République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 13/04/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/05421 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5IN
Jugement (N° 2020022737) rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille-Métropole
Ordonnance (n°22/399) rendue le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai
APPELANTE
SARL Iso Habitat 62, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Marie-Hélène Carlier, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Layla Saidi, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉE
SARL Nordbox prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 1]
représentée par Me Ondine Prévoteau, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 31 janvier 2023 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 janvier 2023
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FAITS ET PROCEDURE
Selon un courrier du 29 janvier 2015, la société Nordbox a mis à disposition de la société ITC Habitat, aux droits de laquelle vient la société Iso Habitat 62, une surface de stockage et bureaux de 200 m2, située à [Localité 2], à compter du 1er avril 2015, pour une durée de 3 ans renouvelable chaque année par tacite reconduction, avec possibilité de départ anticipé moyennant un préavis de trois mois pendant cette période.
Le loyer, fixé à l'origine à 900 euros TTC par mois, a été réduit, compte tenu d'une diminution de surface intervenue en 2018 à la demande de la société Iso Habitat 62, à un montant de 630 euros TTC pour 140 m2.
Par courrier du 1er septembre 2020, la société Nordbox a résilié le contrat à effet au 31 mars 2021 afin de réaliser des travaux, proposant de mettre à disposition de la société Iso Habitat 62 un nouveau bureau et un box situés dans une autre aile du bâtiment à compter d'avril 2021 ou préalablement, sur la base de sa tarification actuelle.
Les échanges entre les parties sont restés vains, la société Iso Habitat 62 faisant valoir qu'elle disposait en réalité d'un bail commercial dans lequel elle exploitait son fonds de commerce.
Par acte d'huissier du 3 décembre 2020, la société Nordbox a attrait la société Iso Habitat 62 devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.
Par jugement rendu le 28 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :
« Dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la SARL ISO HABITAT 62
SE DECLARE COMPETENT RATIONAE MATERIAE CONSTATE et PRONONCE la résiliation du contrat de mise à disposition des locaux de stockage et bureaux situés à [Localité 2], [Adresse 1] à effet au 31 mars 2021
CONDAMNE la SARL ISO HABITAT 62 à payer à la SARL NORDBOX une indemnité d'occupation de 630 € TTC par mois à compter du 1er avril 2021, jusqu'à restitution du box et bureau vides
FIXE une astreinte provisoire de 50 € TTC par jour à compter du 30eme jour après la signification du présent jugement jusqu'à restitution du box et bureau vides, et s'en réserve la liquidation
CONDAMNE la SARL ISO HABITAT 62 à payer à la SARL NORDROX la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC
ORDONNE l'exécution provisoire de droit du présent jugement
DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires
CONDAMNE la SARL ISO HABITAT 62 aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 69.58 € (en ce qui concerne les frais de Greffe). ».
Par déclaration du 21 octobre 2021, la société Iso Habitat 62 a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision.
Saisi d'un incident, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance en date du 15 septembre 2022, statué en ces termes:
« Déboutons la société Nordbox de sa demande tendant à faire déclarer caduc l'appel interjeté par la société Iso Habitat 62 contre le jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole ;
Déboutons la société Nordbox de sa demande tendant à faire déclarer irrecevables pour vice de forme les conclusions d'appelante notifiées par la société Iso Habitat 62 le 21 janvier 2022 ;
Ordonnons à la société Iso Habitat 62 de produire en original ses pièces n°1 et n°2 ;
Condamnons la société Iso Habitat 62 à payer à la société Nordbox la somme de 1000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'incident ;
Déboutons la société Iso Habitat 62 de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles d'incident ;
Condamnons la société Iso Habitat 62 aux dépens d'incident. ».
Le conseiller de la mise en état a notamment estimé que la rigoureuse similarité entre la signature et le cachet portés sur la pièce n°1 et la pièce n°4 de la société Iso Habitat 62 (forme, emplacement) et les nombreuses coquilles affectant sa pièce n°2, justifiaient les questionnements élevés par la société Nordbox sur leur authenticité.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 21 janvier 2022, la société Iso Habitat 62 demande à la cour de :
« Vu les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 1e1 § 1 du Protocole additionnel n°1,
Vu les articles 1134 et suivants, devenu 1103 et suivants, 1152 devenu 1235-1, 1184 devenu 1217 issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 1382 devenu 1240, 1358, 1857 et suivants, article 2355 du code civil,
Vu les articles 4, 455, 700 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
(...)
- DECLARER recevable et fondée en toutes ses demandes la SARL ISO HABITAT 62,
- DEBOUTER en toutes ses éventuelles demandes, fins et conclusions la Société NORDBOX,
EN CONSEQUENCE,
- A REFORMER OU ANNULER le jugement rendu par le Tribunal de commerce Lille Métropole le 28 septembre 2021,
En ce qu'il s'est déclaré compétent rationae materiae pour connaître du présent litige, et qu'il a
PRONONCE la résiliation du contrat de mise à disposition des locaux de stockage et bureaux liant la SARL NORDBOX et la SARL ISO HABITAT 62, à effet du 31 mars 2021
CONDAMNE la SARL ISO HABITAT 62 à payer à la SARL NORDBOX une indemnité mensuelle d'occupation de 630 euros par mois, à compter du 1er avril 2021 jusqu'à restitution du box et bureaux vides,
FIXE une astreinte provisoire de 50 euros par jour à compter du 30ème jour après la signification du présent jugement jusqu'à restitution du box et bureaux vides, s'en réserve la liquidation,
CONDAMNE la SARL ISO HABITAT 62 à payer la SARL NORDBOX la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE l'exécution provisoire du jugement,
DEBOUTE les parties des autres demandes,
CONDAMNE la SARL ISO HABITAT aux dépens tels que fixés dans le jugement dont appel,
- PAR SUITE, il est demandé à la Cour d'appel de céans de :
CONSTATER l'incompétence rationae materiae de la juridiction consulaire,
EVOQUER la présente affaire,
PRONONCER la requalification du contrat liant la Société NORDBOX et la Société ISO HABITAT 62 en un contrat de bail commercial soumis aux statuts des baux commerciaux,
CONSTATER la poursuite du contrat liant la Société NORDBOX et la Société ISO HABITAT 62 sous le régime du statut des baux commerciaux, dans les mêmes conditions,
REJETER toute demande de résiliation de la Société NORDBOX,
EN TANT QUE DE BESOIN,
DECLARER nul et de nul effet le congé délivré par la Société NORDBOX à la Société ISO HABITAT 62 le congé délivré le 1 septembre 2020,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER la SARL NORDBOX à payer à la SARL ISO HABITAT 62 la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la SARL NORDBOX aux frais et dépens. ».
La société Iso Habitat 62 indique que conformément à l'article 11 du contrat, elle a établi son siège social dans les lieux loués. L'adresse correspond à celle donnée à la société Nordbox lors de l'établissement du contrat. Elle y reçoit ses clients, y accueille ses salariés, et y stocke son matériel. Etant une société commerciale, il en résulte inéluctablement la requalification du contrat liant les deux sociétés parties à l'instance en un contrat de bail soumis aux statuts des baux commerciaux, de sorte que le tribunal de commerce de Lille Métropole était incompétent pour trancher les questions relatives à la relation contractuelle existante. Pour autant, au stade de l'appel, il revient à la cour de connaître de la question de la requalification du contrat en évoquant ce litige.
Dans le cadre d'un bail commercial, le congé délivré par la société Nordbox aurait dû respecter le statut des baux commerciaux, de sorte que la simple lettre adressée le 1er septembre 2020 à la société Iso Habitat 62 ne saurait constituer un congé valable, notamment au regard de l'article L145-38 du code de commerce.
Au surplus, la société Nordbox n'établit nullement la nécessité de procéder aux travaux de mise aux normes qu'elle allègue, de sorte que le congé délivré ne saurait être valable.
Enfin, elle a prétendu dans le cadre de la première instance avoir proposé à la société Iso Habitat 62 un local équivalent aux mêmes conditions tarifaires sur le même ensemble immobilier, alors que tel n'est pas le cas. Il en résulte que le contrat de bail ne saurait être résilié, la société Nordbox devant véritablement proposer à la société Iso Habitat 62 des locaux équivalents dans ce même ensemble immobilier si elle souhaite que les lieux soient libérés par la société Iso Habitat 62 afin de procéder à des travaux de mise aux normes.
Le prononcé d'une astreinte n'est absolument pas fondée et risque d'entraîner des conséquences économiques particulièrement graves, qui mettront davantage en péril la société Iso Habitat 62, ainsi qu'en atteste son expert-comptable.
Par conclusions régularisées par le RPVA le 20 avril 2022, la société Nordbox demande à la cour de :
« Vu les articles 544 et suivants du Code civil,
Vu l'article L.721-3 du Code de commerce,
Vu les articles 42, 51 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les articles 88 et 568 du Code de procédure civile,
Vu l'article 4 du Code de procédure civil,
Vu les articles 1210 et 1211 du Code civil,
Vu les articles L.131-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution,
Vu l'article R.211-4 du code de l'organisation judiciaire
Vu les pièces,
(...)
Sur la compétence du tribunal de commerce
A titre incident et principal,
INFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par ISO HABITAT 62,
Statuant à nouveau :
- REJETER l'exception d'incompétence soulevée par ISO HABITAT 62 en ce qui concerne les demandes formulées par NORDBOX ;
- PRONONCER l'incompétence du Tribunal de commerce de Lille (au profit du Tribunal Judiciaire de Lille), pour statuer sur la demande reconventionnelle d'ISO HABITAT 62 en requalification du contrat en bail commercial.
A titre incident subsidiaire,
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par ISO HABITAT 62.
Sur la résiliation du contrat
A titre principal,
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a constaté et prononcé la résiliation du contrat de mise à disposition des locaux de stockage et bureaux situés à [Localité 2], [Adresse 1], à effet au 31 mars 2021.
Y ajoutant :
DECLARER prescrite la demande de requalification du contrat de mise à disposition en bail commercial, formulée par ISO HABITAT 62.
Subsidiairement,
REJETER la demande de requalification du contrat de mise à disposition en bail commercial, formulée par ISO HABITAT 62.
REJETER toutes demandes plus amples de ISO HABITAT 62.
A titre subsidiaire,
PRONONCER la résiliation du contrat pour faute d'ISO HABITAT 62.
Sur les conséquences de la résiliation du contrat
A titre incident et principal,
INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Nordbox de ses demandes plus amples ou contraires et fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 630 € TTC par mois à compter du 1er avril 2021.
Statuant à nouveau,
CONDAMNER ISO HABITAT 62 à payer à NORDBOX une indemnité d'occupation de 1.140 € TTC / mois à compter du 1er avril 2021.
Y ajoutant,
LIQUIDER l'astreinte prononcée en première instance et CONDAMNER ISO HABITAT 62 à payer à NORDBOX la somme de 9.550,00 € (à parfaire au jour de la décision à intervenir).
FIXER une nouvelle astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à la restitution des locaux mis à disposition,
A titre subsidiaire,
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 630 € TTC par mois à compter du 1er avril 2021
En toutes hypothèses,
REJETER toutes autres demandes de ISO HABITAT 62.
CONFIRMER le jugement de première instance en ce qu'il a statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens à la charge d'ISO HABITAT 62
Y ajoutant,
CONDAMNER d'ISO HABITAT 62 à payer à NORDBOX la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile relatif à la procédure d'appel et condamner ISO HABITAT 62 aux dépens d'appel. ».
La société Nordbox plaide que le tribunal de commerce s'est justement déclaré compétent pour connaître de ses demandes. La société Iso Habitat 62 tente de faire croire qu'il ne pouvait retenir sa compétence en faisant valoir en défense que le contrat litigieux devrait être requalifié en bail commercial. Afin de répondre à cette question, le tribunal a procédé à son analyse et jugé qu'il ne pouvait pas s'agir d'un bail commercial.
Le tribunal de commerce aurait dû se déclarer incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle de la société Iso Habitat 62, laquelle relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. En effet, la compétence du tribunal est déterminée par les termes de l'assignation et non des demandes reconventionnelles.
En toutes hypothèses, la cour étant saisie en appel, la demande de requalification peut être évoquée. Cependant, elle est prescrite puisque soumise à la prescription biennale. La demande aurait dû être faite par la société Iso Habitat 62 dans un délai de deux ans après la signature du contrat en vertu de l'article L.145-60 du code de commerce.
Le litige concerne un contrat de mise à disposition d'un emplacement de stockage, qui n'a jamais été un bail dérogatoire. Le pouvoir d'appréciation souverain des juges sur la destination voulue par les parties n'est ouvert que si la destination et/ou la volonté des parties ne résulte pas clairement des termes du contrat litigieux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La société Iso Habitat 62 a accepté ses conditions générales dans lesquelles il est expressément indiqué que « les conditions du présent contrat excluent l'application des articles L145.1 du code du commerce et suivants sur les baux commerciaux ». De plus, les conditions prévoient spécifiquement que le contrat ne peut être utilisé qu'à des fins de stockage.
Ecartant le statut du bail commercial, le congé donné ne devait répondre à aucun formalisme obligatoire et ne devait comporter aucune motivation.
A titre subsidiaire, si la cour devait procéder à l'analyse de la demande de requalification du contrat, elle ne pourrait que la rejeter. La société Iso Habitat 62 prétend exploiter un fonds de commerce mais n'en apporte pas la preuve. La présence de mobilier, plaque professionnelle, interphone ou salle de réunion ne sont pas créateurs d'un fonds de commerce attirant une clientèle, mais sont des éléments courants d'exploitation d'une société. Elle exerce une activité de « travaux d'isolation », de sorte que son activité s'effectue chez ses clients, et non sur le lieu de l'entreposage de son matériel et papiers administratifs, qu'elle peut délocaliser sans difficulté. De nombreux sites offrant des prestations similaires de stockage sont disponibles à proximité.
A toutes fins, la société Nordbox sollicite la résiliation du contrat pour faute compte tenu des nombreux manquements contractuels de la société Iso Habitat 62. En effet, son gérant refuse de respecter les règles élémentaires de sécurité et de jouissance et s'emporte lorsqu'elles lui sont rappelées. La poursuite de la relation contractuelle est impossible dans de bonnes conditions.
A ce jour, la société Iso Habitat 62 n'a toujours pas restitué les locaux, malgré l'exécution provisoire de la décision, dont elle était parfaitement informée. Il est donc justifié de liquider l'astreinte prononcée en première instance et de fixer une nouvelle astreinte conformément aux articles L131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
Par ailleurs, il y a lieu de revaloriser l'indemnité d'occupation fixée par les premiers juges, puisqu'elle est, par principe, fixée a minima au prix du marché, et doit tenir compte du préjudice subi par le propriétaire.
SUR CE
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, anciennement 1134 du même code, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L'article L 110-3 du code de commerce précise qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
Il résulte de ces textes que tous les modes de preuves sont admissibles en matière commerciale, la preuve par présomption comme la preuve par témoins, sous réserve toutefois du principe selon lequel nul ne peut se créer de preuve à soi-même.
Sur la qualification du contrat
Il résulte du courrier adressé le 29 janvier 2015 par la société Nordbox, qui exerce une activité de location de boxes et de surfaces de stockage, à la société ITC Habitat, devenue Iso Habitat 62, qui exerce une activité de rénovation et isolation, que cette dernière s'est vue mettre à disposition « une surface de stockage et bureaux de 200 m2 », avec « une domiciliation » selon une attestation du 15 mars 2015.
La société Nordbox, tout en arguant non sans légitimité que les pièces n°1 et 2 de la société Iso Habitat 62, versées en original lors l'audience de plaidoiries conformément à l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état, sont des faux, se prévaut elle-même des conditions générales de location qui constituent justement la pièce n°1 de l'appelante, qu'elle n'a pas elle-même produites aux débats.
Si la pièce n°2 constitue sans conteste une fausse attestation réalisée à partir de la numérisation défectueuse faite d'une précédente attestation du 15 mars 2015 rédigée par la société Nordbox, la pièce n°1 reproduit quant à elle les signatures et cachets commerciaux portés sur la demande de la société Iso Habitat 62 de réduction de la surface de stockage mise à sa disposition en date du 16 avril 2018, les signatures étant maladroitement repassées au stylo à bille.
L'intérêt de la société Iso Habitat 62 à falsifier ces pièces est difficilement compréhensible. Il se déduit en tout état de cause de son attitude qu'elle ne conteste pas être liée par les conditions générales de location qu'elle produit, après les avoir revêtues de faux cachets commerciaux et signatures. Quant à la société Nordbox, elle ne remet pas en cause leur contenu mais au contraire s'en prévaut.
Ce document stipule :
-en son article 1.1, que « les présentes conditions générales sont applicables à tout contrat de mise à disposition conclu entre d'une part Nordbox et d'autre part l'utilisateur de l'Espace de stockage », dénommé « le Client » ;
-en son article 2.1, que « Nordbox accorde au Client le droit d'occuper et user de l'Espace de stockage conformément aux conditions contractuelles, aux seules fins d'entreposage de Biens autorisés. Le Client ne peut utiliser l'Espace de stockage à d'autres fins. » ;
-en son article 2.9, que « le Client s'engage à ne pas exercer d'activité commerciale, industrielle, artisanale, de services ou libérale dans l'Espace de stockage ou dans l'enceinte de l'Espace de stockage, chaque Espace de stockage étant exclusivement réservée à l'entreposage de biens. Le client déclare en outre que l'Espace de stockage, objet du présent contrat, n'a aucun caractère nécessaire, ni indispensable pour l'exploitation du fonds de commerce ».
Ces clauses claires et précises, dénuées de toute ambiguïté, établissent avec certitude que le contrat litigieux est un contrat de mise à disposition. La société Iso Habitat 62 ne saurait se prévaloir de l'usage qu'elle en aurait fait en réalité, et ce en violation de ses engagements contractuels, pour tenter d'obtenir sa requalification en contrat de bail commercial. Elle n'en rapporte d'ailleurs pas, à hauteur d'appel, le moindre commencement de preuve.
C'est donc par une parfaite appréciation que le tribunal de commerce a retenu sa compétence matérielle, étant observé que contrairement à ce que plaide la société Nordbox, les premiers juges n'ont nullement examiné la demande reconventionnelle de la société Iso Habitat 62 mais uniquement analysé de manière exhaustive et pertinente les éléments de fait et de droit nécessaires à la qualification du contrat litigieux. La décision entreprise sera confirmée de ce chef.
Le sens de cette décision fait perdre tout objet à la demande de la société Nordbox visant à faire déclarer prescrite la demande de requalification du contrat de mise à disposition en bail commercial, formulée par la société Iso Habitat 62.
Sur la résiliation du contrat
Aux termes des articles 1210 et 1211 du code civil, les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.
En l'espèce, le contrat a été conclu à compter du 1er avril 2015, « pour une durée de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction chaque année », avec « possibilité de départ anticipé, moyennant un préavis de trois mois pendant cette période ».
Il a été résilié par la société Nordbox, par un courrier du 1er septembre 2020, à effet au 31 mars 2021, soit avec un préavis de 7 mois.
Ce délai apparaît raisonnable au regard de la nature du contrat et de l'ancienneté de la relation contractuelle.
L'argument de la société Iso Habitat 62 selon lequel la société Nordbox ne justifierait pas de la nécessité des travaux de mise en conformité allégués à l'appui de sa résiliation est infondé, celle-ci justifiant d'un devis de travaux d'électricité établi le 29 janvier 2020 par la société Electricité Guidez.
Par ailleurs, c'est de son propre choix qu'elle n'a pas donné suite à la proposition de la société Nordbox de mettre à sa disposition des locaux équivalents situés dans une autre aile du bâtiment non concernée par les travaux, au seul motif que le bureau serait « excentré » par rapport aux espaces de stockage, ce dont elle ne justifie encore une fois nullement.
Au regard de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté la résiliation du contrat de mise à disposition conclu entre les parties à compter du 31 mars 2021, leur décision devant en revanche être réformée en ce qu'ils ont également, de manière incohérente, prononcé la résiliation dudit contrat à cette date.
La société Iso Habitat 62 sera déboutée de sa demande tendant à faire déclarer « nul et de nul effet le congé délivré par la Société NORDBOX à la Société ISO HABITAT 62 le congé délivré le 1 septembre 2020 ».
Sur l'indemnité d'occupation
La fixation de l'indemnité d'occupation au montant du loyer préexistant à la date de résiliation du bail est parfaitement adaptée, la société Nordbox ne justifiant par aucune pièce qu'elle aurait pu relouer les locaux litigieux pour un loyer de 1 140 euros par mois, au surplus à compter du 1er avril 2021 alors qu'elle comptait y engager des travaux de réfection du système électrique. En l'absence de toute preuve contraire, il ne peut en effet qu'être retenu que cette somme correspond tant à la valeur de jouissance du bien qu'à la réparation du préjudice subi constitué par son occupation du bien par un occupant sans droit ni titre.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due par la société Iso Habitat 62 à 630 euros à compter du 1er avril 2021 jusqu'à restitution du box et bureau vides.
Sur l'astreinte
Aux termes des articles L131-1 à L131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts. L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire. L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir. Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, à laquelle est dévolue la chose jugée par les premiers juges, de liquider l'astreinte provisoire fixée par ces derniers et de prononcer une nouvelle astreinte, mais seulement d'examiner le bien-fondé de ce chef de la décision querellée.
La société Nordbox sera donc déboutée de ses demandes tendant à faire :
« LIQUIDER l'astreinte prononcée en première instance et CONDAMNER ISO HABITAT 62 à payer à NORDBOX la somme de 9.550,00 € (à parfaire au jour de la décision à intervenir).
FIXER une nouvelle astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et jusqu'à la restitution des locaux mis à disposition ».
Il n'en reste pas moins que la résistance de la société Iso Habitat 62 à quitter les lieux est parfaitement illégitime. Cette dernière ne saurait invoquer le coût d'un déménagement, chiffré à 15 480 euros TTC selon devis « prestation luxe » du 4 octobre 2021, pour en justifier, étant observé qu'elle se contente de produire une attestation de son expert-comptable en date du 6 octobre 2021 selon laquelle « le transfert de la SARL Iso Habitat 62, compte tenu du contexte économique compliqué actuellement et du coût du déménagement significatif du fait de la quantité de matériel de mobilier, mettrait la société en péril et pourrait la contraindre à déposer le bilan », laquelle n'est étayée par aucune pièce comptable.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a prononcé une astreinte provisoire de 50 euros TTC par jour à compter du 30e jour après sa signification jusqu'à restitution du box et bureau vides, et s'en est réservée la liquidation.
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'issue du litige justifie de condamner la société Iso Habitat 62 aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera confirmée du chef des ses frais irrépétibles de première instance.
La société Iso Habitat 62, tenue aux dépens d'appel, sera en outre condamnée à verser à la société Nordbox la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, sauf en ce qu'il a « constaté et prononcé » la résiliation du contrat de mise à disposition des locaux de stockage et bureaux situés à [Localité 2], [Adresse 1] à effet au 31 mars 2021 ;
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Constate la résiliation du contrat de mise à disposition des locaux de stockage et bureaux situés à [Localité 2], [Adresse 1] à effet au 31 mars 2021 ;
Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société Iso Habitat 62 à payer à la société Nordbox la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la société Iso Habitat 62 de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la société Iso Habitat 62 aux dépens d'appel.
Le greffier
Marlène Tocco
Le président
Samuel Vitse