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25/05/2023 | FRANCE | N°20/04228

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 25 mai 2023, 20/04228


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 25/05/2023





N° de MINUTE :23/477

N° RG 20/04228 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THZG

Jugement (N° 19/000740) rendu le 18 Mai 2020 par le Juge des contentieux de la protection d'Arras



APPELANTE



SA BNP Paribas Personal Finance agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 8]



Représentée par Me Fr

ancis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉS



Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 10] - de nationalité Française

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 25/05/2023

N° de MINUTE :23/477

N° RG 20/04228 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THZG

Jugement (N° 19/000740) rendu le 18 Mai 2020 par le Juge des contentieux de la protection d'Arras

APPELANTE

SA BNP Paribas Personal Finance agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 10] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 04 janvier 2021 à l'étude

Madame [K] [L] épouse [D]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9] - de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann Osseyran, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021004294 du 22/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

DÉBATS à l'audience publique du 08 mars 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves benhamou, président et Gaëlle przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 février 2023

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 29 octobre 2009, M. [W] [D] et Mme [K] [L] ont souscrit auprès de la société BNP Paribas personal finance un prêt personnel d'un montant de 51'500 euros, remboursable en 120 mensualités de 646,26 euros hors assurance, au taux d'intérêt débiteur annuel de 8,30 %.

Après avoir prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit par courrier recommandé en date du 27 décembre 2018, la banque a, par exploit d'huissier délivré le 6 juin 2019, fait assigner M. [D] et Mme [L] en paiement.

Par jugement réputé contradictoire en date du 18 mai 2020, le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire d'Arras a :

- déclaré recevable l'action en paiement diligentée par la société BNP Paribas personal finance à l'encontre de M. [D] et Mme [L] sur le fondement du crédit souscrit le 29 octobre 2009,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP Paribas personal finance au titre du prêt souscrit par M. [D] et Mme [L] le 29 octobre 2009, à compter de cette date,

- constaté qu'en conséquence la créance de la société BNP Paribas personal finance est nulle,

- débouté la société BNP Paribas personal finance de sa demande en paiement,

- débouté la société BNP Paribas personal finance de sa demande d'indemnité au titre de la clause pénale,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- rappelé que le présent jugement sera non avenu s'il n'est pas notifié dans le délai de six mois de sa date,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNP Paribas personal finance aux entiers dépens.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 20 octobre 2020, la société BNP Paribas personal finance a relevé appel du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts contractuels, constaté en conséquence que sa créance est nulle, l'a déboutée de sa demande en paiement, l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de la clause pénale, l'a condamnée aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2021, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire d'Arras en date du 18 mai 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré l'action recevable,

statuant à nouveau,

- débouter M. [D] et Mme [L] de l'intégralité leurs prétentions,

- constater dire et juger que l'offre préalable de crédit acceptée par M. [D] et Mme [L] le 29 octobre 2009 est rédigée dans une taille de caractères faisant apparaître de manière claire et lisible l'ensemble des stipulations y figurant,

- constater dire et juger que l'offre préalable de crédit acceptée par M. [D] et Mme [L] le 29 octobre 2009 n'est entachée d'aucune irrégularité,

- par conséquent, condamner solidairement M. [D] et Mme [L] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme en principal de 19'754,49 euros, se décomposant de la façon suivante :

* capital restant dû : 8 595,05 euros,

* capital restant dû reporté : 8 328,96 euros,

* mensualités échues et impayées : 2 142,88 euros,

* indemnité légale de 8 % sur le capital restant dû : 687,60 euros,

* intérêts de retard au taux de 8,30 % l'an courus et

à courir à compter du 3 mai 2019 : mémoire,

- condamner solidairement M. [D] et Mme [L] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [D] et Mme [L] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel, dont distraction profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2021, Mme [L] demande à la cour :

- confirmer la décision entreprise,

- débouter la SA BNP Paribas personal finance de ses demandes,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

- mettre à néant la clause pénale dont il est sollicité le règlement,

- condamner la société BNP Paribas personal finance à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

La société BNP Paribas personal finance a signifié sa déclaration d'appel à M. [D] par acte d'huissier délivré le 4 janvier 2021 à étude d'huissier et ses conclusions par acte d'huissier délivré la 10 février 2021 à domicile.

M. [D] n'a pas constitué avocat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de l'appelante pour l'exposé de ses moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 16 février 2023, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 8 mars 2023.

MOTIFS

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont ceux antérieurs à la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 et les texte du code civil mentionné dans l'arrêt sont les textes dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables à la date de conclusion du contrat de crédit.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Au visa de l'article L.110-4 du code de commerce, la société BNP Paribas personal finance fait valoir que la demande de déchéance du droit aux intérêts est prescrite au motif qu'elle n'a pas été formée dans le délai de cinq ans suivant la conclusion du contrat de crédit.

Il est rappelé que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par le souscripteur d'un crédit constitue une défense au fond. L'invocation d'une telle déchéance s'analyse toutefois comme en demande reconventionnelle si elle tend à la restitution d'intérêts trop perçus (cass Civ 1ère 18 septembre 2019, n° 19.700-13).

En l'espèce, il ressort que Mme [L] forme une demande de déchéance du droit aux intérêts mais ne demande pas la condamnation de la banque au paiement d'intérêts trop perçus. Il suit que la demande de déchéance du droit aux intérêts constitue en l'espèce une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause conformément à l'article 72 du code de procédure civile, et échappe en conséquence à la prescription.

Dès lors, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de déclarer recevable la demande en déchéance du droit aux intérêts soulevée par Mme [L].

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Pour déchoir la banque de son droit aux intérêts contractuels, le premier juge a estimé qu'elle ne rapportait pas la preuve d'avoir remis à l'emprunteur une offre dotée d'un bordereau détachable de rétractation, et que l'offre est rédigée en caractères d'une hauteur inférieure au corps huit.

L'appelante fait valoir que la preuve de la remise d'une offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation est rapportée par le fait que les emprunteurs ont signé la mention par laquelle ils ont attesté être restés en possession d'un exemplaire de l'offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation et que le prêteur n'a pas l'obligation de conserver un double du bordereau de rétractation qui ne figure que sur l'exemplaire du prêteur, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposant que le formulaire de rétractation destiné à la seule protection de l'emprunteur figure sur l'exemplaire conservé par le prêteur ; qu'il appartient dès lors à l'emprunteur de rapporter la preuve de l'absence de remise du bordereau de rétractation ou à défaut son caractère irrégulier, preuve qu'en l'espèce les emprunteurs ne rapportent pas. La banque ajoute que la sanction du défaut de bordereau de rétractation joint à l'offre n'est pas la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels, mais une amende pénale conformément aux dispositions de l'article L.311-34 du code de la consommation.

Aux termes de l'article L.311-33 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L 311-8 à L311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ».

Cet article sanctionne notamment la violation de l'article L 311-13 du même code, qui prévoit que l'offre préalable est établie selon les modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire et renvoie aux articles R.311-6 et R.311-7.

Or, ces modèles types exigent la présence d'un bordereau détachable de rétractation conformément à ce qu'impose l'article L 311-15 du code de la consommation, aux termes duquel « lorsque l'offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d'agréer la personne de l'emprunteur, le contrat devient parfait dès l'acceptation de l'offre préalable par l'emprunteur. Toutefois, l'emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement.

Pour permettre l'exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable ».

Dès lors, l'absence de bordereau de rétraction joint à l'offre laissée en possession de l'emprunteur est sanctionné par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels.

Certes, il ne peut être demandé au prêteur de produire un exemplaire du contrat comportant le bordereau de rétractation dans la mesure où si l'article L.311-8 ancien du code de la consommation prévoit la remise en double exemplaire de l'offre de crédit à l'emprunteur à charge pour lui d'en retourner un au prêteur, le formulaire détachable, joint à l'offre et dont l'usage est exclusivement destiné à l'emprunteur pour exercer sa faculté de rétractation, n'a pas à figurer sur l'exemplaire destiné au prêteur.

Toutefois, si aucune disposition légale n'impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l'exemplaire de l'offre communiqué à l'emprunteur, il lui incombe cependant de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles en application de l'article 1315 du code civil ; la signature par l'emprunteur, comme en l'espèce, de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).

Or, en l'espèce, la banque ne verse aucun élément complémentaire aux fins de corroborer la reconnaissance par les emprunteurs de ce qu'il leur a été remis une offre dotée d'un formulaire de rétractation, tel pas exemple, un exemplaire vierge du contrat de la même génération que celui conclu avec M. [D] et Mme [L], comportant l'exemplaire devant être retourné au prêteur et l'exemplaire destiné à l'emprunteur comportant un bordereau de rétractation.

En conséquence, la société BNP Paribas personal finance ne rapporte la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a remis aux emprunteurs un exemplaire de l'offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation.

Au cas particulier le manquement de la banque à son obligation légale de fournir une offre de crédit comportant un formulaire de rétractation apparaît au regard des circonstances particulières de l'espèce suffisamment grave pour légitimer la déchéance en totalité du prêteur de son droit aux intérêts. Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déchu totalement la société BNP Paribas personal finance de son droit aux intérêts contractuels depuis la conclusion du contrat, sans qu'il soit besoin d'examiner la déchéance du droit aux intérêts à raison de la taille de la police de caractères de l'offre de crédit.

L'article L.311-33 du code de la consommation prévoit qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul capital restant dû après déduction des intérêts réglés à tort. En conséquence, l'indemnité de résiliation n'est pas due.

Le calcul opéré par le premier juge pour retenir que la banque ne détient plus de créance à l'égard des emprunteurs, le montant du capital financé (51 500 euros) étant inférieur aux remboursements effectués (72 770,16 euros), n'étant pas davantage contesté, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la banque de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

Succombant en appel, la société BNP Paribas personal finance sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu par défaut;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ;

Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens d'appel.

Le greffier

[H] [Z]

Le président

[I] [T]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04228
Date de la décision : 25/05/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.04228 ?
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