La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2023 | FRANCE | N°22/02893

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 04 mai 2023, 22/02893


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 04/05/2023





****





N° de MINUTE : 23/152

N° RG 22/02893 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKW3



Jugement (N° 22/00491) rendu le 30 Mai 2022 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANT



Monsieur [L] [C]

né le 10 Novembre 1986 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Loc

alité 2]



Représenté par Me Erwan Le Briquir, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Alexandre Le Pallec, avocat au barreau de Lille





INTIMÉE



Société Macif Société d'Assurance Mutuelle agissant p...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE : 23/152

N° RG 22/02893 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UKW3

Jugement (N° 22/00491) rendu le 30 Mai 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [L] [C]

né le 10 Novembre 1986 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Erwan Le Briquir, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Alexandre Le Pallec, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Société Macif Société d'Assurance Mutuelle agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 16 mars 2023 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023 après prorogation en date du 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 février 2023

****

EXPOSE DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [L] [C] a souscrit un contrat de prévoyance auprès de la Macif, garantissant le risque invalidité selon l'option « essentielle ».

En 2016, M. [C] a été victime d'un accident dans le bassin de réception d'un toboggan aquatique au sein d'un camping.

Cet accident lui a causé des séquelles tétraplégiques ayant déterminé la fixation d'un déficit fonctionnel permanent de 90 % à compter du 15 juillet 2018, date de sa consolidation, selon le rapport d'expertise judiciaire confiée au docteur [G].

M. [C] et la Macif ont signé un document intitulé « procès-verbal de transaction » en novembre 2019, qui prévoit le calcul d'une rente annuelle au profit de la victime d'un montant de 19 116 euros, complété d'une « majoration forfaitaire pour dépendance totale » d'un montant de 14 180 euros, soit un montant total de 33 276 euros.

À compter du 1er avril 2021, la Macif n'a versé qu'une partie des sommes visées par ce document, ayant invoqué la déductibilité de la pension d'invalidité que la caisse primaire d'assurance-maladie verse à M. [C].

M. [C] a assigné la Macif devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de paiement des indemnités non versées et en exécution forcée de la convention signée les 21 et 22 novembre 2019.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 30 mai 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

1- débouté M. [C] de sa demande en paiement et de sa demande tenant à enjoindre, sous astreinte, à la Macif de respecter ses obligations contractuelles ;

2- condamné la Macif à verser à M. [C] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

3- condamné M. [C] aux dépens ;

4- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

5- débouté les parties de leurs autres demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 15 juin 2022, M. [C] a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, et 3 à 5 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, M. [C], appelant, demande à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau, d'infirmer le jugement critiqué en ses dispositions visées par la déclaration d'appel, rejeter les moyens développés par la Macif, et statuant à nouveau de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;

- condamner la Macif à lui verser une somme de 35 182,89 euros (somme arrêtée à fin 2022), à parfaire jusqu'au prononcé du jugement ;

- majorer cette somme des intérêts moratoires à compter du 27 juin 2021 ;

- enjoindre à la Macif de respecter ses obligations contractuelles ;

- prononcer cette injonction sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de reprise des règlements dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement ;

- condamner la Macif à lui régler la somme de 1 000 euros pour résistance abusive ;

- condamner la Macif à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur l'appel incident : débouter le Macif de sa demande de réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de dommages intérêts.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

le document signé avec la Macif, qui en est la rédactrice, s'analyse comme une transaction, sans que l'absence de mention « bon pour transaction » importe ; des concessions réciproques sont intervenues, dès lors qu'en renonçant à exercer une action judiciaire la Macif a ainsi évité une procédure aléatoire et que cet assureur a décidé de l'indemniser à titre commercial au-delà des conditions générales du contrat en ne déduisant pas le montant de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie pour mettre un terme au litige. A l'inverse, l'assuré se déclare indemnisé à forfait de tous ses préjudices liés à l'accident et renonce par conséquent à toute action à ce titre. La renonciation de la Macif à déduire la rente selon les conditions contractuelles constitue ainsi une concession, de sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si une telle renonciation est ou non explicite dans le procès-verbal, étant précisé qu'un tel assureur dispose d'une compétence excluant qu'une telle omission résulte d'une erreur.

en tout état de cause, ce document s'analyse comme un contrat opposable à l'assureur, qui doit être exécuté de bonne foi par la Macif.

la Macif n'a commis aucune erreur lors de la signature de ce contrat, alors qu'elle en est l'auteur et qu'elle a également rédigé les conditions générales visant la déduction de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie, étant précisé qu'il s'agit d'une prestation versée par des organismes relevant du régime obligatoire.

la Macif n'a procédé à aucun versement indu, dès lors que les sommes versées avant le 1er avril 2021 étaient dûes en exécution de ce document.

sa propre créance s'élève à hauteur des sommes non versées par la Macif en violation de son engagement contractuel, dont la validité implique que l'assureur en respecte les termes, sous astreinte.

la responsabilité contractuelle de la Macif est engagée, alors que son préjudice résultant d'une inexécution fautive de ses obligations par cet assureur s'est prolongé au-delà du jugement de première instance.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 13 novembre 2022, la Macif, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande en paiement et de sa demande à l'enjoindre sous astreinte de respecter ses obligations contractuelles et que le document en date des 21 et 22 novembre 2019 n'est pas une transaction et n'a pas l'autorité de la chose jugée d'une transaction ;

- prononcer, dans le cadre de son pouvoir d'évocation ou de l'appel incident, l'annulation sur base de l'erreur pour vice du consentement du contrat passé entre les parties le 21 et 22 novembre 2019 conformément à l'article 1130 du code civil ;

A titre subsidiaire, si par impossible la cour considérait que le document en date des 21 et 22 novembre 2019 est une transaction : annuler cette transaction sur base de l'erreur pour vice du consentement au visa de l'article 2053 du code civil ;

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour ne retenait aucune des deux options sollicitées (article 1302 et suivants du code civil), condamner à titre provisionnel M. [C] à lui payer au titre de la répétition de l'indu la somme de 16 503,30 euros, les comptes étant arrêtés au 27 avril 2021 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a accordé une somme de 2 000 euros à titre dommages et intérêts à M. [C] ;

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions,

- le condamner aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la Macif fait valoir que :

M. [C] n'a jamais contesté que la rente devait contractuellement être déduite de l'indemnité versée à ce dernier, alors qu'il avait connaissance de l'existence d'une telle rente avant la signature du document signé en novembre 2019, dès lors que son attribution lui a été notifiée le 6 août 2019. Elle n'a en revanche connu l'existence de cette rente que postérieurement à la signature de ce document.

le document litigieux n'est pas une transaction, mais une lettre d'acceptation : (i) la mention « bon pour transaction » n'y figure pas ; (ii) ce document ne précise pas les contours de son objet ; (iii) il ne comporte pas de concessions réciproques de la part des parties : seul M. [C] y renonce à l'exercice d'une action en justice, alors qu'elle ne fait pour sa part aucune concession dans la mesure où elle exécute simplement les termes du contrat pour fixer l'indemnité au regard des conclusions de l'expertise.

ce document est nul dès lors qu'une erreur a été commise concernant l'absence de prise en compte des prestations versées par la sécurité sociale, qui a été causée par la chronologie, dès lors que M. [C] n'a pas communiqué la notification de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie antérieurement à la conclusion de procès-verbal ; le tribunal judiciaire n'a pas statué sur une telle demande d'annulation ;

le paiement n'est pas dû : s'agissant d'un indu objectif qui repose sur l'absence d'existence de la dette ou sur un paiement excessif, la démonstration d'une erreur par celui qui a trop payé n'est pas nécessaire.

aucune faute n'est démontrée à son encontre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'une transaction :

En application de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Pour autant, l'exigence d'un écrit n'est requise qu'à titre probatoire, dès lors qu'il s'agit d'un contrat consensuel. Il en résulte qu'aucun formalisme n'est nécessaire à sa validité et que l'apposition ou non d'une mention telle que « bon pour transaction » est indifférente.

Pour le même motif, la circonstance que ce document soit intitulé « procès-verbal de transaction » est également indifférente, alors que la cour n'est pas tenue par la qualification retenue par les parties et que seule la réunion cumulative des conditions visées par l'article 2044 du code civil permet de valider la nature transactionnelle de ce contrat.

En l'espèce, le document signé les 21 et 22 novembre 2019 comporte notamment les stipulations suivantes :

« article 1er : - Droit à indemnisation :

Le 15 juillet 2016, [C] [L] a été vitime d'un accident de la vie privée.

En application des dispositions du contrat garantie accident article 7 « garantie invalidité », la Macif indemnise le préjudice corporel de [C] [L] sur cette base.

Article 2 - Expertise médicale

La nature et l'importance du dommage corporel résultant de cet accident ont été déterminées par voie d'expertise médicale judiciaire confiée au Dr [G] dont le coût a été fixé à 1700 €.

[C] [L] est assisté du Docteur [T].

Les conclusions médicales qui ont été portées à la connaissance de [C] [L] sont consignées dans le rapport du 26 mai 2019 et les parties en acceptent les termes comme base de transaction.

Article 3 - Indemnisation du préjudice

L'étude des postes est limitée au DFP et à l'évaluation de la possibilité de réaliser seul les actes de la vie courante tels que décrits au contrat.

La date de consolidation est fixée au 15/07/2018 soit à deux ans de l'accident.

Le déficit fonctionnel permanent est fixé à 90% compte tenu d'une tétraplégie avec un niveau moteur au niveau sensitif T6

Mr [C] est décrit comme dans l'impossibilité définitive de réaliser seul et sans aide les actes de courante suivante:

Se coucher,

se laver

S'habiller ou se déshabiller

Boire ou manger

Se laver et aller aux toilettes

Se déplacer de son logement

CALCUL ( p. 12 du contrat) de la rente annuelle

- DFP : 10 UC x Option soit 10 X 354 (UC 2019) x S = 21 240 € x taux d'incapacité 90%= 19 116 €

- Majoration forfaitaire pour dépendance totale; 40 UC soit 40 x 354= 14160 €

Article 4 - Modalités de règlement et d'exécution des engagements

Les parties conviennent des modalités suivantes:

La réparation du préjudice sera réglée sous forme de rente viagère d'un montant annuel de 33276 euros à compter du 1er janvier 2020 soit 2773 €/ mois réglés par trimestre échu.

Les arrérages calculés entre la date de consolidation et la date de versement de la rente seront versés à terme échu trimestriellement et arrêtés au 31/12/2019.

Seront déduits de ces demiers, la somme de 26 000 euros correspondant à la provision judiciaire réglée.

Moyennant l'exécution des engagements susvisés [C] [L] déclare en toute connaissance de cause être entièrement indemnisé à titre définitif et à forfait de tous préjudices ou dommages quelconques et généralement de toutes les conséquences de l'accident, au titre du contrat garantie Accident option 6 renonce à toute instance ou toute autre action devant quelque juridiction que ce soit. [...]  »

S'agissant de l'objet du litige, la cour observe qu'ayant contesté l'existence d'une volonté des parties de transiger, la Macif n'invoque pas la nullité d'une transaction pour défaut de concessions réciproques, mais sollicite que l'acte signé les 21 et 22 novembre 2019 et intitulé « procès-verbal de transaction » soit simplement disqualifié.

=$gt; En premier lieu, la motivation des premiers juges, qui ont valablement analysé ce contrat pour en conclure qu'il ne comporte pas de concessions réciproques des parties, est adoptée par la cour.

À cet égard, l'examen des stipulations de cette convention fait ressortir que seul M. [C] renonce à exercer une action judiciaire en exécution de cette convention au titre de l'indemnisation de l'invalidité garantie par le contrat d'assurance souscrit auprès de la Macif.

A l'inverse, la détermination du montant de la rente annuelle résulte d'une part de la stricte application des conditions contractuelles, étant observé qu'aucune partie n'allègue que la fixation d'un taux de déficit fonctionnel permanent à hauteur de 90 % constitue une quelconque concession par l'assureur, alors que ce dernier n'indique pas dans l'acte litigieux qu'il prétendrait qu'un taux inférieur puisse être retenu. Le paiement par l'assureur d'une indemnité prévue par la police d'assurance ne constitue pas, en lui-même, une concession réciproque et ne caractérise donc pas la conclusion d'une transaction (Cass. 1 Civ., 4 juin 2014, n° 13-11749).

D'autre part, si une concession peut résulter d'une renonciation par une partie à une prétention dans le cadre synallagmatique d'une transaction, encore faut-il qu'une telle prétention soit préalablement formulée dans l'acte et que cette renonciation ne soit pas équivoque.

En l'espèce, la Macif n'a pas rappelé le caractère déductible de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie préalablement à toute concession et n'a pas exprimé de façon univoque sa volonté de consentir à l'indemnisation du sinistre sans y appliquer une telle déductibilité.

Il en résulte que le caractère réciproque des concessions qu'exige la qualification de transaction fait défaut.

=$gt; En second lieu, la qualification de transaction implique l'existence d'un litige né ou à naître, auquel la transaction a vocation à mettre un terme. À cet égard, M. [C] vise une jurisprudence rappelant qu'une concession de l'assureur peut résulter du versement d'une somme que ce dernier ne considérait pas comme contractuellement due, mais concédée à titre commercial, pour mettre un terme à un litige persistant depuis de nombreuses années.

En l'espèce, aucun élément litigieux n'est toutefois invoqué par l'une ou l''autre partie, alors que les parties s'accordent à l'inverse sur la mise en 'uvre du contrat pour déterminer le montant de la rente annuelle de l'assuré, et ceci dans des délais rapides à l'issue du dépôt des conclusions de l'expert judiciaire et sur la base d'un rapport sur lequel aucune réserve n'est exprimée par les parties. En réalité, les parties à l'acte n'y expriment pas de prétentions initiales, qui seraient conflictuelles et sur lesquelles porterait une transaction.

La qualification de transaction n'est ainsi pas applicable à l'acte litigieux. Il n'y a pas lieu de statuer sur l'annulation d'une transaction.

Sur la nullité de l'acte signé les 21 et 22 novembre 2019 :

L'acte signé les 21 et 22 novembre 2019 s'analyse en définitive comme un accord d'indemnisation, dans lequel les parties n'ont fait qu'acter la mise en 'uvre des garanties prévues au contrat, tant au titre d'une rente annuelle viagère qu'au titre d'une majoration forfaitaire pour dépendance totale.

Cet acte synallagmatique impose ainsi à la Macif de respecter la fixation de l'indemnisation à hauteur des montants sur lesquels les parties se sont accordées au regard d'un déficit fonctionnel permanent de 90 % et d'une perte d'autonomie justifiant l'indemnisation au titre d'une majoration forfaire pour dépendance totale.

Pour autant, la Macif sollicite l'annulation de cet acte en invoquant une erreur ayant affecté son consentement lors de sa formation, pour s'opposer au paiement de la rente qu'il détermine en exécution du contrat d'assurance.

En présentant une telle demande, la Macif admet en réalité que la déductibilité de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie est intégrée dans le champ contractuel de l'acte signé en novembre 2019, dont l'objet n'est ainsi pas limité à la seule fixation de l'indemnité brute selon les modes de calcul fixés par les stipulations du contrat souscrit par M. [C].

Une telle demande implique ainsi, conformément à la demande d'exécution forcée de M. [C] de cet acte signé en novembre 2019 que cette convention s'exécute indépendamment du contrat d'assurance sur lequel elle repose et des clauses qui étaient susceptibles d'être par ailleurs opposées par la Macif à son assuré en application de cette police.

Les premiers juges n'ayant pas statué sur la demande d'annulation, la cour peut valablement statuer sur celle-ci au titre de l'effet dévolutif de l'appel formé à l'encontre du jugement affecté d'une telle omission.

A l'appui de sa demande d'annulation, la Macif vise exclusivement l'article 1130 du code civil, qui englobe l'ensemble des vices du consentement.

S'agissant de l'erreur, l'article 1133 du code civil dispose qu'à moins qu'elle soit inexcusable, ce vice est une cause de nullité du contrat lorsqu'il porte sur les qualités essentielles de la prestation due.

En l'espèce, la Macif prétend avoir commis une erreur lors de la conclusion du contrat, en ne prenant pas « en compte les prestations versées par les organismes relevant du régime obligatoire en dépit de l'exclusion prévue par l'article 7D de la garantie invalidité ».

Dans un paragraphe intitulé « limites de la garantie invalidité », cette clause du contrat d'assurance stipule : « les indemnités versées par un régime de base de protection sociale (pension d'invalidité ou rente), y compris au titre d'un accident de trajet domicile-travail, viennent en déduction de la rente (ou de son capital représentatif) que nous vous versons au titre du même accident ».

L'erreur sur le montant de la rente attribuée à M. [C] par l'acte signé en novembre 2009 porte ainsi sur des qualités essentielles de la prestation due, dès lors que le montant de la rente à la charge de la Macif est modifié dans d'importantes proportions par une telle absence de déduction de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie. À cet égard, M. [C] ne disconvient pas qu'il résulte du contrat d'assurance que la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie est déductible de l'indemnisation versée par l'assureur, alors que l'existence d'une telle rente n'est pas davantage contestée.

L'erreur invoquée ne porte toutefois pas sur l'objet même de la convention, dès lors que la Macif n'invoque pas avoir eu la volonté de conclure sur un autre objet que la fixation de l'indemnisation du sinistre subi par M. [C] en exécution du contrat de prévoyance souscrit par ce dernier.

Il en résulte que l'erreur invoquée doit être excusable pour qu'elle puisse entraîner la nullité du contrat. Par ailleurs, le caractère excusable de l'erreur s'apprécie à l'aune des compétences de celui qui l'invoque.

A ce titre, l'erreur invoquée résulte de la propre négligence de la Macif dans la rédaction de l'acte litigieux qu'elle a elle-même élaboré, étant observé qu'elle est également la rédactrice des conditions générales du contrat d'assurance comportant la clause dont elle prétend avoir été privée du bénéfice.

Alors qu'elle avait nécessairement connaissance de l'article 7D de ses propres conditions générales, il s'observe qu'au moment de la signature de l'acte litigieux, la Macif disposait de l'expertise médicale sur la base de laquelle il a été rédigé. Dès lors, cet assureur avait alors connaissance que M. [C] :

était salarié au moment de l'accident, dès lors qu'il travaillait comme opérateur de production usine de métallurgie ;

était affilié auprès de la caisse primaire d'assurance-maladie, dont le médecin conseil a d'ailleurs présenté des observations dans le cadre des opérations d'expertise ;

présentait un déficit fonctionnel permanent de 90 % et était définitivement privé de la possibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle, de sorte que cet assureur ne pouvait ignorer qu'au titre de telles séquelles, M. [C] avait nécessairement vocation à être reconnu invalide par la sécurité sociale et à bénéficier à ce titre d'une rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie.

Dès lors, la seule circonstance que M. [C] n'ait pas spontanément communiqué avant la signature de l'acte litigieux à son assureur la décision d'attribution d'une rente par la caisse primaire d'assurance-maladie est indifférente, alors qu'elle n'a pas déterminé l'ignorance par la Macif de l'existence d'une telle rente, étant observé que cette dernière n'invoque pas un dol commis par son assuré.

Ayant vocation à maîtriser la mise en 'uvre des garanties qu'il offre à ses souscripteurs, un tel assureur dispose enfin d'une expérience dans la rédaction d'accord d'indemnisation, qui exclut qu'il puisse ainsi commettre l'erreur qu'il invoque.

Dans ces conditions, il convient de débouter la Macif de sa demande d'annulation de l'acte signé en novembre 2019.

Sur l'exécution forcée de l'acte signé les 21 et 22 novembre 2019 :

La Macif est ainsi tenue d'exécuter intégralement l'accord d'indemnisation signé en novembre 2019.

Il en résulte que :

d'une part, la Macif ne peut invoquer un paiement indu au profit de M. [C]. Les versements effectués jusqu'en avril 2021 ont été réalisés en exécution d'un contrat valable, de sorte que l'assureur ne peut en solliciter la restitution.

d'autre part, M. [C] dispose d'une créance à l'encontre de la Macif, au titre des sommes non versées par l'assureur dans le cadre d'une modification de la rente effectivement payée à son assuré en violation de ses obligations contractuelles.

A ce titre, la Macif ne conteste pas le montant des indemnités sollicitées par M. [C], qui correspond à la différence entre les sommes contractuellement fixées par cet accord d'indemnisation et celles unilatéralement déterminées par la Macif dans l'exécution de cet accord, après déduction de la provision de 26 000 euros dont l'assuré a par ailleurs bénéficié.

Par courrier du 13 décembre 2021, la Macif a ainsi avisé M. [C] qu'elle avait « suspendu » à compter du 1er avril 2021 les versements de la rente, en l'absence de paiement du trop-perçu qu'elle alléguait dans un courrier du 27 avril 2021.

Alors qu'une telle suspension n'est pas justifiée, notamment en l'absence de tout paiement indu, il convient de condamner la Macif à payer à M. [C] la somme non contestée de 35 182,89 euros, correspondant aux sommes non versées par l'assureur en violation de l'accord d'indemnisation de novembre 2019 et arrêtée à la fin du troisième trimestre 2022.

Conformément à l'article 1231-6 du code civil, cette somme porte intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2021, date de mise en demeure adressée par le conseil de M. [C] à la Macif.

enfin, M. [C] est fondé à solliciter la condamnation sous astreinte de la Macif à exécuter cet accord d'indemnisation, sans que cette dernière puisse invoquer le bénéfice de la déduction de la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie.

Alors que M. [C] a sollicité de parfaire les sommes visées dans son dispositif pour prendre en compte l'absence de versement de la rente jusqu'au présent arrêt, il n'a pas actualisé les montants dont il sollicite le paiement. Pour autant, l'injonction d'exécution forcée de l'accord d'indemnisation a vocation à s'appliquer aux échéances trimestrielles à compter du quatrième trimestre 2022, dans les conditions visées au dispositif du présent arrêt.

Sur la faute contractuelle de la Macif :

La Macif a modifié unilatéralement les termes de l'accord d'indemnisation signé en novembre 2009 en cours d'exécution de la convention. Elle a ainsi opposé une résistance abusive à l'indemnisation de son assuré et a manqué à son obligation de bonne foi, alors qu'une telle faute contractuelle a causé un préjudice à M. [C] constitué par la nécessité de poursuivre le paiement de nombreuses dépenses liées à sa perte d'autonomie sans percevoir une partie importante de ses capacités financières à la suite d'une telle cessation unilatérale de paiement de la rente par la Macif.

Le jugement ayant condamné la Macif à indemniser M. [C] de ce préjudice est d'une part confirmé, alors qu'en raison de la prolongation des conséquences d'une telle faute depuis l'intervention du jugement critiqué, il convient de compléter cette indemnisation au titre de la période allant jusqu'au présent arrêt par la condamnation de la Macif à payer à M. [C] une somme supplémentaire de

1 000 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

et d'autre part, à condamner la Macif, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à M. [C] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Réforme le jugement rendu le 30 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la Macif à verser à M. [C] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Le confirme de ce seul chef ;

Et statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant :

Dit que l'acte signé les 21 et 22 novembre 2019 par la Macif et M. [L] [C] ne s'analyse pas comme une transaction au sens de l'article 2044 du code civil ;

Déboute la Macif de sa demande d'annulation de l'acte signé les 21 et 22 novembre 2019 ;

Fait injonction à la Macif d'exécuter intégralement les termes de cet acte signé les 21 et 22 novembre 2019, sans déduction du montant de la rente d'invalidité versée à M. [L] [C] par la caisse primaire d'assurance-maladie et de lui verser par conséquent à chaque échéance trimestrielle de la rente, une somme correspondant à :

10 unités de compte (revalorisable) x 6 x 90 %, au titre de la rente déficit fonctionnel permanent ;

40 unités de compte, au titre de la majoration forfaitaire pour dépendance totale ;

Dit qu'au titre de cette injonction, les échéances de rente échues à compter du 4ème trimestre 2022 et jusqu'au présent arrêt doivent être payées à M. [L] [C] par la Macif avant le 01er juin 2023 ; assortit cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jours de retard, à compter du 2 juin 2023 et ce pendant une durée de 3 mois à l'issue de laquelle il sera statué sur la liquidation de l'astreinte à l'initiative de la partie la plus diligente ;

Dit qu'au titre de cette injonction, les échéances de rente échues à compter du présent arrêt doivent être payées à M. [L] [C] par la Macif à chaque échéance trimestrielle du service de la rente ; assortit cette injonction faite à la Macif de payer à M. [L] [C] chaque rente échue trimestriellement d'une astreinte de 1 000 euros par manquement constaté ;

Se réserve la liquidation desdites astreintes ;

Condamne la Macif à payer à M. [L] [C] la somme de 35 182,89 euros, correspondant aux sommes non versées par l'assureur en violation de l'accord d'indemnisation des 21 et 22 novembre 2019, ladite créance incluant la troisième échéance trimestrielle de l'année 2022 ;

Dit que cette somme produit des intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2021 ;

Condamne la Macif à payer à M. [L] [C] la somme de 1 000 euros au titre d'une inexécution fautive de l'acte signé les 21 et 22 novembre 2019, ladite somme portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute la Macif de sa demande de restitution au titre d'un indu ;

Condamne la Macif aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la Macif à payer à M. [L] [C] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02893
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;22.02893 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award