ARRÊT DU
14 Avril 2023
N° 569/23
N° RG 21/01881 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5UH
MLBR/VDO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'arras
en date du
21 Septembre 2021
(RG 20/00258 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 14 Avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [C] [V]
[Adresse 2]
représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. TRANSPORT [I] [B]
[Adresse 1]
représentée par Me Barbara FISCHER, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 07 Mars 2023
Tenue par Marie LE BRAS
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Anne STEENKISTE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 février 2023
EXPOSÉ DU LITIGE':
M. [C] [V] a été embauché en qualité de chauffeur routier par la SARL Transports [I] [B] du 29 mai au 30 juillet 2017 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclu pour le motif allégué d'un accroissement temporaire d'activité.
Par avenant du 29 juillet 2017, le contrat de travail a été renouvelé pour le même motif du 31 juillet 2017 au 31 mars 2018.
Le 16 octobre 2017, M. [V] a été victime d'un accident de travail.
Par courrier recommandé du 22 mars 2018, la société Transports [I] [B] a notifié à M. [V] la cessation de son contrat au terme initialement convenu.
Par requête du 10 janvier 2020, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras afin de solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d'obtenir diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement contradictoire du 21 septembre 2021, le conseil de prud'hommes d'Arras a':
- jugé que l'action engagée par M. [V] n'est pas prescrite,
- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Transports [I] [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 26 octobre 2021, M. [V] a interjeté appel du jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 24 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [V] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ses dispositions critiquées,
- requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- condamner la société Transports [I] [B] à lui payer la somme de 2 182,79 euros net à titre d'indemnité de requalification,
- juger son licenciement nul et de nul effet,
- condamner la société Transports [I] [B] à lui payer les sommes suivantes':
*2 182,79 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 218,27 euros brut au titre des congés payés y afférents,
*496,58 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
*13 096,74 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- débouter en conséquence la société Transports [I] [B] de son appel incident et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 de première instance et d'appel à hauteur de 3 000 euros,
- condamner la société Transports [I] [B] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Transports [I] [B] demande à la cour de':
A titre principal,
- juger l'action engagée par M.[V] prescrite et le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance et 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
A titre subsidiaire,
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance et 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- condamner M. [V] aux dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION':
- sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée :
* sur la prescription de l'action de M. [V] :
Dans le cadre de son appel incident, la société Transport [I] [B] soutient que la demande de M. [V] tendant à la requalification de son contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée est prescrite, faisant valoir que s'agissant d'une action portant sur la rupture du contrat en ce qu'elle vise à obtenir diverses indemnités liées à la fin de la relation de travail, le délai de prescription est d'un an.
Toutefois, c'est à raison que les premiers juges ont retenu qu'une telle action fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée porte sur l'exécution du contrat, et non sa rupture, puisqu'elle vise à contester la régularité dudit contrat.
Le délai de prescription étant biennal et son point de départ fixé au terme du contrat, l'action de M. [V] n'était pas prescrite au jour de sa requête devant le conseil de prud'hommes. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
* sur le bien fondé de la demande de requalification :
M. [V] fait grief au jugement d'avoir considéré que la société Transport [I] [B] avait valablement justifié de l'accroissement temporaire de son activité habituelle ayant motivé le recours à un contrat à durée déterminée.
Il soutient que les pièces produites par la partie adverse, en particulier l'attestation de son comptable pour la période de février à octobre 2017, sont insuffisantes pour constituer la preuve de l'accroissement allégué dans la mesure où celui-ci doit être établi sur l'ensemble de la période de travail et donc jusqu'en mars 2018. Il ajoute que pour apprécier l'évolution de l'activité de l'entreprise, il aurait été nécessaire de pouvoir la comparer avec d'autres périodes de référence.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Il en résulte qu'il ne peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d''uvre, l'employeur étant tenu de rapporter la preuve de l'accroissement temporaire de l'activité ayant justifié en vertu de l'article
L. 1242-2 2° du même code, le recours à un tel contrat.
Il sera également rappelé que contrairement à ce que soutient le salarié, la cause du recours au contrat à durée déterminée s'apprécie à la date de sa conclusion et non pendant toute la période de travail, soit en l'espèce au 29 juillet 2017, date de l'avenant prévoyant le renouvellement du contrat initial à compter du 31 juillet 2017 en raison de la persistance au-delà de l'échéance initialement prévue du motif du recours au contrat à durée déterminée.
Or, ainsi que les premiers juges l'ont justement retenu, il ressort de l'attestation de l'expert-comptable de la société Transport [I] [B] qu'entre février et mars 2017, son chiffre d'affaires a augmenté de près de 50%, se maintenant à ce niveau jusqu'en octobre 2017, signe d'un accroissement significatif d'activité notamment en juillet 2017, confirmé par une autre attestation comptable qui montre une augmentation de même importante de la facturation visant l'un de ses clients, la société TIM Transalliance, à cette même époque et plus particulièrement entre avril et juillet 2017.
A travers ces pièces, la société Transport [I] [B] rapporte la preuve suffisante de l'accroissement temporaire de son activité au jour du renouvellement du contrat à durée déterminée de M. [V].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande en requalification et en ses demandes financières subséquentes liées notamment à la rupture dudit contrat dès lors que celui-ci a pris régulièrement fin à son terme.
- sur les demandes accessoires :
Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance. Partie perdante, M. [V] devra également supporter les dépens d'appel.
L'équité commande également de confirmer les dispositions du jugement ayant débouté la société Transport [I] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et de la débouter de sa demande similaire s'agissant des frais exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris en date du 21 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
DIT que M. [C] [V] supportera les dépens d'appel.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS