COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00831 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4XX
N° de Minute :
Ordonnance du mardi 16 mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [H] [B]
né le 18 Juillet 1999 à [Localité 3]
de nationalité Turque
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Alban DEBERDT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [X] [V] interprète en langue turque, tout au long de la procédure devant la cour, serment préalablement prêté ce jour
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS
dûment avisé, représenté par Maitre SAUDUBRAY Guillaume, avocat PARIS, cabinet ADES
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 16 mai 2023 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le mardi 16 mai 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance rendue le 14 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [H] [B] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [H] [B] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 15 mai 2023 ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
Le 11 mai 2023 à 13h55 les policiers en résidence à [Localité 1] contrôlaient sur réquisitions du procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer, [Adresse 5] à [Localité 1] quinze individus dont certains étaient munis de sac de couchage et de gilet de sauvetage qui ont fait comprendre être de nationalité étrangères.
Les réquisitions du procureur de la République, signées le 03 mai 2023, permettaient les contrôles d'identités au visa de l'article 78-2 al 7 du code de procédure pénale le jeudi 11 mai 2023 de 07h00 à 17h00 dans un périmètre limitativement fixé et pour la recherche des infractions de vol/recel - ILS - Violences - dégradations volontaires - et entrée ou séjour irrégulier en France.
Dans ce cadre monsieur [H] [B], de nationalité turque, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Pas-de-Calais le 12/05/2023 à 12h25 pour l'exécution d'un éloignement vers la Croatie en vertu d'un demande de réadmission effectuée au visa du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Aucun recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative n'a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 14/05/2023 (11h15),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours.
' Vu la déclaration d'appel du 15/05/2023 à 10h57 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au titre de sa déclaration d'appel monsieur [H] [B] reprend le moyen soulevé devant le juge des libertés et de la détention à savoir :
Irrégularité du contrôle d'identité en ce que une autre personne a été contrôlée à la même date et au même moment impliquant que le procureur de la République a signé un cumul de réquisitions dont la durée prolongée dépasse les limites d'interprétations prévues par le conseil constitutionnel.
Il soulève en qualité de moyen nouveau en appel :
Absence de diligence de l'administration pour organiser l'éloignement
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens appréciés par le juge des libertés et de la détention
Il ressort des dispositions des articles 78-2 al 7 et 78-2-2 du code de procédure pénale et de la réserve d'interprétation de ces dispositions effectuées par le Conseil constitutionnel le 24 janvier 2017 que le contrôle d'identité de toute personne sans aucun critère de suspicion d'infraction peut être effectué à l'intérieur des limites temporelles et géographiques fixées par les réquisitions du placement en rétention administrative en vertu de ces articles, dès lors que ces contrôles ne contrevenaient pas à la liberté d'aller et de venir et ne représentaient pas un contrôle généralisé dans le temps et l'espace.
Hors de cas spécifique de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale, pour lequel la Loi fixe une durée temporelle des contrôles, il est constant que le juge des libertés et de la détention, saisi du moyen sur le fondement de l'article 78-2 al 7 du code de procédure pénale, doit statuer sur l'existence ou pas d'un contrôle généralisé dans le temps et l'espace notamment en appréciant le critère de la durée des contrôles autorisés par rapport à un éventuel cumul de réquisitions sur un même endroit.
(Cass civ 1ère 14 mars 2018 n° 17-14.424)
Il a été considéré que la succession ininterrompue de réquisitions de contrôle d'identité dans les même lieux sur une durée de 36 heures méconnaissait la liberté d'aller et de venir, ( 1ère civ 14 mars 2018 n° 17-14.424) mais que tel n'était pas le cas de réquisitions adoptées au visa de l'article 78-2 al 7 du code de procédure pénale pour des périodes limitées de 8 à 12 heures et espacées entr'elles de 24 heures. (1ère civ 5 sept 2018 n° 17-22.507)
Pour autant les nécessités du principe du contradictoire imposent à l'appelant qui invoque ce moyen et qui en a la charge de la preuve, de verser à la procédure les éléments et procès-verbaux qui corroborent le cumul de réquisitions qu'il invoque.
Le juge des libertés et de la détention ne saurait motiver sa décision au regard d'un élément relevant d'une autre procédure sans que la seconde procédure n'ait été versées aux débats de la première.
Or en l'espèce l'appelant se borne à indiquer que : ' j'ai fait l'objet d'un contrôle d'identité le 11/05/2023. À la même date, au même moment, un autre contrôle a été fait pour une autre personne placée au centre de rétention administrative . Il y a donc cumul des réquisitions pour contrôle d'identité au même endroit. Or le cumul est impossible. Il ne peut pas y avoir multiplicité des réquisitions.' sans préciser de quelle autre personne il invoque le contrôle.
Ainsi, la cour, qui n'est pas tenue d'effectuer une recherche des preuves au delà de celles qui les parties lui apportent, ne sauraient relever en l'espèce un 'cumul de réquisitions' rendant le contrôle d'identité de monsieur [H] [B] illégal.
Le moyen sera donc rejeté.
2) Sur les moyens soulevés pour la première fois en cause d'appel
Le moyen se borne à exposer des arguments juridiques généraux dépourvus de toute motivation d'espèce en indiquant que 'les diligences nécessaires n'ont pas été effectuées', sans indiquer quelles carences l'appelant estime devoir soulever alors que le premier juge a nécessairement considéré les diligences de l'administration comme suffisantes pour prolonger le placement en rétention administrative .
L'appelant n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.
Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge et a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention en l'attente de la réponse des autorités croates requises le 12/05/2023 (11h12).
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf a en rectifier le visa en mentionnant que le placement en rétention a été effectué le 12 mai 2023 à 12h50 et non le 13 mai comme indiqué.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [H] [B] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Véronique THÉRY,
greffière
Bertrand DUEZ,
conseiller
A l'attention du centre de rétention, le mardi 16 mai 2023
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [X] [V]
Le greffier
N° RG 23/00831 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4XX
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 16 Mai 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [H] [B]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [H] [B] le mardi 16 mai 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Alban DEBERDT le mardi 16 mai 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le mardi 16 mai 2023
N° RG 23/00831 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4XX