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11/05/2023 | FRANCE | N°22/02556

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 11 mai 2023, 22/02556


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 11/05/2023





****



N° de MINUTE : 23/166

N° RG 22/02556 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJO2



Jugement (N° 21/02769) rendu le 10 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de Valenciennes





APPELANTE



Société Matmut Société d'assurance mutuelle immatriculée sous le numéro 775701477

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée

par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me De Botton, avocat au barreau de Lille



INTIMÉE



Madame [M] [N]

née le 14 Décembre 1984 à [Localité 3]

de nationalité Fran...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 11/05/2023

****

N° de MINUTE : 23/166

N° RG 22/02556 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJO2

Jugement (N° 21/02769) rendu le 10 Mars 2022 par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANTE

Société Matmut Société d'assurance mutuelle immatriculée sous le numéro 775701477

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me De Botton, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Madame [M] [N]

née le 14 Décembre 1984 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sylviane Mazard, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 15 février 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023 après prorogation du délibéré en date du 04 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [M] [N] a souscrit auprès de la société Mutuelle assurance travailleur mutualiste (la Matmut) une assurance pour son véhicule Mercedes E350 CDI le 6 septembre 2019.

Alors que son véhicule était stationné le 21 février 2020, un incendie d'un autre véhicule s'est propagé au sien. Le lendemain, tandis qu'elle était en train de circuler au volant de son véhicule afin de le ramener à son domicile, son véhicule s'est enflammé.

Mme [N] a dès lors fait une déclaration de sinistre à son assureur.

Une expertise amiable a été diligentée et la valeur de remplacement du véhicule à dire d'expert a été estimée à la somme de 16 850 euros. Mme [N] a accepté cette évaluation.

Par courrier du 3 avril 2020, la Matmut lui a demandé de lui adresser notamment une copie des relevés bancaires faisant apparaître la transaction relative à l'achat du véhicule le 19 juillet 2019 et le justificatif de l'origine des fonds ayant servi à l'acquisition de la voiture.

Mme [N] a donné suite à cette demande et a mis en demeure son assureur, par l'intermédiaire de son conseil, de lui adresser le règlement de son indemnisation.

Néanmoins, par courriel du 12 mai 2021, la Matmut lui a opposé un refus de garantie en se prévalant de la déchéance de garantie prévue par le contrat au motif qu'il y aurait plusieurs incohérences dans les déclarations de son assurée au sujet de l'achat du véhicule et de son état.

Par acte du 13 septembre 2021, Mme [N] a fait assigner la Matmut devant le tribunal judiciaire de Valenciennes afin d'obtenir une indemnisation.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :

condamné la Matmut à payer à Mme [N] la somme de 16 250 euros correspondant à la valeur de son véhicule ;

condamné la Matmut à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;

condamné la Matmut à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Matmut aux dépens ;

dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

3. Les déclarations d'appel :

Par déclaration du 24 mai 2022, la Matmut a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 août 2022, la Matmut, appelante, demande à la cour :

=$gt; réformer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Valenciennes en toutes ses dispositions ;

débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

dire n'y avoir lieu à aucune condamnation au bénéfice de Mme [N] ;

condamner Mme [N] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la Matmut fait valoir que :

conformément à l'article 1353 du code civil, l'assuré doit établir que les conditions d'application de la garantie sont réunies ;

l'assuré doit justifier du prix d'acquisition du bien dont il demande l'indemnisation aux termes de l'article L. 121-1 du code des assurances et l'indemnité versée à la suite d'un événement garanti ne peut dépasser le montant de la valeur du bien assuré ;

l'article 32 des conditions générales souscrites par Mme [N] stipule que l'assuré doit rapporter toutes les informations permettant la détermination du montant de son dommage et qu'il doit justifier du prix d'achat réellement acquitté et transmettre tous les justificatifs concernant l'achat du véhicule et relatifs aux dépenses effectuées pour l'entretien et les réparations du véhicule ;

cet article 32 prévoit de manière bien apparente que l'assuré sera déchu de tout droit s'il fait de fausse déclarations sur la nature, les circonstances, les causes, les conséquences du sinistre ainsi que sur la valeur du véhicule assuré et s'il emploie comme justifications des moyens frauduleux ou des documents mensongers. Il prévoit également que l'assuré doit déclarer avec exactitude le prix d'achat réellement acquitté ainsi que le kilométrage parcouru au jour du sinistre ;

en l'espèce, sur le questionnaire complété et signé par Mme [N] le 5 mars 2020, elle a indiqué avoir acquis le 19 juillet 2019 auprès de la société Ekerauto le véhicule qui présentait alors 99 000 kilomètres au compteur et qu'elle avait réglé cet achat par un virement d'un montant de 24 900 euros ;

elle a ensuite produit une facture de la société Ekerauto datée du 19 juillet 2019 portant la mention « véhicule vendu pour la somme de 24 900 € réglée par acompte + virement + reprise véhicule » et une attestation du gérant de cette société précisant que la somme a été réglée par « la reprise de 4 000 € du véhicule MERCEDES ML de Madame, un acompte de 2 800 € en espèces et un virement de 18 100 € » puis une seconde attestation du même gérant a précisé que le virement de 18 100 euros s'est décomposé en quatre virements effectués le 5 août 2019 ;

cependant, lors de la souscription de la police d'assurance, Mme [N] a indiqué avoir acquis le véhicule le 6 septembre 2019 avec 98 000 kilomètres au compteur comme le démontrent les conditions particulières qu'elle a signées ce jour et ce alors même que le certificat d'immatriculation établi à son nom est en date du 3 septembre 2019 ;

par ailleurs, Mme [N] a demandé le 20 août 2019 la résiliation du contrat afférent à son véhicule Mercedes ML, objet de la reprise, et a communiqué le certificat de cession indiquant que ce véhicule a été vendu à un particulier le 17 août 2019 ; dès lors, ce véhicule n'a pas pu faire l'objet d'une reprise par la société Ekerauto le 19 juillet 2019 ;

de plus, le versement d'espèces à hauteur de 2 800 euros n'est pas établi ;

concernant l'état du véhicule, Mme [N] n'a pas été en mesure de communiquer la moindre facture d'entretien et le contrôle technique au motif que celui-ci aurait été détruit dans l'incendie ;

toutefois, le véhicule ayant été acheté en Belgique, un certificat de contrôle a obligatoirement dû être produit lors de l'immatriculation en France de sorte qu'il lui était tout à fait possible de se procurer un duplicata ;

dès lors, le bon état du véhicule n'est pas démontré, d'autant plus que l'expertise a relevé une forte usure des pneumatiques, ce qui est en contradiction avec le bon état déclaré par l'assurée ;

par ailleurs, le prix d'achat déclaré est élevé au regard de l'évaluation des experts, ce qui impliquerait une décote de 8 050 euros en sept mois, ce qui n'est pas cohérent avec la date de mise en circulation ;

ainsi, il ne peut qu'être constaté que les documents communiqués ne reflètent pas la réalité, ce qui justifie un refus de prise en charge pour fausse déclaration et production de faux documents.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 octobre 2022, Mme [N], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de :

=$gt; confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes le 10 mars 2022 ;

débouter la Matmut de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la Matmut à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

les pièces produites démontrent bien qu'elle a acquis son véhicule le 19 juillet 2019 au prix de 24 900 euros et que le kilométrage au compteur était de 99 000 kilomètres ;

la facture d'achat précise que son règlement a été effectué au moyen d'un acompte en espèces de 2 800 euros, d'un règlement par virements pour un montant de 18 100 euros en date du 5 août 2019 et par la reprise de son ancien véhicule pour un montant de 4 000 euros ;

s'agissant de cette reprise, elle n'a pas menti, le garage Ekerauto a repris son ancien véhicule pour une valeur de 4 000 euros et s'est chargé de le revendre à un tiers en prenant sa commission ; la vente a été réalisée le 17 août 2019 mais la reprise a été décidée au moment de l'achat du nouveau véhicule en juillet 2019 ; une fois la vente de son ancien véhicule effectuée, elle a entrepris les démarches pour résilier l'assurance de cet ancien véhicule et la circonstance que la carte grise de ce véhicule soit demeurée à son nom jusqu'à la vente du 17 août 2019 est sans incidence sur sa bonne foi, la carte grise n'étant pas un titre de propriété ;

l'acompte en espèces pour un montant de 2 800 euros a été effectué pour réserver le véhicule et elle n'a pas à justifier de la provenance des espèces, les conditions du contrat d'assurance ne subordonnent pas la mise en jeu de la garantie à la preuve par l'assuré de l'origine des fonds ;

aucun élément ne vient démontrer que l'attestation du garage ne serait pas régulière ;

s'agissant de la différence de date d'achat du véhicule et du kilométrage figurant sur le contrat d'assurance, sur le contrat d'assurance, la date d'achat indiquée est le 6 septembre 2019 au lieu du 19 juillet 2019 et le kilométrage de 98 000 kilomètres au lieu de 99 000 kilomètres, or, elle n'a pas signé cette page qui est d'ailleurs préremplie par la compagnie d'assurances et l'erreur matérielle commise par l'assureur lui-même ne saurait lui être reprochée ;

concernant la valeur du véhicule, elle produit des justificatifs d'argus pour des véhicules similaires afin de démontrer la cohérence de la valeur d'achat avec le prix du marché ;

ainsi, la valeur d'achat ne saurait être qualifiée de fantaisiste et fonder une déchéance de garantie.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la déchéance de garantie

La déchéance de garantie est une sanction contractuellement prévue privant totalement ou partiellement l'assuré du droit à la prestation d'assurance pour le sinistre considéré, en raison de sa méconnaissance d'une obligation de faire ou de ne pas faire dont l'inexécution est postérieure au sinistre.

L'assureur doit établir la mauvaise foi de l'assuré pour prétendre à l'application d'une clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre.

Alors qu'il appartient à l'assureur de prouver que les conditions de fait de la déchéance qu'il invoque sont remplies, la cour doit rechercher si la clause est valable au regard des dispositions légales, et caractériser par conséquent que cette clause est rédigée de façon très apparente, qu'elle présente un caractère formel et limité et qu'elle ne vide pas la garantie de sa substance, y compris lorsque l'assuré ne conteste pas la validité de la clause de déchéance.

=$gt; sur la validité de la clause :

L'article L. 113-11 du code des assurances prohibe les clauses générales frappant de déchéance l'assuré en cas de violation des lois ou des règlements, à moins que cette violation ne constitue un crime ou un délit intentionnel.

L'article L. 113-11 prohibe les clauses sanctionnant par la déchéance le retard dans la déclaration du sinistre aux autorités ou dans la transmission de pièces à l'assureur, mais sans préjudice du droit pour l'assureur de réclamer une indemnité proportionnée au dommage que ce retard lui a causé », ce qui constitue l'application pure et simple des règles de la responsabilité civile.

En revanche, le retard apporté à la production des pièces au sens de l'art. L. 113-11-2, qui est seulement sanctionné par le versement d'une indemnité à l'assureur, suppose que la déclaration du sinistre a été préalablement effectuée par l'assuré dans les conditions prévues par le contrat. En l'absence d'une déclaration antérieure, un tel retard affecte alors le principe même de la déclaration de sinistre elle-même dans le délai contractuellement fixé et doit alors être sanctionné par la déchéance prévue par le contrat.

La clause de déchéance ne doit pas être rédigée dans le dessein de le soustraire à son obligation principale qui est de garantir son assuré.

L'article 1170 du code civil répute non écrite toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur.

Il résulte de l'article L. 113-2 du code des assurances, dont les dispositions sont d'ordre public en application de l'article L. 111-2 du même code, que :

- sur un plan formel, la clause doit d'une part être expressément stipulée par écrit. Elle doit d'autre part être mentionnée en caractères très apparents, selon l'article L. 112-4 du code des assurances et doit enfin être formulée en des termes clairs et précis.

- sur un plan substantiel, la clause doit d'une part répondre à une condition personnelle. À cet égard, l'absence de déclaration de sinistre réalisée dans les délais contractuellement fixés doit causer un préjudice à l'assureur. La clause doit ainsi être justifiée et légitime. D'autre part, la clause de déchéance doit respecter une condition temporelle. Le code des assurances interdit expressément à l'assureur de prévoir une déchéance pour une absence de déclaration de sinistre dans un délai inférieur à cinq jours.

=$gt; sur la qualification de la clause :

En matière d'assurance, la déchéance de garantie fait perdre à l'assuré son droit d'être couvert par l'assureur, à la suite de ses agissements postérieurement au sinistre.

Une clause du contrat visant à sanctionner le comportement de l'assuré antérieur au sinistre doit par conséquent s'analyser en une exclusion de garantie.

=$gt; sur la preuve de la déchéance :

La déchéance sanctionnant l'inexécution d'une obligation contractuelle par l'assuré et étant invoquée par l'assureur à titre d'exception pour s'opposer à une garantie qui serait normalement acquise, la charge de la preuve d'une telle inexécution repose sur l'assureur.

Seule la clause de déchéance pour déclaration tardive du sinistre ou de son aggravation nécessite la démonstration d'un préjudice subi par l'assureur qu'il appartient à ce dernier de prouver.

=$gt; sur la portée de la déchéance :

La déchéance de la garantie n'affecte pas la validité du contrat et ne fait perdre à l'assuré son droit à garantie qu'au titre du sinistre à l'occasion duquel l'inexécution contractuelle reprochée a été commise.

=$gt; sur l'absence de disproportion de la déchéance à l'égard de l'assuré de mauvaise foi :

La déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre, que les parties peuvent librement stipuler en caractères très apparents dans un contrat d'assurance et qui n'est encourue par l'assuré que pour autant que l'assureur établit sa mauvaise foi, ne constitue pas une sanction disproportionnée.

La déchéance de garantie n'est ainsi pas soumise à l'exigence de proportionnalité de la sanction.

Sur ce,

En l'espèce, l'article 32 des conditions générales de la Matmut stipule notamment que l'assuré doit produire toutes les informations permettant la détermination du montant de son dommage et doit, lorsqu'il est propriétaire du véhicule assuré :

« - justifier du prix d'achat réellement acquitté (') en transmettant tous les justificatifs : original de la facture d'achat, extrait de relevé de compte bancaire, tableau d'amortissement du crédit...

- (') informer de toute mesure commerciale (réduction, ristourne, remise...) consentie par le vendeur ou de toute incitation financée par des fonds publics (aide à la reprise, crédits d'impôts) ».

Cette stipulation prévoit encore que l'assuré doit adresser à l'assureur « les originaux des dépenses effectuées (entretien, réparations...) » et qu'en cas d'inexécution de ces prescriptions, l'assureur sera fondé à réclamer une indemnité proportionnelle aux dommages que cette inexécution aura causés.

La police prévoit de plus les sanctions suivantes :

« En l'absence de communication des documents évoqués, vous perdez tout droit à indemnité pour le sinistre en cause.

Vous serez déchu de tout droit à garantie pour le sinistre en cause si vous :

faites de fausses déclarations sur la nature, les circonstances, les causes, les conséquences du sinistre ainsi que sur la valeur du véhicule assuré. A ce dernier titre, vous devez déclarer avec exactitude le prix d'achat réellement acquitté par vous du véhicule ainsi que le kilométrage parcouru au jour du sinistre,

employez comme justifications des moyens frauduleux ou des documents mensongers,

ne déclarez pas l'existence d'autres assurances portant sur le même risque,

omettez de porter à notre connaissance la récupération du véhicule, de ses accessoires ou aménagements et des objets volés. »

La cour observe que la clause de déchéance invoquée est :

* d'une part, très apparente, dès lors qu'elle figure en caractère gras dans les conditions générales du contrat, de sorte qu'elle respecte les exigences de l'article L. 112-4 du code des assurances ;

* d'autre part, formelle et limitée, conformément aux exigences de l'article L. 113-1 du même code : elle se réfère ainsi à une liste d'hypothèses limitativement énumérées de faits, circonstances ou obligations mises à la charge de l'assuré sous peine de déchéance de son droit à garantie ; plus spécifiquement, l'hypothèse dans laquelle l'assuré fraude sur la valeur du véhicule assuré est suffisamment précise pour permettre à ce dernier de connaître exactement l'étendue de sa garantie, alors que les différentes circonstances visées par cette liste constituent des illustrations de l'obligation générale de bonne foi qui incombe à tout cocontractant dans l'exécution de la convention. Une telle clause détermine clairement l'étendue de la déchéance encourue tout en préservant le caractère substantiel de la garantie apportée par l'assureur hors de ces différentes hypothèses, étant observé qu'un assuré ne peut valablement soutenir que l'emploi de moyens frauduleux soit compatible avec son indemnisation.

La portée de la déchéance prévue par cette clause est enfin dépourvue d'ambiguïté, dès lors qu'elle vise la perte intégrale du droit à indemnité par l'assuré.

=$gt; S'agissant de la preuve des conditions de fait de la déchéance invoquée, la cour observe que :

Mme [N] produit une facture n° 043/2019 établie par la société Ekerauto le 19 juillet 2019. Sur cette facture, Mme [N] est désignée en tant qu'acheteuse d'un véhicule Mercedes E350 CDI présentant un kilométrage de 99 000 kilomètres pour un prix total de 24 900 euros. Cette facture précise également que tous les documents du véhicule, certificat d'immatriculation, certificat de l'état pour la vente et le Car-Pass délivrés par le centre de contrôle technique ont été remis ce jour et indique comme mode de paiement : « acompte + virement + reprise de véhicule ».

Le questionnaire rempli par Mme [N] à l'occasion de sa déclaration de sinistre indique que son véhicule Mercedes E350 CDI a été acheté d'occasion dans un garage le 19 juillet 2019 pour un montant de 24 900 euros et présentait un kilométrage à l'achat de 99 000 kilomètres. Dans ce questionnaire, Mme [N] a indiqué avoir payé son véhicule comptant par virement, étant observé que le questionnaire ne prévoit pas la possibilité de répondre qu'un acompte a été versé et qu'une reprise de véhicule a été opérée. Enfin, dans ce questionnaire, Mme [N] a indiqué que son véhicule n'était pas détérioré avant le sinistre, n'avait pas fait l'objet de réparation, que l'état des pneumatiques était bon, que le kilométrage au moment du sinistre était de 106 000 kilomètres et que le bilan du contrôle technique réalisé se trouvait dans le véhicule lorsqu'il a pris feu.

Les circonstances du sinistre ne sont pas contestées par l'assureur ;

L'expertise amiable diligentée par l'assureur a fixé la valeur de remplacement du véhicule à dire d'expert à la somme de 16 850 euros après déduction de la somme de 300 euros en raison de la forte usure des pneumatiques. Mme [N] n'a pas contesté ce chiffrage.

A la suite de ses échanges avec son assureur, Mme [N] a produit une attestation du gérant du garage Ekerauto qui indique avoir vendu ce véhicule à celle-ci le 19 juillet 2019 et qu'ils avaient tous deux convenu que le véhicule serait payé moyennant un acompte d'un montant de 2 800 euros versé en espèces vers le 10 juillet 2019, la reprise d'un véhicule ML pour un montant de 4 000 euros et par le règlement d'un solde de 18 100 euros par virement. Cette attestation précise que ce solde a été réglé par quatre virements le 5 août 2019 en raison de problèmes informatiques. Un extrait du compte bancaire de Mme [N] à partir duquel ont été réalisés ces quatre virements le 5 août 2019 est produit.

. Un document afférent à la reprise du véhicule Mercedes ML de Mme [N] en date du 17 août 2019 est également produit. Ce document est signé de Mme [N] et du garage Ekerauto, désigné en tant qu'acheteur. Il est indiqué que la reprise se fait au prix total de 4 000 euros et que tous les documents du véhicule (carte grise, certificat de conformité européenne, carnet d'entretien) ont été remis ce jour.

La Matmut soutient que les documents produits sont mensongers et que son assurée a ainsi commis une fausse déclaration sur l'exactitude du prix d'achat du véhicule assuré.

Tout d'abord, la cour observe que si la Matmut reproche à son assurée d'avoir déclaré que son véhicule a été acheté avec un kilométrage présentant 98 000 kilomètres, la cour constate que les conditions particulières produites ne sont pas signées par l'assurée et que le kilométrage indiqué n'est pas manuscrit. Par ailleurs, la facture d'achat du véhicule produite et le questionnaire rempli par Mme [N] elle-même font tous deux état d'un kilométrage à hauteur de 99 000 kilomètres de sorte que ce moyen de l'assureur ne saurait prospérer.

Concernant le prix d'achat réellement acquitté pour l'achat du véhicule, la cour considère que Mme [N] produit suffisamment d'éléments pour affirmer que son véhicule a bien été acheté au prix de 24 900 euros le 19 juillet 2019. En effet, d'une part, la circonstance que la carte grise de son nouveau véhicule ait été établie le 3 septembre 2019 n'est pas de nature a remettre en cause la véracité de la facture et de l'attestation du gérant du garage dès lors qu'une carte grise n'est pas un titre de propriété. D'autre part, si au sujet de la reprise de l'ancien véhicule de son assurée, la Matmut produit un courrier dactylographié et non signé en date du 20 août 2019 indiquant le nom de Mme [N] et le message suivant « Bonjour, j'ai vendu mon véhicule ce samedi 17 août 2019 à 16 h 00. Je souhaite donc résilier mon contrat d'assurance à cette date. Merci beaucoup » ainsi qu'un certificat de cession de ce véhicule d'occasion à la date du 17 août 2019 auprès d'un particulier, la cour considère que ces éléments sont insuffisants pour en déduire que la facture du garage Ekerauto et l'attestation de son gérant sont des documents mensongers. Sur ce point, Mme [N] explique d'ailleurs que le garage Ekerauto a repris son ancien véhicule pour le revendre à un tiers et que les 4 000 euros de la reprise correspondent ainsi à sa commission. Ici encore, le fait que la carte grise soit restée au nom de Mme [N] jusqu'au rachat de son véhicule par un particulier n'a pas d'incidence sur sa bonne foi dès lors qu'il ne s'agit pas d'un titre de propriété, quand bien même il est d'usage d'effectuer le changement de nom sur la carte grise dans un délai d'un mois suivant la vente d'un véhicule. De plus, le règlement de l'acompte en espèces est justifié par l'attestation du gérant et Mme [N] n'est pas tenue, dans le cadre de cette clause de déchéance de garantie, de justifier de la provenance des espèces. Enfin, le vendeur et l'acquéreur pouvaient convenir que le règlement de l'achat du véhicule interviendrait à l'issu de plusieurs règlements, à différentes dates de sorte que cette circonstance n'est pas non plus de nature à conclure à la fausseté de l'attestation du gérant.

S'agissant du fait de ne pas avoir justifié d'une copie du procès-verbal de contrôle technique, s'il est exact que Mme [N] ne l'a pas produite alors que l'article 32 des conditions générales met cette obligation à charge de l'assuré et prévoit qu'en l'absence de communication, l'assuré perd tout droit à indemnité, la cour observe cependant que l'assureur reproche à son assurée de ne pas l'avoir produite uniquement au sujet de l'appréciation de l'état du véhicule de sorte qu'il n'a pas tiré toutes les conséquences juridiques de ce seul manquement dès lors qu'il n'invoque pas la déchéance de garantie pour le seul fait de ne pas avoir produit ce document.

Au sujet de l'état du véhicule, le fait de ne pas disposer du procès-verbal de contrôle technique ne fait pas obstacle à la vérification du bon état allégué du véhicule. En effet, l'expertise diligentée à la demande de l'assureur et non contestée par les parties a permis de constater le bon état du véhicule à l'exception des pneumatiques. En revanche, le fait d'avoir déclaré que les pneumatiques étaient en bon état ne saurait être qualifié de fausse déclaration dès lors que Mme [N] n'est pas une professionnelle de l'automobile et qu'il n'est pas établi qu'elle avait connaissance de l'état réel des pneumatiques ou qu'elle était en mesure d'apprécier avec suffisamment de précision la réponse à apporter au questionnaire au sujet de l'état de ses pneumatiques, lequel questionnaire ne prévoyant que trois réponses, « TRÈS BON », « BON » et « MAUVAIS ». La cour considère que la preuve de la mauvaise foi de Mme [N] n'est pas rapportée.

Enfin, concernant la différence entre la valeur d'achat du véhicule et la valeur de remplacement retenue par l'expertise, la cour constate que Mme [N] produit plusieurs annonces de ventes de véhicules similaires au sien. La comparaison avec ces annonces permet de conclure que Mme [N] n'a pas acheté son véhicule à un prix supérieur à celui du marché dans des proportions suspectes. Si la décote est importante entre le prix d'achat et la valeur à dire d'expert, la cour considère que cette différence s'explique par l'évolution du kilométrage du véhicule et l'usure liée à une utilisation du véhicule pendant plusieurs mois.

Il résulte de ce qui précède que les moyens développés par l'assureur ne démontrent pas que les conditions d'application de la clause de déchéance de garantie trouvent à s'appliquer en l'espèce.

Le jugement querellé sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la Matmut à payer à Mme [N] la somme de 16 250 euros.

Sur la résistance abusive de l'assureur

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

L'assureur ne commet pas de faute lorsqu'il conteste sa garantie en opposant des moyens sérieux, même si ses prétentions sont rejetées.

La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant.

En l'espèce, Mme [N] ne rapporte pas la preuve du caractère dolosif ou malveillant de la résistance de son assureur, celui-ci lui ayant opposé des moyens sérieux.

En conséquence, Mme [N] sera déboutée de sa demande de ce chef ; le jugement dont appel sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la Matmut aux dépens d'appel et à payer à Mme [N] une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du 10 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes sauf en ce qu'il a condamné la société Mutuelle assurance travailleur mutualiste à payer à Mme [M] [N] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral,

L'infirme de ce seul chef,

Y ajoutant,

Condamne la société Mutuelle assurance travailleur mutualiste aux dépens d'appel,

Condamne la société Mutuelle assurance travailleur mutualiste à payer à Mme [M] [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02556
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.02556 ?
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