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26/05/2023 | FRANCE | N°22/01778

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 26 mai 2023, 22/01778


ARRÊT DU

26 Mai 2023







N° 792/23



N° RG 22/01778 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UU64



mlbr/cl

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

08 Avril 2022

(RG -section )










































r>GROSSES :



aux avocats



le 26 Mai 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Mme [W] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Antoine LANDON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE





INTIMÉ :



S...

ARRÊT DU

26 Mai 2023

N° 792/23

N° RG 22/01778 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UU64

mlbr/cl

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

08 Avril 2022

(RG -section )

GROSSES :

aux avocats

le 26 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Mme [W] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Antoine LANDON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉ :

S.A.S. GROUPE D

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Bertrand DEBOSQUE, avocat au barreau de LILLE,

DÉBATS : à l'audience publique du 21 Mars 2023

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Statuant sur assignation à jour fixe.

EXPOSÉ DU LITIGE':

Mme [W] [G] a été embauchée par la SAS Groupe D à compter du 1er septembre 2011 en qualité de directrice administratif et financier.

Par l'intermédiaire d'une société holding qu'elle a créé, elle est également entrée en 2015 au capital de la société Financière Loger contrôlée par son employeur.

Un litige a par la suite opposé Mme [G] et la société Groupe D concernant le rachat de ses parts, avec une saisine le 4 février 2020 de la Cour d'arbitrage de l'Europe du Nord.

Au cours de cette même période, la salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 6 novembre 2019.

Dénonçant une situation de harcèlement moral à son égard à l'origine de la dégradation de son état de santé, Mme [G], par requête du 17 février 2020, a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et d'obtenir diverses indemnités liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail, notamment une prime de fin d'année 2019 de 170 000 euros.

En cours de procédure, par un avis du médecin du travail du 10 décembre 2020, Mme [G] a été déclarée inapte à son poste avec impossibilité de reclassement. Son licenciement pour inaptitude lui a été notifié par son employeur par courrier du 5 janvier 2021.

Par une nouvelle requête du 2 avril 2021, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes afin de contester son licenciement.

A l'audience du 3 décembre 2021, la société Groupe D a demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la remise par Mme [G] d'un certain nombre de documents que celle-ci aurait détournés de son ordinateur professionnel et de l'issue de la plainte pénale déposée contre sa salariée pour diverses infractions.

Par jugement contradictoire du 8 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Lille a':

- ordonné la jonction des procédures inscrites sous le répertoire général 20/00163 et 21/00316 sous le seul numéro RG 20/00163,

- ordonné le sursis à statuer tant que Mme [G] n'aura pas fourni à la société Groupe D les éléments suivants':

*l'ensemble des mails professionnels que Mme [G] s'est adressée sur des adresses personnelles avant de les supprimer de son ordinateur professionnel,

*l'ensemble des mails et documents qu'elle a sauvegardé sur neuf périphériques de stockage listés dans le rapport d'expertise,

Cumulativement,

- ordonné le sursis à statuer tant que les parties n'auront pas eu connaissance de l'issue réservée à la plainte déposée au pénal fin juillet 2021 à l'encontre de Mme [G] par la société Groupe D,

- dit qu'il appartiendra ensuite conjointement aux parties de lui communiquer la fin des échanges dans le cadre du contradictoire afin que l'affaire soit réinscrite au rôle de la section encadrement pour être plaidée ou radiée,

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Par ordonnance du 5 décembre 2022, le premier président de la cour d'appel de Douai a autorisé Mme [G] à interjeter appel du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 21 décembre 2022, Mme [G] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 3 janvier 2023, Mme [G] a été autorisée en application de l'article 380 du code de procédure civile à faire assigner l'intimée à jour fixe pour l'audience du 21 mars 2023.

Par acte du 6 mars 2023 dont copie a été déposée au greffe, elle a ainsi fait assigner la société Groupe D devant la cour d'appel de Douai aux fins de comparution à l'audience susvisée.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2023 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [G] demande à la cour de':

- la juger recevable et bien fondée en son appel,

à titre principal,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- renvoyer la procédure devant le conseil de prud'hommes de Lille afin qu'il soit statué sur ses demandes,

à titre subsidiaire, si une expertise devait être ordonnée,

- désigner tel commissaire de justice afin qu'accompagné d'un expert informatique de son choix,

* il se rende à l'étude de Maître [U] [N], commissaire de justice, qui a placé sous scellés le 15 janvier 2021 l'ordinateur portable qu'elle a restitué et prenne copie des éléments séquestrés, dresse constat de ses opérations et lui transmette copie des éléments recueillis,

* il se rende au siège social de la société Groupe D, qu'il lui soit donné accès aux sauvegardes des messageries professionnelles de la concluante, qu'il prenne copie et les lui transmette,

en tout état de cause,

- débouter la société Groupe D de l'ensemble de ses demandes,

- renvoyer la procédure devant le conseil de prud'hommes de Lille afin qu'il soit statué sur ses demandes,

- condamner la société Groupe D à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2023 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Groupe D demande de':

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer':

en tant que besoin, y ajoutant si la cour souhaitait clarifier le libellé des termes du sursis,

- modifier les termes du sursis comme suit':

'Ordonner le sursis à statuer dans l'attente des termes suivants':

- d'une part, de la communication par Mme [G]':

*des 167 emails effacés sur la liste des 171 emails, listés de la page 22 à 29 du rapport de FIP France SAS, qu'elle s'est adressée depuis son adresse mail professionnelle vers ses adresses personnelles entre le 3 juin 2015 et le 10 janvier 2020,

*des 2497 fichiers listés de la page 36 à 69 du rapport de FIP France SAS, qu'elle a consultés entre le 6 novembre 2019 et le 15 janvier 2021 et auxquels la société Groupe D n'a plus accès, à l'exception des fichiers relevant de la vie privée de Mme [G],

*des 10 fichiers PST, listés en page 30 du rapport FIP France SAS, qui sont des archives de mails de la boite professionnelle de Mme [G], auxquelles la société Groupe D n'a pas accès,

- d'autre part, de l'issue réservée à la plainte pénale déposée en juillet 2021" ,

A titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée,

-ordonner une mesure d'instruction et désigner tel expert informatique qu'il plaira avec pour mission de :

*se rendre dans les locaux de Maître [U] [N] qui a placé sous scellés le 15 janvier 2021 l'ordinateur portable restitué par Mme [G], afin de procéder à la duplication de son disque dur,

*procéder à l'analyse de la copie du disque dur,

*se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

*dire si la partition principale du disque dur a été chiffrée avec le logiciel Bitlocker,

*dans l'affirmative, en rechercher l'origine, la ou les causes et plus précisément dire si le chiffrement a fait l'objet d'une commande particulière ou d'un chiffrement automatique activé par Microsoft,

*dire si Mme [G] a procédé à l'effacement des mails et des archives de mails de l'ordinateur de sorte que la société Groupe D n'y a plus accès,

*dire si Mme [G] a procédé à un transfert de documents et d'archives PST sur des périphériques externes non restitués à la société Groupe D,

*dire si la société Groupe D a accès aux fichiers dont elle réclame la communication, à savoir:

' des 167 emails, listés de la page 22 à 29 du rapport de FIP France SAS, qu'elle s'est adressée depuis son adresse mail professionnelle vers ses adresses personnelles entre le 3 juin 2015 et le 10 janvier 2020,

' des 2497 fichiers listés de la page 36 à 69 du rapport de FIP France SAS, qu'elle a consultés entre le 6 novembre 2019 et le 15 janvier 2021,

' des 10 fichiers PST, listés en page 30 du rapport FIP France SAS, qui sont des archives de mails de la boite professionnelle de Mme [G],

*dresser la liste des fichiers relevant de la vie privée de Mme [G] qui resteront sa propriété exclusive,

*retracer l'activité faite par Mme [G] avec l'ordinateur portable de Groupe D entre le début de son arrêt maladie (le 6 novembre 2019) et la date de restitution de l'ordinateur à Maître [U] [N] (le 15 janvier 2021 à 10h30),

*fournir, de manière générale, tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction compétente d'être éclairé sur les données professionnelles auxquelles la société Groupe D peut encore accéder et auxquelles elle est aujourd'hui privée,

*dire que l'expert diffusera aux parties un pré-rapport avant le dépôt du rapport définitif,

*fixer la date de remise du rapport de l'expert,

*dire qu'il en sera référé en cas de difficulté,

*fixer la somme à consigner,

*réserver les dépens,

en tout état de cause,

- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [G] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur le sursis à statuer :

Mme [G] fait grief aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande de sursis à statuer formulée par la société Groupe D la veille de l'audience de première instance.

Elle soutient notamment que la cause du sursis à statuer liée à la communication d'éléments informatiques qu'elle est supposée détenir, ne relève pas en réalité de la procédure de sursis à statuer, les premiers juges ayant ordonné la communication et la restitution forcées de pièces sans motiver leur décision par l'influence que ces éléments seraient susceptibles d'avoir sur l'instance en cours, seule circonstance pouvant justifier un sursis à statuer.

Tout en contestant être en possession des pièces réclamées et en avoir dépossédé la société Groupe D, elle dénonce également le caractère inexécutable de la décision entreprise, en insistant sur l'impossibilité de rapporter la preuve de l'exécution du jugement en l'absence de précision sur les mails et documents à restituer, ce qui serait susceptible d'aboutir à un déni de justice s'il lui est impossible d'obtenir la réinscription de l'affaire au rôle de la juridiction prud'homale.

S'agissant de la cause du sursis liée à la plainte pénale, Mme [G] fait valoir en substance que le juge civil n'a plus l'obligation de prononcer un sursis à statuer dans l'attente de l'aboutissement d'une procédure pénale, et dénonce notamment le caractère dilatoire de la plainte pénale déposée le 29 juillet 2021 par la société Groupe D pour les besoins de la cause, longtemps après le début du litige et la production le 16 octobre 2020 de la note de service litigieuse du 16 novembre 2018 qu'elle l'accuse d'avoir falsifiée.

En réponse, la société Groupe D conteste tout caractère dilatoire et déloyal de sa demande de sursis à statuer qu'elle précise avoir formulé par voie de conclusions le 14 octobre 2021 au vu d'une part du constat conforté par le rapport d'expertise informatique réalisée à sa demande le 25 février 2021 que Mme [G] s'est constituée une véritable base de données à son préjudice grâce aux documents détournés avant son départ depuis son ordinateur professionnel, et d'autre part de la plainte pénale déposée le 29 juillet 2021 pour vol, destruction de biens, abus de confiance mais également faux et usage de faux compte tenu de la production en cours de procédure, à l'appui de sa demande de rappel de salaire de 170 000 euros, d'une note du 16 novembre 2018 jamais signée par son supposé auteur.

Ellle s'estime fondée à solliciter le sursis à statuer dans l'attente de la communication par Mme [G] des pièces que celle-ci a fait disparaître à son profit mais également de l'issue de la plainte pénale, ces événements et la liste des mails et fichiers détournés étant selon elle suffisamment déterminés et précis pour écarter les difficultés d'exécution alléguées par la salariée.

En s'appuyant sur les constats et analyses issus du rapport d'expertise informatique de la société FIP à partir de la duplication du disque dur de l'ordinateur professionnel de Mme [G] réalisée devant huissier de justice et en la présence de la salariée le jour de la restitution de son matériel professionnel, la société Groupe D fait valoir au soutien de sa demande de sursis à statuer concernant les documents détournés, que :

- ce rapport a permis de révéler les transferts de très nombreux mails et fichiers, listés précisément par l'expert, vers des adresses de messagerie personnelles ou des périphériques de stockage personnels, avant une suppression massive desdites données sur son ordinateur professionnel sur lequel elle avait de surcroît activé un chiffrement empêchant d'accéder à son contenu,

- les mails ainsi identifiés, au nombre de 170 dont 167 supprimés, ont, au vu de leur intitulé, un rapport avec les sujets évoqués dans le cadre de la présente procédure et sont donc susceptibles d'exercer une influence sur la solution du litige, quelques uns ayant pu être récupérés par l'expert mais demeurent partiellement inexploitables,

- la loyauté des débats devant la juridiction prud'homale et notamment l'égalité des armes exige la restitution à son profit de ces données qui lui appartiennent.

S'agissant du sursis à statuer relatif à la plainte pénale, la société Groupe D réfute avoir agi tardivement, mettant en avant le fait que les éléments lui ont été révélés à l'occasion de l'échange de pièces au cours de la procédure prud'homale.

Elle précise que sa plainte porte à la fois sur le détournement et la destruction des documents susvisés et sur la suspicion de faux concernant la note du 16 novembre 2018 prétendument signée par M. [O], son président, sur laquelle Mme [G] se fonde pour réclamer une prime de 170 000 euros au titre de la fin d'année 2019.

Sur ce dernier point, elle ajoute que M. [O] réfute avoir signé une telle note, au demeurant absente du dossier administratif de la salariée, qui aurait eu pour conséquence de péreniser une prime annuelle de 170 000 euros alors que celle-ci est par nature d'un montant variable en fonction des performances de la société. Selon elle, cette note a été reconstituée de toute pièce à partir de feuillets signés en blanc par M. [O].

Sur ce,

A la demande d'une partie, le juge peut décider de surseoir à statuer jusqu'à la survenance de l'événement qu'il détermine dans un souci de bonne administration de la justice, ce qui est notamment le cas lorsque cet événement est susceptible d'avoir une influence sur la résolution du litige dont il est saisi.

Il convient d'abord de relever qu'en l'espèce, le litige qui oppose les parties devant la juridiction prud'homale a pour objet d'une part, la demande de Mme [G] aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, cette dernière dénonçant une situation de harcèlement moral à son égard ainsi que le non-paiement de la prime de fin d'année 2019 et d'indemnités de prévoyance, et d'autre part, la contestation de son licenciement pour inaptitude résultant selon elle du harcèlement allégué.

Dans le cadre des échanges de conclusions au cours de la procédure de première instance, la société Groupe D n'a pour sa part formulé aucune demande reconventionnelle particulière, avant de saisir les premiers juges de la demande de sursis à statuer.

Aux termes du jugement, les premiers juges ont accueilli la demande de sursis à statuer de la société Groupe D en retenant que :

- 'il est incontestable que des transferts d'informations appartenant à l'entreprise ont été opérés au profit de la demanderesse (Mme [G]) avant leur destruction complète au niveau desdits matériels restitués',

- 'au surplus, il y a eu dépôt de plainte de la société Groupe D auprès du procureur de la République pour usage de faux, le document mis en cause constituant l'unique justification d'une attribution de prime non honorée par l'entreprise fin 2019, et objet d'une demande substantielle au présent contentieux',

- 'il apparaît nécessaire aux juges que des préliminaires soient apurés pour permettre le parfait respect du contradictoire, et qu'avant dire droit, il y ait donc lieu à surseoir à statuer in limine litis'.

* sur la communication des mails et fichiers informatiques :

S'agissant des mails professionnels et fichiers informatiques qui auraient été détournés par Mme [G], l'intimée défend le bien fondé de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de leur communication par l'intéressée, en se fondant sur la nécessaire loyauté des débats et son droit à se défendre.

Toutefois, même à supposer que Mme [G] soit bien en possession des pièces litigieuses, le sursis à statuer pour en obtenir la communication forcée n'apparaît pas nécessaire pour assurer la loyauté des débats et le respect du contradictoire dans le cadre du présent litige.

En effet, les nouvelles pièces que Mme [G] verserait d'initiative aux débats au soutien de ses demandes seront nécessairement soumises à une discussion contradictoire avec la société Groupe D afin de permettre à celle-ci dans le cadre de l'exercice de son droit de se défendre, de pouvoir utilement les combattre par ses propres pièces, si besoin en dénonçant leur obtention déloyale et leur caractère illicite, après avoir bénéficié d'un délai suffisant pour en prendre connaissance.

S'agissant des autres documents, dès lors que Mme [G] n'entend pas les utiliser dans le cadre du débat au fond et que la société Groupe D, qui indique elle-même en ignorer le contenu, ne prétend pas qu'ils lui seraient nécessaires pour fonder d'éventuelles demandes reconventionnelles dont elle envisagerait de saisir les premiers juges, il n'est pas établi qu'ils seraient susceptibles d'avoir une quelconque influence sur la résolution du litige dont est saisie la juridiction prud'homale, au regard de l'objet de celui-ci.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la bonne administration de la justice ne commande pas de surseoir à statuer sur le fond du litige dans l'attente de la communication par Mme [G] des pièces litigieuses. Le jugement sera infirmé en ce sens.

* sur la procédure pénale en cours :

Il sera d'abord relevé que l'enquête relative à la plainte pénale de la société Groupe D pour les faits de détournement et destruction des pièces susvisées n'a aucune incidence sur le litige au fond, étant notamment rappelé que Mme [G] a été licenciée en raison de son inaptitude et non en raison de fautes qu'elle aurait pu avoir commises et que les parties ont chacune produit des rapports d'analyse informatique sur les supposés transferts et destructions de données informatiques contenues dans l'ordinateur professionnel de Mme [G] avant sa restitution à son employeur, permettant aux premiers juges d'apprécier, si cela s'avère nécessaire à la résolution du litige, la réalité des détournements et destructions dénoncées par la société Groupe D.

Par ailleurs, la société Groupe D indique elle-même en page 27 de ses conclusions qu'elle a connaissance de la note de service du 16 novembre 2018 qu'elle allègue de faux, depuis sa communication par Mme [G] dans le cadre du litige prud'homal le 16 octobre 2020.

Force est de constater qu'elle n'a déposé plainte que le 29 juillet 2021 pour faux et usage de faux, et a pu, avant cette plainte, développer sur plusieurs pages des moyens de défense pour contester la véracité de cette pièce et s'opposer à la demande en paiement de la prime de fin d'année 2019, notamment dans ses écritures du 10 mars 2021 (sa pièce 25) produites en vue de la mise en état de première instance, et aux termes desquelles elle entendait soulever un incident de faux prévu au code de procédure civile et déclarait simplement 'se réserver le droit de déposer plainte'.

Au vu des pièces et moyens ainsi échangés entre les parties en cours de procédure de première instance au sujet de cette note de service et du versement de la prime litigieuse, sans que la société Groupe D n'ait préalablement jugé nécessaire de déposer plainte pour faux lorsque la note de service a été portée à sa connaissance, il n'apparaît pas justifié de surseoir à statuer sur le fond du litige dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

La cour ayant eu à sa disposition les éléments suffisant pour statuer sur le présent appel relatif uniquement à la mesure de sursis à statuer, sans qu'il lui ait été nécessaire de déterminer précisément la réalité du détournement de pièces allégué, il n'y a pas lieu d'ordonner avant dire droit l'expertise judiciaire suggérée par la société Groupe D dans un subsidiaire.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, la société Groupe D devra supporter les dépens en appel exposés au titre de la présente procédure.

L'équité commande par ailleurs de condamner la société Groupe D à verser à Mme [G] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 8 avril 2022 en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes de Mme [G] ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

statuant à nouveau sur le chef infirmé,

DÉBOUTE la société Groupe D de sa demande de sursis à statuer ;

RENVOIE les parties et l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Lille afin qu'il soit statué sur le fond de l'affaire ;

CONDAMNE la société Groupe D à payer à Mme [G] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;

DIT que la société Groupe D supportera les dépens exposés dans le cadre de la présente procédure d'appel.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 22/01778
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;22.01778 ?
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