République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 25/05/2023
N° de MINUTE : 23/484
N° RG 19/02355 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SJW3
Jugement (N° 51-16-72) rendu le 25 Mars 2019 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras
APPELANTES
Madame [L], [IC], [EJ], [A] [P]
née le 18 Avril 1986 à [Localité 35] - de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 20]
Madame [H], [D], [LV] [I] veuve [P]
née le 28 Novembre 1953 à [Localité 29] - de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 28]
Représentées par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras
INTIMÉS
Monsieur [T], [G], [X], [U] [P]
né le 01 Avril 1950 à [Localité 28] - de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 28]
Madame [N] [Z] épouse [P]
née le 08 Septembre 1951 à [Localité 33] - de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 28]
Madame [BV] [P] épouse [O]
née le 25 Février 1973 à [Localité 31] - de nationalité Française
[Adresse 32]
[Localité 19]
SCEA [O]
[Adresse 7]
[Localité 28]
Représentés par Me Jean-Philippe Vérague, avocat au barreau d'Arras
DÉBATS à l'audience publique du 16 mars 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
De l'union de M. [K] [P] et de Mme [FN] [J] sont issus deux enfants: M. [Y] [P] et M. [T] [P].
M. [K] [P] est décédé le 30 novembre 1974 laissant pour lui succéder son conjoint survivant et ses deux enfants.
Par acte notarié en date du 13 avril 1976 reçu par Maître [E], Mme [FN] [J] veuve [P] a fait donation-partage entre ses deux enfants des biens immobiliers dépendant de la succession constituée entre elle et son défunt mari et de la succession de M. [K] [P].
Suite à cette donation, Mme [FN] [P] et M. [Y] [P] ont, respectivement en qualité d'usufruitier et de nu-propriétaire, consenti un bail à ferme à M. [T] [P] et à son épouse, Mme [N] [Z].
M. [Y] [P] est décédé le 9 avril 2003, laissant pour lui succéder son conjoint survivant, Mme [H] [I] veuve [P] et sa fille unique, Mme [L] [P].
Contestant le droit pour la Scea [O] d'exploiter les parcelles ZE [Cadastre 8], ZA [Cadastre 3], [Cadastre 4], ZD [Cadastre 17], [Cadastre 18], ZE [Cadastre 6] et ZB [Cadastre 10] sises à [Localité 28], ainsi que le droit pour Mme [BH] [P] d'exploiter la parcelle AH [Cadastre 26], Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] ont saisi le tribunal paritaire d'Arras par courrier en date du 4 octobre 2016, réceptionné au greffe le 6 octobre 2016 afin d'obtenir la résiliation du bail portant sur la parcelle ZE [Cadastre 8] au visa de l'article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime, qu'il soit dit que les autres parcelles sont exploitées sans droit ni titre, à titre subsidiaire et si, par extraordinaire la Scea [O] justifiait de l'existence d'un bail, le déclarer inopposable pour avoir été consenti par l'usufruitière seule en violation des dispositions de l'article 595 du code civil, et en toute hypothèse, ordonner l'expulsion de la Scea [O], de Mme [BH] [Z] épouse [P] et de leur allouer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l'audience non publique du 6 mars 2017 et aucun accord n'a pu être trouvé. L'affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Par jugement en date du 28 janvier 2019, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras a :
- constaté que les parcelles cadastrées AH[Cadastre 26], ZD[Cadastre 17] et ZD[Cadastre 18] ne sont ni occupées, ni exploitées par [T] [P], [BV] [P] épouse [O], [BH] [Z] épouse [P] et la Scea [O],
- rejeté en conséquence les demandes relatives à ces parcelles,
- dit que les baux ruraux des 21 mai 1976 et 14 mars 1977 ainsi que l'acte de renouvellement de ces baux en date du 31 mars 2000 sont valables et réguliers,
- débouté [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de leur demande tendant à dire que la parcelle ZB[Cadastre 10] sises à [Localité 28] n'est concernée par aucun bail et libre d'occupation,
- débouté en conséquence [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de leur demande d'annulation sur le fondement de l'article 595 du code civil,
- dit que le défaut de capacité de contracter de [FN] [J] veuve [P] n'est pas établi,
- rejeté en conséquence la demande d'annulation de l'agrément à cession de bail consenti par [FN] [J] veuve [P],
- dit que la cession de bail intervenue au profit de [BV] [P] épouse [O] est valable et régulière,
- débouté en conséquence [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de leur demande d'expulsion,
- débouté [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de l'ensemble de leurs demandes,
- débouté [T] [P], [BV] [P] épouse [O], [N] [Z] épouse [P] et la Scea [O] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné in solidum [L] [P] et [H] [I] veuve [P] à payer à [T] [P], [BV] [P] épouse [O], [N] [Z] épouse [P] et la Scea [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum [L] [P] et [H] [I] veuve [P] aux dépens de l'instance.
Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] ont interjeté appel de cette décision, la déclaration d'appel visant les dispositions suivantes :
- dit que les baux ruraux des 21 mai 1973 et 14 mars 1977 ainsi que l'acte de renouvellement de ces baux en date du 31 mars 2000 sont valables et réguliers,
- débouté [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de sa demande tendant à dire que la parcelle ZB[Cadastre 10] sise à [Localité 28] n'est concernée par aucun bail et libre d'occupation,
- débouté en conséquence [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de leur demande d'annulation sur le fondement de l'article 595 du code civil,
- dit que le défaut de capacité de contracter de [FN] [J] veuve [P] n'est pas établi,
- rejeté en conséquence la demande d'annulation de l'agrément à cession de bail consenti par [FN] [J] veuve [P] à [T] [P] et son épouse [BH] [Z],
- dit que la cession de bail intervenue au profit de [BV] [P] épouse [O] est valable et régulière,
- débouté, en conséquence, [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de leur demande d'expulsion;
- débouté [L] [P] et [H] [I] veuve [P] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné in solidum [L] [P] et [H] [I] veuve [P] à payer à [T] [P], [BV] [P] épouse [O], [BH] [Z] épouse [P] et la Scea [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum [L] [P] et [H] [I] veuve [P] aux dépens de l'instance.
Lors de l'audience devant cette cour, Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] soutiennent leurs conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles elles demandent à cette cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de bail sur les parcelles AH[Cadastre 26], ZD [Cadastre 17] et ZD [Cadastre 18] et ne sont pas occupées par [T] [P], [BV] [P] épouse [O], [N] [Z] épouse [P] et la Scea [O], en ce qu'il a débouté [T] [P] et [BV] [P] épouse [O], [N] [Z] épouse [P] et la Scea [O] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- L'infirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-résilier le bail en date du 17 mars 1997 renouvelé et prolongé le 31 mars 2000 et ce à la date du 30 septembre 2020 par application de l'article 595 alinéa 2 du code civil,
A titre subsidiaire,
- prononcer l'annulation de l'agrément à cession de bail consenti par Mme [FN] [J] veuve [P] à M. et Mme [T] [P]-[Z], les autorisant à céder les droits qu'ils détiennent du bail à Mme [BV] [P] pour défaut de capacité à contracter et vice du consentement,
En conséquence,
- constater que la cession intervenue par M. et Mme [T] [P]-[Z] des droits qu'ils détiennent sur les parcelles ZE [Cadastre 8], ZA [Cadastre 3] et ZA [Cadastre 4] sur le terroir de la commune de [Localité 28] est intervenue en violation de l'article L.411-35 du code rural et de la pêche maritime,
- à titre subsidiaire et pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment informée s'agissant de l'état de santé de Mme [FN] [J] veuve [P] à la date du 14 mars 2013,
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour aux fins de:
* se faire communiquer le dossier médical de Mme [FN] [J] veuve [P],
* préciser si au regard de ses antécédents médicaux et de son état de santé à la date du 14 mars 2013, celle-ci était en mesure de contracter,
* du tout dresser rapport qui sera déposé au greffe de la cour pour qu'il soit statué.
A titre encore plus subsidiaire,
- résilier le bail en date du 31 mars 2000 en application des dispositions des articles L.411-35 et L.411-31 du code rural et de la pêche maritime pour cession prohibée du bail à défaut de participation de Mme [BV] [O] née [P] en qualité d'associée exploitante au sein de la Scea [O] à la mise en valeur des parcelles louées.
Dans tous les cas,
- ordonner l'expulsion de M. et Mme [P]-[Z], de Mme [BV] [P] épouse [O] et de la Scea [O] et de tout occupant de leur chef desdites parcelles ainsi que de la parcelle ZB [Cadastre 10] dans le mois de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un an,
- dire et juger que les parcelles AH [Cadastre 26], ZD [Cadastre 17] et ZD [Cadastre 18] ne sont pas louées.
En tant que de besoin,
- ordonner l'expulsion de M. et Mme [P]-[Z], de Mme [BV] [P] épouse [O] et de la Scea [O] et de tout occupant de leur chef desdites parcelles dans les mêmes conditions que ci-dessus,
- condamner solidairement M. [T] [P], Mme [N] [Z] épouse [P], Mme [BV] [P] épouse [O] et la Scea [O] à payer à Mme [L] [P] et Mme [H] [I] épouse [P] la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
Mme [L] [P] et Mme [H] [I] épouse [P] soutiennent essentiellement qu'elles avaient connaissance d'un seul bail consenti par M. [Y] [P] et sa mère au profit de M. [T] [P] et son épouse, à savoir un bail en date du 21 mai 1976 faisant suite à la donation-partage intervenue le 13 mai 1976 et portant sur un corps de ferme situé à [Localité 28] ainsi que plusieurs parcelles situées à [Localité 28] et [Localité 31] pour une superficie totale de 09ha 67a 92ca. Elles précisent que ce bail consenti pour une durée de 18 années entières et consécutives a commencé à courir le 1er octobre 1975 pour expirer en 1993 et qu'à défaut de congé délivré à son échéance, il s'est tacitement renouvelé.
Elles exposent que les intimés font état d'un second bail en date du 14 mars 1977 par lequel Mme [FN] [P] [J] et M. [Y] [P] auraient donné en location à M. [T] [P] et Mme [N] [Z] des parcelles sises à [Localité 28] cadastrées section AB[Cadastre 23], AI [Cadastre 2], AK[Cadastre 13], ZA[Cadastre 4], ZA[Cadastre 3], AK[Cadastre 16] et AH[Cadastre 24] soit au total 05ha 38a 15 ca et que ce bail a été consenti pour une durée de 12 années, commençant à courir le 1er avril 1977 pour expirer le 31 mars 1989. Les appelantes font valoir que ces deux baux s'étant tacitement renouvelés, Mme [P]-[J] et les époux [P]-[Z] en ont modifié la durée sans l'accord des nue propriétaires de certaines des parcelles en signant par anticipation un acte authentique qualifié de renouvellement en date du 30 mars 2000 pour une durée de neuf ans commençant à courir le 1er octobre 2002. Elles précisent que cet acte ne saurait s'analyser comme un renouvellement s'agissant du bail du 14 mars 1977 mais comme un avenant prolongeant le bail au-delà de douze ans et s'est donc terminé le 30 septembre 2020.
A titre subsidiaire, Mme [L] [P] et Mme [H] [I] épouse [P] soutiennent que Mme [J] [P] n'était pas en mesure de contracter à la date à laquelle l'agrément à cession de bail a été recueilli dans la mesure où elle rencontrait des problèmes de compréhension et des troubles de logique depuis douze ans au moins et qu'elle avait subi des crises d'épilepsie et des avc.
Lors de l'audience devant cette cour, M. [T] [P], Mme [BV] [P] épouse [O], Mme [N] [Z] épouse [P] et la Scea [O], représentés par leur conseil, soutiennent les conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de :
-dire et juger irrecevable la demande d'expertise judiciaire,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance à l'exception de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- constater que les parcelles cadastrées AH[Cadastre 26], ZD[Cadastre 17] et ZD[Cadastre 18] ne sont ni occupées ni exploitées par les défendeurs,
- dire et juger sans objet la demande d'expulsion concernant lesdites parcelles,
Pour le surplus,
- constater la validité des baux initialement consentis aux époux [P]-[Z],
- constater la validité de la cession au profit de Mme [BV] [P] épouse [O],
En conséquence,
- débouter les demanderesses de l'ensemble de leurs prétentions,
- condamner solidairement Mme [L] [P] et Mme [H] [P] à payer à chacun des défendeurs la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Les intimés font essentiellement valoir que la parcelle AH[Cadastre 26] n'est pas exploitée par Mme [N] [P] mais est libre d'occupation et que les parcelles ZD[Cadastre 17] et ZD[Cadastre 18] sont en nature de bois de sorte qu'elles ne sont pas non plus exploitées, les demandes formulées à ce titre étant sans objet.
Ils précisent que l'acte authentique en date du 31 mars 2000 constitue un simple acte de renouvellement des baux précédents et ne viole pas l'article 595 du code civil, le renouvellement étant une prérogative de l'usufruitier. Ils exposent que les parcelles reprises à l'acte du 31 mars 2020 étant louées au titre des deux baux précédents, l'usufruitière pouvait valablement consentir seule un acte de renouvellement.
Les intimés précisent en outre que les agréments à cession ont été signés par Mme [P]-[J] le 6 juin 2012 avant d'être formalisés par acte authentique en date du 14 mars 2013 reçu par Maître [V] et que Mme [P]-[J] avait toutes les capacités intellectuelles pour consentir à la cession au profit de sa petite-fille.
Enfin, ils exposent que les pièces constituées par des actes authentiques, détenues par la Scp Deramecourt Deparcevaux, ont été communiquées dès le 27 décembre 2016 et qu'alors que les demanderesses étaient informées de la situation locative des parcelles litigieuses, elles ont malgré tout poursuivi la procédure, ce comportement indélicat confinant à l'abus de procédure.
Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
SUR CE ,
Sur les parcelles cadastrées AH[Cadastre 26], ZD[Cadastre 17] et ZD[Cadastre 18]
La cour relève que les dispositions du jugement tendant à constater que les parcelles cadastrées AH[Cadastre 26], ZD[Cadastre 17] et ZD[Cadastre 18] ne sont ni occupées, ni exploitées par [T] [P], [BV] [P] épouse [O], [BH] [Z] épouse [P] et la Scea [O] ne font l'objet d'aucune contestation en cause d'appel.
Il y a donc lieu de les confirmer.
Sur la demande principale
L'article 595 alinéa 4 du code civil dispose que :
'L'usufruitier ne peut sans le concours du nu-propriétaire donner à bail un fonds rural. A défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier ne peut passer seul un tel acte qu'avec une autorisation de justice'.
Il résulte des dispositions de l'article L.411-46 du code rural et de la pêche maritime que le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L.411-31 ou n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L.411-57 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67.
L'article L.411-50 du même code dispose qu'à défaut de congé, le bail est renouvelé pour une durée de neuf ans. Sauf convention contraire, les clauses et conditions du nouveau bail sont celles du bail précédent (...).
En l'espèce, par acte authentique en date du 21 mai 1976, faisant suite à la donation-partage intervenue le 13 mai 1976,Mme [FN] [J] veuve [P] et M. [Y] [P] ont donné à bail à M. [T] [P] et Mme [N] [Z], son épouse, diverses parcelles de terre sises à [Localité 28] cadastrées AH [Cadastre 27], AH [Cadastre 25], AI [Cadastre 14], AI [Cadastre 15], AK [Cadastre 22] et AC [Cadastre 21] ainsi qu'à [Localité 31] cadastrées ZI [Cadastre 1] pour une superficie totale de 09 ha 67a 92ca.
Il n'est pas contesté que par acte authentique en date du 14 mars 1977, Mme [FN] [J] et M. [Y] [P] ont consenti aux époux [P]-[Z] un second bail portant sur des parcelles sises à [Localité 28] cadastrées AB[Cadastre 23], AI[Cadastre 2], ZA[Cadastre 2], ZA[Cadastre 3], AK[Cadastre 16] et AH[Cadastre 24].
Par acte authentique en date du 13 mars 2000, reçu par Maître [E], notaire à [Localité 31], Mme [FN] [J] Veuve [P] , agissant en qualité d'usufruitière, a consenti au profit de M. [T] [P] et Mme [N] [Z] épouse [P] un bail 'en renouvellement' portant sur les mêmes parcelles, cet acte précisant que les parcelles ZA[Cadastre 3], [Cadastre 4], ZB[Cadastre 10], ZE[Cadastre 6] et [Cadastre 8] appartiennent en nue-propriété à M. [Y] [P], sous l'usufruit de Mme [P]-[J] [FN] et que la parcelle ZB[Cadastre 9] appartient en propre à Mme [P]-[J].
En outre, cet acte stipule expressément que 'le présent bail a lieu en renouvellement:
1°) d'un bail à long terme consenti suivant acte reçu par Maître [KR] [E] alors notaire à [Localité 31], père et prédécesseur immédiat de Maître [F] [E], notaire soussigné le 21 mai 1976, consenti pour une durée de 18 années expirant le 30 septembre 1993 reconduit tacitement depuis.
2°) et d'un bail consenti suivant acte reçu par Maître [KR] [E], notaire sus-nommé le 14 mars 1977 pour une durée de neuf années expirant le 31 mars 1989 reconduit tacitement depuis'.
Si aux termes des dispositions de l'article 595 alinéa 4 du code civil, le bail consenti par l'usufruitier seul est nul à l'égard du nu-propriétaire, c'est à juste titre que le tribunal a relevé qu'aucun congé n'a été délivré au cours des premiers baux pour y mettre fin de sorte que les époux [P]-[Z], qui sont continué à exploiter les parcelles louées, ont bénéficié automatiquement du droit au renouvellement et a retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte, que la convention critiquée établie par acte notarié en date du 13 mars 2000 ne constitue pas un nouveau bail mais l'acte matérialisant la reconduction des contrats initiaux déjà existants de sorte que, s'agissant d'un pur effet de la loi, la reconduction du bail objet de l'acte notarié du 31 mars 2000 n'avait pas à être soumise à la volonté du nu-propriétaire.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte authentique en date du 13 mars 2000.
Sur la cession de bail
Aux termes des dispositions de l'article 1108 du code civil, devenu l'article 1128, le consentement de la partie qui s'oblige est une des quatre conditions essentielles pour la validité d'une convention.
L'article 1319 du même code, devenu l'article 1371 depuis l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.
Les appelantes font valoir que l'acte d'agrément régularisé par Mme [FN] [J] veuve [P], usufruitière, par acte authentique en date du 14 mars 2013, au profit de sa petite-fille, Mme [BV] [P] épouse [O], doit être annulé, Mme [J] veuve [P] n'étant manifestement pas en mesure de contracter à cette date alors qu'elle rencontrait des problèmes de compréhension et de troubles de logique depuis au moins douze ans et qu'elle avait subi des crises d'épilepsie et des avc.
Si dans un courrier en date du 3 février 2001, Mme [W], orthophoniste, écrivait au médecin traitant de Mme [J] veuve [P] en indiquant que: 'A l'oral comme à l'écrit, in observe des troubles de compréhension élaborée, liés à une incapacité à traiter simultanément plusieurs informations et majorés par des troubles d'attention/concentration dès qu'interfèrent des stimuli intérieurs et des troubles de logique et de raisonnement verbal caractérisés par une inaptitude à appréhender les liens logiques d'une image, d'une phrase ou d'un texte(...)' et préconisait la mise en place de séances d'orthophonie, il ressort du courrier de la clinique neurochirurgicale du Chu de Lille en date du 1er décembre 2000 qu'à la suite de son hospitalisation en neurochirurgie du 18 au 30 novembre 2000 pour un Avc, l'évolution de Mme [J] veuve [P] en réanimation neurochirurgicale a été marquée par une récupération neurologique avec un score de Glasgox évalué à 11, le compte rendu du département de réadaptation du centre hospitalier de la région de [Localité 34] en date du 22 janvier 2001 faisant état de nettes améliorations du langage.
Par ailleurs, le questionnaire médical relatif à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) rempli par le docteur [C], médecin traitant de Mme [J] veuve [P] le 12 juin 2003 ne fait état d'aucun trouble de la compréhension, du comportement ni de trouble psychiatrique et ce en dépit de l'Avc ischémique survenu le 18 novembre.
En outre, si les appelantes font état du courrier du Docteur [R], médecin au département de réadaptation du centre hospitalier de [Localité 34] évoquant un affaiblissement des fonctions supérieures sans atteinte de l'humeur, force est de constater que ce courrier est daté du 22 janvier 2001, soit quelques semaines après l'avc présenté par Mme [J] veuve [P] alors que dans un courrier en date du 12 septembre 2012, établi dans une période proche de la régularisation de l'acte litigieux, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, le service de médecine du centre hospitalier de [Localité 30] fait état d'une absence de désorientation temporo-spatiale ainsi que d'un examen neurologique normal, cette absence de trouble étant confortée par le courrier établi par Mme [M] [S], voisine de Mme [J] veuve [P], indiquant que cette dernière avait une conversation cohérente et toujours lucide.
De plus, alors qu'il n'est pas contesté que Mme [J] veuve [P] n'a fait l'objet d'aucune mesure de protection, le seul courrier établi par M. [GY] [B] décrivant 'une perte de lucidité' de Mme [J] veuve [P] n'est conforté par aucun élément médical alors même qu'il résulte des comptes rendus médicaux établis en 2010 et 2012 que l'intéressée, née en 1922, vivait seule à domicile avec des aides.
Enfin, si la demande d'expertise formulée par Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] est recevable pour la première fois en cause d'appel en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'une mesure d'instruction sollicitée par les appelantes pour justifier du bien-fondé des prétentions soumises aux premiers juges, cette dernière doit être rejetée en l'absence de tout nouvel élément de preuve produit en cause d'appel, la mesure d'instruction sollicitée ne pouvant avoir pour seule finalité de palier la carence des appelantes dans l'administration de la preuve.
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il n'est pas établi que Mme [FN] [J] veuve [P] n'avait pas la capacité de contracter lorsqu'elle a signé l'acte d'agrément à cession de bail par acte authentique en date du 14 mars 2013 et que Mme [BV] [P] épouse [O] justifiant de sa qualité d'associée au sein de la Scea [O], la cession de bail intervenue par acte authentique en date du 14 mars 2013 à son profit, est valable.
En conséquence, Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] seront déboutées de leur demande, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.
Sur la demande en dommages et intérêts
Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement des appelantes ayant dégénéré en abus, et le jugement du tribunal sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [P], Mme [N] [Z] épouse [P], Mme [BV] [O] et la Scea [O] de leur demande de dommages et intérêts formée à ce titre à l'encontre de Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P].
Sur les autres demandes
La décision entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] seront condamnées aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de les condamner à verser aux intimés la somme de
2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] à payer à M. [T] [P], Mme [N] [Z] épouse [P], Mme [BV] [P] épouse [O] et la Scea [O] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;
Condamne Mme [L] [P] et Mme [H] [I] veuve [P] aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS