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04/05/2023 | FRANCE | N°22/04282

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 04 mai 2023, 22/04282


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 04/05/2023





****





N° de MINUTE : 23/156

N° RG 22/04282 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UPLL



Ordonnance (N° 22/00102) rendue le 20 Juillet 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer







APPELANTS



Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8] (62)

de nationalité Française
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[Localité 10]



Madame [W] [D]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 9] (Senegal) (62)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]



Représentés par Me Olivier Desloover, avocat au b...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE : 23/156

N° RG 22/04282 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UPLL

Ordonnance (N° 22/00102) rendue le 20 Juillet 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTS

Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8] (62)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Madame [W] [D]

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 9] (Senegal) (62)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentés par Me Olivier Desloover, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [S] [Z]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

Madame [N] [Z] épouse née [L]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 15 février 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 février 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

M. et Mme [M] sont propriétaires depuis 2020 d'une maison d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 10], voisine du terrain arboré de M. et Mme [Z].

Se plaignant de troubles résultant de la présence de six peupliers de taille importante, M. et Mme [M] ont demandé à leurs voisins de procéder à l'abattage de ces arbres, en vain.

Ils ont donc fait assigner M. et Mme [Z] aux fins de voir condamner ces derniers, sous astreinte, à élaguer les arbres à une hauteur de deux mètres et d'obtenir le paiement de provisions en réparation du préjudice subi.

Par une ordonnance du 20 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer a :

rejeté les demandes des époux [M]

condamné in solidum les époux [M] à payer aux époux [Z] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamné les époux [M] aux dépens

Par déclaration au greffe du 9 septembre 2022, la société Chenil de l'Yser a interjeté appel de cette ordonnance de référé en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 1er février 2023, M. [I] [M] et Mme [W] [M] née [D] demandent à la cour de :

-ordonner l'abattage des peupliers situés en limite de propriété des parcelles sises à [Localité 10], cadastrées section AD [Cadastre 5] et AD [Cadastre 4], à l'origine du trouble qu'ils subissent et à défaut, leur élagage à une hauteur de 2 m, et à défaut, de 6 m, avec obligation de couper, en limite de propriété, les racines envahissant le terrain des requérants et ce, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, le tout, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant un délai de 3 mois.

Se réserver le droit de liquider l'astreinte.

condamner M. et Mme [Z] d'une somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices matériel et moral.

les condamner au paiement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens de l'instance

débouter M. et Mme [Z] de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ils rappellent que l'implantation des arbres à une distance conforme aux dispositions de l'article 671 du code de civil est indifférente.

Invoquant les dispositions des articles 544 et 1382 du code civil, ils considèrent qu'ils subissent un trouble anormal de voisinage caractérisés par les désagréments subis et résultant de la présence de racines sur leur propriété ainsi que de feuilles à l'origine de la dégradation du toit de leur véranda et des gouttières de la maison.

Ils soutiennent qu'ils subissent un préjudice matériel et moral résultant de la nécessité de procéder au nettoyage ou faire procéder au nettoyage de leurs gouttières, au ramassage des feuilles mortes ou encore au nettoyage de leur véranda.

Dans leurs conclusions notifiées le 3 février 2023, Mme [N] [Z] née [L] et M. [S] [Z] et Mme [V] demandent à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

y ajoutant

condamner solidairement M. et Mme [M] à leur la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

les condamner aux entiers dépens de la présente instance.

Ils concluent à l'absence de trouble manifestement illicite en faisant valoir que les arbres litigieux sont implantés à plus de six mètres de la limite séparative des fonds et ont plus de 70 ans d'âge. A cet égard, ils soutiennent que l'élagage d'arbres de cet âge pour les ramener à une hauteur de 2 ou même de 6 mètres conduirait à leur déperdition.

Ils se prévalent également de l'antériorité de la présence des arbres par rapport à l'acquisition du terrain et à la construction de leur maison d'habitation par les époux [M].

Ils considèrent par ailleurs que la preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée.

Ils soutiennent qu'il appartient aux époux [M] de couper eux-mêmes les racines présentes sur leur propriété ce en application de l'article 673 du code civil.

Ils considèrent enfin qu'en l'absence de justification d'un préjudice en lien avec la présence des arbres, la demande de provision doit être rejetée.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 6 février 2023.

MOTIFS

Sur le trouble manifestement illicite

L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Est constitutif d'un trouble manifestement illicite un trouble anormal de voisinage.

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité sans faute dont la mise en 'uvre suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de voisinage, en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

Il incombe à M. et Mme [M] d'établir la réalité du trouble et son caractère illicite.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les distances de plantation des peupliers litigieux respectent les prescriptions de l'article 671 du code civil et que les arbres sont plantés depuis plus de trente ans.

Néanmoins, une telle circonstance n'interdit pas au voisin de demander leur suppression ou leur élagage lorsque leur présence lui cause un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage.

Il ressort des procès-verbaux de constat dressés le 2 décembre 2021 et le 21 octobre 2022 auxquels sont annexées des photographies que six peupliers de plus de 30 mètres de hauteur sont implantés sur le terrain des époux [Z] à plus de deux mètres de la limite séparative des deux fonds, que le sol du jardin et de la cour des époux [M] de même que la toiture de leur véranda ainsi que les gouttières et les chéneaux sont recouverts de feuilles mortes de peuplier, que les baies coulissantes de la véranda présentent des taches de verdure et de la mousse végétale laquelle est également présente sur l'ensemble de la toiture de la maison.

Il est indéniable que la présence de feuilles mortes en provenance de la parcelle voisine, en quantité importante qui n'est pas niée, impose, chaque année à l'automne, aux époux [M] un nettoyage de leur propriété.

D'ailleurs, les époux [M] produisent deux factures de nettoyage des chéneaux du 17 novembre 2020 et du 30 novembre 2022.

Néanmoins, si ces travaux de nettoyage constituent assurément des désagréments, ils ne sont pas constitutifs d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et ce d'autant plus que le procès-verbal de constat dressé le 28 avril 2022 à la requête M. [Z] de même que le plan figurant en page 2 du procès- verbal de constat du 22 octobre 2022, font apparaitre que la propriété des époux [M] a été édifiée face à une zone boisée au sein de laquelle se trouvent plusieurs parcelles dont celle des époux [Z] de sorte que ces désagréments sont inhérents à la présence d'arbres dans l' environnement d'une propriété.

Par ailleurs, si la facture du 30 novembre 2022 porte notamment sur la réparation d'un chéneau, il n'est aucunement démontré que les désordres auxquels il a été remédié étaient consécutifs à la présence de feuilles mortes de peupliers comme l'a déclaré à l'huissier de justice Mme [M] qui déplorait la présence d'une fissure et d'un trou dans le plafond du garage. Il en est de même s'agissant des taches de verdure et de la présence de mousse sur la toiture.

En outre, s'il a été constaté la présence de racines dans le jardin à proximité des peupliers litigieux, aucun élément ne permet d'établir que ces racines proviennent desdits peupliers alors en outre qu'aucun dommage particulier n'est allégué et avéré.

Enfin, M. [Z] justifie avoir procédé à la coupe de branches d'un peuplier débordant sur la propriété des époux [M].

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la preuve de l'illicéité manifeste du trouble causé par la présence de peupliers sur le fonds des époux [Z] n'est pas rapportée.

Dans ces conditions, M. et Mme [M] seront déboutés de leur demande tendant à voir ordonner à M. et Mme [Z] d'avoir à procéder à l'abattage des peupliers ou à leur élagage.

Compte tenu de l'issue du litige, la demande de provision, devenue sans objet, sera rejetée.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit d'une part à confirmer l'ordonnance attaquée sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part, à condamner M. et Mme [M], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à M. et Mme [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 20 juillet 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [M] et Mme [W] [M] née [D] à payer les dépens d'appel ;

Condamne M. [I] [M] et Mme [W] [M] née [D] à payer à M. [S] [Z] et Me [N] [Z] née [L] la somme totale de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel. 

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/04282
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;22.04282 ?
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