorts [J] et qui n'est pas datée ne constitue pas un testament olographe,

Elle affirme que les consorts [J] ne démontrent donc pas la volonté claire, non équivoque et exprimée dans les formes requises de [H] [J] de modifier la désignation des bénéficiaires au profit de trois enfants seulement. Elle considère à cet égard que la clause manuscrite est ambigüe dans la mesure où elle ne remet pas en cause la clause pré imprimée non barrée.

Mme [W] considère que l'exemplaire du contrat produit par l'assureur ne comportait aucune mention manuscrite et a pleine valeur probante et que la désignation des appelants en qualité de seuls bénéficiaires du contrat d'assurance-vie, apposée postérieurement à la souscription n'est juridiquement pas efficace dans la mesure où elle n'a pas été portée à la connaissance de l'assureur et ne répond pas aux exigences de validité d'un testament olographe.

La banque postale soutient qu'en sa qualité d'intermédiaire d'assurance, elle ne saurait être débitrice des capitaux décès. En toute hypothèse, elle considère que la preuve de la désignation initiale des bénéficiaires du contrat résulte de l'exemplaire du certificat d'adhésion détenu par la CNP qui ne comporte aucune mention manuscrite de sorte que celle-ci a été portée à une date postérieure. Or, la preuve la transmission de cette modification à l'assureur n'est pas rapportée.

Elle ajoute que la preuve de la volonté claire et non équivoque de l'assuré de modifier le choix des bénéficiaires n'est pas davantage rapportée et ne saurait résulter du litige ayant opposé l'assuré et sa fille, Mme [W] ou encore de la souscription par [H] [J] d'une convention transmission, désignant trois enfants en qualité d'uniques bénéficiaires des prestations, laquelle poursuit des objectifs distincts.

L'article L132-8 du code des assurances dispose que le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.

Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.

Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.

En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.

Par ailleurs, l'article L132-9 du code des assurances prévoit que le contrat d'assurance vie comporte une information sur les conséquences de la désignation du ou des bénéficiaires et sur les modalités de cette désignation. Il précise que la clause bénéficiaire peut faire l'objet d'un acte sous seing privé ou d'un acte authentique.

L'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance.

En l'espèce, la CNP produit l'original et une copie conforme à l'original du certificat d'adhésion au contrat d'assurance-vie souscrit par [H] [J] le 8 août 2009 qui, au chapitre « Vos bénéficiaires » en page 3 comporte la clause suivante :

« En cas de décès, vous désignez comme bénéficiaire »:

« par parts égales, mes enfants nés ou à naitre, à défaut de l'un décédé avant ou après l'adhésion pour sa part ses descendants, à défaut les survivants, à défaut mes héritiers ».

Il n'est pas contesté que ce contrat a été établi en trois exemplaires dont l'un a été remis à l'assuré.

A cet égard, les consorts [J] produisent l'exemplaire remis à leur auteur qui comporte, à la suite de la clause bénéficiaire ci-dessus mentionnée, la mention manuscrite suivante :

« [J] [I]

[J] [U]

[O] [C] née [J] »

ainsi que la signature non contestée de l'assuré, [H] [J].

Toutefois, à l'instar du premier juge, la cour relève que, d'une part, ce document n'est pas daté et, d'autre part, la mention pré imprimée de la clause bénéficiaire type précédant celle de chacun des noms des consorts [J] n'est pas rayée.

Si, comme le soutiennent les consorts [J], la mention manuscrite de leur désignation avait été portée au jour de la souscription de contrat, elle aurait dû apparaitre sur les exemplaires conservés par l'assureur, ce qui n'est pas le cas.

C'est donc à juste titre que le premier juge, qui n'a opéré aucune hiérarchie entre ces deux documents comme le soutiennent les consorts [J], a pu déduire que la mention manuscrite a été ajoutée sur l'exemplaire de [H] [J] après la souscription du contrat.

Or, il n'est nullement établi que tant la banque postale que la CNP en ont été informées.

Il apparait au contraire que l'exemplaire de contrat dont se prévalent les consorts [J], au demeurant non daté, a été envoyé à l'assureur le 18 décembre 2017, soit postérieurement au décès de [H] [J], ce dont il résulte que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré.

C'est donc en vain que les consorts [J] invoquent la volonté certaine et non équivoque de leur auteur d'exclure Mme [W] du bénéfice de l'assurance-vie, comme résultant de la souscription par [H] [J] à une période proche de celle de la souscription du contrat d'assurance-vie litigieux, d'une part, d'une convention de transmission de son patrimoine à ses seuls trois enfants le 31 juillet 2009 et d'autre part d'une assurance-vie auprès du crédit mutuel le 30 janvier 2006 2006 désignant les seuls trois enfants en qualité de bénéficiaires et de l'existence d'un litige, à l'origine de procédures judiciaires initiées en 1987 par celui-ci à l'encontre de sa fille alors qu'il n'est nullement établi que [H] [J] avait clairement fait part à l'assureur de sa propre volonté de modifier la clause bénéficiaire de l'assurance.

En outre, la simple mention des noms et prénoms des trois enfants en-dessous de la clause bénéficiaire type sans que celle-ci ne soit barrée revêt un caractère équivoque.

Par ailleurs, si la modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie n'est assujettie à aucune forme particulière et la substitution de bénéficiaire peut être effectuée par voie testamentaire, cette modalité étant expressément prévue par l'article L.132-8 précité, peu important que l'assureur n'en ait pas été avisé, il importe néanmoins de caractériser que l'écrit litigieux constitue un testament olographe dont les consorts [J] seraient fondés à se prévaloir.

Or, la simple apposition sur le contrat d'adhésion de la mention manuscrite de chacun des noms et prénoms des trois consorts [J] n'est pas de nature à caractériser un testament olographe dès lors que l'écrit n'est ni entier, en l'absence de mention explicite de remise en cause de la clause bénéficiaire type, ni daté comme l'exige l'article 970 du code civil.

Par suite, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [J] de leur demande tendant à voir dire qu'ils sont les seuls bénéficiaires du contrat d'assurance-vie souscrit par leur père, [H] [J], auprès de la CNP assurances, dit que le capital disponible au titre du contrat doit être partagé entre M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] et Mme [B] [J] épouse [W] et que la CNP devra régler à M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] la quote-part leur revenant après réalisation des formalités administratives et fiscales préalables.

Sur la responsabilité contractuelle de la CNP et de la banque postale

Les consorts [J] recherchent la responsabilité contractuelle de la banque postale et de la CNP assurances qui a fait application de la clause pré imprimée du contrat d'assurance-vie en soutenant que leurs manquements contractuels quant à l'enregistrement de la convention d'adhésion, à la communication du contrat par la banque postale et au garanties de sécurité contractuelle sont constitutifs d'une faute engageant leur responsabilité.

A cet égard, ils font valoir, d'une part, que la banque aurait pu commettre une erreur en enregistrant la mauvaise version du contrat d'assurance-vie et en particulier de la page 3 qui aurait pu être interchangée avec une version vierge de toute annotation et ce d'autant plus que les pages du contrat ne sont ni paraphées, ni signées ni estampillées. Ils soutiennent, d'autre part, que la clause pré imprimée ne laisse aucune possibilité pour le souscripteur de choisir ses bénéficiaires autre que l'ensemble des héritiers alors qu'il importait de prévoir que la clause soit libellée de manière manuscrite de sorte que la volonté du souscripteur aurait été incontestable. Enfin, ils considèrent que tant la banque que l'assureur, tenus à une obligation d'information ne justifient pas de ce que leur auteur a été informé de l'ensemble des informations relatives à la désignation des bénéficiaires et sur les modalités de modification de la clause bénéficiaire conformément aux dispositions de l'article L. 132-5 du code des assurances.

La banque postal affirme que la preuve d'une erreur dans la transmission de l'exemplaire du certificat d'adhésion à la CNP n'est pas rapportée.

D'une part, il n'est pas rapporté la preuve d'une erreur prétendument imputable au conseiller de la banque postale dans l'enregistrement et la transmission à la CNP de l'exemplaire du certificat d'adhésion comportant la mention manuscrite de la désignation des consorts [J] alors en outre que l'absence de paraphe sur chacune des pages du certificat d'adhésion n'est pas de nature à établir l'erreur alléguée dès lors qu'un acte sous seing privé n'est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de celui qui s'oblige.

D'autre part, il ressort du certificat d'adhésion signé par [H] [J] que celui -ci reconnait avoir reçu, en application des articles L. 132-5- et L. 132-9-1 du code des assurances, la notice d'information qui, dans son article 7, prévoit les modalités de modification de la désignation des bénéficiaires.

Enfin, il n'appartient ni à l'intermédiaire d'assurance ni à l'assureur, certes tenus à une obligation d'information et de conseil, de guider le souscripteur dans le choix du ou des bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie et ce d'autant plus que le souscripteur peut à tout moment modifier l'identité du bénéficiaire selon les modalités décrites à l'article 7 de la notice d'information précitée.

Dès lors, aucune faute ne saurait être valablement reprochée à la banque postale, qui a transmis à l'assureur le certificat d'adhésion signé par [H] [J] qui a désigné, sans restriction, ses enfants en qualité de bénéficiaires de l'assurance-vie et à la CNP qui a exécuté le contrat souscrit en libérant un quart du capital entre les mains de Mme [W].

Par suite, les consorts [J] seront déboutés de leur demande indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait de la non-exécution du contrat.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner les consorts [J] aux entiers dépens d'appel, et à débouter les parties de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 5 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne M. [U] [J], M. [I] [J], Mme [C] [J] épouse [O] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02416
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.02416 ?
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