République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 25/05/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 18/01656 - N° Portalis DBVT-V-B7C-ROAY
Jugement (N° 17/01772) rendu le 25 Janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANTE
La SCI [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social Résidence l'[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 11]
représentée par Me Ludovic Denys, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
La SARL Agence A prise en la personne de son gérant
ayant son siège social [Adresse 15]
[Localité 12]
- assignée en appel provoqué -
représentée par Me Véronique Ducloy, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
La SA Generali Iard venant aux droits de la Compagnie Generali Assurances, prise en sa qualité d'assureur de la SARL Gerim, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 14]
- assignée en appel provoqué-
représentée par Me Stéphane Robilliart, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Michel Teboul, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
La SAS Rabot Dutilleul Construction, venant aux droits de la société Gerim, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 17]
[Adresse 17]
[Localité 10]
- assignée en appel provoqué -
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Jean-Roch Parichet, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
La société civile Muldev, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 13]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l'audience publique du 27 février 2023 après rapport oral de l'affaire par Catherine Courteille.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 après prorogation du délibéré en date du 11 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 décembre 2022
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Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 25 janvier 2018 ;
Vu la déclaration d'appel de la société [Adresse 2] reçue au greffe le 19 mars 2018 ;
Vu les conclusions de la société [Adresse 2] déposées au greffe le 27 janvier 2022 ;
Vu les conclusions de la société Agence A déposées au greffe le 20 avril 2022 ;
Vu les conclusions de la société Gerim déposées au greffe le 31 mai 2022 ;
Vu les conclusions de la société Muldev déposées au greffe le 23 mai 2022 ;
Vu les conclusions de la société Generali déposées au greffe le 13 juillet 2022 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 5 décembre 2022 ;
Exposé du litige
La SCI [Adresse 2] est propriétaire d'une parcelle cadastrée sous la référence AO [Cadastre 5] située [Adresse 2] à [Localité 16] et qui supporte un bâtiment à usage industriel édifié entre 1983 et 1987, en limite de propriété et des bâtiments voisins.
Par acte en date du 25 septembre 2002, cet immeuble a été donné à bail commercial à la société Illochroma qui y exerce une activité d'imprimerie.
La société Muldev est propriétaire de parcelles de terrain cadastrées sections AO [Cadastre 9],[Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 7], d'une surface de 13 908 m², jouxtant la parcelle appartenant à la SCI [Adresse 2] et situées [Adresse 2].
Le 30 avril 2004, la société Muldev a déposé une demande de permis de construire aux fins d'extension d'un bâtiment industriel sur un terrain situé [Adresse 2]. Cette demande de permis de construire a été établie par la société Agence A.
Ce permis, relatif à la construction d'un bâtiment industriel de 2854 m², a été accordé par le maire de [Localité 16], le 2 septembre 2004. Un permis modificatif a été accordé par un arrêté du 7 avril 2005.
La société Muldev a fait exécuter les travaux par la société Gérim, assurée auprès de la société Generali.
Le bâtiment construit par la société Muldev était destiné à être loué à la société Illochroma qui a conclu un bail commercial.
Contestant le projet, présenté comme une extension de son bâtiment, la SCI [Adresse 2] a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation des permis de construire initial et modificatif.
Par arrêt du 29 décembre 2006, la cour administrative d'appel de Douai a annulé les deux permis de construire en raison d'une hauteur excessive du bâtiment au regard des règles d'urbanisme.
Saisi par la société Muldev d'une demande d'expertise contradictoire à l'égard des sociétés Agence A et Gérim (ainsi que Generali assurances, intervenant volontaire), le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a, par ordonnance du 17 juin 2008, ordonné une expertise au contradictoire de la société Agence A, de la société Gerim et de la société Generali IARD, confiée à M. [N] et lui demandant notamment de :
' préciser la part respective prise par la société Muldev et par la société Agence A dans l'élaboration du dossier de demande de permis de construire
' donner son avis sur les dispositions susceptibles d'être prises pour rendre conforme le bâtiment et en chiffrer le coût
' chiffrer le coût de la démolition de l'immeuble.
L'expert judiciaire a déposé un rapport en l'état le 15 décembre 2010.
Par acte d'huissier du 13 novembre 2009, la société [Adresse 2] a fait assigner la société Muldev devant le tribunal de grande instance de Lille afin notamment d'obtenir la démolition de divers ouvrages.
La société Muldev a sollicité la garantie de la société Agence A qui elle-même a fait citer la société Gérim et son assureur la société Generali assurances afin d'obtenir leur garantie.
Par jugement du 25 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :
' rejeté la demande de démolition du bâtiment industriel édifié par la société Muldev sur les parcelles cadastrées section AO n° [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], [Adresse 2] à [Localité 16]
' rejeté les demandes de démolition d'une cuve de rétention des eaux édifiée sur une parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5] à [Localité 16], d'enlèvement de l'ensemble des éléments de raccordement de cette cuve de rétention des eaux à l'immeuble contigu et de réalisation de travaux de remise en état
' ordonné à la société Muldev de démolir la voirie aménagée par elle sur la parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5] à [Localité 16] appartenant à la société [Adresse 2]
' précisé qu'il s'agit de la voirie aménagée devant le bâtiment de la société [Adresse 2] au Sud-Est, c'est-à-dire entre le bâtiment érigé sur la parcelle et la limite de propriété avec la [Adresse 2] à [Localité 16]
' ordonné à la société Muldev de :
- supprimer deux percements réalisés entre son bâtiment érigé sur les parcelles cadastrées section AO n° [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], [Adresse 2] à [Localité 16] et celui de la SCI [Adresse 2] érigé sur la parcelle voisine cadastrée section AO n° [Cadastre 5], [Adresse 2] à [Localité 16]
- exécuter l'ensemble des travaux permettant d'assurer l'isolation et le clos du bâtiment de la société [Adresse 2] érigé sur la parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5], [Adresse 2] à [Localité 16]
- supprimer de l'immeuble de la société [Adresse 2] l'ensemble des canalisations, éléments de desserte électrique et ensemble des réseaux et fluides ayant été aménagés pour permettre la desserte du bâtiment de la société Muldev édifié sur les parcelles cadastrées section AO n° [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], [Adresse 2] à [Localité 16]
' précisé que les deux ouvertures à supprimer sont la porte coupe-feu de 3 × 3 m et le vantail coupe-feu 0,83 × 2025 m situé aux droits de la porte coupe-feu
' rejeté la demande de désignation d'un expert pour contrôler l'exécution des travaux
' rejeté la demande d'astreinte
' condamné la société Muldev à payer à la société [Adresse 2] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts
' rejeté la demande de garantie de la société Muldev par la société Agence A
' déclaré irrecevable comme prescrite la demande de garantie de la société Muldev par la société Gérim
' rejeté la demande reconventionnelle indemnitaire de la société Muldev
' condamné la société Muldev à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société [Adresse 2] la somme de 5 000 euros
- à la SARL Agence A la somme de 1 500 euros
' dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile
' condamné la société Muldev à supporter les dépens de l'instance et autorisé Me Bodart et Me Ducloy à recouvrer directement les dépens dont chacun aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision
' dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.
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Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 19 mars 2018, la société [Adresse 2] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
' rejeté la demande de démolition du bâtiment industriel édifié par la société Muldev sur les parcelles cadastrées section AO n° [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], [Adresse 2] à [Localité 16]
' rejeté les demandes de démolition d'une cuve de rétention des eaux édifiée sur une parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5] à [Localité 16], d'enlèvement de l'ensemble des éléments de raccordement de cette cuve de rétention des eaux à l'immeuble contigu et de réalisation de travaux de remise en état
' rejeté la demande de désignation d'un expert pour contrôler l'exécution des travaux
' rejeté la demande d'astreinte
' condamné la société Muldev à payer à la société [Adresse 2] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
L'appel est uniquement dirigé à l'encontre de la société Muldev.
Par acte d'huissier du 14 septembre 2018, la société Muldev a fait citer la société Agence A en appel provoqué.
Par acte d'huissier du 13 décembre 2018, la société Agence A a fait citer la société Gérim et la société Generali en appel provoqué.
Par ordonnance du 22 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables comme étant tardives les conclusions de la société Generali du 7 juin 2019 à l'encontre de la société Agence A et recevables à l'encontre de la société Gérim.
Par arrêt du 6 février 2020, la cour d'appel de Douai a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [C], qui a déposé son rapport le 27 octobre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 27 janvier 2022, la société [Adresse 2] demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 25 janvier 2018 en ce qu'il a :
-ordonné à la société Muldev de démolir la voirie aménagée par elle sur la parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5] à [Localité 16] appartenant à la société [Adresse 2], en précisant qu'il s'agit de la voirie aménagée devant le bâtiment de la société [Adresse 2] au sud est c'est-à-dire entre le bâtiment érigé sur la parcelle et la limite de propriété avec la [Adresse 2] à [Localité 16] ;
-ordonné à la société Muldev de supprimer deux percements réalisés entre son bâtiment et celui de la société [Adresse 2] ;
-ordonné à la société Muldev d'exécuter l'ensemble des travaux permettant d'assurer l'isolation et le clos du bâtiment de la société [Adresse 2] ;
-ordonné à la société Muldev de supprimer de l'immeuble de la société [Adresse 2] l'ensemble des canalisations, éléments de desserte électrique et l'ensemble des réseaux et fluides ayant été aménagés pour permettre la desserte du bâtiment de la société Muldev en précisant que les deux ouvertures supprimées sont la porte coupe-feu et le ventail coupe-feu ;
-condamné la société Muldev à payer à la société [Adresse 2] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance ;
-pour le surplus, réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 25 janvier 2018 et, statuant à nouveau :
-ordonner à la société Muldev de procéder à l'exécution des travaux destinés à supprimer les empiétements constatés de son bâtiment sur la propriété de la société [Adresse 2] selon la méthodologie définie par le cabinet [W] reprise dans sa note en date du 19 août 2021 constituant l'annexe n°18 du rapport d'expertise judiciaire de M. [C] en date du 22 octobre 2021 sur son terrain cadastré section AO n° [Cadastre 6],[Cadastre 8] et [Cadastre 9], [Adresse 2] à [Localité 16] ;
-dire et juger que les travaux devront être réalisés dans les 6 mois suivant la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé ce délai ;
-ordonner à la société Muldev de démolir la cuve de rétention des eaux édifiée sur la parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5] appartenant à la société [Adresse 2], ainsi qu'à l'enlèvement de l'ensemble des éléments de raccordement de cette cuve de rétention des eaux et aux travaux de remise en état nécessaire ;
-assortir ces obligations d'une astreinte de 1 500 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter du 180ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;
-ordonner la désignation d'un expert afin que celui-ci procède au contrôle de bonne fin des travaux auxquels la société Muldev sera condamnée ;
-condamner la société Muldev à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
-condamner la société Muldev à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de l'avocat constitué ;
-débouter la société Muldev de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SCI [Adresse 2].
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 mai 2022, la société Muldev demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 25 janvier 2018, en ce qu'il a :
-rejeté la demande de démolition du bâtiment industriel édifié par la société Muldev sur la parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], [Adresse 2] à [Localité 16],
-rejeté la demande de démolition d'une cuve de rétention des eaux, d'enlèvement de l'ensemble des éléments de raccordement à cette cuve de rétention des eaux, à l'immeuble contiguë et la réalisation de travaux de remise en état,
-rejeté la demande de désignation d'un expert pour contrôler l'exécution des travaux
-rejeté la demande d'astreinte,
-réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 25 janvier 2018, en ce qu'il a énoncé :
-ordonne à la société Muldev de démolir la voierie aménagée par elle sur la parcelle cadastrée section AO n° [Cadastre 5] à [Localité 16] appartenant à la société [Adresse 2],
-précise qu'il s'agit de la voirie aménagée devant le bâtiment de la société [Adresse 2] au Sud Est, c'est-à-dire entre le bâtiment érigé sur la parcelle et la limite de propriété avec la [Adresse 2] à [Localité 16],
-ordonne à la société Muldev de :
o supprimer deux percements réalisés entre son bâtiment érigé sur les parcelles cadastrées section AO n° [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] [Adresse 2] et celui de la société [Adresse 2] érigé sur la parcelle voisine cadastrée section AO n° [Cadastre 5] [Adresse 2] à [Localité 16],
o d'exécuter l'ensemble des travaux permettant d'assurer l'isolation et le clos du bâtiment de la société [Adresse 2] érigé sur la parcelle cadastrée section AO n°[Cadastre 5] [Adresse 2] à [Localité 16],
o supprimer de l'immeuble de la société [Adresse 2] l'ensemble des canalisations, éléments de desserte électrique et ensemble des réseaux et fluides ayant été aménagés pour permettre la desserte du bâtiment de la société Muldev édifié sur les parcelles cadastrées section AO n° [Cadastre 6],[Cadastre 8] et [Cadastre 9] [Adresse 2] à [Localité 16]
-précise que les deux ouvertures supprimées sont la porte coupe-feu de 3x3 m et le ventail coupe-feu 0,83 x 2025 m situé au droit de la porte coupe-feu,
-condamne la société Muldev à payer à la société [Adresse 2] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
-rejette la demande de garantie de la société Muldev par la société Agence A,
-condamne la société Muldev à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société [Adresse 2] la somme de 5 000 euros
- la société Agence A, la somme de 1 500 euros
-condamne la société Muldev à supporter les dépens de l'instance ;
Statuant de nouveau :
-dire n'y avoir lieu à aucune condamnation de démolition prononcée à son encontre,
-débouté la société [Adresse 2] de sa demande tendant à l'exécution des travaux destinés à supprimer les empiétements allégués,
En tout état de cause,
-constater que la société [Adresse 2] ne démontre aucun préjudice personnel, direct et certain,
-rejeter l'ensemble des demandes de la société [Adresse 2],
-condamner la société [Adresse 2] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-dire et jugé recevable et bien fondé l'appel en garantie à l'encontre de la société Agence A,
-condamner la société Agence A à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,
-condamner la société [Adresse 2] à lui payer la somme de 18 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
-débouter la société Gerim de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 avril 2022, la société Agence A demande à la cour de :
-dire et juger la société Muldev irrecevable en son assignation en appel provoqué devant la cour à son encontre ;
-l'en débouter ;
Dans tous les cas,
-déclarer la société Muldev mal fondée en son action récursoire et en garantie à son encontre ;
-l'en débouter ;
-la mettre purement et simplement hors de cause ;
Subsidiairement et si par extraordinaire la Cour devait néanmoins entrer en voie de condamnation à son encontre,
-déclarer que la société Muldev gardera à sa charge la part de responsabilité imputable à la société Gerim, seule tenue à son égard par une obligation de résultat ;
A tout le moins,
-déclarer la société Gerim et son assureur Generali tenus in solidum ou l'un à défaut de l'autre, tenus de la garantir et la relever indemne de toutes condamnations en principal, intérêts et frais ;
En tout état de cause,
-ramener les prétentions de la société [Adresse 2] à de notables proportions et ceci, pour tenir compte de ce que la réparation du dommage doit être proportionnelle au préjudice subi, notamment en application de l'article 1221 du code civil ;
De la même manière,
-débouter la société [Adresse 2] en sa demande de procéder sous astreinte à l'exécution des travaux destinés à supprimer les empiétements qu'elle dit subir sur sa propriété ;
Reconventionnellement,
-condamner la société Muldev ou tout autre succombant au paiement à son profit d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens, dont ceux de référé et d'expertise, avec distraction au profit de Maître Véronique Ducloy. Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 31 mai 2022, la société Rabot Dutilleul construction venant aux droits de la société Gerim demande à la cour de :
-dire et juger irrecevable l'assignation en appel provoqué diligentée par la société Muldev à l'encontre de la société Agence A ;
En conséquence,
-dire et juger irrecevable l'assignation en appel provoqué diligentée par la société Agence A à son encontre ;
À tout le moins,
-dire qu'en cas d'irrecevabilité de l'assignation en appel provoqué de la société Muldev à l'encontre de la société Agence A, l'assignation en appel provoqué diligentée par la société Agence A à son égard est sans objet ;
Au fond,
-constater que les sociétés Muldev et [Adresse 2] ne forment aucune de demande à son encontre ;
-voir confirmer intégralement le jugement entrepris ;
-vu les articles 1382 et suivants du code civil ancien et 1240 nouveau ;
Subsidiairement vu les articles 1134, 1147 et suivants du code civil ancien et 1231 et suivants nouveaux,
-voir constater l'inopposabilité à la société Rabot Dutilleul Construction des décisions rendues par les juridictions administratives, ainsi que le rapport d'expertise judiciaire de M. [N] ;
-voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'irrecevabilité des demandes de la société Muldev à son encontre pour être prescrites ;
-voir débouter la société Agence A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre extrêmement subsidiaire,
-voir condamner la société Agence A et la compagnie Generali à garantir et à la relever indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.
Reconventionnellement,
-voir condamner la société Agence A à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 13 juillet 2022, la société Generali Iard demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 25 janvier 2018 en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation contre la société Gerim et contre elle ;
-débouter en conséquence toutes les parties, et notamment l'Agence A, la société Muldev et la société Rabot Dutilleul-Gerim, de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;
-dire et juger comme lui étant inopposables les rapports d'expertise judiciaire de M. [N] et les décisions rendues par les juridictions administratives ;
-rejeter la demande de la société [Adresse 2] tendant à l'exécution des travaux destinés à supprimer les empiétements allégués et à désigner un expert chargé de procéder au contrôle de bonne fin de ces travaux, au motif que la société [Adresse 2] a renoncé à la mitoyenneté (en accolant ses deux bâtiments sur le mur mitoyen) de sorte qu'elle ne subit aucun préjudice, au motif également que les travaux de démolition réclamés sont hors de proportion avec la réalité du préjudice allégué qui consiste en un empiétement de terrain de 18 m² et que ces travaux auront par surcroît pour conséquence de créer des nuisances qui n'existent pas à ce jour,
-dire et juger que seule l'Agence A a conclu un contrat de maîtrise d''uvre avec la société Muldev, a établi et déposé le dossier de demande de permis de construire de la société Muldev, conformément à la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture et à l'article L 431-1 du code de l'urbanisme qui donne compétence exclusive aux architectes à cette fin,
-dire et juger que seule la commune de [Localité 16] est susceptible d'être responsable du préjudice allégué par la société Muldev à l'égard de l'Agence A, de la société Rabot Dutilleul-Gerim et de la compagnie Generali Iard, au motif que selon la jurisprudence du Conseil d'Etat seule est susceptible d'être engagée, au titre des conséquences dommageables d'un permis de construire à l'égard du pétitionnaire, la responsabilité de la personne publique qui délivre une autorisation d'occupation du sol, en l'espèce l'arrêté de permis de construire qui a été annulé,
-dire et juger en tout état de cause que la responsabilité de la société Rabot Dutilleul - Gerim n'est pas engagée au motif qu'aucune responsabilité ne peut être recherchée contre celui qui dépose une demande de permis de construire, seule pouvant être recherchée la responsabilité de la personne publique qui délivre une autorisation d'occupation du sol, c'est à dire le maire de [Localité 16] qui a pris un arrêté de permis de construire le 2 septembre 2004 et un arrêté de permis de construire modificatif le 7 avril 2005, autorisant les constructions litigieuses,
-dire et juger par surcroît que la société Gerim a agi en simple qualité d'entreprise et de contractant général, et n'a pas participé à l'élaboration de la demande de permis de construire,
-dire et juger qu'elle ne doit pas sa garantie à la société Rabot Dutilleul - Gerim, au motif que le dommage allégué par la société [Adresse 2] est imputé à l'établissement d'une demande de permis de construire, alors qu'elle garantit la société Gerim en ses qualités d'entreprise et de contractant général, et que la demande de permis de construire ne fait pas partie de la mission d'une entreprise ni de celle d'un contractant général, puisqu'il s'agit d'une mission qui relève de la compétence exclusive des architectes,
-condamner tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens distraits au profit de Me Stéphane Robilliart, avocat aux offres de droit,
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
La clôture a été ordonnée le 5 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 954 du code de procédure civile les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
En l'espèce, si aux termes de la déclaration d'appel, le jugement est critiqué en ce qu'il a rejeté la demande de démolition du bâtiment industriel édifié par la société Muldev sur les parcelles cadastrées AO [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] [Adresse 2] à [Localité 16], la SCI [Adresse 2] demande aux termes de ses dernières écritures que soit ordonné « à la société Muldev de procéder à l'exécution des travaux destinés à supprimer les empiétements constatés de son bâtiments selon la méthodologie définie par M. [W], reprise dans sa note en date du 19 août 2021 constituant l'annexe 18 du rapport d'expertise judiciaire de M. [C] en date du 22 octobre 2021 sur son terrain cadastré section AO [Cadastre 6],[Cadastre 8], [Cadastre 9] ».
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI [Adresse 2] de sa demande de démolition.
La SCI [Adresse 2] sollicite dans le dispositif de ses écritures que soit ordonnée la démolition de la cuve implantée sur la parcelle AO[Cadastre 5], mais ne développe dans les motifs de ses conclusions aucun moyen à l'appui de cette prétention, en conséquence la cour n'est saisie d'aucun moyen de nature à remettre en cause les constatations opérées par le tribunal indiquant que la cuve ne figure pas dans les travaux à réaliser dans le marché de l'entreprise Gerim, le jugement sera confirmé de ce chef.
La société Muldev, maître d'ouvrage, a fait construire un bâtiment de 2 854 m² dont les dimensions (et notamment la hauteur) ont été établies en fonction de la taille des rotatives de la société Illochroma laquelle occupe également les locaux de la SCI [Adresse 2].
Les deux permis de construire des 14 avril 2006 et 29 décembre 2006, accordés à la société Muldev ont été annulé par arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 29 décembre 2006 en raison de la hauteur excessive du bâtiment construit, non conforme à l'article UF 7 du plan d'occupation des sols. L'arrêt de la cour administrative d'appel est définitif.
1-Sur l'empiétement
La société Muldev conteste tout empiétement indiquant avoir construit en limite de propriété.
La SCI [Adresse 2] sollicite l'entérinement du rapport de M. [C].
Selon l'article 544 du code civil la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
L'article 545 du code civil précise que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi par M. [C], qu'avant la construction du bâtiment litigieux par la société Muldev, des bâtiments étaient implantés sur les parcelles de la SCI [Adresse 2] AO [Cadastre 5] et sur les parcelles aujourd'hui propriété de la société Muldev, ces bâtiments étaient construits de part et d'autre d'un mur mitoyen. A l'occasion de la démolition et de la reconstruction sur sa parcelle, la SCI [Adresse 2] a fait édifier un bâtiment en retrait du mur mitoyen.
Tant les représentants de la SCI que ceux de la société Muldev ont indiqué avoir construit en retrait de ce mur, ce que confirment les observations de l'expert judiciaire qui précise qu'après démolition des existants, le bâtiment reconstruit sur la parcelle de la SCI [Adresse 2] a été implanté en retrait de la mitoyenneté.
M. [C], qui a examiné et comparé les différents titres de propriété et les plans établis en 1968 et 1969 par M. [I] et M. [V], géomètres experts, ainsi que le plan d'arpentage établi par M. [P] en 2004, conclut à un empiétement de l'ordre de 0,30 cm du bâtiment édifié en 2002 par la société Muldev, il relève au total un empiétement de 18 m² du bâtiment « Muldev » sur la propriété de la SCI [Adresse 2].
La société Muldev qui conteste cet empiétement et conteste le rapport ainsi que le rapport établi par M. [U] communiqué par la SCI [Adresse 2] concluant également à un empiétement, ne communique aucune pièce de nature à justifier de sa contestation, il convient donc de retenir qu'il existe bien un empiétement du bâtiment de la société Muldev sur la parcelle de la SCI [Adresse 2].
L'expert s'est fait assister d'un sapiteur pour la détermination de travaux de nature à mettre fin à l'empiétement, M. [W] a conclu à la possibilité de réaliser des travaux permettant de respecter les limites de propriété, ces travaux sont estimés à 809 630,87 euros, il sera ordonné à la société Muldev de mettre fin à l'empiétement afin de respecter la limite séparative AB figurant sur les plans annexés au rapport de l'expert judiciaire (annexe 9 et 10), en revanche, il n'y a pas lieu d'imposer à la société Muldev les travaux à réaliser, intervenant sur son fonds et son immeuble elle reste libre du choix des travaux à réaliser pour autant que ceux-ci conduisent à mettre fin à l'empiétement.
La remise en état sera ordonnée sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de six mois après la signification du présent arrêt et pendant 8 mois.
En revanche, il n'y a pas lieu d'ordonner la désignation d'un expert pour assurer un contrôle de bonne fin des travaux, le jugement étant confirmé de ce chef.
2- Sur les percements effectués dans le mur de la SCI [Adresse 2] et la suppression des raccordements des canalisations réseaux et fluides entre les deux bâtiments
M. [C] a constaté l'existence de percements réalisés entre les deux bâtiments (page 6 du rapport) ainsi que l'existence de raccordements des réseaux permettant l'exploitation par l'occupant.
Aucun élément produit ne permet de retenir que ces percements auraient été réalisés avec l'accord de la SCI [Adresse 2] ou par la société Illochroma à l'insu de la société Muldev, les photographies des lieux montrent bien que ces percements répondent à des exigences techniques.
Le descriptif de travaux contenu dans le document « base marché » produit par la société Muldev permet de constater que la société Gerim a été chargée de travaux permettant l'accès entre les deux bâtiments : positionnement des portes coupe-feu, le bâtiment nouveau ayant été conçu ainsi que cela ressort du dossier de permis de construire, comme une extension du précédent, il est établi que tant les percements que le raccordements des réseaux ont été réalisés lors de la construction du bâtiment par la société Muldev.
Dès lors que ces travaux ont été réalisés sans l'accord de la SCI [Adresse 2] et qu'il est en outre mis fin à l'empiétement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Muldev à remettre les lieux en l'état en assurant la fermeture des ouvertures et en supprimant les canalisations aménagées entre les deux bâtiments.
3- Sur la demande de dommages et intérêts
La SCI [Adresse 2] sollicite des dommages et intérêts au titre du préjudice créé par l'empiétement et la construction irrégulière.
La société Muldev conteste tout préjudice, faisant valoir que la construction réalisée sur sa parcelle a permis le maintien du locataire et cela au profit de la SCI. Elle conteste les conclusions de l'expert quant à l'empiétement lié au fait que la SCI a elle-même construit en retrait d'un mur mitoyen.
La responsabilité de la société Muldev peut être recherchée sur le fondement de la responsabilité délictuelle énoncée à l'article 1240 du code civil, à condition qu'il soit justifié par la SCI [Adresse 2] d'un préjudice personnel, direct et certain en lien avec les fautes commises.
Il ne fait pas de doute que le non-respect des règles d'urbanisme qui a conduit à l'annulation du permis de construire constitue une faute, il en est de même de l'empiétement sur le fonds voisin et les travaux de percement d'ouverture entre les deux bâtiments et le raccordement des réseaux.
La société Illochroma occupe le bâtiment appartenant à la SCI [Adresse 2] en vertu d'un bail commercial depuis 2002, elle occupe également le bâtiment construit sur la parcelle appartenant à la société Muldev, la construction ayant été réalisée en fonction des besoins de l'entreprise qui devait y installer des machines d'imprimerie. En l'état, la SCI [Adresse 2] qui a pu continuer à louer ses bâtiments à la société Illochroma grâce aux aménagements réalisés sur la parcelle de la société Muldev, bien qu'elle l'évoque, elle ne justifie pas du départ de la société Illochroma et d'une impossibilité de louer ses bâtiments. Elle ne justifie donc pas d'un dommage direct et certain que lui cause la construction dans son ensemble de nature à justifier de son préjudice, elle sera en conséquence déboutée de sa demande.
4- Sur la demande de suppression de la voirie
Formant appel incident la société Muldev sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à démolir la voirie créée sur la parcelle AO [Cadastre 5] appartenant à la SCI [Adresse 2], elle soutient que les travaux ont été réalisés par la société Illochroma qui y avait intérêt.
La SCI [Adresse 2] sollicite la confirmation du jugement indiquant que la preuve est suffisamment rapportée de ce que cette voirie a été créée par la société Muldev Sans son accord.
Si dans la demande de permis de construire présentée par la société Muldev figure comme terrain d'assiette, la parcelle AO[Cadastre 5], cet élément ne suffit pas à justifier des travaux allégués.
Il apparaît que la SCI [Adresse 2] ne justifie pas de l'état des aménagements extérieurs de sa parcelle avant la construction du bâtiment voisin, alors que la société Illochroma était déjà dans les locaux de la SCI [Adresse 2] depuis plusieurs années et alors que l'on peut voir sur les vues aériennes datant de 1988, 2000 et 2004 figurant au rapport de M. [C] qu'une voirie était déjà aménagée avec des emplacements de stationnement qui existent toujours.
Il ressort par ailleurs, du dossier de demande de permis de construire qu'une voirie existait du côté du bâtiment existant et selon le dossier « Base marché » établi par la société Gerim (pièce 1 de la société Muldev) et les plans établis par M. [P] lors de la construction des bâtiments (annexe 3 a du rapport d'expertise) il était prévu la création d'une voirie sur la parcelle AO [Cadastre 9] appartenant à la société Muldev desservant les constructions nouvelles.
Il n'est enfin pas établi que les travaux d'aménagement de voirie dont il est fait état dans le procès-verbal de constat établi par Me [L], huissier (pièce 7) étaient réalisés sur la parcelle AO [Cadastre 5], les photographies annexées à ce constat montrant l'arrière des bâtiments nouveaux situés à l'opposé des bâtiments de la SCI [Adresse 2], l'on ne voit aucun engin de chantier travailler sur la voirie de la parcelle AO [Cadastre 5].
En conséquence, le jugement sera infirmé et la SCI [Adresse 2] déboutée de sa demande de démolition de la voirie créée sur la parcelle AO [Cadastre 5].
5- Sur les appels en garantie
5-1 Sur la recevabilité de l'appel provoqué formé par la société Muldev à l'encontre de la société Agence A et sur la recevabilité de l'appel provoqué de la société Agence A à l'encontre de la société Rabot Dutilleul et de son assureur
La société Agence A soutient que la société Muldev a exécuté le jugement et donc renoncé à tout recours.
La société Rabot Dutilleul expose que si l'appel provoqué de la société Muldev est déclaré irrecevable, l'appel provoqué de la société Agence A à son égard est également irrecevable
La société Muldev conteste avoir acquiescé au jugement.
Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
' prononcer la caducité de l'appel ;
' déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
' déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
' déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.
La fin de non-recevoir relevée concernant l'appel provoqué relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état les parties n'étant plus recevable à invoquer cette irrecevabilité devant la cour, la fin de non-recevoir sera en conséquence rejetée et par voie de conséquence il en sera de même de la fin de non-recevoir relevée à l'égard de l'appel provoqué dirigé contre la société Muldev et la société Generali IARD.
5-2 Sur les demandes dirigées par la société Muldev à l'égard de la société Agence A
La société Muldev fait valoir que la société Agence A qui a établi le permis de construire doit voir sa responsabilité contractuelle engagée pour manquement à son devoir de conseil.
La société Agence A soutient qu'aucun contrat n'a été passé avec le maître de l'ouvrage, elle était sous-traitante de la société Gerim son rôle a été limité à des tâches administratives.
Le contrat d'architecte est un contrat de louage d'ouvrage, soumis aux règles de droit commun des contrats, c'est un contrat consensuel pour lequel un écrit n'est pas exigé par la loi. Il appartient à celui qui se prévaut du contrat de maîtrise d''uvre de justifier de son existence.
L'article 37 du Code de déontologie des architectes prévoit que l'architecte ne peut ni prendre ni donner en sous-traitance la mission définie à l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977.
Il ressort des pièces des marchés produites par la société Muldev que la société Agence A a établi et déposé la demande de permis de construire des locaux édifiés à la demande de la société Muldev, le cachet de cette société apparaît sur les plans et la demande de permis de construire, il ressort par ailleurs du marché passé avec l'entreprise que le maître d''uvre est désigné en la personne de M. [S], dont il n'est pas contesté qu'il travaillait pour la société Agence A, qu'il a représentée lors de l'expertise judiciaire menée par M. [N]. Enfin, lors de cette expertise, M. [S] présent n'a jamais indiqué être intervenu comme sous-traitant de la société Gerim et a simplement indiqué que son travail s'était limité à l'établissement du permis de construire.
Dès lors quand bien même aucun contrat n'a été conclu, il résulte des pièces produites qu'un contrat de maîtrise d''uvre a bien été conclu entre la société Muldev et la société Agence A, mission limitée à l'établissement du permis de construire.
Le contrat passé, eu égard à la date des travaux se trouve régi par les dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, la responsabilité de l'architecte peut être recherchée sur le fondement des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil.
La mission de la société Agence A était limitée au dépôt du permis de construire, si dans le cadre de cette mission il appartient au maître d''uvre de s'assurer du respect des règles d'urbanisme, il apparaît qu'il ne lui appartient pas de vérifier les déclarations du maître d'ouvrage sur la propriété des parcelles à construire, qu'il ne peut dès lors être déclaré responsable de l'empiétement, pour lequel la société Muldev est condamnée, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Muldev de ses demandes à l'égard de la société Agence A.
5-3 Sur l'appel en garantie formé à l'encontre de la société Rabot Dutilleul venant aux droits de la société Gerim et de son assureur la société Generali
La société Muldev se borne à solliciter le débouté de la société Rabot Dutilleul au titre de ses frais irrépétibles.
La société Agence A, qui a fait assigner en appel provoqué la société Rabot Dutilleul et son assureur ne forme de demandes à leur encontre que dans l'hypothèse où elle-même serait condamnée ; le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté la société Muldev de ses demandes de garantie contre la société Agence A, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes formulées par cette dernière à l'encontre de la société Rabot Dutilleul et la société Generali IARD au titre de l'appel provoqué, le jugement sera donc confirmé sur ce point.
6-Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La société Muldev succombant partiellement sera condamnée aux dépens d'appel en ce compris les honoraires des experts judiciaires, M. [C] et M. [N], avec application au profit de Me Ducloy, Me Denis et Me Robilliart des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Muldev sera condamnée à payer une somme de 5 000 euros à la SCI [Adresse 2], une somme de 3 000 euros à la société Agence A ainsi qu'une somme de 1 000 euros à la société Generali IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Agence A sera condamnée à payer une somme de 1 000 euros à la société Rabot Dutilleul.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 25 janvier 2018 sauf en ce qu'il a condamné la société Muldev à détruire la voirie aménagée sur la parcelle AO [Cadastre 5],
L'infirme pour le surplus
Statuant à nouveau et y ajoutant
Condamne la SCI [Adresse 2] à mettre fin à l'empiétement constaté par M. [C], en réalisant les travaux nécessaires pour faire reculer le bâtiment construit par la société Muldev sur la parcelle AO [Cadastre 9], en deçà de la limite séparant le fonds appartenant à la SCI [Adresse 2] selon la limite séparative défini par la ligne AB figurant sur le plan 9 annexé au rapport de l'expert et figurant en annexe du présent arrêt, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard au-delà d'un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt et ce, pendant huit mois,
Rejette les fins de non-recevoir soulevées,
Déclare recevables les appels provoqués formés par les sociétés Muldev et Agence A,
Déboute la société Muldev de son appel en garantie formé à l'égard de la société Agence A,
Déboute la société Agence A de son appel en garantie dirigé contre la société Rabot Dutilleul et la société Generali IARD,
Déboute la société Muldev de ses demandes au titre des frais irrépétibles
Condamne la société Muldev à payer :
- une somme de 5 000 euros à la SCI [Adresse 2]
- une somme de 3 000 euros à la société Agence A,
- une somme de 1 000 euros à la société Generali IARD,
sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
Condamne la société Agence A à payer une somme de 1 000 euros à la société Rabot Dutilleul sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
Condamne la société Muldev aux dépens de l'instance d'appel, en ce compris les honoraires des experts judiciaire dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à Me Ducloy, Me Robilliart, Me Denis pour les frais dont ils auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille