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01/06/2023 | FRANCE | N°20/04731

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 01 juin 2023, 20/04731


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 01/06/2023





N° de MINUTE : 23/524

N° R 20/04731 - N° Partais DBVT-V-B7E-TJKI

Jugement (N° 19/01796) rendu le 03 Septembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Arras



APPELANTS



Madame [N] [X] épouse [F]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]



Monsieur [H] [F]

né le [Dat

e naissance 1] 1963 à [Localité 8] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]



SCI [F] [X] prise en la personne de ses associés gérants domiciliés en cette qualité audit ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 01/06/2023

N° de MINUTE : 23/524

N° R 20/04731 - N° Partais DBVT-V-B7E-TJKI

Jugement (N° 19/01796) rendu le 03 Septembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Arras

APPELANTS

Madame [N] [X] épouse [F]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [H] [F]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

SCI [F] [X] prise en la personne de ses associés gérants domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentés par Me Séverine Surmont, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉE

SA Compagnie Européenne de Garanties et Cautions Société anonyme au capital de 160.995.996,00 € régie par le Code des assurances, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 382 506 079

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me François-Xavier Wibault, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 mars 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023 après prorogation du délibéré du 25 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves benhamou, président et Gaëlle przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 février 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 27 février 2016, la Caisse d'épargne Nord France Europe ci-après 'la Caisse d'épargne', a consenti à la SCI [F]-[X], pour financer l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation six [Adresse 4], un prêt immobilier d'un montant de 158'957,19 euros remboursable en 216 mensualités, après une période de préfinancement de 24 mois, au taux effectif global de 3,08 %.

M. [F] et Mme [X], cogérants associés de la SCI se sont portés cautions solidaires pour ce prêt, dans la limite de 206 644,35 euros par acte en date du 27 février 2016.

La Compagnie européenne de garanties et cautions a apporté sa caution solidaire pour le remboursement de ce prêt le 23 février 2016.

Des échéances du prêt étant demeurées impayées, la Caisse d'épargne a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit par courrier recommandé du 27 mars 2019, reçu le 30 mars 2019,

Suivant quittance subrogative du 24 juin 2019, la Compagnie européenne de garanties et cautions a payé à la Caisse d'épargne la somme de 144'431,92 euros.

Par acte d'huissier de justice délivré le 10 septembre 2019, la Compagnie européenne de garanties et cautions a assigné en justice la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] afin d'obtenir sous le bénéfice de l'exécution provisoire leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 154'806,08 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 2,3 % l'an jusqu'au complet paiement, outre une indemnité procédurale et les dépens.

La SCI [F] [X], M. [F] et Mme [X] n'ont pas constitué avocat devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire en date du 3 septembre 2020, le tribunal judiciaire d'Arras a :

- condamné solidairement la SCI [F] [X], M. [F] et Mme [X] à payer à la compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 144'431,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 au titre de la quittance subrogative du même jour,

- débouté la compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes au titre des indemnités pour résiliation anticipée et des intérêts au taux contractuel,

- condamné in solidum la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] à payer à la compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SCI [F]-[X] M. [F] et Mme [X] aux dépens,

- rappelé que les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sont à la charge de la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] en application de l'article L512-2 du code de procédure civile d'exécution,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'inscription d'hypothèque définitive,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 20 novembre 2020, la SCI [F]-[X],

M. [F] et Mme [X] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement, à l'exception de celui ayant débouté la Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes au titre des indemnités pour résiliation anticipée et des intérêts contractuels.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2021 ils demandent à la cour de :

Vu les articles 2288, 2305, 2306, 2308, et 2310 du Code civil,

vu l'article 1343-5 du code civil,

vu l'article L341-2du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016,

vu l'article L341-4, L333-2 et suivants du code de la consommation,

vu les articles 1134,'1147, 1184 anciens du code civil,

à titre principal :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras le 3 septembre 2020 en ce qu'il est entré en voie de condamnation solidairement à l'encontre de la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X],

- infirmer le jugement en ses dispositions suivantes :

'- condamne solidairement la SCI [F] [X], M. [F] et Mme [X] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 144'431,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 au titre de la quittance subrogative du même jour,

- déboute la Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes au titre des indemnités pour résiliation anticipée et des intérêts au taux contractuel,

- condamne in solidum la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne in solidum la SCI [F]-[X] M. [F] et Mme [X] aux dépens,

- rappelle que les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sont à la charge de la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] en application de l'article L512-2 du code de procédure civile d'exécution',

- débouter la Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes de condamnation à l'encontre de la SCI [F]-[X], la déchéance du prêt prononcée par le prêteur étant strictement inopposable à la SCI faute de mise en demeure préalable,

- juger que la Compagnie européenne de garanties et cautions a commis une faute en réglant à l'insu du débiteur principal le prêteur, et rejeter ainsi son recours,

- débouter la Compagnie européenne de garanties et cautions de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. [F] et Mme [X], ès qualité de caution solidaire,

- juger selon les stipulations contractuelles, que la Compagnie européenne de garanties et cautions ne dispose pas de recours personnel à l'encontre de M. [F] et Mme [X] en application de l'article 2310 du Code civil,

- juger nuls et non avenus les engagements de caution pris pas M. [F] et Mme [X] en l'absence de la mention manuscrite de ces derniers au titre de leurs engagements,

- juger que le cautionnement de M. [F] et Mme [X] était au moment de la souscription du prêt litigieux, disproportionné eu égard à leur situation financière et économique,

- juger inopposable aux cautions M. [F] et Mme [X] le prononcé de la déchéance du terme par le prêteur à l'égard du débiteur principal,

à titre subsidiaire,

- juger que la Compagnie européenne de garanties et cautions a commis un manquement à l'égard de la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] en réglant le prêteur sans aucune poursuite et à l'insu du débiteur principal et des autres cautions et condamner ainsi la Compagnie européenne de garanties et cautions à leur régler la somme de 144'000 euros, à compenser avec les éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,

- prononcer vis-à-vis des cautions M. [F] et Mme [X] la déchéance du droit aux intérêts de retard et pénalités,

- accorder à M. [F] Mme [X] et la SCI [F] [X] un étalement des remboursements sur une durée de 24 mois,

en tout état de cause,

- condamner la Compagnie européenne de garanties et cautions au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La SCI fait valoir que la Compagnie européenne de garanties et cautions exerçant son recours sur le fondement des articles 2305 et 2306 du code civil, elle est en droit de lui opposer les exceptions qu'elle pouvait opposer au prêteur, soit, le défaut d'exigibilité de la créance de la Caisse d'Epargne au motif que la déchéance du terme du contrat de crédit n'a pas été valablement mise en oeuvre, faute de lettre de mise en demeure préalable d'avoir à régulariser les échéances dans un certain délai.

Elle soutient également que la Compagnie européenne de garanties et cautions a payé le prêteur à son insu, alors qu'elle était en mesure d'opposer utilement à ce dernier le moyen tiré de l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme du contrat de crédit et demande en conséquence la déchéance de l'intimée de son droit à recours à son encontre.

M. [F] et Mme [X] font valoir, au visa des articles 2309 et 2310 code civil que la Compagnie européenne de garanties et cautions est irrecevable en sa demande en paiement au motif qu'elle a payé alors qu'elle n'était pas poursuivie en justice. Ils soutiennent que la Compagnie européenne de garanties et cautions étant subrogée dans les droits du créancier, ils sont bien fondés à lui opposer la nullité de leurs engagements de caution au visa de l'article L.341-2 du code de la consommation, leur disproportion manifeste et l'inopposabilité de la déchéance du terme du contrat de crédit prononcée à l'encontre de l'emprunteur.

Les trois appelants invoquent subsidiairement la faute de la Compagnie européenne de garanties et cautions en ce qu'elle a réglé le prêteur à leur insu, ce qui leur a interdit de faire valoir l'ensemble des moyens et des exceptions inhérentes à la dette et à la validité de leurs engagements auprès du prêteur, qui leur a causé un préjudice, dont il demande la compensation avec les sommes éventuellement dues par eux. Ils sollicitent des délais de paiement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2021, la Compagnie européenne de garanties et cautions demande à la cour de :

Vu l'article 2305 du code civil, vu les articles 1343-5, 1346, 134665, 2288, 2308 et 2310 et suivants du Code civil,

- dire et juger la compagnie européenne de garanties et cautions recevable et bien fondée en ses demandes y faisant droit,

- débouter la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes,

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras en date du 3 septembre 2020,

- condamner solidairement la SCI [F]-[X], M. [F] et Mme [X] au paiement de la somme de 3500 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la SCI [F] [X], M. [F] et Mme [X] au paiement des entiers frais et dépens engagés en cause d'appel.

La Compagnie européenne de garanties et cautions fait valoir qu'elle exerce son recours personnel sur le fondement des dispositions de l'article 2305, pour lequel elle est libre d'opter en tout état de cause, et non son recours subrogatoire prévu par l'article 2306 du code civil, en sorte que ni la SCI, débitrice principale, ni les cautions M. [F] et Mme [X], ne peuvent lui opposer les exceptions tirées de leurs rapports avec le prêteur. Elle souligne que la déchéance du terme a été valablement prononcée par le prêteur, que les cautions ont complété la mention manuscrite prévue par l'article L.341-2 du code de la consommation, qu'elles ne rapportent pas la preuve que leurs engagements étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine, et qu'elles ont signé au sein de leurs engagements une clause par laquelle elles ont reconnu accepter que la déchéance du terme affectant le débiteur principal s'applique de plein droit à leur égard. L'intimé ajoute que les conditions d'application des dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du code civil ne sont pas remplies et qu'elle ne peut être déchue de son droit à recours, et enfin, qu'elle n'a pas commis de faute en réglant la Caisse d'épargne. Elle s'oppose aux délais sollicités.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour le surplus de leurs moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 16 février 2023, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 8 mars 2023.

MOTIFS

Sur les demandes en paiement à l'encontre de la SCI [F]-[X]

La caution qui a payé dispose à l'encontre du débiteur principal, outre le recours subrogatoire prévu par l'article 2306 du code civil, d'un recours personnel prévu par l'article 2305 du code civil lequel dispose :

'La caution qui a payé à son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et frais ; néanmoins, la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts s'il y a lieu '.

La caution peut engager son action sur le fondement des deux recours, qui ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, et changer le fondement de son recours en cours d'instance. En outre, l'établissement d'une quittance subrogative à seule fin d'établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d'exercer son recours personnel, en application de l'article 2305 du Code civil.

En l'espèce, si la Compagnie européenne de garanties et cautions visait les articles 2305 et 2306 dans le cadre de la première instance, elle précise expressément et à plusieurs reprises dans ses conclusions d'appel qu'elle agit exclusivement sur le fondement de son recours personnel de l'article 2305 du code civil.

Il est rappelé que le recours personnel est un droit propre reconnu à la caution, indépendant du droit du créancier contre le débiteur et qui trouve sa cause dans le seul fait du paiement générateur d'une obligation nouvelle, distincte de celle éteinte par ledit paiement. Dans le cadre de ce recours, à la différence du recours subrogatoire, le débiteur principal ne peut opposer à la caution, qui à payé, les exceptions et moyens dont elle aurait pu disposer à l'encontre du créancier originaire tiré de ses rapports avec celui-ci.

Ainsi, et compte tenu de ce que la Compagnie européenne de garanties et cautions exerce son recours sur le fondement de l'article 2305 du code civil, la SCI [F]-[X] n'est pas fondée à lui opposer les exceptions, contestations et réclamations inhérentes à la dette principale tirées de ses rapport avec la Caisse d'épargne, créancière principale, ni par conséquent, à invoquer le fait que la créance ne serait pas due au motif que la déchéance du terme du contrat de crédit n'aurait pas été valablement prononcée.

En tout état de cause, il résulte des pièces versées aux débats qu'avant de prononcer la déchéance du terme du contrat de crédit le 27 mars 2019, le prêteur a, par courriers recommandés avec accusé de réception du 29 novembre 2018 reçus le 1er décembre 2018, adressés tant à la SCI qu'à M. [F] et Mme [X] en leur qualité de caution, mis ces derniers en demeure de payer les échéances impayées du contrat de crédit au plus tard le 6 décembre 2018, à défaut de quoi, la déchéance du contrat de crédit serait prononcée et leur dossier transmis au service contentieux.

Dès lors, la déchéance du terme du contrat de crédit a valablement été mise en oeuvre par le prêteur et la dette cautionnée est devenue exigible.

La SCI soutient par ailleurs que l'intimée doit être déchue de son recours à son encontre au motif qu'elle a payé le prêteur à son insu, alors qu'elle était en mesure d'opposer utilement au prêteur le moyen tiré de l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme du contrat de crédit.

L'article 2308 alinéa 2 du code civil dispose que lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du payement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier. L'application de ce texte suppose la réunion des deux conditions qu'il pose.

Il ressort des pièces produites aux débats que :

- par lettres recommandées du 29 novembre 2018, reçues le 1er décembre 2018, la Caisse d'épargne a mis en demeure la SCI, M. [F] et Mme [X] de régler les échéances impayés d'un montant de 4 098,15 euros,

- par lettres recommandés avec accusé de réception du 27 mars 2019 reçues le 30 mars 2019, la banque a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit et en a informé M. [F] et Mme [X], en leur qualité de caution ;

- par lettre recommandée du 26 avril 2019, la Caisse d'épargne a sollicité de la Compagnie européenne de garanties et cautions le règlement de sa créance par suite de la défaillance de la SCI et des consorts [F]-[X] ;

- par courriers en date du 12 avril 2019, la Compagnie européenne de garanties et cautions s'est rapprochée de la SCI et des consorts [F]-[X] pour les informer être actionnée par la Caisse d'épargne, en sa qualité de caution, suite à la déchéance du terme du contrat de crédit prononcée et a invité ses derniers à prendre contact avec ses services afin de trouver une solution de règlement appropriée ; que ni la SCI ni M. Les cautions n'ont répondu à ces courriers ;

- le règlement de la Compagnie européenne de garantie et caution au profit de la banque est intervenu le 24 juin 2019.

Il est donc justifié de la demande en paiement de la banque à la caution d'une part, la loi n'exigeant pas le recours à une procédure judiciaire, et d'autre part, de l'information du débiteur par la caution de cette demande en paiement avant le règlement à la banque qui a été effectué le 24 juin 2019.

Par ailleurs, si en application de l'article 2308 alinéa 2 un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'elle aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, laquelle, n'étant pas une cause d'extinction des obligations, n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé. (Cass Civ 5 mai 2021 n° 19-21.396)

Dès lors, la cour constate que les conditions prévues par l'article 2308 du code civil ne sont pas remplies.

En conséquence, il n'y a pas lieu de déchoir la Compagnie européenne de garanties et cautions de son recours à l'encontre de la SCI [F]- [X].

L'intimée produit la quittance subrogative délivrée le 24 juin 2019 dont il résulte qu'elle a payé à la Caisse d'épargne la somme de 144 431,92 euros en exécution de l'engagement de caution qu'elle a souscrit le 23 février 2016, garantissant le remboursement du crédit immobilier souscrit par la SCI [F] - [X].

Dès lors, elle justifie à l'égard de la SCI, débiteur principal, de son droit aux remboursement des sommes qu'elle a payées à la banque.

Il est constant que la caution qui a payé a droit aux intérêts de la somme qu'elle a acquittée entre les mains du créancier, augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce paiement, sauf convention contraire conclue par elle avec le débiteur fixant un taux d'intérêt différent.

Confirmant le jugement déféré, il y a donc lieu de condamner la SCI [F]- [X] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 144 431,92 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 au titre de la quittance subrogative du même jour.

Sur la demande en paiement à l'encontre de M. [F] et Mme [X], cofidejusseurs

M. [F] et Mme [X] font tout d'abord valoir, au visa des articles 2309 et 2310 du code civil que faute d'avoir été judiciairement appelée en paiement par la banque, la Compagnie européenne de garanties et cautions est irrecevable en sa demande à leur encontre.

L'article 2310 du code civil dispose que 'Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ;

Mais ce recours n'a lieu que lorsque la caution a payé dans l'un des cas énoncés en l'article précédent.'

L'article 2309 du même code dispose 'La caution, même avant d'avoir payé, peut agir contre le débiteur, pour être par lui indemnisée :

1° Lorsqu'elle est poursuivie en justice pour le paiement ;

2° Lorsque le débiteur a fait faillite, ou est en déconfiture ;

3° Lorsque le débiteur s'est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps ;

4° Lorsque la dette est devenue exigible par l'échéance du terme sous lequel elle avait été contractée ;

5° Au bout de dix années, lorsque l'obligation principale n'a point de terme fixe d'échéance, à moins que l'obligation principale, telle qu'une tutelle, ne soit pas de nature à pouvoir être éteinte avant un temps déterminé.

L'article 2309 4° prévoit que le cofidéjusseur peut être actionné par la caution qui a payé lorsque la dette est devenue exigible par l'échéance du terme sous laquelle elle avait été contractée.

Ainsi que vu plus haut, la déchéance du terme du contrat de crédit a été valablement prononcée par le prêteur et la dette est devenue exigible. Le règlement a été demandé par la banque à la Compagnie européenne de garanties et cautions par courrier du 26 avril 2019, règlement intervenu le 24 juin 2019 .

Dès lors, la Compagnie européenne de garanties et cautions qui a réglé la Caisse d'épargne, est ainsi parfaitement recevable à agir contre ses cofidéjusseurs, même si elle n'a pas été poursuivie judiciairement par le créancier.

M. [F] soutiennent également que l'intimé étant subrogée dans les droits du créancier, ils sont bien fondés à lui opposer les exceptions tirés de leur rapports avec ledit créancier, à savoir :

- la nullité de leurs engagements de caution sur le fondement de l'article L.341-2 du code de la consommation à raison de l'absence de mention manuscrite, n'ayant porté sur l'acte que la mention 'bon pour caution',

- la disproportion manifeste de leurs engagements de caution,

- et l'inopposabilité de la déchéance du terme prononcée à l'encontre de l'emprunteur.

Il est rappelé que dans le cadre du recours personnel de la caution contre les cofidéjusseurs, ceux-ci ne peuvent lui opposer les exceptions qu'ils auraient pu opposer au créancier principal, tirées de leurs rapports avec celui-ci.

Cependant, seule une caution valablement obligée et dont l'engagement n'est pas privé d'effet peut être poursuivie en contribution et le recours contre le cofidéjusseur peut être tenu en échec s'il peut opposer une exception de nullité ou d'extinction pour une cause quelconque de son obligation, notamment le cofidéjusseur peut opposer à la caution qui a payé la disproportion manifeste de son engagement qui prive d'effet le cautionnement tant à l'égard du créancier que du cofidéjusseur (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-17.903).

C'est pourquoi, M. [F] et Mme [X] sont fondés à opposer la nullité de leurs engagements de caution au visa de l'article L.341-2 ancien du code de la consommation, ainsi que la disproportion de leur engagement au visa de l'article L.341-4 ancien du même code.

Sur la disproportion manifeste des engagements de caution

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi 2003-721 du 1er août 2003, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution de démontrer la disproportion alléguée au jour de la conclusion de son engagement mais, en revanche, c'est au créancier qui se prévaudrait de la disparition de la disproportion au moment où la caution est appelée d'en rapporter la preuve.

L'établissement préalable d'une fiche patrimoniale n'est pas une obligation du prêteur et les cautions ne peuvent en déduire qu'il n'est pas justifier du respect du principe de proportionnalité en l'absence d'une telle fiche. Dans cette hypothèse le caractère manifestement disproportionné de l'engagement s'apprécie au regard de la situation financière des cautions telles qu'elle ressort des éléments versés aux débats.

En l'espèce, la cour ne dispose pas de la fiche de renseignements habituellement établie lors de la souscription des crédits et des actes de cautionnement.

M. [F], fonctionnaire territorial, produit aux débats ses bulletins de salaires de décembre 2015 à mars 2016, desquels il ressort qu'il percevait en moyenne un salaire mensuel de 1 500 euros, ce qui ressort également de son avis d'impôt 2015 sur ses revenus 2014. Mme [X], secrétaire, produit ses bulletins de salaire de décembre 2015 à février 2016, justifiant qu'elle a perçu par mois en moyenne 1 800 euros en 2015, ce qui ressort également de son avis d'impôt 2016 sur les revenus 2015. Il ressort de l'offre de prêt que M. [F] et Mme [X] étaient respectivement divorcés et en instance de divorce. Les avis d'imposition ne mentionnent pas de revenus fonciers. Ils exposent sans être contredit n'avoir aucun patrimoine. L'immeuble sis [Adresse 4], qui est leur habitation principale, a été acquis au prix de 140 000 euros par la SCI [F]-[X], et a été financé en totalité par l'emprunt, en sorte que lors de la souscription des engagements de caution, la valeur nette de cet immeuble était nulle.

Au regard de ces éléments, des revenus et de l'absence de patrimoine des consorts [F] [X], il y a lieu de constater que leurs engagements de caution à hauteur de la somme de 206 644,35 euros étaient manifestement disproportionnés lors de leur souscription.

La Compagnie européenne de garanties et cautions ne se prévaut pas, ni ne démontre que les revenus et patrimoine de M. [F] et Mme [X] leur permettraient de faite face à leurs obligations au moment où ils sont appelés.

Il y a lieu, en conséquence, de constater la déchéance du droit de poursuite de cette dernière à l'encontre des cautions.

Réformant le jugement déféré, la Compagnie européenne de garanties et cautions sera déboutée de ses demandes en paiement à l'encontre de M. [F] et Mme [X].

Il n'y a donc pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires de dommages et intérêts et de délais formées par M. [F] et Mme [X] à l'encontre de l'intimée.

Sur la demande de délai formée par la SCI

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d'apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière. Il convient également de tenir compte du montant et de l'ancienneté de la dette et des efforts déjà accomplis pour l'honorer.

Par ailleurs, pour qu'il soit fait application de la disposition précitée, le débiteur doit tout à la fois être malheureux et de bonne foi.

En l'espèce, la SCI [F]-[X] ne justifie pas de la perception de revenus qui lui permettrait de rembourser la dette dans le délai légal de 24 mois. En outre, elle dispose d'un bien immobilier qui pourrait lui permettre de désintéresser au moins partiellement son créancier, mais n'a pris aucune disposition pour le mettre en vente. Au regard de ces éléments, elle sera déboutée de sa demande de délais.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCI

Selon l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, la SCI ne démontrant nullement que la Compagnie européenne de garanties et cautions aurait réglé le prêteur à son insu et aurait ainsi commis une faute, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SCI [F]-[X] aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, mais infirmé en ce qu'il a condamné M. [F] et Mme [X] à ces titres.

Succombant principalement, la SCI [F]-[X] sera condamnée au dépens d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [F] et Mme [X] leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la SCI [F]- [X] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 144 431,92 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 au titre de la quittance subrogative du même jour.

- condamné la SCI [F]-[X] aux dépens ainsi qu'à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le réforme pour le surplus, et y ajoutant ;

Dit que les engagements de caution de M. [F] et Mme [X] du 27 février 2016 étaient manifestement disproportionnés à leur revenus et patrimoine lors de leur souscription ;

Déboute en conséquence la Compagnie européenne de garanties et cautions de sa demande en paiement à l'encontre de M. [F] et Mme [X] ;

Déboute la SCI [F]-[X] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Compagnie européenne de garanties et cautions ;

Déboute la SCI [F]-[X] de sa demande de délai ;

Condamne la SCI [F]-[X] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de M. [F] et Mme [X] leurs frais irrépétibles

d'appel ;

Condamne la SCI [F]-[X] aux dépens d'appel.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04731
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;20.04731 ?
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