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11/05/2023 | FRANCE | N°20/02260

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 11 mai 2023, 20/02260


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 11/05/2023



****





N° de MINUTE : 23/170

N° RG 20/02260 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBMY



Jugement (N° 18/06055) rendu le 31 Mars 2020 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTS



Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 3] 1991 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Adresse 16]



Madame [Y] [D] agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de [B] [D]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Adresse 16]



Madame [S] [T] épouse [D] agiss...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 11/05/2023

****

N° de MINUTE : 23/170

N° RG 20/02260 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBMY

Jugement (N° 18/06055) rendu le 31 Mars 2020 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 3] 1991 à [Localité 24]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Madame [Y] [D] agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de [B] [D]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 23]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Madame [S] [T] épouse [D] agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de [B] [D]

née le [Date naissance 6] 1942 à [Localité 21] (Belgique)

de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 31]

Monsieur [Z] [K], intervenant volontairement et agissant en qualité d'ayant droit de [R] [K],

né le [Date naissance 12] 1932 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 17]

Madame [X] [F] épouse [K] intervenant volontairement et agissant en qualité d'ayant droit de [R] [K],

née le [Date naissance 11] 1935 à Lubi (Espagne)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 17]

Monsieur [I] [K], intervenant volontairement et agissant en qualité d'ayant droit de [R] [K],

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Madame [N] [K], intervenant volontairement et agissant en qualité d'ayant droit de [R] [K],

née le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 17]

Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Jean-Christophe Coubris, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant, substitué par Me Hirn, avocat au barreau de Bordeaux

INTIMÉES

Association Aroeven Hauts de France (Association Régionale des Oeuvres Educatives et de Vacances de l'Education Nationale) prise en la personne de son Président, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Société MAIF Société d'assurance mutuelle prise en la personne de ses réprésentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 15]-[Localité 22] prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 9]

[Localité 15]

Représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Mutuelle SMENO

[Adresse 7]

[Localité 17]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée e 21/08/20 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 09 février 2023 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023 après prorogation en date du 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 4 août 2006, M. [W] [D], alors âgé de 15 ans pour être né le [Date naissance 3] 1991, a été victime d'un accident de baignade alors qu'il participait à une colonie de vacances organisée par l'association Aroeven (Aroeven) en bord de mer en Corse, à la suite duquel il est devenu tétraplégique de niveau C5.

Le 5 janvier 2016, le juge des référés a confié à M. [O] une mesure d'expertise médicale judiciaire.

Afin d'engager la responsabilité de l'organisateur de ce séjour, M. [W] [D], ainsi que sa mère Mme [Y] [D], son grand-père [B] [D], sa grand-mère Mme [S] [T] veuve [D], et son beau-père [R] [K] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lille l'Aroeven, et son assureur, la société Maif (Maif), la mutuelle Smeno (Smeno) de Lille, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 27]-[Localité 22].

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 31 mars 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

1. dit que l'Aroeven devrait réparer les conséquences dommageables subies par M. [W] [D] à la suite de l'accident survenu le 4 août 2006 et ce à hauteur de 40% ;

2. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] les sommes suivantes :

a. 27 971,60 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire ;

b. 46 272, 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

c. 24 000 euros au titre des souffrances endurées ;

d. 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

e. 66 082,49 euros au titre des dépenses de santé futures ;

f. 20 000 euros au titre du préjudice scolaire ;

g. 200 635,60 euros au titre de l'assistance tierce personne définitive ;

h. 425 267,95 euros au titre des perte de gains professionnels futurs ;

i. 60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

j. 240 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

k. 24 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

l. 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

m. 24 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

n. 20 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

3. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] les sommes suivantes :

857 161,80 euros au titre des prestations servies à la victime, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2018 sur la somme de 569 591,36 euros, du 9 novembre 2015 sur la somme de 14 000,57 euros, du 8 mars 2016 sur la somme de 238 511,54 euros, du 11 août 2016 sur la somme de 44 469,29 euros, et du 10 juillet 2018 sur la somme de 56 018,04 euros, et ordonne la capitalisation des intérêts par année entière ;

1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à Mme [Y] [D] les sommes de 12 000 euros au titre de son préjudice d'affection, et de 10 000 euros au titre de son préjudice exceptionnel ;

5. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à [B] [D] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

6. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à Mme [S] [T] veuve [D] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

7. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à [R] [K] la somme de 3 200 euros au titre de son préjudice d'affection ;

8. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire ;

9. condamné in solidum l'Aroeven et la Maif à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 10 000 euros à M. [W] [D], Mme [Y] [D], [B] [D], Mme [S] [T] veuve [D], et [R] [K], et de 2 000 euros à la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] ;

10. débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 juin 2020, M. [W] [D], Mme [Y] [D], Mme [S] [T] veuve [D], [B] [D] et [R] [K] ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions.

[B] [D] et [R] [K] sont tous deux décédés en cours d'instance.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de leurs conclusions n°4 notifiées le 22 décembre 2022, M. [W] [D], Mme [Y] [D] et Mme [S] [T] veuve [D], agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants-droit de [B] [D], M. [Z] [K], Mme [X] [F] épouse [K], M. [I] [K], et Mme [N] [K], agissant en qualité d'ayants-droit de [R] [K], demandent à la cour, au visa de l'article 1147 ancien du code civil, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ;

- constater l'intervention de Mmes [Y] [D] et [S] [T] veuve [D] en leur nom personnel et en qualité d'ayants-droit de [B] [D] ;

- constater l'intervention de M. [Z] [K], Mme [X] [F] épouse [K], M. [I] [K], et Mme [N] [K], en leur qualité d'ayants-droit de [R] [K] au titre de l'action successorale pour les préjudices subis par leur auteur de son vivant ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé, sauf en ce qu'il a retenu que l'Aroeven avait manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

statuant de nouveau,

- dire l'Aroeven entièrement responsable de l'accident survenu à M. [W] [D] le 4 août 2006, du fait des manquements fautifs graves et répétés commis par ses salariés préposés, dans l'organisation d'une activité de baignade non valablement autorisée et dans la surveillance des enfants ;

- dire que M. [W] [D] n'a commis ce 4 août 2006 aucune faute en lien avec la survenue de son dommage susceptible de venir réduire son droit à indemnisation ;

- condamner en conséquence l'Aroeven, sous la garantie de sa compagnie d'assurance Maif, à réparer intégralement l'ensemble des préjudices ayant résulté de cet accident ;

- fixer les indemnités réparatrices de la manière suivante :

pour M. [W] [D] :

=$gt; s'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires,

43 697,60 euros sauf mémoire, au titre des dépenses de santé actuelles restées à charge ;

399 879 euros sauf mémoire au titre des frais divers ;

6 000 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels;

50 000 euros au titre du préjudice scolaire, universitaire, de formation ;

soit un total de 499 576,60 euros sauf mémoire;

=$gt; s'agissant des préjudices patrimoniaux permanents,

421 786,72 euros sauf mémoire au titre des dépenses de santé futures restées à charge ;

frais de logement adapté à réserver ;

1 666 151,61 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

frais divers pour mémoire ;

10 495 148,63 euros au titre de l'assistance tierce personne permanente ;

2 135 289,76 euros au titre des perte de gains professionnels futurs ;

400 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

soit un total de 15 118 376,72 euros sauf mémoire ;

=$gt; s'agissant des préjudices extra patrimoniaux temporaires,

115 681,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

60 000 euros au titre des souffrances endurées ;

40 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

soit un total de 215 681,25 euros sauf mémoire ;

=$gt; s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux permanents,

810 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

60 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

60 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

60 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

100 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

soit un total de 1 090 000 euros sauf mémoire ;

pour Mme [Y] [D] :

18 371,50 euros au titre du préjudice matériel ;

50 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

35 000 euros au titre du préjudice moral exceptionnel ;

pour les ayants-droit de [R] [K] :

329,86 euros au titre du préjudice matériel ;

15 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

pour Mme [S] [T] veuve [D] :

39 997,05 euros au titre du préjudice matériel ;

30 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

pour les ayants-droit de [B] [D] :

30 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

en toute hypothèse,

- dire que les indemnités dues porteront intérêts au taux légal au jour de l'introduction de l'instance au fond ;

- déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM et à la Smeno, et opposable à la Maif ;

- débouter les intimées de toutes demandes contraires ;

- condamner l'Aroeven sous la garantie de la Maif à leur verser la somme de 18 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [D] et [K] font valoir que :

- eu égard aux circonstances de fait et de droit, il n'y a pas lieu de retenir une part de responsabilité de la victime à hauteur de 60% dans la réalisation de son propre dommage ;

- le premier juge a sous-évalué un certain nombre de postes de préjudice en lien avec le dommage, et a omis de faire application du droit de préférence de la victime conformément à l'article 1346-3 du code civil ;

- il convient de faire application du nouveau barème de capitalisation publié dans la Gazette du palais du 31 octobre 2022, lequel repose sur les tables de mortalité 2017-2019 et prévoit un taux d'actualisation de - 1% ;

- l'Aroeven était tenue à une obligation de sécurité de résultat s'agissant du respect des dispositions réglementaires régissant la baignade en mer, et avait manifestement violé cette obligation pour ne pas s'être conformée à ces prescriptions, de sorte qu'elle engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil ;

- en effet, la baignade en mer litigieuse, activité initialement non prévue, a été autorisée non par le responsable du centre de vacances, mais de manière improvisée par un animateur, sans qu'il soit vérifié au préalable que cette zone de baignade, qui au demeurant devait être balisée, ne présentait pas de risque identifiable, comme le prescrit l'arrêté du 20 juin 2003 du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;

- la faible profondeur de l'eau aurait dû conduire les animateurs à interdire aux jeunes de sauter et de plonger à cet endroit ;

- l'Aroeven a manqué à son obligation d'organisation et de surveillance de l'activité improvisée, faute d'avoir procédé à une reconnaissance préalable de la zone pour en identifier les éventuels dangers, et d'avoir donné aux adolescents des consignes particulières de sécurité et de prudence quant à la baignade en eaux peu profondes ;

- aucune faute d'imprudence en lien avec le dommage ne peut être reprochée à M. [W] [D] dès lors que, n'ayant reçu aucune information des animateurs, il ignorait la profondeur de l'eau sur cette plage qu'il fréquentait pour la première fois, ainsi que l'interdiction d'y plonger ;

- le premier juge a sous-évalué certains postes de préjudice en lien avec le dommage de la victime directe, et omis de faire application du droit de préférence de la victime prévu à l'article 1346-3 du code civil.

- la cour statuant sur déféré a, par ordonnance du 3 mars 2022, définitivement jugé que les demandes de M. [W] [D] au titre de l'assistance temporaire et permanente par une tierce personne étaient recevables à hauteur d'appel sur le fondement des article 546, 564 et 565 du code de procédure civile ;

4.2 Aux termes de leurs conclusions notifiées le 3 janvier 2023, l'Aroeven et la Maif, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

In limine litis,

- déclarer l'appel de M. [W] [D] irrecevable pour ce qui concerne les postes de tierce personne avant et après consolidation au visa de l'article 546 du code de procédure civile ;

- dire et juger leur appel incident recevable et bien fondé ;

- dire mal jugé et bien appelé ;

Vu l'article 1147 ancien du code civil,

- réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions contraires à leurs conclusions ;

- dire M. [W] [D] seul et entièrement responsable de l'accident survenu le 4 août 2006 et exonérer l'Aroeven de toutes fautes ;

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;

- débouter la CPAM de son appel incident et de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une part de responsabilité de l'Aroeven dans l'accident, liquider comme suit le préjudice des appelants :

s'agissant du préjudice de M. [W] [D] :

- dépenses de santé actuelle : infirmation, rejet en l'état ;

- frais divers : accord 1.330.28 euros

- tierce personne avant consolidation : confirmation du jugement en ce qu'il a alloué à M. [W] [D] la somme de 69 929 euros qu'il avait sollicitée ; à titre subsidiaire, 107 700 euros ;

- pertes de gains professionnels actuels : rejet, confirmation ;

- préjudice scolaire, universitaire et de formation : 30 000 euros, infirmation ;

- dépenses de santé futures : infirmation, rejet en l'état ;

- frais de logement : à réserver ;

- frais de véhicule adapté : 289 222.05 euros ;

- tierce personne après consolidation : confirmation du jugement en ce qu'il a alloué à M. [W] [D] la somme de 501 589 euros qu'il avait sollicitée ; à titre subsidiaire, rente annuelle de 65 700 euros indexée sur l'article L. 434-17 du code de sécurité sociale ; à titre infiniment subsidiaire, un capital de 2 686 810 euros ;

- pertes de gains professionnels futurs : infirmant le jugement entrepris, limiter à une durée de 20 années les pertes de gains professionnels futurs ; à défaut, les fixer à la somme de 883 137.60 euros ;

- incidence professionnelle : infirmation, rejet ;

- déficit fonctionnel temporaire : appel irrecevable, confirmation à hauteur de 115 681,25 euros, sauf à préciser que l'appelant réduit sa demande devant la cour à la somme de 88 206 euros ;

- souffrances endurées : 50 000 euros, infirmation ;

- préjudice esthétique temporaire : 15 000 euros, infirmation ;

- déficit fonctionnel permanent : 585 000 euros, infirmation ;

- préjudice d'agrément : 25 000 euros ;

- préjudice esthétique permanent : 50 000 euros, confirmation ;

- préjudice sexuel : 40 000 euros, confirmation ;

- préjudice d'établissement : 30 000 euros, infirmation ;

s'agissant du préjudice des proches :

- préjudice affectif de Mme [Y] [D] : 25 000 euros ;

- préjudice affectif des ayants-droit de [R] [K] : 5 000 euros ;

- préjudice moral exceptionnel de la mère : rejet ;

- préjudice moral de [B] [D] : 5 000 euros ;

- préjudice de Mme [S] [D] : 5 000 euros ;

- préjudice matériel des grands-parents : rejet ;

- s'agissant des débours de la CPAM, limiter le poste relatif aux séances de kinésithérapie à la somme de 248 245 euros ;

-débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;

- les condamner aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, l'Aroeven et son assureur, la Maif, font valoir que :

- l'activité s'est déroulée en bord de mer dans un secteur autorisé pour la baignade ;

- des témoins ont entendu M. [W] [D] hurler « poussez-vous ! », puis l'ont vu courir de façon soudaine et imprévisible vers la mer et plongé la tête la première dans l'eau, les bras le long du corps ;

- l'Aroeven conteste avoir commis toute faute en relation directe avec la cause de l'accident ; il pesait sur elle une simple obligation de moyens lui imposant de surveiller les activités des enfants pour éviter qu'ils ne s'exposent à des dangers ;

- seule la faute d'imprudence commise par M. [W] [D], qui disposait d'un discernement suffisant, est à l'origine de l'accident ;

- l'activité prévue de bouée tractée incluait l'accord du directeur du centre pour la baignade ;

- l'arrêté du 20 juin 2003 ne concerne pas les enfants âgés de plus de 14 ans ;

- il convient de retenir le barème de capitalisation publié le 27 novembre 2017 par la Gazette du palais ;

- pour les préjudices viagers, seule la rente indexée permet d'assurer l'accompagnement de la victime sa vie durant et d'en garantir la réparation intégrale ;

- alors que l'expert judiciaire a retenu un besoin en aide humaine active de 10 heures par jour, la victime vient réclamer, sans justifier de son besoin, une indemnisation supplémentaire en aide humaine passive de 10 heures par jour.

4.3 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2021, la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

S'il y a réformation,

- déclarer l'Aroeven responsable du préjudice subi par M. [W] [D] par application de l'article 1231-1 du code civil ;

- condamner in solidum l'Aroeven et son assureur, la Maif, à lui payer la somme de 1 423 978,40 euros au titre des soins viagers, avec intérêts à compter de la notification des conclusions n°1 du 10 juillet 2018 après expertise ;

- condamner in solidum l'Aroeven et son assureur, la Maif, à lui payer la somme de 718 926,11 euros au titre de ses prestations temporaires avec intérêts :

- à compter des conclusions n°1 du 9 novembre 2015 sur la somme de 35 001,43 euros ;

- à compter des conclusions n°2 du 8 mars 2016 sur la somme de 596 278,85 euros ;

- à compter des conclusions n°6 du 11 août 2016 sur la somme de 111 173,23 euros ;

- à compter des conclusions n°1 du 10 juillet 2018 après expertise sur la somme de 140 045,10 euros ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

En tout état de cause,

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- les condamner in solidum à lui payer 3 000 euros au titre de la procédure d'appel, et les dépens avec distraction au profit de l'avocat constitué.

A l'appui de ses prétentions, la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] fait valoir que :

les soins viagers servis comprennent une visite à domicile mensuelle du médecin traitant, deux consultations spécialisées par an auprès d'un neurologue, urologue, et médecin en rééducation fonctionnelle, des soins infirmiers quotidiens de nursing, de la kinésithérapie de rééducation de la paraplégie cinq jours par semaine, une échographie rénale annuelle, un bilan rénal urodynamique annuel, deux bilans biologiques annuels, des frais de pharmacie, d'appareillage (fauteuil, coussin, lit médical, matelas anti-escarres, soulève-malade, poches urinaires, sondes urinaires, compresses stériles) ;

- son médecin conseil a établi une attestation d'imputabilité le 23 janvier 2018 ;

- la mère de M. [W] [D] a passé contrat avec l'Aroeven pour qu'elle prenne en charge son fils dans le cadre d'un séjour de vacances en Corse ;

- l'un des animateurs, qui n'était pas titulaire d'un diplôme relatif à l'encadrement des jeunes, a autorisé l'adolescent à plonger sans vérifier la zone de baignade et sans l'avertir du risque lié au manque de profondeur, puis l'a sorti de l'eau avec retard et sans précaution ;

- l'Aroeven a manqué à son devoir de surveillance et de vigilance, dès lors que le comportement de l'adolescent qui a couru pour se jeter à l'eau ne revêtait pas un caractère insurmontable et irrésistible pour les animateurs qui l'encadraient.

4.4 La Smeno, régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle, en premier lieu, qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est pas tenue de statuer sur les « dire et juger » et les « constater » qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

 

En second lieu, le choix du barème de capitalisation, support de l'évaluation des préjudices futurs, relève du pouvoir souverain du juge du fond.

La cour retient l'application du dernier barème de capitalisation édité dans la Gazette du palais du 31 octobre 2022, qui est fondé sur une espérance de vie issue des tables de mortalité 2017-2019, et sur un taux d'intérêt de 0% corrigé de l'inflation, ce qui permet ainsi de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire, et constitue le référentiel le mieux adapté à l'espèce.

I - Sur l'étendue du droit à indemnisation de la victime directe

A - Sur les manquements allégués de l'Aroeven

Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

1 - Sur l'obligation de sécurité inhérente à la baignade en mer

Les moyens soutenus par les parties sur ce point ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

L'arrêté du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative du 20 juin 2003, modifié par les arrêtés du 3 juin 2004, 9 mai 2005 et 3 octobre 2005, dans sa rédaction applicable au moment des faits, fixe les modalités d'encadrement et de pratique de certaines activités physiques dans les centres de vacances.

Ces dispositions réglementaires prévoient notamment, au rang des conditions d'organisation et de pratique, que lorsque les activités de baignade se déroulent en dehors des piscines ou baignades aménagées et surveillées :

- elles doivent se dérouler en un lieu ne présentant aucun risque identifiable ;

- elles sont placées sous l'autorité du responsable du centre ;

- la zone de bain doit être balisée pour les mineurs âgés de douze ans et plus ;

- un animateur pour huit mineurs âgés de six ans et plus doit être présent dans l'eau.

Il est constant que l'autorisation de baignade a été donnée de manière improvisée aux adolescents par les deux animateurs présents sur la plage, sans qu'il en ait été référé au préalable au responsable du centre de vacances, qui n'avait consenti qu'à l'activité de bouée tractée.

Bien que se déroulant toutes deux en milieu aquatique, les activités de bouée tractée et de baignade sont des disciplines distinctes, qui obéissent chacune à des règles de sécurité, qui leur sont propres et permettent de prévenir les dangers encourus par les pratiquants.

Il s'ensuit que l'Aroeven n'a pas respecté les obligations réglementaires auxquelles elle était soumise, dès lors que l'activité de baignade en mer dans une zone non surveillée et non balisée n'a pas été autorisée le jour de l'accident par le responsable de la colonie de vacances, et n'a pas fait l'objet d'un repérage ni d'une identification préalable des risques inhérents à cette zone de baignade de faible profondeur ; ces manquements sont bien en lien de causalité avec l'accident de baignade dont a été victime M. [W] [D] le 4 août 2006.

L'Aroeven engage donc sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 ancien précité pour n'avoir pas respecté l'obligation de sécurité de résultat à laquelle elle était tenue en application de l'arrêté du 20 juin 2003 rappelé ci-dessus.

2 - Sur l'obligation de prévoyance et de surveillance du centre

L'obligation de moyens qui pèse sur le centre de vacances lui impose de surveiller les activités des mineurs qui lui son confiés pour éviter qu'ils ne s'exposent à des dangers.

Il est admis que les centres de loisirs sont tenus d'une obligation de moyens à l'égard des enfants qu'ils accueillent. Il est impératif de démontrer, pour que leur responsabilité soit retenue pour manquement à leur obligation de sécurité, une faute « en relation de cause à effet avec l'accident ».

En l'espèce, la déclaration d'accident, les témoignages des adolescents et l'enquête pénale révèlent, alors que les deux animateurs et le groupe de quinze adolescents attendaient sur la plage la préparation de l'activité de bouée tractée, que l'animateur diplômé, M. [L], a autorisé des jeunes gens à se baigner dans la mer sous la surveillance de M. [M], animateur occasionnel.

Alors qu'il s'agissait d'une plage non surveillée habituellement fréquentée par les familles et les baigneurs, il est constant que les animateurs n'ont pas repéré au préalable la zone de baignade afin de s'assurer qu'elle ne présentait aucun danger particulier, et qu'ils n'ont donné aucune consigne de sécurité aux jeunes, s'abstenant de les prévenir de la faible profondeur de la baignade à cet endroit, et de leur interdire de sauter ou de plonger.

En agissant de la sorte, les animateurs de l'Aroeven ont bien manqué à leur obligation de prévoyance faute d'avoir vérifié les risques potentiels d'une baignade à cet endroit, et à leur obligation de surveillance faute d'avoir mis en garde les mineurs accueillis sur les risques de l'activité qu'ils ont autorisée.

B - Sur l'exonération de responsabilité invoquée par l'Aroeven

En matière d'obligation de sécurité de résultat, le débiteur ne peut s'exonérer totalement qu'en rapportant la preuve d'une situation de force majeure ou d'une faute de la victime revêtant les caractéristiques de la force majeure.

Comme l'a exactement retenu le premier juge, la circonstance qu'un adolescent âgé de quinze ans plonge dans la mer à l'occasion d'une activité de baignade ne constitue pas une situation imprévisible et irrésistible, de sorte que l'Aroeven et son assureur ne peuvent être entièrement exonérés de la responsabilité contractuelle encourue.

En revanche, il est admis que le fait fautif du créancier constitue une cause d'exonération totale ou partielle de responsabilité, pour le débiteur d'une obligation de sécurité de moyens. Il s'ensuit que la faute éventuelle commise par la victime est de nature à réduire, à proportion de la gravité de celle-ci, son droit à indemnisation.

En l'espèce, le témoin, Mme [P] [U], relate la scène en ces termes : « je savais qu'il n'y avait pas beaucoup de profondeur au bord de l'eau. [W] a crié en disant : « poussez-vous, je vais sauter », et il est parti dans l'eau en courant. Je n'ai pas eu le temps de le prévenir qu'il y avait peu d'eau. [W] a plongé la tête le première les bras le long du corps. Je l'ai vu remonter à la surface et retomber. »

Le témoin, M. [A] [E], expose que [W] a hurlé « poussez-vous ! », qu'il l'a vu courir depuis le groupe vers la mer, puis plonger la tête le première dans l'eau les bras le long du corps, qu'une vague s'est reculée quand il a sauté dans l'eau, et qu'il s'est immédiatement effondré à plat ventre.

M. [G] [H] témoigne en ces termes : « [W] était sur le sable. Il nous a crié « poussez-vous ! » On s'est poussé. Il a couru vers l'eau. Il a voulu faire un plongeon. Je vous précise que l'eau vous arrivait aux chevilles. Il a plongé les bras en avant, la tête baissée. Une vague s'est retirée quant il a atteint l'eau. Il a atterri dans le sable. Il n'a pas crié. Il a relevé la tête de l'eau puis est retombé. »

Si ces témoignages directs divergent sur les circonstances dans lesquelles M. [W] [D] est entré dans l'eau, les bras en avant ou non, il reste pour autant qu'il s'est précipité en courant et s'est jeté à l'eau en plongeant, sans même se soucier de la profondeur de la baignade.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, en agissant ainsi, M. [W] [D], qui disposait du discernement normalement attendu d'un adolescent de quinze ans, et était inscrit dans un club de natation, activité qu'il pratiquait en compétition, a commis une grave imprudence en plongeant soudainement et sans aucune précaution dans une eau de faible profondeur, étant ici observé que les baigneurs alentour avaient de l'eau à hauteur des chevilles.

L'adolescent, dont le caractère fougueux et impulsif a échappé à la vigilance des adultes qui l'encadraient, a plongé de manière intempestive et soudaine au bord du rivage, ce qui ne pouvait manifestement être empêché par les animateurs présents.

Cette imprudence fautive de la part d'un adolescent doué de discernement, conscient des risques, et ayant joué un rôle actif dans le mécanisme accidentel, a concouru à la réalisation de son dommage, sa tête ayant heurté le sable, ce qui lui a occasionné une fracture au niveau des vertèbres cervicales.

En conséquence, c'est par une exacte appréciation des faits et de la cause que le premier juge a retenu que la victime avait commis une faute d'imprudence grave de nature à réduire son droit à indemnisation de 60%.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que la responsabilité de l'Aroeven dans la survenance de l'accident de baignade survenu le 4 août 2006 est engagée du fait des fautes commises par ses préposés sur le fondement de l'article 1147 ancien précité et qu'elle devait à ce titre réparer in solidum avec son assureur à hauteur de 40% les conséquences dommageables subies par M. [W] [D] à la suite de l'accident survenu le 4 août 2006.

II - Sur l'indemnisation du préjudice de la victime directe

Dans son rapport d'expertise médicale déposé le 30 novembre 2017, M. [O] retient qu'à la suite de l'accident de baignade survenu le 4 août 2006, M. [W] [D] a présenté une tétraplégie spastique par fracture C4-C6. L'expert fixe la date de consolidation de la victime au 8 avril 2015, et son déficit fonctionnel permanent à 90%.

A - Sur l'évaluation des préjudices

1 - Sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux

a - Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1° - Sur les dépenses de santés actuelles

Le premier juge a fixé la créance de dépenses de santé actuelles de la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] à la somme de 718 926,11 euros, et débouté la victime de sa demande à ce titre.

M. [W] [D] réclame une indemnisation de 43 697,60 euros de ce chef, exposant que :

- certaines dépenses de santé actuelles sont restées à sa charge ;

- la Smeno, appelée en la cause en première instance, n'était pas sa mutuelle complémentaire au moment de l'accident ; seule la mutuelle MNH a pris en charge le sinistre ; il verse le relevé de débours de la mutuelle MNH d'un montant de 33 470,10 euros pour la période du 8 avril 2006 au 22 septembre 2020 ;

- les arrérages échus de ses appareillages sont calculés à compter du jour de la sortie d'hospitalisation complète le 25 février 2008, de sorte qu'il n'y a pas lieu de déduire 800 jours d'hospitalisation des jours de présence à domicile comptabilisés.

La CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] sollicite la confirmation du jugement dont appel au titre de ses prestations temporaires.

L'Aroeven et la Maif concluent au débouté des demande de M. [W] [D], faisant valoir que la mutuelle complémentaire de la victime a subvenu en tout ou partie à ses dépenses de santé actuelles, que ces frais n'ont pas à être supportés durant les périodes d'hospitalisation totales ou partielles, ce qui représente une période d'environ 800 jours, et enfin que les calculs effectués par la victime sont insincères.

Sur ce, les dépenses de santé actuelles correspondent à l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, pharmaceutiques, et paramédicaux exposés par la victime ou pris en charge par les organismes sociaux durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique jusqu'à la date de la consolidation.

Les créances alléguées par la caisse pour un montant de 718 926,11 euros sont imputables à l'accident corporel.

L'expert [O] retient, dans son rapport du 30 novembre 2017, que la victime dispose d'un lit médical au rez-de-chaussée, se déplace en fauteuil roulant électrique, dispose d'un lève-malade électrique actionné par une tierce personne, réalise cinq auto-sondages quotidiens avec du matériel préparé. L'expert considère que la victime a besoin de fournitures de type gants, alèses, couches, d'aides techniques, telles un fauteuil roulant manuel léger renouvelé tous les cinq ans, un fauteuil électrique renouvelé tous les cinq ans, un fauteuil roulant de secours à renouveler tous les dix ans, un lit médicalisé à l'achat ou en location, deux coussins anti-escarres, un matelas anti-escarres d'une durée de vie moyenne de deux ans, un lève-malade électrique, une ceinture abdominale et un fauteuil de douche.

M. [W] [D] produit une facture d'achat de fauteuil roulant du 15 mai 2009 d'un montant de 3 112,27 euros, et une facture d'achat de fauteuil roulant électrique du 23 novembre 2009 pour un montant de 12 292 euros ; il produit également nombre de factures d'achat de fournitures médicales de type alèses, gants en latex, et de maintenance et réparation des aides techniques, qu'il a exposées entre 2012 et 2015 (pièces 39 à 42 des intimés).

Sur la période du 25 février 2008, date de sortie d'hospitalisation complète, au 8 avril 2015, date de consolidation, il justifie bien (en page 25, 26 et 27 de ses écritures), après remboursements partiels honorés par la caisse et la mutuelle MNH, des arrérages restés à sa charge au titre des dépenses de santé exposées avant consolidation :

6 749,28 euros pour le fauteuil roulant électrique ;

1 881,39 euros pour le fauteuil roulant manuel ;

1 013,61 euros pour le lève-malade électrique ;

363,86 euros pour le lit médicalisé ;

207,92 euros pour le matelas anti-escarres ;

51,98 euros pour les matelas anti-escarres ;

17 153,40 euros pour l'achat d'alèses ;

3 482,66 euros pour l'achat de gants en latex ;

1 429,45 euros pour quatre séances d'ostéopathie par an ;

2 131,18 euros pour une séance mensuelle de pédicurie ;

337,87 euros pour l'achat mensuel d'un flacon de gel antiseptique ;

soit un total de 34 802,60 euros.

En revanche, il n'est pas démontré que la greffe de cellules souches, qu'a subie M. [W] [D] le 23 août 2010 au centre xcell-center à Düsseldorf, ait été recommandée par ses médecins, dès lors que le contrat de traitement auquel il a consenti en Allemagne précise que ladite thérapie n'a pas encore été reconnue par la Commission fédérale commune en tant que thérapeutique générale, que les frais ne sont par conséquent pas remboursés par les caisses d'assurance maladie légales et privées, et que la société xcell-center n'assume aucune garantie pour le succès du traitement.

L'expert [O] n'évoque pas dans son rapport la nécessité de procéder à une telle greffe de moëlle osseuse.

M. [W] [D] sera débouté de sa demande de remboursement de la somme de 8 895 euros qu'il a exposée pour subir ce traitement expérimental.

Il y a lieu de fixer le poste des dépenses de santé actuelles en lien avec le fait dommageable à la somme de 753 728,71 euros (soit 34 802,60 euros + 718 926,11 euros).

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du tiers responsable s'élève à la somme de 301 491,48 euros (soit 753 728,71 euros x 40%).

En application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il convient d'allouer à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde au tiers payeur.

En conséquence, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] la somme de 34 802,60 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à charge, et de fixer la créance de la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] à la somme de 266 688,88 euros (soit 301 491,48 - 34 802,60) au titre des dépenses de santé actuelles.

2° - Sur les pertes de gains professionnels actuels

Aucune demande n'a été présentée au premier juge de ce chef.

M. [W] [D] sollicite en appel une indemnité de 6 000 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, arguant qu'il se destinait à la profession de technicien en identification criminelle spécialisé en balistique et que dans le cadre de « jobs d'été » effectués dès l'âge de 18 ans entre 2009 et 2014, il aurait pu percevoir un salaire net de 1000 euros par mois de travail saisonnier.

L'Aroeven et la Maif concluent, faute de justificatif, au rejet de la demande de ce chef.

Sur ce, les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de gains liées à l'incapacité provisoire de travail et tendent à la réparation exclusive du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l'acte dommageable, c'est à dire aux pertes actuelles de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu'à sa date de consolidation.

Rien ne vient démontrer que M. [W] [D], alors âgé de quinze ans, percevait des revenus salariaux avant l'accident, ni qu'il s'apprêtait à exercer un emploi, fût-il saisonnier.

Dans ces conditions, la perte alléguée de gains professionnels en lien avec un emploi d'étudiant n'est pas établie en l'espèce ; il s'agit d'un préjudice hypothétique qui ne peut être indemnisé.

M [W] [D] sera débouté de sa demande de ce chef.

3° - Sur le préjudice scolaire, universitaire et de formation

Le premier juge a alloué à M. [W] [D], après application du taux de partage de responsabilité, une indemnisation de 20 000 euros en réparation de son préjudice scolaire.

La victime sollicite une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice scolaire, faisant valoir que :

- il souhaitait préparer le concours de sous-officier de gendarmerie, puis se spécialiser comme technicien en identification criminelle ;

- son lourd handicap l'a contraint à interrompre sa scolarité et à renoncer à suivre des études supérieures ;

- il a réussi à obtenir son baccalauréat série S en juillet 2010 avec deux années de retard, mais échoué dans son cursus universitaire en raison de son manque d'assiduité et de travail consécutif à ses soins et à ses séquelles.

Les appelantes offrent, avant partage de responsabilité, une indemnisation de 30 000 euros réparant ce poste.

Sur ce, il s'agit de réparer la perte d'années d'études sur un plan scolaire, universitaire ou de formation, consécutive à la survenance du dommage subi par la victime directe. Cette indemnisation comprend le retard scolaire ou de formation, mais également une modification d'orientation, une renonciation à toute formation de nature à obérer l'intégration de la victime dans le monde du travail.

L'expert [O] retient un préjudice scolaire, universitaire et de formation dans la mesure où le parcours universitaire mentionne des redoublements.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, le retard de deux ans pour obtenir le baccalauréat série S est entièrement imputable à l'accident ; en outre, les conditions de scolarisation ont été gravement obérées par les séquelles physiques, et M.[W] [D] a finalement renoncé à la poursuite de ses études universitaires

Il est accordé à M. [W] [D], qui justifie de la perturbation de sa scolarité au lycée, puis de la cessation de ses études universitaires à la suite des faits subis, l'indemnisation réclamée à hauteur de 50 000 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de son assureur s'élève à la somme de 20 000 euros (soit 50 000 x 40%).

4 ° - Sur les frais divers

- Les frais divers hors tierce personne temporaire

Aucune demande n'a été présentée au premier juge de ce chef.

M. [W] [D] sollicite en appel une indemnité de 4 129 euros en remboursement des frais de téléphone, de télévision, d'internet en cours d'hospitalisation, de copie des dossiers médicaux, et de transport en véhicule adapté.

S'ils déclarent dans leur argumentaire acquiescer aux prétentions adverses, l'Aroeven et la Maif limitent dans leur dispositif à la somme de 1 330,28 euros l'indemnisation qu'ils offrent de ce chef.

Sur ce, il s'agit notamment d'indemniser les frais exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels que les frais liés à l'hospitalisation, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l'accident, ou les frais de copie des dossiers médicaux.

Les appelantes ne contestent pas que la victime a exposé des frais de téléphone, de télévision et d'internet à hauteur de 173 euros lors de son hospitalisation à [26] de [Localité 19], et de 2 798,72 euros lors de son séjour au centre l'Espoir à Hellemmes, ainsi que des frais de copies de dossiers médicaux pour 135,23 euros, et enfin des frais de transport en véhicule adapté pour 1 022,05 euros.

Ce poste sera exactement évalué à la somme de 4 129 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'Aroeven et la Maif seront condamnées in solidum à payer à M. [W] [D] la somme de 1 651,60 euros (soit 4 129 x 40%) au titre des frais divers proprement dits.

- L'assistance tierce personne temporaire

Le premier juge a indemnisé l'assistance tierce personne temporaire par l'allocation, après application du taux de partage de responsabilité, d'une somme de 27 971,60 euros conformément à l'accord intervenu entre les parties.

M. [W] [D] réclame une indemnisation de 395 750 euros de ce chef, considérant que :

- ses besoins en aide humaine ne se limitent pas à l'accomplissement des actes essentiels de la vie, mais doivent également lui permettre de reprendre sa place dans sa vie privée et dans sa vie sociale et publique ;

- sa dépendance à l'égard d'une tierce personne est quasi totale pour tous les actes de la vie quotidienne ;

- s'il évalue le besoin en aide humaine à 10 heures par jour, l'expert omet de tenir compte de la tierce personne de surveillance dite passive ; il a également besoin de la surveillance d'un tiers la nuit à raison de dix heures par jour pour le mobiliser, intervenir en cas de danger, le relever en cas de chute, ou alerter les secours ;

- il estime avoir, sur la période courant du 4 août 2006 au 8 avril 2015, eu besoin, hors hospitalisation, de 7 180 heures d'assistance active pour un coût horaire de 20 euros, et de 16 810 heures d'assistance active pour un coût horaire de 15 euros ;

- l'indemnisation de ce poste doit être fixée en fonction des besoins de la victime sans être subordonnée à la production de justificatifs et sans être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche ou un membre de la famille ;

- la prestation de compensation du handicap ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, de sorte qu'elle n'a pas être imputée sur l'indemnité réparant l'atteinte à son intégrité physique.

Les appelantes considèrent, à titre principal, que M. [W] [D] a obtenu entière satisfaction devant le premier juge et qu'il est mal fondé à critiquer et à tenter d'obtenir la modification du jugement sur ce point. A titre subsidiaire, elles offrent, avant partage de responsabilité, une indemnisation de 107 700 euros au titre du besoin en aide humaine avant consolidation ; elles font valoir que la victime n'a jamais critiqué les conclusions de l'expert, et n'apporte aucune justification à sa demande d'indemnisation supplémentaire de 10 heures de tierce personne passive par jour ; elles ajoutent qu'il convient de fixer le taux horaire à 15 euros compte tenu de l'ancienneté et de l'absence de charges sociales.

Sur ce, la cour statuant sur déféré par ordonnance du 3 mars 2022 a définitivement jugé que les demandes de M. [W] [D] au titre de l'assistance temporaire et permanente par une tierce personne étaient recevables sur le fondement de l'article 546 alinéa 1er du code de procédure civile.

Il s'agit ici d'indemniser les dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

Dans son rapport d'expertise médicale, le docteur [O] a indiqué que l'assistance par une tierce personne était nécessaire à raison de 10 heures par jour, une heure pour la toilette et l'habillage, trente minutes pour le petit-déjeuner, et huit heures et trente minutes pour les transferts, les hétéro-sondages, et l'accompagnement dans tous les actes de la vie courante en raison de la tétraplégie haute.

A l'issue d'échanges contradictoires, l'expert a estimé à 10 heures par jour le besoin quotidien en aide humaine active de la victime, et n'a retenu aucun besoin en aide humaine passive, et ce sans qu'aucun dire ni aucune critique n'émanent des parties.

M. [W] [D] se contente d'affirmer qu'il ne peut rester la nuit sans surveillance d'un tiers sans en rapporter la preuve.

L'Aroeven et la Maif ne contestent pas le calcul effectué par la victime, selon lequel il a passé 718 jours à domicile en dehors des périodes d'hospitalisation, et ce entre le 4 août 2006 et le 8 avril 2015.

Conformément à la demande, il convient d'évaluer ce poste de préjudice pour une aide active sur une base horaire de 20 euros incluant les charges sociales et congés payés, conforme à la jurisprudence de la cour, et de calculer le coût de l'aide quotidienne durant 718 jours.

Ce poste de préjudice sera donc calculé de la manière suivante : 718 x 10 x 20 = 143 600 euros.

Compte tendu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à 40%, l'Aroeven et la Maif seront condamnées in solidum à payer à M. [W] [D] la somme de 57 440 euros (soit 143 600 x40%) au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne.

b - Sur les préjudices patrimoniaux permanents

1° - Sur les dépenses de santé futures

Le premier juge a alloué à M. [W] [D], après imputation du taux de partage de responsabilité, une somme de 66 082,49 euros, et à la CPAM une somme de 569 591,36 euros, au titre des dépenses de santé futures.

M. [W] [D] réclame une indemnisation de 421 786,72 euros à ce titre, arguant que :

- certaines dépenses de santé futures sont restées à sa charge ;

- son état de santé n'évolue pas et ses besoins de dépenses de santé restent identiques ;

- il verse au débat la créance définitive de la mutuelle MNH qui couvrait ses dépenses de santé au moment de l'accident ;

- la prestation de compensation du handicap (PCH) ne relève pas du recours prévu à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et ne peut être imputée sur l'indemnisation servie à la victime au titre de la tierce personne ou des aides techniques ;

La CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] fait valoir une créance capitalisée de 1 423 978,40 euros au titre des frais futurs, indiquant que les soins viagers comprennent :

- une visite à domicile chaque mois du médecin généraliste ;

- deux consultations de médecins spécialistes par an (neurologue, urologue, rééducation fonctionnelle) ;

- des soins infirmiers quotidiens de nursing ;

- des soins de kinésithérapie de rééducation de la paraplégie cinq jours par semaine ;

- une échographie rénale annuelle ;

- un bilan urodynamique annuel ;

- deux bilans biologiques annuels ;

- de la pharmacie ;

- des frais d'appareillage : fauteuil, coussin, lit médical, matelas anti-escarres, soulève-malade, poches urinaires, sondes urinaires, compresses stériles.

Elle indique en outre que les soins imputés à l'accident sont décrits par l'expert et confirmés par le médecin-conseil dans son attestation ; que le relevé des débours et l'attestation d'imputabilité sont très détaillés et permettent aux appelantes de vérifier la nature, la période et le montant des prestations à servir.

L'Aroeven et la Maif concluent au débouté des demandes de M. [W] [D], et demandent à la cour de limiter pour la caisse le poste des séances de kinésithérapie à la somme de 248 245 euros. Elles exposent que :

- la victime doit justifier des bordereaux de règlement de la Smeno, mutuelle complémentaire ;

- les sommes versées par la MDPH viennent en déduction des sommes restées à charge de M. [W] [D] ;

- elles contestent l'évaluation en viager du volume horaire des séances de kinésithérapie, et la fréquence de renouvellement des appareillages.

Sur ce, les dépenses de santé futures correspondent aux frais médicaux et pharmaceutiques (non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais également les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation, mais également les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie...), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent en outre les frais liés soit à la réalisation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit la pause d'appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après consolidation.

En l'espèce, l'expert [O] décrit dans son rapport les dépenses de santé futures rendues nécessaires à la suite de l'accident : traitement médicamenteux (Lioresal : 12/j ; Ceris : 1/j ; Rubozinc : 2/j ; Anafranil 75 mg : 1/j ; Eductil : 1/j ; Dantrium 100 mg : 3/j ; Fenofibrate 100 mg : 1/j ; Tramadol ; Vesicare : 1/j ) ; hétéro- sondages : 6/j ; traitement du syndrome dépressif ; passage d'une infirmière (30 minutes par jour) ; passage du kinésithérapeute (1 heure par jour : 30 minutes pour las membres supérieurs, 30 minutes pour les membres inférieurs) ; une visite du médecin généraliste par mois ; les consultations spécialisées en rééducation fonctionnelle ; les fournitures (gants, alèses, couches) ; les aides techniques (un fauteuil roulant électrique renouvelé tous les 5 ans ; un fauteuil roulant manuel léger renouvelé tous les 5 ans ; un fauteuil roulant de secours renouvelable tous les dix ans ; deux coussins anti-escarres ; un lit médicalisé en achat ou location ; un matelas anti-escarres d'une durée de vie moyenne de deux ans ; un lève-malade électrique ; une ceinture abdominale ; un fauteuil douche ; des frais médicaux occasionnels (échographie vésiculaire et exploration uro-dynamique).

S'agissant de l'indemnisation d'un préjudice récurrent, il convient de procéder à la capitalisation de ces frais futurs, en déterminant le coût de ces appareillages et la périodicité de leur renouvellement, en exigeant la communication des décomptes des prestations que les organismes de sécurité sociale ou, le cas échéant, la mutuelle de la victime envisage de servir à cette dernière.

L'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 procède à une énumération limitative des prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ou son assureur, de sorte que la prestation de compensation du handicap, qui ne fait pas partie de cette liste, ne peut être déduite et se cumule avec l'indemnisation reçue par la victime.

M. [W] [D] justifie (en page 41 de ses écritures n°4 du 22 décembre 2022), après remboursements partiels honorés par la caisse et la mutuelle MNH, qu'il reste à sa charge le coût annuel suivant pour les soins, appareillages et matériels retenus par l'expert judiciaire :

434,76 euros pour le fauteuil roulant manuel ;

1 693,40 euros pour le fauteuil roulant électrique ;

140,66 euros pour le lève-malade électrique en location ;

28,28 euros pour le matelas anti-escarres ;

8,63 euros pour le coussin anti-escarres ;

2 407,20 euros pour l'achat d'alèses ;

489,60 euros pour l'achat de gants en latex ;

200 euros pour quatre séances d'ostéopathie ;

51,50 euros pour le lit médicalisé ;

45,72 euros pour l'achat d'un gel antiseptique ;

300 euros pour une séance de pédicurie par mois ;

soit un coût annuel de 5 799,75 euros.

Sur la période du 8 avril 2015, date de consolidation, au 8 avril 2023, date la plus proche de l'arrêt, les arrérages échus restés à la charge de la victime au titre des dépenses de santé exposées avant consolidation s'élèvent à la somme totale de 46 398 euros (soit 5 799,75 x 8 ans).

S'agissant des dépenses de santé futures à échoir, il convient de capitaliser le coût annuel des dépenses de santé futures restant à charge de la victime en tenant compte du prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 31 ans à la date de l'arrêt (soit 48,979), suivant barème de capitalisation édité dans la Gazette du palais du 31 octobre 2022 prévoyant un taux d'intérêt de 0%. Ce poste sera évalué à la somme de 284 065,96 euros (soit 5 799,75 x 48,979).

Les dépenses de santé futures échues et à échoir, restées à la charge de M. [W] [D] s'élèvent donc à la somme de 330 463,96 euros (soit 46 398 + 284 065,96).

Au soutien de sa demande de remboursement, la caisse produit un décompte détaillé du 2 mars 2018 évaluant ses frais futurs au montant capitalisé de 1 423 978,40 euros, et l'attestation d'imputabilité de son médecin-conseil rédigée le 23 janvier 2018, lequel certifie que ces dépenses échues et à échoir après consolidation sont strictement imputables au fait dommageable survenu le 4 août 2006, et qu'elles permettent d'indemniser de façon viagère les soins, consultations, suivi spécialisé, appareillages, et deux séances de kinésithérapie de trente minutes par jour à raison de cinq jours par semaine, telles que préconisées par l'expert judiciaire.

Contrairement aux allégations du responsable et de son assureur, rien ne vient démontrer le caractère excessif de deux séances de kinésithérapie de trente minutes par jour, l'une pour les membres inférieurs,l'autre pour les membres supérieurs, à raison de cinq jours pour semaine pour un patient présentant les séquelles définitives d'une tétraplégie spastique.

Quant à la fréquence de renouvellement des appareillages, elle est retenue par l'expert [O] lui-même.

Il y a lieu de fixer le poste des dépenses de santé futures en lien avec le fait dommageable à la somme de 1 754 442,36 euros (soit 330 463,96 euros + 1 423 978,40 euros).

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 701 776,94 euros (soit 1 754 442,36 x 40%).

En application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, il convient d'allouer à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, puis d'accorder le solde au tiers payeur.

L'Aroeven et la Maif ne s'opposent pas à un paiement des frais futurs en capital, et non au fur et à mesure des échéances des arrérages à échoir représentant ce capital constitutif.

En conséquence, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] la somme de 330 463,96 euros au titre des dépenses de santé futures restées à charge, et de fixer la créance de la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] à la somme de 371 312,98 euros (soit 701 776,94 - 330 463,96) au titre des dépenses de santé futures.

2° - Sur les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a accordé à la victime, après imputation du taux de partage de responsabilité, une somme de 425 267,95 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs.

M. [W] [D] réclame une somme de 2 135 289,76 euros de ce chef, arguant que :

- les préjudices professionnels d'une jeune victime sans activité au moment des faits, mais dont l'état limite le choix du métier futur, sont des préjudices indemnisables ;

- compte tenu de sa vocation professionnelle de sous-officier technicien de la gendarmerie, il aurait raisonnablement pu terminer sa formation en 2015 à l'âge de 23 ans ;

- selon les données de l'INSEE, le salaire mensuel net médian en 2020 s'élevait à 2 005 euros ; puis il aurait pu percevoir un salaire mensuel net de 2 500 euros pour tenir compte de son augmentation progressive en cours de carrière ;

- il ne pourra jamais travailler et ne cotisera jamais pour sa retraite.

L'Aroeven et la Maif offrent une indemnisation de 883 137,60 euros avant partage de responsabilité, expliquant que :

- rien ne vient démontrer que M. [W] [D] aurait réussi à intégrer la gendarmerie ;

- il convient de retenir une perte de salaire net moyen de 1 800 euros pendant 40 ans et non en viager.

Sur ce, les pertes de gains professionnels futurs résultent en principe de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant toujours le revenu net annuel imposable avant l'accident.

En ce qui concerne les pertes de gains professionnels futurs des jeunes victimes n'étant pas encore entrées dans la vie active, il ne peut par définition y avoir de référence à un salaire antérieur.

En présence de séquelles majeures interdisant médicalement tout exercice d'une profession, il s'agit d'indemniser des pertes de gains professionnels futurs que l'on valorise en se fondant sur un salaire fictif de référence basé sur différents paramètres selon l'âge de la victime, son parcours scolaire, son niveau d'études, son environnement familial et le niveau de rupture au moment de l'accident.

Hormis ses propres déclarations et la production d'une fiche décrivant les conditions générales au concours d'accès de sous-officier de la gendarmerie spécialisé comme technicien d'identification criminelle, rien ne vient démontrer l'appétence et les compétences de la victime pour ce projet professionnel, d'autant que l'accès au métier de gendarme reste sélectif et que, de son propre aveu, il s'est inscrit à l'université dans des cursus aussi divers que la géologie, le droit, et enfin les sciences politiques.

Lycéen au jour de l'accident, M. [W] [D] n'avait aucun revenu professionnel ; du fait de la gravité de ses séquelles, il ne pourra pas accéder à l'emploi, exercer un métier dans le domaine de prédilection qu'il déclare s'être choisi, ni acquérir les rémunérations correspondantes, ni le conserver jusqu'à son départ à la retraite avec les salaires correspondants, étant ici rappelé qu'il a néanmoins réussi à obtenir le baccalauréat après l'accident.

La cour dispose d'éléments suffisants pour retenir comme salaire de référence le salaire net médian publié par l'INSEE en 2020 à hauteur de 2 005 euros.

Il appartient au juge du fond, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, de choisir le mode de réparation du dommage, sous forme de rente ou de capital. Compte tenu du jeune âge de la victime au moment de l'accident (15 ans) et de l'importance de son handicap (90% de déficit fonctionnel permanent), il convient, outre de garantir l'indemnisation intégrale de son préjudice, de l'accompagner sa vie durant en toute sécurité financière. En conséquence, la cour retiendra le versement de l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs sous forme de rente annuelle viagère indexée, un tel calcul viager étant justifié par la nécessité de tenir compte de la perte de revenus à la retraite induite par un défaut total de cotisation pendant toute la durée de la vie active.

Au titre des arrérages échus entre le 8 avril 2015 et le 11 mai 2023, il revient à M. [W] [D] la somme suivante : 2 005 euros x 2 956 jours / 30,5 jours = 194 320,66 euros.

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 77 728,26 euros (soit 194 320,66 x 40%).

Par conséquent, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] la somme de 77 728,26 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs échus.

Au titre des pertes de gains professionnels futurs à échoir à compter du 11 mai 2023, il revient à M. [W] [D] une somme annuelle de 24 060 euros (soit 2 005 x 12).

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, la rente annuelle à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 9 624 euros (soit 24 060 x 40%).

Par conséquent, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] une rente viagère annuelle de 9 624 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, laquelle sera payable trimestriellement à compter du 11 mai 2023, à terme échu et avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée sur la base du montant du SMIC en fonction du dernier indice publié au jour du présent arrêt (SMIC horaire brut au 1er janvier 2013 : 11,52 euros), et réévaluée chaque année, la première réévaluation devant intervenir le 1er janvier 2024.

3° - Sur l'incidence professionnelle

Le premier juge a accordé à M. [W] [D], après application du taux de partage de responsabilité, une indemnisation de 60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, retenant que ce poste réparait exclusivement, compte tenu de la situation de la victime, la perte de socialisation par le travail et la perte de plaisir à exercer une activité professionnelle.

M. [W] [D] réclame une indemnisation de 400 000 euros de ce chef, soutenant que ce poste revêt une dimension sociale et subjective, dès lors qu'il se retrouve exclu du monde du travail, que son inactivité forcée lui occasionne une perte de lien social, outre une perte de l'estime de soi, et qu'il a progressivement pris conscience de ses limites et de sa situation d'anomalie sociale.

L'Aroeven et la Maif concluent au rejet de la demande, considérant que l'octroi en viager de pertes de gains professionnels futurs ne peut donner lieu à une indemnisation complémentaire au titre de l'incidence professionnelle.

Sur ce, l'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste, même en, l'absence de perte immédiate de revenus. Il comprend également la perte de droits à la retraite, ou encore les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste. Il inclut enfin le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

En l'espèce, l'importance et la gravité des séquelles présentées par la victime induisent son inaptitude totale et définitive à entrer dans la vie active et à accéder à tout emploi.

Si certains aspects de l'incidence professionnelle sont exclus lorsque la victime est inapte à l'emploi, tels les frais de reclassement professionnels, l'accroissement de la pénibilité, la perte de chance professionnelle ou la dévalorisation sur le marché du travail, la perte de droits à la retraite déjà indemnisée en viager au titre des pertes de gains professionnels futurs, d'autres aspects ne sont en revanche pas incompatibles avec une inaptitude définitive à l'emploi, comme le fait de devoir renoncer à toute activité professionnelle, ou encore la désocialisation subie et non choisie.

Ainsi, le préjudice lié à l'état d'inactivité professionnelle totale, au dés'uvrement, facteur d'exclusion sociale, de dévalorisation personnelle et sociale, est un préjudice en soi et distinct. L'incidence professionnelle, dont l'étendue n'est pas exhaustive, peut donc aussi indemniser le préjudice résultant de l'exclusion du monde du travail caractérisé par une inactivité forcée, et l'obligation de devoir renoncer à tout projet professionnel.

Il n'est pas contestable que M. [W] [D], exclu du monde du travail en raison de son handicap, n'est pas en mesure de s'épanouir professionnellement, perd une partie de son identité sociale et de l'estime de soi qui en résulte.

A cet égard, les témoignages des proches et des soignants mettent en évidence l'état dépressif et l'isolement ressentis par M. [W] [D], qui verbalise sa solitude sociale et son dés'uvrement en lien avec son exclusion du monde du travail.

Dans ces conditions, c'est par une exacte appréciation de la cause que le premier juge a accordé à M. [W] [D] une indemnisation de 150 000 euros réparant l'incidence professionnelle.

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 60 000 euros (soit 150 000 x 40%).

4° - Sur les frais de logement adapté

Le premier juge a débouté M. [W] [D] de sa demande au titre des frais de logement adapté.

La victime demande à la cour de réserver ce poste, exposant qu'elle est domiciliée chez sa mère dans une maison appartenant à ses grands-parents maternels qui ont financé les aménagements nécessaires, mais qu'elle devra dans l'avenir trouver un logement personnel adapté à son handicap.

L'Aroeven et la Maif demandent à la cour de réserver les frais de logement adapté.

Sur ce, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande au titre des frais de logement adapté.

5° - Sur les frais de véhicule adapté

Le premier juge a débouté la victime de sa demande au titre des frais de véhicule adapté.

M. [W] [D] réclame une indemnisation de 1 666 151,61 euros à ce titre, considérant que :

- il aura besoin, sa vie durant, d'un véhicule adapté à son handicap pour pouvoir être véhiculé ;

- faute de ressources suffisantes, il n'a pu ni passer son permis de conduire ni acquérir un tel véhicule ;

- il a dépensé 140 euros en 2014 pour effectuer une évaluation à la conduite, et une formation complète à la conduite pour personne handicapée s'élève à la somme de 3 775 euros ;

- il devra acquérir tous les cinq ans un véhicule Mercedes sprinter touring 163 CV au prix de 51 863,56 euros (dont à déduire 10 000 euros correspondant au prix moyen d'un véhicule), qu'il devra faire aménager spécialement tous les cinq ans suivant devis supplémentaire de 85 506,98 euros.

L'Aroeven et la Maif offrent, avant partage de responsabilité, une indemnisation de 289 222,05 euros au titre des frais de véhicule adapté ; elles font valoir que :

- elles s'étonnent du choix de la victime pour un véhicule Mercedes haut de gamme ;

- le renouvellement tous les cinq ans et la valeur résiduelle de 10 000 euros au terme des cinq ans ne sont pas justifiés ;

- elles proposent de retenir un renouvellement de l'achat tous les dix ans et une valeur résiduelle du véhicule de 25 000 euros, lesquelles correspondent davantage à la durée d'utilisation d'un véhicule diesel haut de gamme, réputé pour sa fiabilité et sa longévité.

Sur ce, la cour rappelle que le principe de réparation intégrale du préjudice doit conduire à indemniser la victime sans qu'elle n'en retire ni perte ni profit, et ce afin de replacer celle-ci dans la situation qui était la sienne avant la survenance du fait dommageable.

L'indemnisation de ce poste de préjudice ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait la victime.

L'expert [O] retient des frais de véhicule adapté pour personne tétraplégique, à savoir une clef adaptée, une télécommande, un démarrage électronique à la voix, une direction assistée avec boule, une boîte automatique aménagée, des fonctions électriques, un joystick et un accès au véhicule en raison de la tétraplégie haute.

En l'espèce, M. [W] [D] fournit un devis d'achat d'un véhicule Mercedes haut de gamme pour un prix de 51 863,56 euros et un devis d'aménagement dudit véhicule à hauteur de 85 506,98 euros, alors qu'il ne démontre pas qu'au moment du sinistre, son foyer familial possédait un véhicule automobile, et qu'il n'a encore jamais été titulaire d'un permis de conduire ni propriétaire d'un véhicule.

Les intimées constatent cependant, dans leurs écritures, l'existence du préjudice dans son principe, de sorte qu'il appartient à la cour d'en évaluer l'indemnisation.

Dans ces conditions, il convient d'indemniser, non l'achat du véhicule automobile de haut de gamme, mais le surcoût lié à la nécessité d'aménager un véhicule tous les sept ans pour permettre à une personne handicapée de conduire.

L'indemnisation des frais d'aménagement de véhicule est calculée de la façon suivante :

85 506,98 + [(85 506,98 euros / 7 ans) x 42,298] (prix d'un euro de rente viagère pour un homme âgé de 38 ans, âge qu'atteindra M. [W] [D] dans sept ans à l'occasion du premier renouvellement de l'aménagement), soit 602 189,01 euros.

Il convient d'y ajouter le coût des deux évaluations à la conduite produites pour des montants de 140 et 200 euros, mais non le coût de la formation pratique au permis de conduire lequel n'est pas imputable au fait dommageable.

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 241 011,60 euros (soit (602 189,01 + 140 + 200) x 40%).

Par conséquent, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] la somme de 241 011,60 euros au titre des frais de véhicule adapté.

6° - Sur les frais divers post-consolidation

La cour considère qu'elle n'est saisie d'aucune demande au titre des frais divers post-consolidation lesquels ne sont mentionnés que « pour mémoire » par la victime.

7° - Sur l'assistance permanente par une tierce personne

Le premier juge, constatant l'accord entre les parties, a fixé ce poste à la somme de 200 635,60 euros, après application du taux de partage de responsabilité.

M. [W] [D] réclame une indemnisation en capital de 10 495 148,63 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne, et indique que :

- son appel sur ce poste est recevable en application de l'article 546 alinéa 1er du code de procédure civile, dès lors qu'il n'a pas totalement obtenu satisfaction en première instance ; ;

- ses besoins en aide humaine ne se limitent pas à l'accomplissement des actes essentiels de la vie, mais doivent également lui permettre de reprendre sa place dans sa vie privée et dans sa vie sociale et publique ;

- sa dépendance à l'égard d'une tierce personne est quasi totale pour tous les actes de la vie quotidienne ;

- s'il évalue le besoin en aide humaine à 10 heures par jour, l'expert omet de tenir compte de la tierce personne de surveillance dite passive, dont il a besoin en raison de son grand état de dépendance ;

- il estime le coût horaire de l'aide active à 20 euros, et de l'aide passive à 15 euros ;

L'Aroeven et la Maif considèrent au premier chef que l'appel sur ce poste est irrecevable puisque la victime a obtenu entière satisfaction devant le premier juge et qu'elle ne peut obtenir la modification du jugement sur ce point en application de l'article 546 alinéa 1 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elles font valoir qu'il convient de statuer uniquement sur la base des 10 heures d'aide active par jour prévues par l'expert, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a alloué à M. [W] [D] une somme de 501 589 euros avant partage de responsabilité, et subsidiairement de lui accorder, pour protéger son avenir, une rente annuelle de 65 700 euros avant partage de responsabilité, indexée conformément à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, ou de lui accorder un capital de 2 686 810 euros avant partage de responsabilité.

Sur ce, la cour statuant sur déféré par ordonnance du 3 mars 2022 a définitivement jugé que les demandes de M. [W] [D] au titre de l'assistance temporaire et permanente par une tierce personne étaient recevables sur le fondement de l'article 546 alinéa 1er du code de procédure civile.

Le poste assistance tierce personne comprend les dépenses liées à la réduction d'autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l'assistance d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

Dans son rapport d'expertise médicale, le docteur [O] a indiqué que l'assistance par une tierce personne était nécessaire à raison de 10 heures par jour, une heure pour la toilette et l'habillage, trente minutes pour le petit-déjeuner, et huit heures et trente minutes pour les transferts, les hétéro-sondages, et l'accompagnement dans tous les actes de la vie courante en raison de la tétraplégie haute.

A l'issue d'échanges contradictoires, l'expert a estimé à 10 heures par jour le besoin quotidien en aide humaine active de la victime, et n'a retenu aucun besoin en aide humaine passive, et ce sans qu'aucun dire ni aucune critique n'émanent des parties. M. [W] [D] se contente d'affirmer qu'il ne peut rester la nuit sans surveillance d'un tiers sans en rapporter la preuve.

Les justificatifs produits conduisent la cour à retenir un besoin en aide humaine de dix heures par jour, qui sera indemnisé sur la base d'un taux horaire de 20 euros incluant les charges sociales et congés payés, conforme à la jurisprudence de la cour.

- L'assistance tierce personne échue

L'indemnisation doit être calculée de la façon suivante du 8 avril 2015, date de consolidation, au 11 mai 2023, date de l'arrêt, ce qui correspond à 2 956 jours :

10 heures x 20 euros x 2 956 jours = 591 200 euros.

Il convient d'évaluer le poste de préjudice assistance tierce personne permanente échue à la somme de 591 200 euros.

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 236 480 euros (soit 591 200 x 40%).

Par conséquent, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] la somme de 236 480 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne échue.

- L'assistance tierce personne à échoir

L'Aroeven et la Maif proposent de procéder à une réparation des préjudices au titre de l'assistance permanente par une tierce personne sous forme de rente viagère indexée, afin de sécuriser dans le temps les versements entre les mains de la victime, alors que celle-ci sollicite l'indemnisation de tous ses préjudices viagers sous forme de capital.

Il appartient au juge du fond, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, de choisir le mode de réparation du dommage, sous forme de rente ou de capital.

Compte tenu du jeune âge de la victime au moment de l'accident et de l'importance de son handicap, il convient en l'espèce, outre de garantir l'indemnisation intégrale de son préjudice, de l'accompagner sa vie durant en toute sécurité financière.

En conséquence, la cour retiendra le versement de l'indemnisation de l'assistance permanente par une tierce personne sous forme de rente annuelle viagère indexée.

Le besoin de M. [W] [D] en aide humaine à compter du 11 mai 2023 s'élève à la somme de 73 000 euros par an (soit 20 euros x 10 heures x 365 jours).

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, la rente annuelle à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 29 200 euros (soit 73 000 x 40%).

Par conséquent, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer à M. [W] [D] une rente viagère annuelle de 29 200 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne, laquelle sera payable trimestriellement à compter du 11 mai 2023, à terme échu et avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée sur la base du montant du SMIC en fonction du dernier indice publié au jour du présent arrêt, et réévaluée chaque année, la première réévaluation devant intervenir le 1er janvier 2024, et pourra être révisée en cas de modification des conditions d'hébergement de la victime, telle une hospitalisation ou un placement en centre spécialisé.

2 - Sur l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux

a - Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1° - Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a accordé à M. [W] [D], après imputation du taux de partage de responsabilité de 40%, une indemnisation de 46 272,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

La victime réclame, avant partage de responsabilité, une indemnisation de 115 681,25 euros à ce titre.

L'Aroeven et la Maif sollicitent la confirmation du jugement dont appel à hauteur de 115 681,25 euros avant partage de responsabilité, sauf à prendre acte que l'appelant a réduit sa demande à la somme de 88 206 euros.

Sur ce, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

L'analyse des conclusions (en page 53 de ses écritures) ne démontre pas que M. [W] [D] a réduit sa demande à la somme de 88 206 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

En réalité, les parties s'accordent pour la fixation de ce poste avant partage de responsabilité à la somme de 115 681,25 euros.

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 46 272,50 euros (soit 115 681,25 x 40%).

Le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

2° - Sur les souffrances endurées

Le premier juge a indemnisé les souffrances endurées à hauteur de 24 000 euros, après imputation du taux de partage de responsabilité.

La victime réclame une somme de 60 000 euros à ce titre.

L'Aroeven et la Maif offrent une indemnisation de 50 000 euros de ce chef.

Sur ce, ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.

L'expert [O] a quantifié les souffrances endurées à 6 sur une échelle de 7, les qualifiant ainsi d'importantes en raison de la tétraplégie haute.

Compte tenu de l'ostéosynthèse C4-C5 subie pour fracture luxation C5, des complications respiratoires justifiant une antibiothérapie et une ré-intubation, des épisodes de dysautonomie avec brachycardie, des examens d'imagerie subis, des séances de rééducation avec ergothérapie et kinésithérapie pour lutter contre la spasticité des quatre membres, des traitements médicamenteux, des souffrances psychiques ressenties, de la durée de la consolidation pendant près de neuf ans, le premier juge a exactement évalué ce préjudice à la somme de 60 000 euros.

Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40%, l'indemnité à la charge du responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 24 000 euros (soit 60 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

3° - Sur le préjudice esthétique temporaire

Le premier juge a indemnisé le préjudice esthétique temporaire à hauteur de 8 000 euros, après imputation du taux de partage de responsabilité.

La victime réclame une somme de 40 000 euros à ce titre.

L'Aroeven et la Maif offrent une indemnisation de 15 000 euros de ce chef.

Sur ce, il s'agit d'indemniser pendant la maladie traumatique, et notamment pendant l'hospitalisation, une altération de l'apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

L'expert [O] prévoit un préjudice esthétique temporaire qu'il qualifie d'important (6 sur une échelle de 7).

Considérant les constatations de l'expert, la longue période d'alitement de la victime reliée à des respirateurs en service de réanimation, la présentation en fauteuil roulant à l'adolescence, et la durée de la période de consolidation, le montant du préjudice esthétique temporaire subi a été exactement évalué à la somme de 20 000 euros.

Considérant la réduction à 40% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à M. [W] [D] une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts (soit 20 000 x 40%).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

b - Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents

1° - Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a évalué ce préjudice à la somme de 240 000 euros après imputation du taux de partage de responsabilité.

M. [W] [D] demande la somme de 810 000 euros sur une base de 9 000 euros le point.

Les intimées offrent la somme de 585 000 euros sur une base de 6 500 euros le point.

Sur ce, le déficit fonctionnel permanent correspond au préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime après consolidation ; il s'agit d'indemniser pour la période postérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie, les souffrances et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales du fait des séquelles tant physiques que psychiques qu'elle conserve.

Au-delà du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, ce poste vise également l'indemnisation des douleurs subies après la consolidation et l'atteinte à la qualité de vie de la victime.

En l'espèce, l'expert judiciaire a fixé le déficit fonctionnel permanent de M. [W] [D], âgé de 23 ans à la consolidation, à 90% correspondant à une tétraplégie haute, étant précisé que les parties s'accordent sur cette évaluation.

Compte tenu de ces éléments, des pièces versées au débat, des douleurs neuropathiques ressenties quotidiennement par la victime, des troubles majeurs rencontrés dans ses conditions d'existence en raison de l'inaccessibilité de nombreux lieux publics et privés, il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de 650 000 euros.

Considérant la réduction à 40% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à M. [W] [D] des dommages et intérêts à hauteur de 260 000 euros (soit 650 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera infirmé de ce chef.

2° - Sur le préjudice esthétique permanent

Le premier juge a fixé l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 24 000 euros après imputation du taux de partage de responsabilité.

M. [W] [D] réclame une somme de 60 000 euros pour réparer son préjudice esthétique définitif.

Les intimées offrent une indemnisation de 50 000 euros avant partage de responsabilité.

Sur ce, il s'agit d'indemniser l'altération définitive de l'apparence physique de la victime.

L'expert [O] prévoit un préjudice esthétique permanent qu'il qualifie d'important (6 sur une échelle de 7).

Considérant les constatations de l'expert, l'état d'affaiblissement et de dépendance dans lesquels la victime se présente dorénavant aux yeux des tiers, et son jeune âge à la consolidation, le montant du préjudice esthétique permanent a été exactement évalué à la somme de 60 000 euros.

Considérant la réduction à 40% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à M. [W] [D] des dommages et intérêts à hauteur de 24 000 euros (soit 60 000 x 40%).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3° - Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a indemnisé le préjudice sexuel de M. [W] [D] à hauteur de 24 000 euros après imputation du taux de partage de responsabilité.

La victime réclame une indemnisation de 60 000 euros, invoquant notamment la privation de tout épanouissement et de toute vie sexuelle depuis l'accident.

Les intimés concluent une indemnisation de 40 000 euros de ce chef.

Sur ce, ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

L'expert [O] retient un préjudice sexuel en raison de l'obligation d'avoir recours à des injections et en raison d'un syndrome dépressif.

Il est constant que M. [W] [D] subit, compte tenu de l'importance de ses séquelles corporelles, une atteinte majeure touchant aux trois sphères sexuelles précédemment décrites, et qu'il était très jeune au moment de la consolidation.

Il existe non seulement une atteinte à la morphologie de ses organes sexuels et à sa fonction reproductrice, mais également des troubles associés de la libido. L'impact de l'accident est caractérisé chez un jeune homme limité dans l'exercice de sa vie sexuelle par son handicap, et affecté sur le plan psychologique par une dépression et la modification de son aspect physique.

Au regard de ces éléments, il convient de lui accorder une somme de 60 000 euros de nature à réparer son entier préjudice sexuel.

Considérant la réduction à 40% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à M. [W] [D] des dommages et intérêts à hauteur de 24 000 euros (soit 60 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

4° - Sur le préjudice d'agrément

Le premier juge a octroyé à la victime une somme de 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément, après imputation du taux de partage de responsabilité.

M. [W] [D] réclame une indemnisation de ce chef à hauteur de 60 000 euros, expliquant qu'il était dynamique et aimait découvrir diverses activités telles l'équitation, la musique et le théâtre, et qu'il pratiquait habituellement la natation, le football, le ping-pong et le tir sportif.

L'Aroeven et la Maif offrent une somme de 25 000 euros avant partage pour réparer ce poste.

Sur ce, le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, étant rappelé que la réduction des capacités de la victime avec toutes les répercussions qu'elle a nécessairement sur sa vie quotidienne est par ailleurs réparée au titre du déficit fonctionnel. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives ou de bulletins d'adhésion à des associations, mais également par tout autre mode de preuve licite, tels des témoignages ou des clichés photographiques, l'administration de la preuve d'un tel fait étant libre. L'appréciation du préjudice s'effectue concrètement, en fonction de l'âge et du niveau d'activité antérieur. La preuve du préjudice d'agrément peut se faire par tout moyen.

En l'espèce, l'expert judiciaire retient un préjudice d'agrément.

Si M. [W] [D] ne justifie pas avoir poursuivi les activités d'équitation, de théâtre, de musique qu'il a pu pratiquer dans son enfance, il justifie bien qu'au moment de l'accident, il était licencié du club de football de [28], du club de natation de [28], du cercle pongiste lommois, et de l'association OSML tir.

Compte tenu de l'âge de la victime, des doléances exprimées, et des séquelles corporelles présentées qui contre-indiquent la pratique de toutes activités physiques et sportives pour lesquelles il montrait une réelle appétence, le préjudice subi par M. [W] [D] sur ce poste sera évalué à la somme de 30 000 euros.

Considérant la réduction à 40% de son droit à indemnisation, il revient à ce titre à M. [W] [D] des dommages et intérêts à hauteur de 12 000 euros (soit 30 000 x 40%).

Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.

5° - Sur le préjudice d'établissement

Le premier juge a octroyé à la victime une somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'établissement, après imputation du taux de partage de responsabilité.

La victime réclame une indemnisation de ce chef à hauteur de 100 000 euros, expliquant qu'elle se trouve privée de toute chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité de son handicap.

L'Aroeven et la Maif offrent une somme de 30 000 euros avant partage pour réparer ce poste.

Sur ce, le préjudice d'établissement répare, en raison de la gravité du handicap, la perte de la faculté de réaliser un projet de vie familiale, tel se marier, fonder une famille, élever des enfants.

M. [W] [D] qui présente une tétraplégie haute définitivement installée, qui le place dans un état de dépendance quasi totale pour tous les actes de la vie courante, se trouve privé d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale, d'autant qu'à ce jour, il n'a jamais vécu en couple, et devra envisager le cas échéant de recourir à la procréation médicalement assistée.

Compte tenu de l'âge de la victime, des doléances exprimées, et de l'impossibilité d'envisager une vie affective et familiale compte tenu de la gravité du handicap, le préjudice subi par M. [W] [D] sur ce poste a exactement été évalué à la somme de 50 000 euros.

Considérant la réduction à 40% de son droit à indemnisation, il lui revient à ce titre des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros (soit 50 000 x 40%).

Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.

B - Sur la liquidation des préjudices

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à M. [W] [D] et la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22], après limitation du droit à indemnisation de la victime à hauteur de 40% et application de son droit de préférence, sauf à déduire les provisions qu'elle a déjà reçues, les sommes suivantes :

301 491,48 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

dont la somme de 34 802,60 euros revenant à la victime,

dont la somme de 266 688,88 euros revenant à la caisse ;

débouté au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

20 000 euros au titre du préjudice scolaire, universitaire et de formation ;

1 651,60 euros au titre des frais divers proprement dits ;

57 440 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

701 776,94 euros au titre des dépenses de santé futures,

dont la somme de 330 463,96 euros revenant à la victime,

dont la somme de 371 312,98 euros revenant à la caisse ;

77 728,26 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs échus ;

une rente viagère annuelle de 9 624 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs à échoir, payable trimestriellement à compter du 11 mai 2023, et revalorisée selon les indications figurant au dispositif du présent arrêt ;

60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

aucune demande au titre des frais d'aménagement du logement ;

241 011,60 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

236 480 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne échue ;

une rente viagère annuelle de 29 200 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne à échoir, payable trimestriellement à compter du 11 mai 2023, et revalorisée selon les indications figurant au dispositif du présent arrêt ;

46 272,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

24 000 euros au titre des souffrances endurées ;

8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

260 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

24 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

12 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

24 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

20 000 euros au titre du préjudice d'établissement.

III - Sur l'indemnisation des préjudices des victimes indirectes

A titre liminaire, il est rappelé que le partage de responsabilité ou la limitation du droit à indemnisation sont opposables aux victimes indirectes.

A - Sur l'indemnisation du préjudice de la mère

1 - Sur le préjudice matériel

Le premier juge a débouté Mme [Y] [D] de sa demande de remboursement de ses frais divers, faute de justificatifs.

Mme [Y] [D] réclame une somme de 18 371,50 euros en remboursement des dépenses qu'elle a exposées notamment pour se rendre au chevet de son fils à [Localité 18] et [Localité 19], et pour assurer ses transports dans des véhicules adaptés.

L'Aroeven et la Maif ne concluent pas sur ce poste.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les frais temporaires de déplacement ou d'hébergement pour visiter la victime blessée ; il appartient au proche parent de rapporter la preuve d'un préjudice personnel, direct, certain et licite.

Mme [Y] [D] justifie des dépenses qu'elle a engagées en lien avec le fait dommageable à hauteur des sommes suivantes (en page 58 à 61 de ses dernières écritures) :

356,86 euros pour le vol aller-retour [Localité 15]-[Localité 18] ;

531 euros pour les frais de taxi entre l'hôtel et l'hôpital corses du 4 au 13 août 2006 ;

879,75 euros pour neuf nuitées à l'hôtel en Corse ;

253,50 euros pour des nuitées à [Localité 19] et [Localité 30] en août 2006 à proximité immédiate du service de réanimation de l'institut [25] à [Localité 19] ;

450 euros pour la location d'un appartement à [Localité 19] en septembre 2006 ;

2 679,30 euros pour la location d'un appartement HLM à [Localité 19] d'octobre 2006 à mars 2007;

8 137,92 euros pour les frais de location d'un véhicule adapté au transport de personne handicapée ;

soit un montant total de 13 288,33 euros.

En revanche, il n'est pas justifié que les factures d'abonnement et de consommation téléphoniques du 25 octobre 2006 au 28 mars 2007 pour un montant cumulé de 927,17 euros, les factures d'achat de meubles pour 1 326 euros, les frais de location saisonnière d'un meublé en 2014 et 2016 pour 2 100 euros, les frais d'hôtel à Düsseldorf pour 730 euros soient en lien de causalité direct et certain avec le fait dommageable. Mme [Y] [D] sera déboutée de sa demande de ces chefs.

Considérant la réduction à 40% du droit à indemnisation de la victime directe, il revient à ce titre à Mme [Y] [D] des dommages et intérêts à hauteur de 5 315,33 euros (soit 13 288,33 x 40%).

2 - Sur le préjudice d'affection

Le premier juge a accordé à Mme [Y] [D] une somme de 12 000 euros, après imputation du taux de partage de responsabilité, réparant son préjudice d'affection résultant de la survie handicapée de son fils.

La mère réclame une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice d'affection, indiquant que :

- en août 2006, elle s'est rendue folle d'inquiétude au chevet de son fils qui devait subir en urgence une intervention chirurgicale qui a échoué ;

- elle n'a cessé de le réconforter, le rassurer, l'entourer pour l'aider quotidiennement à vivre le plus dignement possible ;

- elle reste le premier témoin des souffrances de [W], maudit l'accident, ne parvient pas à accepter le handicap de celui-ci, et éprouve toujours un chagrin immense ;

- elle suit un traitement psychotrope à visée antidépressive et a bénéficié d'un suivi psychiatrique jusqu'au 24 mars 2010.

L'Aroeven et la Maoif proposent à ce titre une indemnisation de 25 000 euros avant partage.

Sur ce, le préjudice d'affection en cas de survie de la victime directe répare le préjudice moral subi par certains proches à la vue de la douleur de la déchéance et de la souffrance de la victime directe ; il convient d'inclure à ce titre le retentissement pathologique avéré que la perception du handicap de la victime survivante a pu entraîner chez certains proches.

En l'espèce, Mme [Y] [D] verse au débat une attestation de son médecin psychiatre du 9 janvier 2018, selon qui elle a bénéficié d'un suivi du 12 septembre 2000 au 24 mars 2010 pour troubles des conduites alimentaires. Le psychiatre ajoute que l'accident de son fils et le handicap induit se sont accompagnés chez la mère de perturbations émotionnelles sévères, et ont entraîné une aggravation de sa symptomatologie alimentaire avec prise massive de poids, et de sa détresse psychique ; ces perturbations ont persisté jusqu'à la fin du suivi et nécessité la reprise d'un traitement psychotrope à visée antidépressive.

Par conséquent, Mme [Y] [D] justifie bien d'un préjudice d'affection résultant, pour elle, de la douleur liée au fait qu'elle est le témoin de la dépendance et de la souffrance de son fils, et qu'elle subit un fort retentissement pathologique.

Dans ces conditions, le préjudice d'affection de la mère a été exactement indemnisé par l'allocation d'une somme de 30 000 euros de dommages et intérêts.

Compte tendu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 12 000 euros (soit 30 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera confirmé à ce titre.

3 - Sur le préjudice moral exceptionnel

Le premier juge a octroyé à Mme [Y] [D] une somme de 10 000 euros, après imputation du taux de partage de responsabilité, en réparation d'un préjudice exceptionnel.

La mère réclame une somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice extra-patrimonial exceptionnel, arguant qu'elle s'est sacrifiée sur le plan financier et personnel pour soutenir son fils qui vit sous son toit, qu'elle lui porte quotidiennement assistance pour tous les actes de la vie courante, qu'elle éprouve de fortes angoisses quant au devenir de celui-ci, et qu'elle ne bénéficie d'aucun répit dans l'accompagnement qu'elle lui prodigue.

L'Aroeven et la Maif concluent au débouté de la demande de chef, ce préjudice étant déjà été indemnisé au titre du préjudice d'affection de la mère et de l'aide humaine permanente apportée par les proches.

Sur ce, le préjudice extra-patrimonial exceptionnel en cas de survie de la victime directe a notamment pour objet de réparer le préjudice de changement dans les conditions de l'existence, dont sont victimes les proches de la victime directe pendant sa survie handicapée ; il s'ensuit que ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser les bouleversements que la survie douloureuse de la victime directe entraîne sur le mode de vie de ses proches au quotidien.

En l'espèce, comme l'a exactement retenu le premier juge, la mère, âgée de 48 ans à la date de consolidation de son fils, prend personnellement en charge le handicap de celui-ci, ce qui est indubitablement de nature à bouleverser son mode de vie et ses propres conditions d'existence.

Le préjudice exceptionnel de la mère a été exactement indemnisé par l'allocation d'une somme de 25 000 euros de dommages et intérêts.

Compte tendu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 10 000 euros (soit 25 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera confirmé à ce titre.

B - Sur l'indemnisation du préjudice du beau-père

1 - Sur le préjudice matériel

Le premier juge a débouté [R] [K] de sa demande de remboursement des frais divers, faute de justificatifs.

Les ayants-droit de [R] [K] réclament une somme de 329,86 euros en remboursement des dépenses qu'il a exposées pour se rendre au chevet de son beau-fils à [Localité 18].

L'Aroeven et la Maif ne concluent pas sur ce poste.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les frais temporaires de déplacement ou d'hébergement pour visiter la victime blessée ; il appartient au proche parent de rapporter la preuve d'un préjudice personnel, direct, certain et licite.

Les ayants-droit de [R] [K] justifient des dépenses engagées à hauteur de 329,86 euros pour financer le vol aller-retour [Localité 15]-[Localité 18].

Considérant la réduction à 40% du droit à indemnisation de la victime directe, il revient à ce titre aux ayants-droit de [R] [K] des dommages et intérêts à hauteur de 131,94 euros (soit 329,86 x 40%).

2 - Sur le préjudice d'affection

Le premier juge a accordé à [R] [K] une somme de 3 200 euros, après imputation du taux de partage de responsabilité, réparant son préjudice d'affection résultant de la survie handicapée de son beau-fils.

Les ayants-droit de [R] [K] réclament une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'affection, indiquant que le défunt, qui partageait la vie de Mme [Y] [D] depuis 1999, considérait [W] comme son propre fils, qu'il a soutenu sa compagne et entouré [W] pour l'aider à vivre le plus dignement possible, qu'il a éprouvé une profonde tristesse devant l'état de santé et de dépendance de l'adolescent, qu'il s'est efforcé de leur apporter son indéfectible soutien.

L'Aroeven et la Maif proposent à ce titre une indemnisation de 5 000 euros avant partage.

Sur ce, les témoignages versés au débat établissent la qualité de la relation affective qui unissait M. [W] [D] à son beau-père, ce dernier s'investissant dans ses soins et son accompagnement administratif, le soutenant moralement, et se rendant toujours disponible.

Par conséquent, les ayants-droit de [R] [K] justifient bien du préjudice d'affection subi par ce dernier, résultant de la douleur ressentie au contact de la dépendance et de la souffrance de son beau-fils, ainsi que du retentissement psychique provoqué par le handicap de ce dernier.

Dans ces conditions, le préjudice d'affection du beau-père sera exactement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Compte tendu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 4 000 euros (soit 10 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera infirmé à ce titre.

C - Sur l'indemnisation du préjudice des grands-parents maternels

1 - Sur le préjudice matériel de la grand-mère maternelle

Aucune demande n'a été présentée au premier juge de ce chef.

Mme [S] [T] veuve [D] réclame en appel une indemnisation de 39 997,05 euros correspondant aux frais de transport et d'hébergement qu'elle a exposés pour se rendre en Corse puis à [Localité 19] au chevet de son petit-fils, et aux frais d'aménagement de l'immeuble lui appartenant pour permettre l'accessibilité à son petit-fils devenu handicapé.

L'Aroeven et la Maif concluent au débouté de la demande adverse, considérant que l'achat de biens mobiliers et les aménagements immobiliers n'ont pas été soumis au débat contradictoire dans leur évaluation et leur justification.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les proches de la victime pour les frais de transport, d'hébergement et de restauration engagés pendant la maladie traumatique et éventuellement après consolidation.

Mme [S] [T] veuve [D], qui demeure habituellement à [Localité 31] Cap martin (06), justifie des dépenses qu'elle a engagées en lien avec l'accident pour assister sa fille et son petit-fils dans l'épreuve à hauteur des sommes suivantes (en page 63 à 65 des dernières écritures) :

1 684,45 euros pour les traversées en ferry et les vols aller-retour [Localité 29]-[Localité 18] le 6, 7, 14 et 15 août, 12 septembre, 18 octobre, 27 novembre, 9 décembre 2006 ;

2 264 euros pour la location d'un appartement meublé à [Localité 19] (62) entre le 1er novembre 2006 et le 31 janvier 2007 ;

soit une somme totale de 3 948,45 euros.

En revanche, il n'est pas justifié que les factures d'achat d'un aspirateur et d'un four micro-ondes pour un montant de 108,80 euros soient en lien de causalité direct et certain avec le fait dommageable ; elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

La requérante justifie également que sa fille et son petit-fils résident habituellement à Lomme (59) dans une maison qui lui appartient, et qu'elle a exposé dans cet immeuble des frais d'aménagement pour permettre à [W] d'y accéder ; elle produit les factures acquittées suivantes :

752,40 euros pour la réalisation d'une chape au garage avec rampe d'accès pour personne à mobilité réduite ;

9 600,50 euros pour l'installation d'une plateforme verticale élévatrice pour accéder de l'extérieur à l'intérieur de l'immeuble ;

2 450 euros pour l'installation d'un module supplémentaire d'ouverture électrique de la porte en cas de coupure de courant ;

19 164,08 euros pour la livraison et l'installation d'un ascenseur ;

3 493,02 euros pour la livraison et l'installation d'un système de transfert sur rail au plafond ;

479,80 euros pour le changement de la carte de commande de la porte télescopique ;

soit une somme totale de 35 939,80 euros.

Si l'aménagement du logement de la victime pour l'adapter aux contraintes liées à son handicap constitue en principe un préjudice qui lui est propre, il reste pour autant que les frais engagés par la grand-mère maternelle pour lui rendre le logement accessible au quotidien, constituent un élément du préjudice matériel résultant de la nécessité d'installer une rampe d'accès, un ascenseur, une plateforme élévatrice à l'entrée, et un système de transfert sur rail au plafond.

Considérant la réduction à 40% du droit à indemnisation de la victime directe, il revient à ce titre à Mme [S] [T] veuve [D] des dommages et intérêts à hauteur de 15 955,30 euros (soit (35 939,80 + 3 948,45) x 40%).

2 - Sur leur préjudice d'affection

Le premier juge a accordé à Mme [S] [T] veuve [D] et aux ayants-droit de [B] [D] la somme de 4 000 euros chacun, après imputation du taux de partage de responsabilité, réparant leur préjudice d'affection résultant de la survie handicapée de leur petit-fils.

Mme [S] [D] et les ayants-droit de [B] [D] réclament une somme de 30 000 euros pour chacun réparant le préjudice d'affection, faisant valoir qu'ils étaient très proches de leur petit-fils avant son emménagement dans le Nord, qu'ils se sont efforcés de lui apporter réconfort et affection après l'accident, que leur chagrin est immense face à la douleur et au renoncement de leur petit-fils et de leur fille.

L'Aroeven et la Maif proposent à ce titre une indemnisation de 5 000 euros avant partage pour chaque grand-parent.

Sur ce, les témoignages versés au débat établissent la qualité de la relation affective qui unit M. [W] [D] à ses grands-parents maternels, qui se sont investis sur le plan affectif et matériel pour le soutenir dans l'épreuve qu'il traverse.

Par conséquent, les grands-parents maternels justifient bien d'un préjudice d'affection résultant de la douleur ressentie devant la dépendance et la souffrance de leur petit-fils.

Dans ces conditions, leur préjudice d'affection a été exactement indemnisé par l'allocation à chacun d'une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Compte tendu de la limitation de moitié du droit à indemnisation de la victime, l'indemnité à la charge du tiers responsable et de l'assureur s'élève à la somme de 4 000 euros chacun (soit 10 000 x 40%).

Le jugement dont appel sera confirmé à ce titre.

IV - Sur les autres demandes

A - Sur le point de départ des intérêts au taux légal

La CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] poursuit le remboursement des dépenses auxquelles elle est légalement tenue et la créance, dont la décision judiciaire se borne à reconnaître l'existence, doit, conformément à l'article 1231-6 du code civil applicable aux obligations légales, produire intérêts au jour de la demande.

En l'espèce, la caisse ne produit pas en appel la copie de ses conclusions de première instance, par lesquelles elle a sollicité le remboursement de ses prestations temporaires, puis de ses prestations viagères.

Pour autant, il résulte du jugement critiqué que ses dernières conclusions ont été notifiées en première instance le 17 septembre 2019, date à compter de laquelle les sommes qui lui ont été attribuées par le présent arrêt porteront intérêts au taux légal.

Aux termes de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

En l'espèce, les intérêts au taux légal sur les sommes indemnitaires allouées aux consorts [D] et [K] seront dus à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par le jugement, et à compter de l'arrêt pour le surplus.

B - Sur la capitalisation des intérêts

L'article 1343-2 du code civil qui dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise, n'impose pas au créancier de formuler une demande d'anatocisme pour faire courir le délai d'un an.

Si la demande en justice n'est plus une condition d'application de l'anatocisme judiciaire, le cours des intérêts constitue toutefois la condition préalable d'une telle capitalisation annuelle.

Il en résulte que la capitalisation annuelle des intérêts court à compter du jugement critiqué.

C - Sur l'opposabilité du jugement et la déclaration de jugement commun à l'assureur

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt commun à la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] et à la Smeno, et opposable à l'assureur Maif, dès lors qu'elles sont parties à la présente instance.

D - Sur l'indemnité forfaitaire de gestion

Aux termes de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné à son 3ème alinéa, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et minimum révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Le versement de l'indemnité visée par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne relevant pas de la subrogation du tiers payeur dans les droits de la victime et présentant un caractère forfaitaire, la CPAM est fondée en sa demande tendant à voir condamner l'Aroeven et son assureur à lui payer la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion selon l'arrêté du 4 décembre 2020 applicable au 1er janvier 2021, sans qu'il y ait lieu d'en réduire le montant en cas de limitation du droit à indemnisation de la victime.

Cependant, la perception de cette indemnitaire forfaitaire ne peut intervenir qu'à une seule reprise au cours d'une même instance, la cour observe toutefois que la CPAM subit l'appel formé à l'égard du jugement prononcé par le tribunal correctionnel, alors que cette indemnité est due en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement de ses débours. Dans ces conditions, il convient de condamner in solidum l'Aroeven et son assureur à payer à la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] la différence entre le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dû au moment du jugement et celui dû au moment de la procédure d'appel, soit la somme de 1 098 euros - 1 080 euros, soit 18 euros.

E - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

L'Aroeven et la Maif qui succombent seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande de condamner in solidum l'Aroeven et la Maif à payer aux consorts [D] et [K] la somme de 3 000 euros et à la CPAM de [Localité 15]-[Localité 22] la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Me Benoît de Berny, avocat, à recouvrer directement contre les personnes condamnées les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Lille, en ce qu'il a :

- dit que l'association Aroeven devait réparer les conséquences dommageables subies par M. [W] [D] à la suite de l'accident survenu le 4 août 2006 et ce à hauteur de 40% ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à M. [W] [D] les sommes suivantes :

46 272, 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

24 000 euros au titre des souffrances endurées ;

8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

20 000 euros au titre du préjudice scolaire ;

60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

24 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

24 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

20 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 15]-[Localité 22] la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à Mme [Y] [D] les sommes de 12 000 euros au titre de son préjudice d'affection, et de 10 000 euros au titre de son préjudice extra-patrimonial exceptionnel ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à [B] [D] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à Mme [S] [T] veuve [D] la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire ;

- condamné in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 10 000 euros à M. [W] [D], Mme [Y] [D], [B] [D], Mme [S] [T] veuve [D], et [R] [K], et de 2 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 15]-[Localité 22] ;

L'infirme pour le surplus ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à M. [W] [D], après limitation de son droit à indemnisation à 40% et application de son droit de préférence, sauf à déduire les provisions et les sommes versées en vertu de l'exécution provisoire qu'il a déjà reçues, les sommes suivantes :

34 802,60 euros au titre des dépenses de santé actuelles;

1 651,60 euros au titre des frais divers proprement dits ;

57 440 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;

330 463,96 euros au titre des dépenses de santé futures ;

77 728,26 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs échus ;

une rente viagère annuelle de 9 624 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs à échoir, payable trimestriellement à compter du 11 mai 2023, à terme échu et avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée sur la base du montant du SMIC en fonction du dernier indice publié au jour du présent arrêt, et réévaluée chaque année, la première réévaluation devant intervenir le 1er janvier 2024 ;

241 011,60 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

236 480 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne échue ;

une rente viagère annuelle de 29 200 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne à échoir, laquelle sera payable trimestriellement à compter du 11 mai 2023, à terme échu et avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée sur la base du montant du SMIC en fonction du dernier indice publié au jour du présent arrêt, et réévaluée chaque année, la première réévaluation devant intervenir le 1er janvier 2024, et pourra être révisée en cas de modification des conditions d'hébergement de la victime ;

260 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

12 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Condamne in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer aux victimes indirectes, après limitation du droit à indemnisation à 40%, les sommes suivantes :

5 315,33 euros à Mme [Y] [D] en réparation de son préjudice matériel ;

131,94 euros à M. [Z] [K], Mme [X] [F] épouse [K], M. [I] [K], et Mme [N] [K], agissant en qualité d'ayants-droit de [R] [K], en réparation du préjudice matériel ;

4 000 euros à M. [Z] [K], Mme [X] [F] épouse [K], M. [I] [K], et Mme [N] [K], agissant en qualité d'ayants-droit de [R] [K], en réparation du préjudice d'affection ;

15 955,30 euros à Mme [S] [T] veuve [D] en réparationd e son préjudice matériel ;

Dit que la somme de 4 000 euros revenant à [B] [D] en réparation de son préjudice d'affection sera versée à ses ayants-droit, Mme [Y] [D] et Mme [S] [T] veuve [D] ;

Dit que ces sommes indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par le jugement, et à compter de l'arrêt pour le surplus ;

Déboute M. [W] [D] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

Dit que la cour n'est saisie d'aucune demande au titre des frais de logement adapté, et des frais divers après consolidation ;

Condamne in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 15]-[Localité 22] les sommes de 266 688,88 euros en remboursement de ses débours pour les prestations temporaires, et de 371 312,98 euros en remboursement de ses débours pour les prestations viagères, portant intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2019 ;

Condamne in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 15]-[Localité 22] la somme de 18 euros en complément de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Ordonne la capitalisation des sommes dues par année entière à compter du 31 mars 2020 ;

Dit n'y avoir lieu à déclarer l'arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 15]-[Localité 22] et à la mutuelle Smeno de [Localité 15], et opposable à la société Maif ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne in solidum l'association Aroeven et la société Maif aux entiers dépens d'appel ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, recouvrera directement contre l'association Aroeven et la société Maif, les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne in solidum l'association Aroeven et la société Maif à payer à M. [W] [D], Mme [Y] [D] et Mme [S] [T] veuve [D], agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants-droit de [B] [D], M. [Z] [K], Mme [X] [F] épouse [K], M. [I] [K], et Mme [N] [K], agissant en qualité d'ayants-droit de [R] [K], la somme de 3 000 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 15]-[Localité 22] la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 20/02260
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;20.02260 ?
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