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13/04/2023 | FRANCE | N°22/01182

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 13 avril 2023, 22/01182


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 13/04/2023



****





N° de MINUTE :23/141

N° RG 22/01182 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UE2Q



Jugement (N° 20/01766) rendu le 27 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTS



Madame [C] [T]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 11] (Algerie)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité

5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022022002810 du 24/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)



Monsieur [Z] [T]

né le [Date naissance 4] 2001 à [Localité 9]

d...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 13/04/2023

****

N° de MINUTE :23/141

N° RG 22/01182 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UE2Q

Jugement (N° 20/01766) rendu le 27 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Madame [C] [T]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 11] (Algerie)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022022002810 du 24/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Monsieur [Z] [T]

né le [Date naissance 4] 2001 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/002811 du 24/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Représentés par Me Pauline Collette, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

SA Swisslife Assurances de Biens agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

Association Tourquennoise de Gestion de l'Eic, prise en son établissement 'Collège [10]'

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentées par Me René Despieghelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Roubaix Tourcoing

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 20 mai 2022 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 09 février 2023 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Par actes d'huissier du 21 et 25 février, 4 mars 2020, M. [Z] [T] et sa mère, Mme [C] [T], ont fait assigner l'Association tourquennoise de gestion de l'EIC (l'Association), la société Swisslife assurance et patrimoine et la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la CPAM) devant le tribunal judiciaire de Lille afin de faire reconnaître leur droit à indemnisation, et d'obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 27 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Swisslife assurances de biens ;

prononcé la mise hors de cause de la société Swisslife assurance et patrimoine ;

rejeté toutes les demandes formées par M. et Mme [T] ;

condamné M. et Mme [T] à supporter les dépens de l'instance ;

dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 9 mars 2022, M. et Mme [T] ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant leur contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 3 et 4 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de leurs conclusions d'appelant n°2 notifiées le 17 août 2022, M. et Mme [T] demandent à la cour, au visa des articles 1242 du code civil et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, notamment de :

- réformer le jugement critiqué en ce qu'il a :

déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Swisslife assurances de biens ;

prononcé la mise hors de cause de la société Swisslife assurance et patrimoine ;

rejeté toutes les demandes formées par M. et Mme [T] ;

condamné M. et Mme [T] à supporter les dépens de l'instance ;

- en conséquence, rejeter toutes les demandes des intimées ;

- déclarer l'Association responsable du dommage et des préjudices subis par M. [T] ;

- condamner in solidum l'Association et la société Swisslife assurances de biens à réparer les préjudices subis par M. et Mme [T] ;

- surseoir à statuer, ordonner une mesure d'expertise médicale, et désigner un expert en chirurgie légale et réparation du dommage corporel et/ou orthopédique avec mission habituelle pour déterminer l'intégralité des préjudices subis par M. [Z] [T], né le [Date naissance 4] 2001 ;

- constater qu'ils bénéficient de l'aide juridictionnelle totale et les exempter des frais d'expertise médicale ;

- renvoyer l'affaire à une audience après dépôt du rapport d'expertise ;

- en tout état de cause, condamner in solidum l'Association et la société Swisslife assurances de biens à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 37 précité, outre les entiers frais et dépens de première instance.

A l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [T] font valoir que :

- le 3 octobre 2013, M. [Z] [T], alors âgé de douze ans, a été victime d'une chute en cours de sport alors qu'il s'initiait aux barres parallèles, et s'est fracturé le coude droit ;

- il a subi une intervention chirurgicale nécessitant la pose de matériel d'ostéosynthèse, puis une immobilisation de trois semaines, avant le retrait du matériel le 3 mars 2014 ;

- à compter d'octobre 2015, il a présenté des douleurs, des paresthésies au niveau de l'avant-bras droit, et un déficit de mobilité du coude droit, notamment en pronosupination ;

- les circonstances des faits sont décrites dans la déclaration d'accident rédigée le 8 octobre 2013 par l'établissement scolaire, et la preuve de la faute est ainsi rapportée ;

- l'enseignant qui a manqué à l'obligation de surveillance renforcée qu'imposait l'exercice durant lequel le dommage est survenu engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1242 du code civil ;

- le bras de la victime a fléchi provoquant sa chute, alors que l'enseignant n'était pas à ses côtés pour la rattraper en assurant une parade ;

- l'assurance responsabilité civile de l'établissement scolaire géré par l'Association doit venir garantir intégralement le dommage subi ;

- se pose la question de l'installation éventuelle d'un tapis de réception pour amortir la chute sous les barres parallèles ;

- l'expert amiable, M. [N], ayant examiné l'enfant à la demande de la société d'assurance Macif au titre du contrat de prévoyance familiale accident souscrit par sa mère, a retenu un déficit fonctionnel permanent de 6% , mais omis plusieurs postes de préjudice.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 28 juillet 2022, l'Association, la société Swisslife assurances de biens, et la société Swisslife assurance et patrimoine, intimées, demandent à la cour, au visa des articles 1242 du code civil et L. 911-4 du code de l'éducation, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a mis hors de cause la société Swisslife assurance et patrimoine ;

- débouter M. et Mme [T] de toutes leurs demandes ;

à titre subsidiaire,

- débouter M. et Mme [T] de leurs demandes à l'encontre de la société Swisslife assurances de biens en raison de l'absence de mobilisation de ses garanties ;

- condamner M. et Mme [T] à payer à l'Association et à la société Swisslife assurances de biens la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, l'Association et la société Swisslife assurances de biens font valoir que :

- la chute s'est produite à l'intérieur de la salle de sport pendant le temps scolaire, alors que l'enfant [Z] se trouvait sous la surveillance de son professeur de sport ;

- pour autant, l'accident, survenu pendant et à l'occasion d'un cours d'éducation physique, n'implique pas nécessairement que l'enseignant a commis une faute et notamment un défaut de surveillance ;

- les circonstances dans lesquelles l'accident est survenu ne sont pas connues ;

- la déclaration d'accident ne précise ni la position de l'enfant, ni celle de l'enseignant, ni la présence de tapis, ni la nature de l'exercice, ni le mécanisme de la chute ;

- l'article L. 911-4 du code de l'éducation dispose que si l'enseignant est responsable du dommage causé, et s'il s'agit d'un membre de l'enseignement public ou privé sous contrat avec l'État, la responsabilité de l'État se substitue à la sienne, de sorte que l'action est mal dirigée si la faute de l'enseignant est prouvée ;

- l'enseignant relève du collège [10] et non de l'Association ;

- le défaut de surveillance ne peut résulter que d'une faute grossière de l'enseignant qui s'apprécie en fonction du type d'activité, de l'âge des enfants, de leur état de santé, et du nombre de surveillants lors des faits ;

- les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par l'Association définissent l'accident corporel comme toute atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de l'assuré, provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure ;

- les appelants ne mentionnent aucune cause extérieure susceptible d'être à l'origine de l'accident.

Par message diffusé via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 3 juin 2022, le conseil des intimées précise que la société Swisslife assurance et patrimoine a été mise hors de cause, et qu'elle n'est donc pas concernée par la procédure d'appel.

La CPAM de Roubaix-Tourcoing, régulièrement intimée en cause d'appel, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article L. 911-4 du code de l'éducation dispose que « dans tous les cas où la responsabilité des membres de l'enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l'État est substituée à celle desdits membres de l'enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.

Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'enseignement ou d'éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers.

L'action récursoire peut être exercée par l'État soit contre le membre de l'enseignement public, soit contre les tiers, conformément au droit commun.

Dans l'action principale, les membres de l'enseignement public contre lesquels l'État pourrait éventuellement exercer l'action récursoire ne peuvent être entendus comme témoins.

L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'État, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l'autorité académique compétente.

La prescription en ce qui concerne la réparation des dommages prévus par le présent article est acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis. »

La cour rappelle que l'article R. 442-40 du code de l'éducation, figurant dans la section relative au contrat d'association, étend les dispositions précitées aux maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association. En revanche, les maîtres des établissements privés sous contrat simple n'ont pas la qualité d'agent public et n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 911-4 du code de l'éducation.

Il résulte de ces dispositions que les parents d'un élève victime d'un fait dommageable survenu dans le cadre de l'éducation physique au sein d'un établissement scolaire et l'élève victime ne peuvent engager une action en responsabilité qu'à l'encontre de l'État s'il s'agit d'un établissement d'enseignement public ou un établissement d'enseignement privé sous contrat d'association.

En l'espèce, M. et Mme [T] soutiennent que M. [T] a subi un dommage dans le cadre de son cours d'éducation physique au sein de son établissement scolaire, le collège privé [10], ce qui n'est pas contesté.

Toutefois, l'Association justifie de l'existence d'un contrat d'association pour cet établissement.

Par conséquent, l'élève victime et sa mère ne peuvent exercer une action en responsabilité qu'à l'encontre de l'autorité académique compétente conformément à l'article L. 911-4 du code de l'éducation et non à l'encontre de l'Association et de son assureur, laquelle n'est pas une autorité académique.

Le jugement querellé sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

Le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

et d'autre part, à condamner M. et Mme [T] aux entiers dépens d'appel et à payer à l'Association et à la société Swisslife assurances de biens la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille,

Y ajoutant,

Déboute M. [Z] [T] et Mme [C] [T] de leurs demandes,

Condamne M. [Z] [T] et Mme [C] [T] aux dépens d'appel,

Les condamne en outre à payer à l'Association tourquennoise de gestion de l'EIC et à la société Swisslife assurances de biens la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

F. Dufossé G. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01182
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;22.01182 ?
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