République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 11/05/2023
N° de MINUTE : 23/471
N° RG 21/01001 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOM7
Jugement (N° 20/000357) rendu le 18 Janvier 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Douai
APPELANTE
SA Créatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [N] [L] [W]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 9] - de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Défailant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 7 avril 2021 par acte remis à personne
Madame [R] [T]
née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 8] - de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Olivier Cayet, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/005492 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
DÉBATS à l'audience publique du 01 février 2023 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Véronique Dellelis, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 janvier 2023
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Selon offre préalable acceptée en date du 30 novembre 2010, la société anonyme CREATIS a consenti à M. [N] [W] et Mme [R] [T] un prêt personnel d'un montant de 52.600 euros remboursable en 96 mensualités de 759,12 euros incluant les intérêts au taux effectif global de 8,13 %.
Arguant de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement des échéances du prêt et se prévalant de la déchéance du terme, par actes d'huissier en date du 12 mai 2020 pour Mme [R] [T], et en date du 8 juin 2020 pour M. [N] [W], la SA CREATIS a fait assigner en justice M. [N] [W] et Mme [R] [T] afin de les voir notamment condamnés solidairement à lui payer avec exécution provisoire la somme de 36.418,40 euros au titre du solde du crédit outre intérêts au taux conventionnel de 5,74 % à compter du 17 mars 2020.
Par jugement réputé contradictoire en date du 18 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Douai, a:
- déclaré recevable l'action de la société anonyme CREATIS à l'encontre de M. [N] [W] et Mme [R] [T],
- déchu la société anonyme CREATIS de son droit aux intérêts à l'encontre de M. [N] [W] et Mme [R] [T],
- condamné conjointement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la société anonyme CREATIS la somme de 22.218,56 euros pour solde du crédit soit chacun la somme de 11.109,28 euros,
- dit que cette somme ne portera aucun intérêt même au taux légal,
- débouté la société anonyme CREATIS du surplus de ses prétentions,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [N] [W] et Mme [R] [T] aux dépens de l'instance.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 12 février 2021, la SA CREATIS a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a:
' déchu la société anonyme CREATIS de son droit aux intérêts à l'encontre de M. [N] [W] et Mme [R] [T],
' condamné conjointement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la société anonyme CREATIS la somme de 22.218,56 euros pour solde du crédit soit chacun la somme de 11.109,28 euros,
' dit que cette somme ne portera aucun intérêt même au taux légal,
' débouté la société anonyme CREATIS du surplus de ses prétentions,
' dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la SA CREATIS en date du 11 mai 2021, et tendant à voir:
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déchu la SA CREATIS de son droit aux intérêts à l'encontre de M. [N] [W] et Mme [R] [T], en ce qu'il a condamné conjointement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la SA CREATIS la somme de 22.218,56 euros pour solde du crédit soit chacun la somme de 11.109,28 euros, en ce qu'il a dit que cette somme ne portera aucun intérêt même au taux légal, en ce qu'il a débouté la SA CREATIS du surplus de ses prétentions, et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
- débouter M. [N] [W] et Mme [R] [T] de toutes leurs demandes,
- constater que l'offre préalable de crédit acceptée par M. [N] [W] et Mme [R] [T] le 30 novembre 2010 est rédigée dans une taille de caractères faisant apparaître de manière claire et lisible l'ensemble des stipulations y figurant et qu'elle n'est entachée d'aucune irrégularité,
- constater que la solidarité est expressément précisée et stipulée dans l'offre préalable de prêt personnel acceptée par M. [N] [W] et Mme [R] [T] le 30 novembre 2010,
- Par conséquent condamner solidairement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la SA CREATIS la somme en principal de 36.418,40 euros outre intérêts au taux de 5,74 % courus et à courir à compter du 17 mars 2020,
- condamner solidairement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la SA CREATIS la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [N] [W] et Mme [R] [T] aux entiers dépens y compris ceux d'appel.
Vu les dernières conclusions de Mme [R] [T] en date du 3 août 2020, et tendant à voir:
- débouter la SA CREATIS de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
' déchu la société anonyme CREATIS de son droit aux intérêts à l'encontre de M. [N] [W] et Mme [R] [T],
' débouté la société anonyme CREATIS du surplus de ses prétentions,
' dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
' déclaré recevable l'action de la société anonyme CREATIS à l'encontre de M. [N] [W] et Mme [R] [T],
' condamné conjointement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la société anonyme CREATIS la somme de 22.218,56 euros pour solde du crédit soit chacun la somme de 11.109,28 euros,
'condamné Mme [R] [T] aux dépens de l'instance,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire que Mme [R] [T] n'est redevable d'aucune somme à la SA CREATIS au titre du crédit souscrit en date du 30 novembre 2010,
- condamner uniquement M. [N] [W] à payer à la SA CREATIS la somme de 22.218,56 euros pour solde du crédit,
Très subsidiairement, s'il était fait droit à la demande en paiement de la SA CREATIS,
- déchoir la SA CREATIS de son droit aux intérêts à l'encontre de Mme [T],
En tout état de cause,
- condamner la SA CREATIS au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En ce qui le concerne M. [N] [W] a été assigné devant la cour par actes d'huissier des 7 avril 2021 et 19 mai 2021 signifiés à personne. Toutefois subséquemment cet intimé n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu devant la cour, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.
- MOTIFS DE LA COUR:
- SUR LA DEMANDE DE MADAME [R] [T] TENDANT A ÊTRE MISE HORS DE CAUSE:
Dans le cas présent Mme [R] [T], si elle admet avoir contracté le crédit litigieux avec M. [N] [W], sollicite cependant de se voir mettre hors de cause en arguant de ce que, suite à sa requête en divorce, une décision rendue le 5 janvier 2012 par le juge aux affaires familiales de Douai a mis à la charge de M. [N] [W] le remboursement du prêt consenti par la société CREATIS à titre de contribution aux charges du mariage. Elle précise par ailleurs qu'elle a déposé une seconde requête en divorce étant entendu que par ordonnance en date du 30 octobre 2018 le juge aux affaires familiales de Cambrai a mis à la charge de M. [W] le remboursement de l'ensemble de l'endettement commun en ce compris les échéances du prêt consenti par la société CREATIS.
Toutefois il convient de ne pas opérer une confusion entre la contribution à la dette et l'obligation à la dette.
La décision du juge aux affaires familiales de Cambrai du 30 octobre 2018 afférente à la contribution à la dette, ne concerne que les rapports entre codébiteurs solidaires et non l'obligation à la dette. Cette décision ne règle donc pas les rapports entre les codébiteurs et le créancier. Une telle décision n'est donc pas opposable à la société CREATIS étant bien entendu que M. [N] [W] et Mme [R] [T] demeurent solidairement tenus au titre du prêt.
Il convient dès lors de rejeter la demande de Mme [R] [T] tendant à être mise hors de cause.
- SUR LA DÉCHÉANCE DU DROIT AUX INTÉRÊTS:
L'ancien article L311-18 alinéa 1er du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 applicable au présent litige dispose:
'Le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.'
De plus l'ancien article R 311-5 du même code applicable au présent litige quant à lui prévoit en substance que le contrat de crédit prévu à l'article L. 311-18 est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.
Par ailleurs l' ancien article L311-48 alinéa 1er du dit code quant à lui prévoit en substance que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c'est à bon droit que le premier juge dans la décision déférée, a considéré qu'en matière d'imprimerie la hauteur du corps dite aussi force du corps, s'exprime en points typographiques d'une valeur unitaire de 0,375 millimètres ce qui donne pour le corps huit une hauteur de 8 x 0375 = 3 mm. Le premier juge a aussi relevé de façon juste que la force du corps exprimée en points se mesure en partant de l'extrémité supérieure d'une lettre à hampe telle un b, un f, un 1 jusqu'à l'extrémité inférieure d'une lettre à jambage telle un g, un p, ou un y. Le premier juge opérant une exacte appréciation des faits de l'espèce, a ainsi estimé de manière pertinente qu'en l'espèce le recto du contrat litigieux comprenant notamment le rappel du droit de rétractation est imprimé en des caractères dont la mesure s'agissant du haut d'un 'b' au bas d'un 'g' d'une hauteur de 2,3 mm soit très en deçà de la norme précitée établie à trois millimètres.
C'est par suite, à bon droit que le premier juge a considéré que devait être prononcée la déchéance totale du prêteur du droit aux intérêts. Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.
- SUR LES SOMMES DUES:
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c'est à juste titre que le premier juge dans la décision déférée, opérant une exacte application du droit aux faits, a condamné conjointement M. [N] [W] et Mme [R] [T] à payer à la société anonyme CREATIS la somme de 22.218,56 euros pour solde du crédit soit chacun la somme de 11.109,28 euros, et dit que cette somme ne portera aucun intérêt même au taux légal. Le jugement querellé sera dès lors confirmé sur ces points.
S'agissant des autres points déférés à la cour, le premier juge ayant opéré une exacte application du droit aux faits par des motifs pertinents qui méritent d'être adoptés, il y a lieu d'entrer en voie de confirmation les concernant.
- SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE AU TITRE DE L'INSTANCE D'APPEL:
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- SUR LES DEPENS D'APPEL:
Il y a lieu de condamner Mme [R] [T] qui succombe s'agissant de sa demande principale tendant à être mise hors de cause au titre du remboursement du prêt litigieux, aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
En la forme:
- Rejette la demande tendant à voir mettre hors de cause Mme [R] [T] au titre du prêt litigieux,
Au fond:
- Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- Condamne Mme [R] [T] aux entiers dépens d'appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU