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13/04/2023 | FRANCE | N°22/01375

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 13 avril 2023, 22/01375


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 13/04/2023



N° de MINUTE : 23/148

N° RG 22/01375 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFUQ



Jugement (N° 19/08885) rendu le 31 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille



APPELANTE



Madame [M] [N]

née le [Date naissance 2] 1961 à

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat

constitué



INTIMÉS



Monsieur [R] [I]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 10]



Représenté par Me Loïc Le Roy, avoca...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 13/04/2023

N° de MINUTE : 23/148

N° RG 22/01375 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UFUQ

Jugement (N° 19/08885) rendu le 31 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [M] [N]

née le [Date naissance 2] 1961 à

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [R] [I]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 10]

Représenté par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Olivier Leclere, avocat au barreau de Paris

Monsieur [H] [K]

né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée par Me Georges Lacoeuilhe, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant substitué par Me Isabelle Fuchs-Drapier, avocat au barreau de Paris

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Roubaix Tourcoing

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Benoît de Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 09 février 2023 après rapport oral de l'affaire par Yasmina Belkaid

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2023

****

Le 21 septembre 2012, Mme [N], aide-soignante à la clinique de la Louvière, s'est tordue le poignet droit alors qu'elle soulevait une patiente âgée.

Le lendemain, le médecin de service lui a prescrit une attelle et une radiographie était réalisée.

Les douleurs étant persistantes, le 24 septembre 2012, Mme [N] a consulté M. [K], chirurgien orthopédiste à la clinique de la [15], qui a diagnostiqué une entorse scapho-lunaire grave nécessitant une intervention chirurgicale immédiate.

L'intervention a été réalisée le lendemain par M. [K] et a consisté en la pose d'une broche scapho-capitale et d'une broche scapho-lunaire avec réduction du diastasis, le docteur [I] étant également intervenu en qualité d'anesthésiste.

Mme [N], victime de douleurs violentes, a de nouveau consulté M. [K] qui a prescrit une échographie qui révélera la présence d'un important hématome sur la moitié supérieure du bras dans sa partie interne qui sera évacué lors d'une hospitalisation du 2 au 3 octobre 2012.

L'immobilisation de la main dans la résine a été maintenue jusqu'à la 6ème semaine et les broches retirées en ambulatoire.

Puis, Mme [N] a présenté des paresthésies de type fourmillements dans tous les doigts de la main droite, une insensibilité du pouce et du bord externe du poignet et des douleurs.

Elle a été traitée par antalgique et médicaments neurotropes.

Bien que sa situation se soit améliorée, Mme [N] présentera toujours ses paresthésies.

Elle a donc saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux du Nord-Pas-de-Calais d'une demande d'indemnisation en mettant en cause les Docteurs [K] et [I], respectivement chirurgien orthopédiste et anesthésiste.

La Commission a désigné les docteurs [W] [Y] et [F] [X], en qualité d'experts, pour procéder à une mesure d'expertise et afin de se prononcer sur la responsabilité éventuelle des deux médecins.

Le 24 janvier 2015, le collège d'experts a déposé son rapport d'expertise aux termes duquel il a conclu à une faute au titre de l'absence d'indication chirurgicale imputable à M. [K] mais également, concernant une mauvaise gestion des anticoagulants en préopératoire imputable au Docteur [I].

Par un avis du 26 mars 2015, la Commission a retenu la responsabilité fautive des Docteurs [I] et [K] par moitié à l'origine du dommage subi par Mme [N].

En l'absence de règlement amiable du litige, Mme [N] a assigné les Docteurs [K] et [I] ainsi que la CPAM de Lille Douai devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir condamner in solidum les deux médecins à l'indemniser de son entier préjudice.

Par un jugement du 31 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

dit que [H] [K] a manqué à son devoir d'information à l'égard de Mme [M] [N]

débouté Mme [M] [N] de sa demande d'indemnisation au titre du devoir d'information tant à l'égard du Dr [H] [K] qu'à l'égard du Dr [R] [I]

sursis à statuer sur les demandes en paiement formées par Mme [M] [N] à l'encontre des Dr [H] [K] et [R] [I],

sursis à statuer sur les demandes en paiement formées par la CPAM de Roubaix Tourcoing à l'encontre des Dr [H] [K] et [R] [I],

réservé les dépens et les frais irrépétibles,

Avant dire droit,

ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder : Dr [J] [U] aux fins notamment de rechercher si la patiente a reçu de la part de ces deux praticiens, dans leur prise en charge de l'entorse scapho-lunaire grave dont Mme [M] [N] a été la victime, des soins conformes aux données acquises de la science et à la bonne pratique médicale au jour de leur suivi ; plus précisément, tant pour le Dr [H] [K] que pour le Dr [R] [I]

Par déclaration du 21 mars 2022, Mme [M] [N] a interjeté appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le Dr [H] [K] a manqué à son devoir d'information à son égard.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022, Mme [M] [N] demande à la cour de :

déclarer son appel recevable et bien fondée, et en conséquence :

infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que le Docteur [H] [K] a manqué à son devoir d'information à son égard

Statuant de nouveau :

déclarer sa demande recevable et bien fondée, et en conséquence :

débouter les docteurs [K] et [I], et la CPAM de Roubaix Tourcoing de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

déclarer le docteur [K] et le Docteur [I] responsables solidairement de l'entier préjudice subi

les condamner à l'indemniser de son entier préjudice comme suit :

défaut d'information : 5000 euros

DFT : 1712,50 euros

tierce personne temporaire : 2520 euros

PGPA : 792,42 euros

souffrances endurées : 6000 euros

préjudice esthétique temporaire : 500 euros

perte de gains professionnels futurs : 7111,44 euros

inaptitude professionnelle : 10000 euros

déficit fonctionnel permanent : 5400 euros

préjudice Esthétique permanent : 1000 euros

préjudice d'agrément : 3000 euros

soit au total la somme de 43 036,41 euros

dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ;

déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM de Roubaix-Tourcoing,

condamner les docteurs [K] et [I] à payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel

condamner les mêmes aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître [Z] [V] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Elle affirme que les premiers juges ont statué ultra petita en ordonnant à tort et d'office une mesure de contre-expertise médicale sans avoir préalablement recueilli l'avis des parties, ce en violation de l'article 5 du code de procédure civile, et alors que cette nouvelle mesure d'expertise est inutile aux regards des conclusions claires et précises des experts permettant de retenir la responsabilité du chirurgien et du médecin anesthésiste à l'origine du préjudice subi.

Elle recherche la responsabilité des docteurs [K] et [I] sur le fondement de l'article L.1142-1 I alinéa1 du code de la santé publique en invoquant :

s'agissant du docteur [K] : une non-conformité de la prise en charge médicale

Elle se prévaut du rapport d'expertise judiciaire qui a conclu que l'indication opératoire n'était pas justifiée, que l'urgence n'était pas justifiée et que l'exploration de l'entorse n'a pas été suffisante de sorte que la prise en charge du docteur [K] n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, peu important la nature récente ou ancienne de la lésion.

s'agissant du docteur [I] : une faute dans la gestion des anticoagulants en préopératoire

Elle fait valoir que tant le collège d'experts que la CCI du Nord de Calais ont considéré que l'apparition d'un hématome constituait un accident médical fautif.

Elle conclut que les deux médecins sont entièrement responsables de son préjudice qui ne constitue pas une perte de chance compte tenu de leur faute respective.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Elle considère que les fautes commises par les deux médecins sont à l'origine des complications de son état de santé dans les suites d'une entorse du poignet.

Elle précise qu'elle a présenté :

une lésion de la branche sensitive du nerf radial avec névrome sur la mise en place des broches

un hématome sur le site de réalisation du bloc axillaire en rapport avec un saignement musculaire chez une patiente dont le traitement anticoagulant n'a pas été adapté.

Elle sollicite donc la condamnation in solidum des deux médecins à l'indemniser de l'ensemble des préjudices subis.

- Sur la liquidation du préjudice

Elle s'oppose à toute limitation de son préjudice comme le demande le docteur [K] en se prévalant du rapport d'expertise qui ne vise aucune perte de chance et ne limite aucunement l'évaluation de son préjudice.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Elle sollicite l'indemnisation de ce préjudice sur la base de 25 euros et non 20 ou 23 euros comme le demandent le docteur [K] et le docteur [I].

Sur l'assistance par tierce personne

Elle demande l'indemnisation de ce préjudice sur la base de 5 heures par semaine sur une période de 28 semaines et de 18 euros de l'heure et non 10 ou 13 euros comme proposés par les deux médecins.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Elle sollicite une indemnisation sur la base de 1 800,00 euros du point et s'oppose à la demande de réduction du taux du déficit tel qu'évalué par les experts.

Sur le préjudice d'agrément

Elle indique les experts ont retenu ce poste de préjudice qui est caractérisé.

Sur le préjudice moral et d'impréparation

Elle rappelle qu'en vertu de l'article L.1111-2 du code de la santé publique, la charge de la preuve de la délivrance de l'information appartient au praticien ou à l'établissement de santé et que le défaut d'information fait naître un préjudice autonome ouvrant droit à réparation.

A cet égard, elle affirme que compte-tenu du délai et de l'urgence, au demeurant non justifiée, dans lequel l'intervention a été réalisée, elle n'a pas reçu l'information obligatoire quant aux risques, complications et dommages pouvant survenir dans les suites de cette chirurgie de même que sur le déroulement précis de la chirurgie.

Elle considère donc que le docteur [K] a manqué à son obligation d'information de sorte de sorte que sa responsabilité est engagée à ce titre ainsi que l'ont jugé les premiers juges qui ont toutefois, selon elle, sous-évalué le montant de l'indemnisation pour réparer le préjudice subi et n'ont n'a pas repris ce poste de préjudice dans le dispositif du jugement de sorte qu'elle demande l'allocation de la somme de 5 000 en réparation du préjudice moral et d'impréparation.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2022, M. [H] [K] demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

débouté Mme [M] [N] de sa demande d'indemnisation au titre du devoir d'information tant à l'égard du docteur [K] qu'à l'égard du docteur [I],

sursis à statuer sur les demandes en paiement formées par Mme [N] à l'encontre des docteurs [K] et [I],

sursis à statuer sur la demande en paiement formée par la CPAM de Roubaix Tourcoing à l'encontre des Docteurs [K] et [I],

réservé les dépens et les frais irrépétibles

ordonné avant dire droit une expertise médicale confiée au Docteur [J] [U],

- Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit qu'il avait manqué à son devoir d'information vis-à-vis de Mme [N]

Statuant à nouveau :

débouter Mme [N] des demandes qu'elle forme à son encontre au titre de :

devoir d'information à hauteur de 5 000 euros

déficit fonctionnel temporaire : 1 712,50 euros

pertes de gains professionnels actuels : 792,42 euros

souffrances endurées : 6 000 euros

préjudice esthétique temporaire : 500 euros

pertes de gains professionnels futurs : 7 111,44 euros

inaptitude professionnelle : 10 000 euros

déficit fonctionnel permanent : 5 400 euros

préjudice esthétique permanent : 1 000 euros

préjudice d'agrément : 3 000 euros

frais irrépétibles : 5 000 euros

frais de l'instance

débouter la CPAM de Roubaix-Tourcoing de l'intégralité de ses demandes formulées à son encontre

débouter le docteur [I] de ses demandes formées à son encontre

A titre subsidiaire :

rejeté les demandes formées par Mme [N] au titre de :

pertes de gains professionnels actuels

incidence professionnelle

préjudice d'agrément

limiter sa part de responsabilité à 10 %, et en conséquence, limiter les indemnités éventuellement mises à sa charge aux montants suivants :

1 euro au titre du préjudice d'impréparation

137 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

140 euros au titre de l'assistance par tierce personne

400 euros au titre des souffrances endurées

50 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

543,63 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs

254 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

50 euros au titre du préjudice esthétique permanent

M. [K] conteste le principe de sa responsabilité aux motifs que l'indication opératoire et en urgence était justifiée et conforme aux règles de l'art contrairement à ce qu'ont retenu les experts.

Il rappelle, qu'en sa qualité de médecin, il n'est tenu qu'à une obligation de moyen conformément aux dispositions de l'article L 1142 ' 1 I du code de la santé publique de sorte qu'il incombe à Mme [N] de rapporter la preuve de l'existence d'une faute, de son dommage et du lien de causalité les unissant.

A cet égard, il précise que les experts ont confirmé le diagnostic qu'il avait retenu mais ils se sont interrogés sur le caractère ancien ou récent de la lésion du scapho-lunaire aux fins d'établir le bien-fondé de l'indication opératoire.

Toutefois, il considère qu'il n'y avait pas à rechercher le caractère d'ancienneté de la lésion présentée par Mme [N] dès lors que celle-ci ne lui avait pas fait part d'un événement traumatique autre que celui survenu la veille de la consultation alors qu'il l'avait interrogée sur de possibles antécédents au niveau du poignet droit, que les experts notaient qu'il n'y a aucun antécédent traumatique connu sur le poignet droit et que les déclarations de la patiente étaient confirmées par l'examen clinique de sorte qu'il a pu conclure au caractère récent de la lésion.

Il conclut que, dans ces conditions, l'indication opératoire était justifiée et que l'intervention devait être réalisée en urgence

S'agissant de l'acte médical, il soutient que la technique employée est conforme aux règles de l'art et que la survenue d'un névrome sur broche est un accident médical indépendant de la qualité du geste opératoire de sorte qu'aucune faute à l'origine du névrome et de la paresthésie associée, ne peut lui être reprochée.

Il fait valoir que la survenance d'un hématome du creux axillaire est indépendant de son geste médical. Or, les experts ont indiqué que seul l'hématome relevait d'un accident médical fautif en lien avec le dommage et est imputable au docteur [I], anesthésiste.

A cet égard, il indique que le docteur [I] ne peut utilement invoquer le caractère urgent de l'intervention dès lors qu'il a pris seul la décision de ne pas attendre les résultats du dosage de l'INR alors que la patiente était sous anticoagulants et ne lui a pas signalé qu'il convenait de surseoir à l'intervention.

S'agissant du manquement à son obligation d'information qui lui est reproché, il affirme, en invoquant les dispositions de l'article L.1111-2 du Code de la santé publique, qu'il ne pèse aucunement sur le chirurgien une obligation de remise d'un formulaire de consentement éclairé et que la preuve de cette information peut être rapportée par tous moyens et notamment dans le cadre d'un entretien individuel qui a eu lieu en l'espèce.

Il ajoute que le médecin est exonéré de cette obligation d'information en cas d'urgence conformément aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique et que précisément la situation de Mme [N] présentait un caractère urgent dès lors qu'elle nécessitait une intervention moins de 24 heures après son admission pour garantir un meilleur résultat et éviter un risque d'apparition d'arthrose.

Il demande, à titre subsidiaire, de réduire les prétentions indemnitaires de Mme [N].

S'agissant du préjudice autonome résultant du défaut d'information, il soutient qu'il doit être évalué en fonction de l'appréciation de la perte de chance de refuser l'intervention et donc d'éviter le dommage. Il indique à cet égard que Mme [N] ne pouvait éviter l'intervention chirurgicale au regard de la nécessité pour elle de se servir de son poignet dans le cadre de son activité professionnelle de telle sorte que la perte de chance n'est pas établie. A tout le moins, elle devra être réduite à un euro symbolique.

S'agissant de la liquidation du préjudice corporel de Mme [N], il entend voir réduire les demandes indemnitaires de celle-ci. Il s'oppose en toute hypothèse à l'indemnisation de l'incidence professionnelle dès lors qu'elle n'établit pas que son arrêt de travail est imputable à l'accident médical ajoutant que la CPAM ne lui verse d'ailleurs aucune indemnité journalière au titre d'une prétendue invalidité.

De même, il conteste l'existence d'un préjudice d'agrément.

S'agissant de la créance de la CPAM, il reproche à celle-ci ne pas justifier de ses prétentions indemnitaires en se contentant de verser aux débats un relevé de débours définitifs qui n'atteste aucunement de l'imputabilité aux faits litigieux des débours dont elle sollicite le remboursement. Il conteste par ailleurs la demande de remboursement de la totalité de la rente versée sous la forme d'un capital à la patiente alors que celle-ci indemnise le poste des pertes de gains professionnels futurs et que le médecin conseil de la caisse a rappelé que sur le taux d'incapacité permanente de 5% qu'elle a fixé, seuls les 2/3 sont en lien avec l'accident médical.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2022, M. [R] [I] demande à la cour de :

dire et juger qu'il relevait du pouvoir souverain du tribunal judiciaire de Lille d'ordonner une nouvelle expertise,

déclarer mal fondé l'appel interjeté par Mme [N] contre le jugement de ce tribunal du 31 janvier 2022,

la débouter en conséquence de ses demandes en toutes fins qu'elles comportent,

la condamner à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner en tous les dépens dont distraction au profit de [Localité 13] [Localité 11]-[Localité 12] représentée par Maître Loïc Le Roy, avocat aux offres de droit,

A titre subsidiaire :

Vu le rapport d'expertise des Docteurs [Y] et [X]

constatant que du fait de l'urgence déclarée de l'intervention en cause, il n'a eu d'autre choix qu'anesthésier sa patiente sans attendre les résultats des examens qu'il avait prescrits

le mettre en conséquence hors de cause et débouter Mme [N] de ses demandes en ce qu'elles sont formulées contre lui

condamner la partie succombante à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Lexavoue Amines-Douai, avocat aux offres de droit,

Plus subsidiairement:

Dire et juger que sa part de responsabilité dans la réalisation du dommage n'excède pas 20% des préjudices subis par Mme [N]

Evaluer comme suit les préjudices de celle-ci (avant partage de responsabilité) comme suit :

Postes de préjudice

Demandes

Offres

1. DFP

1 712.50 €

1 213.25 €

2. ATP

2 520.00 €

1 820.00 €

3.PGPA

792.42 € €

Réservées

4. Souffrances endurées

6 000.00 €

3 000.00 €

5. P. E. temporaire

500.00 €

500.00

6. P.E. permanent

1 000.00 €

1 000.00 €

7. PGPF

7 111.44 €

Rejet de la demande

8.Incidence professionnelle

10 000.00 €

Rejet de la demande

9. DFP

5 400.00 €

2 540.00 €

10.Préjudice d'agrément

3 000.00 €

500.00

11.Préjudice d'impréparation

5 000.00 €

Rejet de la demande

TOTAL

35 924.97 €

10 573.25 € €

dire que la capitalisation de la rente accident du travail versée par la CPAM de Roubaix -Tourcoing ne saurait excéder 780.93 €.

débouter la CPAM de Roubaix-Tourcoing de ses autres demandes en toutes fins qu'elles comportent.

S'agissant de la contre- expertise ordonnée par le tribunal, M. [I] soutient que l'article 5 du code de procédure civile n'interdit pas au juge d'ordonner une telle mesure conformément à l'article 144 du code de procédure civile dès lors que les premiers juges ont considéré que l'expertise qui leur était soumise était imprécise.

Il demande donc la confirmation du jugement critiqué en précisant que dès lors que Mme [N] ne demande pas à la cour d'évoquer le fond du litige conformément à l'article 568 du code de procédure civile, elle devra être déboutée de ses demandes tendant à la détermination des responsabilités des médecins.

A titre subsidiaire, il soutient que le rapport d'expertise établit que l'intervention en urgence décidée par le docteur [K] était prématurée, faute d'avoir été précédée d'explorations ce d'autant plus que les experts ont envisagé que la lésion était ancienne.

Il considère que la décision du docteur [K] d'une intervention en urgence a précipité l'anesthésie de la patiente sans attendre le résultat des examens biologiques qu'il avait prescrits.

Il sollicite donc le rejet des demandes indemnitaires formées à son encontre par Mme [N] et subsidiairement la limitation de sa part de responsabilité à 20%.

Il rappelle que le défaut d'information préopératoire n'est imputable qu'au docteur [K] dès lors qu'une information sur l'anesthésie a été signée par Mme [N] le jour de l'intervention de sorte qu'il ne saurait être tenu à réparer un préjudice d'impréparation.

Plus subsidiairement, il sollicite la réduction des prétentions indemnitaires de Mme [N] au titre de son préjudice corporel.

Il s'oppose toutefois à la demande d'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs en l'absence de justification d'une inaptitude fonctionnelle certaine et définitive et en l'absence de preuve de l'imputabilité de l'arrêt de travail au fait dommageable.

Il conteste également la réalité du préjudice résultant de l'incidence professionnelle en l'absence de toute justification et alors que Mme [N] ne travaille plus depuis 8 ans.

Enfin, il conteste le quantum de la créance de la CPAM qui ne s'explique pas sur les sommes réclamées au titre des frais médicaux et des frais pharmaceutiques.

S'agissant de rente versée sous la forme d'un capital accident du travail, il fait valoir que l'évaluation de 5% faite par le médecin de la CPAM est lui inopposable et le rapport d'expertise retient un taux résiduel de 2% en rapport avec l'accident médical litigieux, qui devra s'appliquer.

Dans ses conclusions notifiées le 30 août 2022, La CPAM de Roubaix-Tourcoing demande à la cour de :

A titre principal :

confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 31 janvier 2022 si la cour s'estime insuffisamment informée avec le rapport d'expertise des docteurs [Y] et [X]

A titre subsidiaire et si la cour s'estime suffisamment informée :

déclarer les docteurs [K] et [I] in solidum responsables des préjudices subis par Mme [N],

les condamner in solidum à lui payer la somme de 18 432,47 € au titre de ses débours définitifs, avec intérêts à compter du 10 mars 2020, date de la notification des premières conclusions,

ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

condamner in solidum les docteurs [K] et [I] à lui payer la somme de 1 114 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

En tout état de cause : condamner in solidum tous succombants à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'instance et d'appel.

A titre principal, elle ne s'oppose pas à la demande de nouvelle expertise ordonnée en première instance.

A titre subsidiaire, elle demande la condamnation des docteurs [K] et [I] au remboursement de ses débours dans la mesure où l'expertise a révélé que leur comportement n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science. Elle précise en effet que leur faute respective a été à l'origine de la lésion de la branche sensitive du nerf radial de Mme [N] avec névrome sur la mise en place des broches, ainsi que d'un hématome sur le site de réalisation du bloc axillaire de sorte que la responsabilité des deux médecins est engagée en application de l'article L1142-1 du Code de la santé publique.

S'agissant de ses débours, elle indique qu'elle a pris en charge le préjudice corporel de Mme [N] et que, selon son relevé du 17 décembre 2020, elle a servi des prestations pour un montant total et définitif de 21 069,82 euros en précisant que ces débours sont conformes au rapport d'expertise et qu'elle a produit l'attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil le 5 novembre 2015 outre le complément établi le 28 novembre 2019 ainsi que la notification de la rente accident du travail.

Elle considère que les intérêts sur sa créance sont dus à compter de la première demande conformément à l'article 1231-6 du code Civil et que les intérêts dus pour une année entière devront être capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Enfin, elle réclame le paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ainsi qu'une indemnité au titre des frais irrépétibles destinée à couvrir l'ensemble des frais de justice qu'elle a exposés.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 23 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la responsabilité des professionnels de santé au titre du devoir d'information

Le défaut d'information fait naître un préjudice autonome ouvrant droit à réparation d'une part du préjudice résultant de la perte de chance de se soustraire à la réalisation du risque et, d'autre part, du préjudice d'impréparation à la survenue de ce risque.

Il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Cette information s'entend d'une explication autorisant la compréhension par un profane portant sur les bénéfices attendus, sur les risques connus et prévisibles de l'acte de soin projeté ainsi que sur les alternatives à cet acte.

Hormis l'état d'urgence médicale ou le refus de la patiente d'être informée, il appartient ainsi au praticien de lui délivrer une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins proposés, ainsi que sur les risques afférents aux soins prodigués.

La preuve d'une telle information du patient incombe au praticien. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes et il incombe aux juges du fond d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve soumis, y compris des rapports d'expertise.

Il est constant que le 24 septembre 2012, Mme [N], souffrant de douleurs persistantes au poignet droit, a consulté M. [K] qui a diagnostiqué une entorse scapho-lunaire grave et a posé une indication chirurgicale immédiate et que le lendemain elle était hospitalisée en ambulatoire. Elle a ensuite présenté un névrome sur broche ainsi qu'un hématome du creux axillaire.

S'agissant du docteur [K]

Si comme l'invoque M. [K], la loi n'exige pas que la preuve de l'information soit rapportée par écrit, la cour constate que celui-ci ne démontre pas qu'il a préalablement informé sa patiente sur l'acte chirurgical envisagé, les motifs de son urgence, ses risques éventuels, les solutions alternatives possibles et les conséquences prévisibles en cas de refus. A cet égard, l'allégation d'une information orale n'est corroborée par aucun élément du dossier ainsi que l'a constaté le collège d'experts de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux dans son rapport du 24 janvier 2015.

Dès lors, en l'absence de production d'un formulaire selon lequel la patiente attesterait avoir reçu oralement une information médicale précise sur les risques de l'intervention projetée ou de tout autre échange informel établissant une telle information complète de la patiente, M. [K] échoue à démontrer avoir informé Mme [N] des conditions de déroulement de l'opération, des risques et complications qui y étaient associés.

Par ailleurs, et ainsi que l'ont jugé les premiers juges, M. [K] ne pouvait nullement s'affranchir de cette obligation d'information dans la mesure où la consultation ayant eu lieu le 24 septembre 2015 et l'intervention le lendemain, ces circonstances ne caractérisent aucunement une situation d'urgence au sens l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

Ainsi, en l'absence d'urgence avérée de l'indication opératoire, M. [K] ne saurait se prévaloir d'une cause d'exonération de sa responsabilité au titre de l'obligation d'information.

En conséquence, la cour approuve les premiers juges d'avoir considéré que M. [K] ne rapporte pas la preuve d'une information préalablement à l'intervention chirurgicale litigieuse en particulier sur les risques d'un brochage percutané.

Le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, qui, dès lors qu'il est invoqué, doit être réparé.

En l'espèce, Mme [N] sollicite exclusivement l'indemnisation d'un préjudice d'impréparation.

Dès lors que M. [K] ne rapporte pas la preuve d'une information préalablement à l'intervention chirurgicale litigieuse sur le risque spécifique d'apparition d'un névrome consécutif à un brochage percutané, alors qu'un tel risque s'est réalisé, la responsabilité de celui-ci est engagée au titre d'une telle faute, alors que la réalisation des risques n'ayant pas été signalée à la patiente établit le lien de causalité avec le préjudice moral subi par Mme [N].

Ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme justement appréciée par le tribunal de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

La cour relève que, dans le dispositif du jugement querellé, le premier juge a néanmoins débouté Mme [N] de sa demande indemnitaire au titre du devoir d'information formée à l'encontre de M. [K].

Le jugement querellé sera donc infirmé de ce chef.

S'agissant de M. [I]

La cour observe que dans les motifs de ses écritures, Mme [N] ne recherche pas la responsabilité de M. [I], anesthésiste au titre d'un manquement à son devoir d'information mais que, dans le dispositif, elle sollicite sa condamnation solidaire avec M. [K] à l'indemniser du préjudice moral subi.

En toute hypothèse, il n'est pas contesté que M. [I] a délivré à Mme [N] les informations préalables à son intervention, celle-ci ayant signé une fiche d'information sur les risques de l'anesthésie.

Par suite, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande indemnitaire à ce titre à l'encontre de M. [I].

Sur la responsabilité des professionnels de santé au titre de l'acte médical

La responsabilité du praticien n'est, en principe, engagée qu'en cas de faute, sur le fondement de l'article L. 1142-1, I alinéa 1er du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2022, dont la preuve incombe au demandeur en réparation, dès lors que les professionnels de santé ne sont soumis qu'à une obligation de moyen et non de résultat à l'égard de leur patient.

Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes et il incombe au juge du fond d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve soumis y compris des rapports d'expertise.

En l'espèce, le rapport d'expertise établi le 24 janvier 2015 par les docteurs [Y], chirurgien orthopédiste, et [X], anesthésiste réanimateur, missionnés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, conclut à l'existence d'une faute commise lors de l'intervention chirurgicale du 25 septembre 2012 par M. [K] et M. [I] qui contestent les analyses et conclusions de ce rapport.

Il ressort du rapport du collège d'experts que Mme [N] a présenté un traumatisme du poignet sans impact, avec suspicion d'entorse grave et qu'après réalisation de radiographies, M. [K] a diagnostiqué un diastasis scapho-lunaire témoin d'une rupture complète scapho-lunaire puis a réalisé un brochage percutané sous contrôle radioscopique.

Les experts ne remettent en cause ni le diagnostic ni l'acte chirurgical mais reprochent à M. [K] d'avoir posé une indication opératoire sans avoir préalablement procédé à des investigations permettant de vérifier le caractère ancien ou récent de la lésion du scapho-lunaire.

A cet égard, ils estiment que des radiographies contro-latérales de même que des explorations complémentaires comme un arthroscanner, une arthroscopie auraient permis de déceler un traumatisme ancien du poignet alors qu'aucune image ne permet d'affirmer le caractère récent de la lésion ajoutant que celle-ci peut être asymptomatique et découverte à la suite d'une chute ou d'un traumatisme ancien dont les suites sont progressivement passées inaperçues.

Ils concluent donc que le type d'entorse, que présentait Mme [N], pouvait certes évoluer vers une arthrose du poignet, comme l'a fait valoir M. [K], mais précisent toutefois qu'il n'existait aucune urgence à opérer dès lors que cette évolution a lieu à une échéance d'une quinzaine d'années, que la patiente, âgée de 51 ans était asymptomatique chronique et que la cicatrisation du ligament intervient dans les deux mois de la lésion.

Toutefois, alors qu'ils concluent que l'indication opératoire n'était dans ces conditions aucunement justifiée, ils relèvent des éléments pouvant faire suspecter un complément de rupture ou une rupture récente, à savoir la perception d'un craquement et l'augmentation de volume immédiate du poignet.

Dans le cadre de la consultation de M. [K], Mme [N] avait en effet indiqué avoir entendu un craquement au moment où elle soulevait une patiente âgée dans le cadre de son activité professionnelle. Interrogée par M. [K], elle faisait état d'une absence de traumatisme antérieur sur ce poignet ce qu'elle confirmait dans le cadre des opérations d'expertise de sorte que le rapport fait état en page 5 de l'absence d'antécédent traumatique connu du poignet droit.

En outre, il ressort d'une étude du docteur [O] produite au débat, qu'en cas de rupture complète du ligament, une intervention chirurgicale en urgence est nécessaire. En effet, ce médecin précise que « si le ligament scapho-lunaire est complètement rompu et qu'il existe un écart entre les deux os, une opération est nécessaire. L'intervention consiste à réparer le ligament en le réinsérant dans l'os à l'aide d'ancres miniatures. La réparation est protégée temporairement par des broches entre les deux os (arthroryse) afin que le ligament ne subisse pas de contraintes pendant la période de cicatrisation. (') le traitement d'une telle déchirure est urgent et doit être précis. En cas de retard de traitement, un débridement arthroscopique avec embrochage peut encore être tenté mais une reconstruction ligamentaire peut être requise ».

La nécessité d'une intervention chirurgicale dans un tel cas est confirmée par le docteur [T] et le docteur [P], chirurgiens de la main

Il apparaît donc que le rapport des experts comporte des analyses contradictoires sur le caractère ancien ou récent de la lésion et que ses conclusions relatives à l'absence d'urgence de l'acte chirurgical, sont contredites par des études médicales.

S'agissant de M. [I], qui a réalisé la consultation d'anesthésie le 25 septembre 2012, les experts précisent que celui-ci a demandé un dosage d'INR en urgence dans la mesure où la patiente était sous anticoagulants pour une arythmie complète par fribillation auriculaire.

Ils relèvent qu'au moment de l'anesthésie, les médecins ne disposaient pas des résultats de l'INR qui s'est avéré supérieur à 4,5 de sorte que l'intervention devait être reportée.

L'apparition d'un hématome 5 jours après l'opération s'explique, selon eux, par la pénétration de l'aiguille au niveau du muscle biceps qui était majorée par la présence des anticoagulants.

Ils concluent donc que la défaillance de M. [I] dans le contrôle de la coagulation en préopératoire, est à l'origine de l'apparition de l'hématome.

Mais, si les experts retiennent un manquement fautif de l'anesthésiste à l'origine de l'apparition d'un hématome, ils ne s'expliquent pas sur l'imputabilité de la lésion de la branche sensitive du nerf radiale avec névrome sur la mise en place des broches alors qu'ils retiennent que ces deux dommages trouvent partiellement leur origine dans la réalisation d'un risque inhérent à l'acte réalisé sans toutefois faire état d'un accident médical non fautif imputable à M. [K].

Or, en présence d'un accident médical qui serait pour partie la conséquence d'actes de soins engageant la responsabilité de professionnels de santé, il importe de déterminer la part de préjudice imputable à l'un et/ou l'autre des médecins dont la faute à l'origine de ce préjudice doit être caractérisée.

Dès lors, une mesure d'expertise médicale sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 144 du code de procédure civile qui, contrairement aux assertions de Mme [N], permet au juge d'ordonner d'office une mesure d'instruction lorsqu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

Par suite, il sera sursis à statuer sur les demandes de l'ensemble des parties.

Le jugement querellé sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit, d'une part, à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile et d'autre part, à condamner Mme [N] aux entiers dépens d'appel et débouter celle-ci de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille sauf en ce qu'il a débouté Mme [M] [N] de sa demande d'indemnisation au titre du devoir d'information à l'égard de M. [H] [K] ;

Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,

Condamne M. [H] [K] à payer à Mme [M] [N] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation d'un préjudice d'impréparation ;

Condamne Mme [M] [N] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [M] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

[L] [G]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01375
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;22.01375 ?
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