République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 13/04/2023
N° de MINUTE : 23/388
N° RG 20/05157 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TKVI
Jugement (N° 51-17-0010) rendu le 26 Novembre 2020 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer
APPELANTES
Madame [C] [U] [H] [F] épouse [J]
née le 29 Juillet 1946 - de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 16]
Madame [A] [R] [Z] [F] épouse [M]
née le 16 Mai 1951 - de nationalité Française
[Adresse 15]
[Localité 1]
Représentées par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras
INTIMÉE
Madame [B] [L] épouse [O]
née le 29 Juin 1955 - de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 19]
Représentée par Me Gonzague De Limerville, avocat au barreau d'Amiens
DÉBATS à l'audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 après prorogation du délibéré du 16 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par acte authentique en date du 28 avril 1984 conclu en l'étude de Maître [Y] [I], notaire à [Localité 21], Mme [C] [F] épouse [J] a consenti un bail à ferme à long terme à Mme [B] [L] épouse [O] sur diverses parcelles de terre lui appartenant.
Ces parcelles sont les suivantes :
Commune d'[Localité 23] (62)
-[Adresse 26] cadastrée A [Cadastre 4] pour une superficie de 3 hectares 17 ares 30 centiares ;
-lieudit'Ferme Demilleville' et le '[Adresse 28]' cadastrées section A n°[Cadastre 10] et [Cadastre 11] pour une superficie de 4 hectares 56 ares et 69 centiares ;
-[Adresse 25]cadastrée section A n°[Cadastre 12] pour [Cadastre 14] ares 41
centiares ;
- [Adresse 27] cadastrée section ZD n°[Cadastre 3] pour [Cadastre 17] hectares 21 ares 90 centiares
Soit une surface totale de 15 hectares 54 ares 30 centiares.
Ce bail consenti pour une durée de 18 années et 6 mois, a commencé à courir le 1er avril 1984 pour expirer le 1er octobre 2002.
A défaut de congé, ce bail s'est trouvé tacitement renouvelé pour neuf années.
Il est à nouveau venu à terme en 2011 et a expiré de nouveau en 2020.
Aux termes du même acte le 28 avril 1984, Mme [A] [F] épouse [M] a elle-même donné à bail rural à long terme à Mme [B] [L] épouse [O] les parcelles suivantes :
Commune d'[Localité 23] :
-lieudit 'le Pastis Boucher' cadastré ZD n°[Cadastre 8] pour 4 hectares 85 ares 20
centiares ;
-[Adresse 27] cadastré section ZD n°[Cadastre 7] pour 3 hectares 59 ares 20 centiares ;
-[Adresse 28] cadastré section ZH n°[Cadastre 2] pour 49 ares 20
centiares ;
-[Adresse 24] cadastré section A n°[Cadastre 5] pour 12 hectares 9 ares 80 centiares
Soit une surface totale de 21 hectares 9 ares 80 centiares.
Ce bail consenti pour une durée de 18 années et 6 mois, a commencé à courir le 1er avril 1984 pour expirer le 1er octobre 2002.
A défaut de congé, ce bail s'est trouvé tacitement renouvelé pour neuf années.
Il est à nouveau venu à terme en 2011 et a expiré de nouveau en 2020.
Par requête en date du 11 juillet 2017, Mme [B] [L] épouse [O], désignée dans la suite du présent arrêt sous le nom de Mme [O], a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer d'une requête aux fins d'être autorisée à céder les droits qu'elle détient au titre du bail à son fils, [X] [O], au visa de l'article L. 411- 35 du code rural et de la pêche maritime.
Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] se sont opposées à cette demande et ont maintenu leur position lors de l'audience de conciliation qui s'est tenue le 28 septembre 2017.
Cette première instance enrôlée sous le numéro 51-17-10 étant pendante, les bailleresses ont fait dresser deux constats d'huissier sur ordonnance délivrée par la présidente du tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer.
Une requête en résiliation de bail a été déposée par Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] auprès de la juridiction de Montreuil-sur-Mer, les requérantes faisant valoir qu'elles avaient constaté à la lecture des constats que les parcelles voyaient leur exploitation compromise.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 51-19-3.
Elle a été évoquée en conciliation le 27 juin 2019 sans qu'aucun accord n'intervienne à l'issue de l'audience.
Par ailleurs, le bail devant venir à terme le 30 septembre 2020, date à laquelle Madame [O] a atteint l'âge légal pour faire valoir ses droits à la retraite comme étant née le 29 juin 1955, Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] lui ont fait délivrer un congé sur un double motif à savoir d'une part pour refus de renouvellement du bail pour manquements du preneur entraînant une compromission du fonds et d'autre part sur le fondement de l'article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime par acte extrajudiciaire de Maitre [T], huissier de justice à [Localité 22] et ce par acte en date du 29 mars 2019.
Madame [O] a alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une nouvelle requête en demande d'annulation dudit congé sollicitant de plus fort la cession de bail au profit de son fils.
Cette troisième affaire a été enrôlée sous le numéro 51-19-05 et a été examinée en conciliation le 26 septembre 2019 sans qu'aucun accord n'intervienne.
Après plusieurs renvois, les trois affaires ont été évoquées en audience de jugement du 24 septembre 2020.
Le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer, par jugement en date du 26 novembre 2020, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure à ce jugement et du dernier état des demandes et prétentions des parties, a :
- prononcé la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 51-17-10, 51-19-3, 51- 19-5, l'affaire étant désormais enregistrée sous le numéro
RG 51-17-10 ;
- rejeté la demande de résiliation.
- autorisé Mme [B] [L] épouse [O] à céder les droits qu'elle détient sur le bail à ferme du 28 avril 1984 sises sur le territoire d'[Localité 23] cadastrées A N [Cadastre 4], A N [Cadastre 10] et [Cadastre 11], A N [Cadastre 12] et ZD [Cadastre 3] d'une contenance totale de 15ha 54a 30 ca, ainsi que sur les parcelles cadastrées ZD [Cadastre 8], ZD [Cadastre 14] ZH [Cadastre 2], AN [Cadastre 5] d'une contenance de 21ha 9a 80ca, à son fils Monsieur [X] [O].
- constaté que le congé litigieux s' en trouve privé d' effet.
- rejeté la demande en paiement de la somme de 1046.69 euros, au titre des fermages 2018/2019.
- condamné Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] à payer à Mme [B] [L] épouse [O] la somme de 4000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
- ordonné l' exécution provisoire.
Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] ont interjeté appel de ce jugement par courrier électronique de leur conseil adressé au secrétariat-greffe de cette cour le 14 décembre 2020, la déclaration d'appel critiquant chacune des dispositions du jugement entrepris.
Les parties ont été régulièrement convoquées devant cette cour par lettre recommandée avec accusé de réception;
Après plusieurs renvois, l'affaire a été retenue lors de l'audience du 22 septembre 2022, audience lors de laquelle les parties appelantes représentées par leur conseil, ont demandé la désignation d'un magistrat chargé de l'instruction de l'affaire.
Une décision du 17 novembre 2022 a :
-rejeté la demande de désignation d'un magistrat chargé de l'instruction ;
-renvoyé l'affaire et les parties à l'audience du janvier 2023 ;
-réservé les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en fin de cause.
L'affaire a été effectivement retenue lors de l'audience du 19 janvier 2023.
******
Lors de l'audience, les parties appelantes, dûment représentées par leur conseil, soutiennent les conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles elles demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles L.411-35, L. 411-37, L. 411-29, et L.411-31 du code rural de la pêche maritime;
-dire et juger Mme [A] [M] née [F] et Mme [C] [J] née [F] recevables et bien fondées en leur appel.
A titre principal,
-infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil sur Mer du 26 novembre 2020 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
-résilier le bail dont est titulaire Mme [B] [L] épouse [O] en date du 28 avril 1984 renouvelé depuis lors.
A titre subsidiaire,
Si la cour s'estime insuffisamment informée concernant l'état des parcelles louées et leur compromission, désigner tel expert qu'il lui plaira avec mission de :
-les parties et leur conseil préalablement convoqués
-visiter les parcelles louées.
-se faire remettre tout document utile et, en particulier, l'ensemble des constats d'huissier établis à la requête des requérantes par Maître [D] , huissier de justice (notamment constats des 11 janvier 2018,12 février 2019,15 février 2019)
-au vu de ces constats et de toute autre pièce contemporaine de la date de saisine du tribunal paritaire des baux Ruraux de Montreuil-sur-Mer soit le 26 mars 2019, dire si les parcelles étaient exploitées conformément aux usages ou se trouvaient compromises dans les termes de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;
-effectuer des prélèvements à divers horizons sur l'ensemble des parcelles louées et les faire analyser pour déterminer si les parcelles ont été régulièrement amendées au cours des cinq dernières années ;
-si le biens loués sont dégradés, évaluer le montant du préjudice subi par les bailleresses ;
-établir un pré rapport, recevoir les dires des parties et y répondre ;
-du tout, dresser rapport pour qu'il soit statué ;
A titre infiniment subsidiaire,
-valider le congé délivré le 29 mars 2019 pour la date du 30 septembre 2020 ;
-débouter Mme [O] née [L] de sa demande d'autorisation de cession du bail au profit de son fils [X] [O],
En conséquence en cas de résiliation du bail ou de validation du congé,
-ordonner l'expulsion de Mme [B] [L] épouse [O] et de tout occupant de son chef des parcelles sises sur le terroir de la commune d'[Localité 23] cadastrées A [Cadastre 4], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 5], ZD [Cadastre 3], [Cadastre 8], [Cadastre 14] et ZHI dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 1 an,
-dire qu'à défaut d'exécution volontaire, elle pourra y être contrainte par la force publique,
-dire que jusqu'à parfaite libération, elle demeurera redevable d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du fermage augmenté des taxes,
-condamner Mme [B] [L] épouse [O] à payer à chacune de Mme [J] et Mme [M] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les émoluments versés à Maître [D], huissier de Justice à raison des constats dressés les 15 février 2019,12 février 2019,11 janvier 2018 et 12 février 2019.
Mme [B] [L] épouse [O], représentée par son conseil, soutient ses conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles elle demande à la cour de :
Au visa des dispositions des articles L. 411-53, L. 411-74, et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime,
-dire Mmes [C] [F] épouse [J] et [A] [F] épouse [M] tant irrecevables que mal fondés en leur appel ;
-les en débouter ;
-confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Montreuil sur Mer :
Y ajoutant,
-les condamner au paiement des dépens et de la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des demandes et moyens des parties.
MOTIFS
Sur la demande en résiliation judiciaire du bail rural :
L'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
.-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :
1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;
2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ; 3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27.
Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
II.-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :
1° Toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ;
2° Toute contravention aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 411-[Cadastre 7] ;
3° Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur ;
4° Le non-respect par l'exploitant des conditions définies par l'autorité compétente pour l'attribution des biens de section en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.
Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail.
Au soutien de leur demande en résiliation de bail, Mme [F] épouse [M] et Mme [F] épouse [J] soutiennent que Mme [O] n'a pas toujours été exploitante des terres affermées et qu'elle n'est plus aujourd'hui exploitante de ces terres et qu'elle s'est permise de modifier la destination de certaines des parcelles et s'est abstenue d'assurer un entretien satisfaisant des terres, dans des conditions de nature à compromettre le bien donné à bail.
Sur la cession de bail invoquée au soutien de la demande en résiliation judiciaire du bail rural :
L'article L. 411-35 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime dispose notamment que :
Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.
Les parties appelantes font valoir en premier lieu que le relevé de carrière produit par Mme [O] pour justifier de ce qu'elle est toujours en activité fait apparaître que l'intéressée ressortait du régime général pour la période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1989 puis du 1er juin 1991 au 31 décembre 1991 et encore pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004. Elles en concluent qu'il en résulte nécessairement que Mme [O] n'était pas exploitante agricole pour les périodes considérées ce qui traduit une situation de cession de son bail rural.
Elles ajoutent que les premiers juges ont d'office évoqué une possible situation de pluri-activité de Mme [O] pendant les mois correspondants mais qu'une telle explication, alors que la locataire n'a pas par ailleurs évoqué elle-même une situation de pluri-activité , ne peut en tout état de cause être considérée comme pertinente alors que la faculté d'option ouverte au cotisant dans les situations de pluri-activité n'a été ouverte que sous certaines conditions par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 soit par un texte très postérieur aux périodes considérées. Elles en concluent de plus fort à l'existence d'une situation de sous-location ou de cession prohibée ou à tout le moins à un défaut d'exploitation personnelle par Mme [O].
Il sera précisé à titre liminaire que le dernier renouvellement du bail antérieur à la saisine de la juridiction paritaire est intervenu en 2011. A supposer que les griefs soient établis de ce chef, ils ne pourraient servir de fondement à une action en résiliation judiciaire du bail rural alors que le bail renouvelé est un nouveau bail et que les éventuels manquements sont bien antérieurs à ce bail renouvelé et n'ont pu voir leur effet perdurer au-delà de ce renouvellement.
Cependant, la cour ne pourra faire l'économie de l'examen de la réalité du grief invoqué alors que les faits invoqués le sont également pour contester la qualité de preneur de bonne foi dans le cadre de l'examen de la demande de cession de bail présentée par Mme [O] et qu'à ce titre il y aura lieu de déterminer si la locataire a bien respecté ses obligations pendant toute la durée des relations contractuelles entre les parties.
Sur ce,
Il y a lieu en l'espèce de relever que le relevé de carrière produit par Mme [O] démontre que cette dernière a été déclarée exploitante agricole entre le 1er janvier 1982 et le 21 août 2012 puis en qualité de membre d'une société agricole depuis le 22 août 2012.
Par ailleurs, Mme [O] a dûment produit aux débats, entre autres relevés de cotisation MSA, les appels de cotisations suivantes en sa qualité d'exploitante agricole :
-le détail des cotisations appelées au titre du 2ème appel provisionnel pour l'année 2003, envoyé le 26 mai 2003 et payable à la date du 30 juin 2003 ;
-le bordereau annuel de cotisations au titre de l'année 2003 exigible au 20 octobre 2003 ;
-le premier appel provisionnel de cotisations au titre de l'année 2004 exigible le 28 février 2004
-le second appel provisionnel de cotisations au titre de l'année 2004 exigible le 29 mai 2004 ;
-le bordereau annuel des cotisations au titre de l'année 2004, les sommes restant dues étant exigibles le 21 novembre 2004 ;
-le premier appel provisionnel de cotisations au titre de l'année 1988, exigible le 26 mars 1988
-le second appel provisionnel de cotisations au titre de l'année 1988, exigible le 27 juin 1988
-le bordereau annuel des cotisations au titre de l'année 1988 ;
-le premier appel provisionnel de cotisations au titre de l'année 1989 exigible le 28 mars 1989 ;
-le second appel provisionnel de cotisations au titre de l'année 1989 exigible le 26 juin1989 :
- le bordereau annuel des cotisations au titre de l'année 1989 émis le 11 août
1989 ;
-deux appels provisionnels de cotisations au titre de l'année 1991.
Il s'ensuit que la thèse d'un arrêt des activités d'exploitante agricole de Mme [O] ne s'évince nullement des documents émanant de la MSA et que les appelantes échouent à faire la preuve d'un quelconque manquement du preneur à bail de ce chef.
Les appelantes font valoir en second lieu que Mme [O] a d'ores et déjà en réalité cédé son bail rural à son fils [X] [O]. Elles en tiennent pour preuve que le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire de la SCEA Terramesnil du 20 juin 2019 , société dans laquelle Mme [O] et son fils sont associés ensemble, énonce que [X] [O] est en réalité le seul associé exploitant, puisqu'il est le seul à percevoir la rémunération non négligeable de 2500 euros par mois et qu'il ressort par ailleurs des éléments de la cause que Mme [B] [O] ne dispose plus que 10 des 1500 parts de ladite société.
Cependant, il y a lieu d'observer qu'il a été produit aux débats les pièces justifiant de ce que la SCEA Terramesnil a été créée en 2012 entre Mme [O] et son fils, les deux intéressés étant associés exploitants de ladite société. Cette qualité d'associé exploitant est repris dans l'ensemble des procès-verbaux d'assemblée générale produit. Il est justifié par ailleurs de ce que Mme [O] est connue à ce jour comme associée exploitante par la MSA. Le simple fait qu'elle soit associée minoritaire de la SCEA ne peut suffire à considérer qu'elle ne serait plus exploitante.
Pour le surplus, et encore que le moyen n'apparaît plus être repris en cause d'appel, la cour précisera en tant que de besoin qu'il a été dûment justifié de ce que suite à la création de la SCEA de Terramesnil le 22 août 2012, Mme [O] a dûment informé ses deux bailleresses de la mise à disposition des terres au profit de cette société, et ce dès le mois de septembre 2012.
Il s'ensuit que les griefs au titre d'un défaut d'exploitation et d'une éventuelle cession ne sont pas caractérisés.
Sur les agissements de nature à compromettre le fonds invoqués au soutien de la demande en résiliation du bail rural :
Selon l'article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime , si le preneur abandonne la culture, n'exploite pas raisonnablement , emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée ou, plus généralement, s'il n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail et obtenir des dommages et intérêts.
-Sur le changement de destination des parcelles :
Les parties appelantes font valoir à cet égard que l'examen comparatif du bail et du relevé d'exploitation produit par Mme [B] [L] épouse [O] fait apparaître qu'une des parcelles louées a changé de nature ; que cette situation est particulièrement pénalisante pour les bailleresses puisque dans le département du Pas-de-Calais, les parcelles en pâture ne peuvent être retournées et que ceci signifie que la parcelle qui était à usage de labour lors de la prise à bail ne peut pas être remise en état ex ante alors qu'elle est aujourd'hui à usage de pâture.
Elles font valoir qu'au surplus, la valeur des terres de labour est supérieure à celle des pâtures et que les conséquences du changement de destination imputable ainsi à la locataire sont préjudiciables aux bailleresses.
Il résulte des éléments de la cause que Mme [B] [L] exploite une parcelle sise à [Localité 23] cadastrée A [Cadastre 4] et d'une superficie de 3 hectares 17 ares 30 centiares et il est constant que cette parcelle est incluse dans l'assiette du bail. Selon le relevé cadastral , cette parcelle est effectivement exploitée par la locataire à usage de pâture.
Il y a lieu de relever cependant que cette parcelle correspond manifestement de par son emplacement et de par sa superficie à la parcelle reprise dans l'acte de Maître [Y] [I] comme étant la parcelle A [Cadastre 6] reprise pour une superficie de 3 hectares 17 ares 30 centiares, la désignation de la parcelle étant ainsi affectée d'une erreur matérielle de l'acte notarié, ce qui a donné lieu d'ailleurs à l'établissement d'un acte rectificatif par le notaire instrumentaire.
L'acte notarié énonce en effet que la parcelle A [Cadastre 6] (en réalité A285) est à usage de labour.
Cependant, force est de constater que l'état des lieux signé par les parties et annexé à l'acte fait apparaître que la parcelle litigieuse qui est à nouveau reprise comme étant la parcelle A [Cadastre 6] (mais avec l'exacte superficie de 3 ha 17 a 30 ca ) est notée comme étant une parcelle en pâture .
Il s'ensuit qu'un doute particulièrement sérieux existe quant au fait que la parcelle A [Cadastre 4] aurait été initialement à usage de labour.
Il s'ensuit que la cour en conclut comme les premiers juges que le grief n'est pas caractérisé, étant précisé qu'il n'est pas soutenu devant la cour que d'autres parcelles auraient vu leur destination modifiée.
-sur le mauvais entretien des parcelles :
Mmes [F] épouse [J] et [F] épouse [M] font valoir sur ce point que la locataire compromet les parcelles en ne procédant pas à l'entretien des haies et des parcelles. Elles se fondent sur plusieurs constats d'huissier établis par Maître [D], l'huissier ayant été commis par ordonnance sur requête par la présidente du tribunal paritaire des baux ruraux.
Les parties intimées conteste tout manquement à ce titre.
Il sera précisé à titre liminaire que la demande des parties appelantes tendant à la désignation d'un magistrat chargé de l'instruction de l'affaire et ce dans le but d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire chargé de décrire l'état des parcelles données à bail, une telle demande d'expertise n'ayant pas été formée en première instance, a été rejetée au motif que l'affaire était manifestement en état d'être jugée puisque les écritures respectives des parties dans le cadre de la demande tendant à la désignation d'un magistrat chargé de l'instruction de l'affaire contenaient d'ores et déjà l'essentiel de leurs moyens et que par ailleurs la cour statuant au fond est parfaitement à même de décider si les éléments de la cause justifient ou non l'instauration d'une mesure d'expertise avant dire droit.
Ces points étant précisés, il est effectif que des constats d'huissier ont été établis dans le cadre d'une procédure non contradictoire d' ordonnance sur requête, constats d'huissier établi par Maître [D] aux dates des 11 janvier 2018, 12 et 15 février 2019 et que ces constats d'huissier font apparaître ce qui correspondrait à un défaut d'entretien des parcelles, avec prolifération d'adventices de type chardons sur les parcelles en prairie et dans les haies.
Cependant, la partie intimée a elle-même produit aux débats un rapport établi par M. [S], appartenant à un cabinet d'expertise en matière foncière , agricole et immobilière rapport intitulé état des lieux dans lequel M. [S], après avoir visité les parcelles concernées indique être parvenu aux conclusions suivantes : 'les parcelles sont bien entretenues et en bon état cultural', 'les parcelles sont propres et il n'apparaît pas d'adventices en sur-nombre'. 'Les pâtures sont régulièrement fauchées'. ' Nous ne remarquons pas la présence de chardons. Les haies et bordure de bois sont taillées tel que l'impose la réglementation MAE. Les arbustes n'envahissent pas les parcelles et les ronces naturelles sont contenues le long des haies'. 'Les mesures agro-environnementales imposent l'absence de fumures minérales, chimiques et de désherbage chimique. C'est la raison pour laquelle il a été vu des tas de fumier que l'exploitant épand pour fertiliser le sol en éléments organiques'.
M. [S] joint à son rapport qui contient diverses photographies des parcelles en cause. Il ajoute encore dans son rapport que les chiffres de rendement des terres sont tout à fait cohérents compte tenu du potentiel de ces dernières, et que ces chiffres sont même au-dessus des rendements habituels.
Force est de constater, et alors que l'huissier de justice par définition n'a pas de compétence particulière en matière agricole, que les parties appelantes n'ont pas produit aux débats un autre rapport extra-judiciaire dont le contenu aurait été susceptible de contredire les mentions du rapport de M. [S], étant précisé que la personne qui aurait été missionée par elle aurait pu commenter les énonciations du rapport [S] et les constats d'huissier produits par ailleurs par Mmes [F], réalisant ainsi une expertise sur pièces, et aurait pu également au demeurant se rendre in situ puisque par définition les parcelles et encore plus les haies entourant ces parcelles sont visibles de la voie publique. Aucun élément contraire aux énonciations techniques du constat dont le caractère technique et la précision facilitaient cependant la contradiction, n'a ainsi été rapporté, notamment quant au fait que les parcelles en prairie ne peuvent faire l'objet d'un entretien en période hivernale en raison des contraintes agro-gouvernementales, alors que précisément les deux constats d'huissier ont été réalisés pendant cette période hivernale.
Il sera précisé par ailleurs qu'à la demande des parties intimées, M. [S] a à nouveau visité les parcelles pendant le cours des mois de juillet 2021 et août 2021 pour confirmer les termes de son premier rapport.
Il sera également précisé que s'il est évoqué dans les constats d'huissier des modifications de certaines haies séparant les parcelles, une telle modification n'est en réalité pas établie faute de justificatifs de l'état antérieur de ces haies.
Par ailleurs, le tribunal paritaire des baux ruraux a exactement relevé dans les motifs de sa décision qu'il était justifié par la production des dossiers PAC , de la mise en place de cultures biologiques par la SCEA de Terramesnil sur les parcelles d'Hesmond et de l'adhésion à la réglementation Mesure Agro-gouvernementale et climatique (MAEC) imposant des restrictions et des normes techniques précises pour l'entretien des haies, des prairies et le traitement des mauvaises herbes.
Dès lors la cour estime comme le premier juge et sans que la demande d'expertise soit justifiée dans le cadre d'un subsidiaire que la preuve d'un mauvaise entretien des parcelles données à bail n'est pas établi par le contenu des deux constats d'huissier aux débats.
Par ailleurs, s'il résulte des différentes lettres d'appel de fermage adressées par les bailleresses, mais surtout en réalité par Mme [F] épouse [J], que ces dernières réclamaient à leur locataire des travaux d'entretien sur les haies, l'existence de ces réclamations, lesquelles sont au demeurant intervenues dans un contexte de durcissement des relations entre les parties alors que se profilait le projet de demande de cession du bail rural, ne peuvent en soi faire la preuve des griefs allégués.
Enfin, s'il est effectif que le Conseil Général du Pas de Calais a demandé en 2007 à Mme [M] d'élaguer la haie de la parcelle A[Cadastre 5], cet incident, pour lequel il y a en réalité très peu d'informations sur son contexte et ses conséquences, est ancien et il n'est pas contesté que la situation a été régularisée.
Dès lors, la cour conclut comme le premier juge que le défaut d'entretien des parcelles n'est pas caractérisée.
Il convient dès lors au terme de l'ensemble de ces motifs de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a demandé la demande en résiliation judiciaire des baux ruraux.
Sur le congé pour refus de renouvellement pour faute du preneur à bail :
Pour les mêmes motifs que ceux qui ont justifié le rejet de la demande en résiliation judiciaire des baux, la cour annulera le congé délivré en ce qu'il refuse le renouvellement du bail pour manquements du preneur, le dispositif du jugement entrepris, affecté d'une omission étant complété sur ce point.
Sur le congé fondé sur l'âge et sur la demande d'autorisation de cession des baux :
Sur la validité de ce congé :
Aux termes des dispositions de l'article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, le droit de reprise tel qu'il est prévu aux articles L.411-[Cadastre 14] à L.411-63, L.411-66 et L.411-67 ne peut être exercé au profit d'une personne ayant atteint, à la date prévue pour la reprise, l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, sauf s'il s'agit, pour le bénéficiaire du droit de reprise, de constituer une exploitation ayant une superficie au plus égale à la surface fixée en application de l'article L.732-39. Si la superficie de l'exploitation ou des exploitations mises en valeur par le preneur est supérieure à cette limite, le bailleur peut, par dérogation aux articles L.411-5 et L.411-46:
- soit refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles;
- soit limiter le renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteindra cet âge.
Le preneur peut demander au bailleur le report de plein droit à la date d'effet du congé à la fin de l'année culturale où il aura atteint l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein.
Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas, le bailleur doit prévenir le preneur de son intention de refuser le renouvellement du bail ou d'y mettre fin par acte extrajudiciaire signifié au moins dix-huit mois à l'avance.
Les dispositions du présent article sont applicables que le propriétaire entende aliéner ou donner à bail à un preneur dont l'âge est inférieur à l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles ou exploiter en faire-valoir direct. Dans ce dernier cas, sauf s'il s'agit pour le bailleur de constituer une exploitation dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, il ne doit pas avoir atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles.
Le preneur évincé en raison de son âge peut céder son bail à son conjoint, ou au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, participant à l'exploitation ou à l'un de ses descendants ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipé, dans les conditions prévues à l'article .411-35. Le bénéficiaire de la cession a droit au renouvellement de son bail.
A peine de nullité, le congé donné en vertu du présent article doit reproduire les termes de l'alinéa précédent.
En l'espèce le congé en ce qu'il a été délivré en raison de l'âge du preneur ne fait l'objet d'aucune critique ni sur le fond ni sur la forme, sauf pour Mme [O] à s'opposer à ce qu'il puisse prendre effet en demandant à être autorisée à céder son droit au bail à son fils [X], pour lesquel elle fait valoir qu'il remplit les conditions légales pour bénéficier de la cession du bail rural à son profit.
Sur la demande de cession :
Pour se prononcer sur la cession, le juge doit rechercher si la cession projetée ne risque pas de nuire aux « intérêts légitimes du bailleur ». Ces intérêts sont appréciés au regard, d'une part, du comportement du preneur cédant au cours de son bail, et d'autre part, au regard des conditions de mise en valeur de l'exploitation par le cessionnaire candidat.
S'agissant du preneur cédant, le tribunal paritaire apprécie sa « bonne foi » en vérifiant qu'il n'a pas commis de manquements graves à ses obligations en cours de bail. La cession est une faveur accordée au preneur qui s'est acquitté de ses obligations et la bonne exécution du bail s'apprécie sur toute la durée des relations contractuelles.
S'agissant du cessionnaire, il doit pouvoir offrir des garanties pour assurer une bonne exploitation du fonds : être titulaire d'une autorisation d'exploiter, avoir des aptitudes professionnelles suffisantes, disposer des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation du fonds loué
Sur la bonne foi du preneur
Sur l'allégation d'un paiement irrégulier des fermages et de leurs accessoires :
Les pièces communiquées par la partie intimée font apparaître que les modalités de paiement des fermages ont été les suivantes sur les 20 dernières années :
-Fermages année 2001 :
-fermage [M] demandé le 15 octobre 2001 : chèque touché le 27 décembre 200 I ;
-fermage [J] demandé le 16 octobre 2001 : chèque en date du 27 novembre 2001 touché le 2 janvier 2002 ;
- Fermages année 2002 :
-fermage [M] demandé le 22 novembre 2002: chèque touché le 2 janvier 2003 ;
-fermage [J] demandé le 20 novembre 2002 : chèque touché le 30 décembre 2002 ;
-Fermages année 2003 :
-fermage [M] demandé le 28 octobre 2003: chèque touché le 27 novembre 2003 ;
- fermage [J] demandé le 22 octobre 2003 : chèque touché le 2 décembre 2003 ;
-Fermages année 2004 :
- fermage [M] demandé le 25 octobre 2004: chèque touché le 6 décembre 2004 ;
- fermage [J] demandé le 17 novembre 2004 : chèque touché le 8 décembre 2004 :
-Fermages année 2005 :
- fermage [M] demandé le 10 octobre 2005 : chèque touché le 5 janvier 2006 ;
-fermage [J] demandé le 10 octobre 2005 : chèque touché le 6 janvier 2006 ;
- Fermages année 2006 :
- fermage [M] demandé le 24 octobre 2006: chèque touché le 29 décembre 2006 ;
- fermage [J] demandé le 21 octobre 2006 : chèque touché le 1 er janvier 2007 ;
-Fermages année 2007 :
- fermage [M] demandé le 22 octobre 2007 : chèque touché le 8 janvier 2008 ;
- fermage [J] demandé le 25 octobre 2007 : chèque touché le 10 janvier 2008 ;
Fermages année 2008 :
- fermage [M] demandé le 23 octobre 2008 : chèque touché le 7 janvier 2009 ;
- rectification demande fermage [J] 8 janvier 2009 chèque touché le 7 janvier 2009 ;
-fermages année 2010 :
- fermage [M] demandé le 18 octobre 20 I 0: chèque touché le 17 décembre 2010 ;
- fermage [J] demandé le 21 octobre 2010 : chèque touché le 22 décembre 2010 ;
-fermages année 2011:
- le fermage [M] a été demandé par une lettre en date du 10 octobre 2011et a donné lieu à un versement par chèque effectivement encaissé le 20 novembre 2011;
- le fermage [J] a été réclamé à une date inconnue mais il a donné lieu, après réclamation de la locataire concernant le fait que la propriétaire ne lui avait pas fait bénéficié des dégrèvements dont doit bénéficier le locataire, à l'émission d'un chèque qui a été touché à la date du 14 décembre 2021 ;
-fermages année 2012 et année 2013 :
Il n'est pas contesté que ces derniers ont été appelés et payés suivant le même calendrier que les fermages antérieurs ;
-fermages année 2014 :
-le fermage [M] a été appelé par une lettre en date du 15 octobre 2014 et le chèque remis en paiement a été encaissé par sa bénéficiaire le 28 novembre 2014 ;
- le fermage [J] a été appelé par une lettre qui ne porte pas mention de sa date et le chèque remis en paiement a été encaissé à la date du 8 décembre 2014, le montant du chèque remis couvrant l'intégralité des sommes réclamées à l'exception de la somme de 33, 24 euros réclamée à titre d'intérêts de retards et les sommes de 17,25 euros et de 21,49 euros au titre de rappel d'impôts fonciers pour les années 2009 et 2010 ;
-fermages année 2015 :
-le fermage [M] a été appelé par une lettre datée du 5 novembre 2015 et le chèque remis en paiement a été encaissé par sa bénéficiaire à la date du 8 décembre 2015 ;
-le fermage [J] a été appelé par une lettre datée du 30 octobre 2015 et le chèque remis en paiement a été encaissé par sa bénéficiaire à la date du 4 décembre 2015 ;
-fermages année 2016 :
-le fermage [M] a été appelé par une lettre en date du 15 novembre 2016. Le règlement de ce fermage a été effectué par chèque qui a été effectivement encaissé le 12 janvier 2017, Mme [O] ayant entre-temps émis une contestation quant au montant de la somme réclamée au titre de l'impôt foncier, reprochant à la bailleresse de ne pas lui avoir fait bénéficier dans ses calculs du dégrèvement de 20 % prévu par les textes au profit du preneur ;
-le fermage [J] a été appelé par une lettre en date du 20 octobre 2016. Le règlement est intervenu suivant chèque encaissé le 24 janvier 2017 après que Mme [O] ait émis deux contestations suivant lettres du 30 décembre 2016, l'une tenant au fait que la somme réclamée au titre de l'impôt foncier concernait deux parcelles sises à [Localité 23] qui n'étaient pas incluses dans l'assiette de son bail, sans que la pertinence de cette contestation n'apparaisse avoir été remise en cause et l'autre tenant au fait que la réclamation ne tenait pas compte du dégrèvement dont devait bénéficier le preneur ;
-fermages année 2017 (année de la demande d'autorisation de cession de bail par Mme [O]) :
- le fermage [M] a été appelé par une lettre de la bailleresse en date du 15 novembre 2017. Le règlement de ce fermage est intervenu suivant chèque encaissé le 15 novembre 2017, la somme encaissée correspondant au montant appelé à l'exception d'une somme contestée par la locataire au titre du refus de lui accorder le dégrèvement de 20 % .
- le fermage [J] a été appelé par une lettre en date du 20 novembre 2017 et a donné lieu à un règlement de 2619,54 euros le 30 décembre 2017 avec également une contestation sur le fait que la bailleresse ne lui accordait pas le bénéfice du dégrèvement de 20 % .
La cour fera les observations suivantes :
En premier lieu et alors que le bail ne précise pas à quelle date doivent être réglés les loyers, il apparaît qu'un usage s'est instauré comme l'a justement relevé le jugement entrepris, les bailleresses ayant pris l'habitude d'adresser leur demande en paiement de fermages, tantôt en octobre, tantôt en novembre, chaque année et la locataire de son côté leur envoyant ensuite le paiement du fermage le mois suivant ou dans les quelques semaines suivantes ensuite, étant précisé que le fait pour les propriétaires d'envoyer l'appel des loyers fin octobre ou début novembre correspond à un usage assez répandu dès lors que les bailleurs ont à cette date reçu l'avis d'imposition au titre de la taxe foncière.
Il n'apparaît pas en conséquent que les paiements de la locataire puissent mériter le qualificatif d'habituellement tardifs alors que le bail a duré 36 ans et que comme l'a exactement relevé le jugement, il a pu être produit tout au plus une lettre de rappel au titre du fermage de l'année 2002 et une lettre de rappel au titre du fermage de l'année 2009, ces fermages ayant ensuite été rapidement soldés après rappel, et une lettre de rappel au titre du fermage de l'année 2017 , étant précisé que sur ce point la difficulté s'inscrit dans le contexte plus général de la contestation de la taxe foncière réclamée par les bailleresses.
En effet, il apparaît sur ce dernier point que la locataire a régulièrement fait observer que la somme qui lui était réclamée au titre de la taxe foncière n'était pas exacte au regard des dégrèvements dont elle pouvait bénéficier. Elle ne contestait nullement le fait que le contrat de bail rural prévoyait que la taxe foncière était à hauteur de 40 % à sa charge mais le refus de l'application du dégrèvement de 20 % prévu par les textes rappelés ci-dessous, lequel dégrèvement doit bénéficier au preneur.
A cet égard, l'article 1394 B bis, créé par la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005, est ainsi rédigé :
I. - Les propriétés non bâties classées dans les première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, huitième et neuvième catégories définies à l'article 18 de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue au profit des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale à concurrence de 20 %.
II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux propriétés non bâties qui bénéficient des exonérations totales prévues aux articles 1394 B et 1394 C ainsi qu'aux articles 1395 à 1395 E et 1649.
Les exonérations partielles prévues au 1° ter de l'article 1395 ou au I de l'article 1395 D s'appliquent après l'exonération prévue au I.
Ces dispositions s'appliquent aux impositions établies au titre de 2006 et des années suivantes.
L'article L. 415-3 du code rural et de la pêche maritime a été en conséquence modifié en ce sens qu'y ont été ajoutés les alinéas suivants :
Le montant de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférente aux terres agricoles, prévue à l'article 1394 B bis du code général des impôts, doit, lorsque ces terres sont données à bail, être intégralement rétrocédé aux preneurs des terres considérées. A cet effet :
« 1° Lorsque le pourcentage des taxes foncières mis à la charge du preneur en application du troisième alinéa est supérieur ou égal à 20 %, le preneur rembourse au bailleur une fraction de la taxe foncière sur les propriétés non bâties égale à la différence de ces deux pourcentages multipliée par 1,25 » ;
« 2° Lorsque le pourcentage des taxes foncières mis à la charge du preneur en application du troisième alinéa est inférieur à 20 %, le bailleur déduit du montant du fermage dû par le preneur une somme déterminée en appliquant au montant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties un taux égal à la différence entre ces deux pourcentages multipliée par 1,25. »
Quant aux communes ou intercommunalités, pour préserver leur budget, une compensation de l'Etat est mise en place.
Force est de constater que les bailleresses ne s'expliquent pas sur ce point, qu'elles n'ont pas répondu aux contestations de la locataire à ce sujet et que les appels de fermages et des accessoires ne tenaient pas compte de manière régulière des textes susvisés.
Les quelques légers retards constatés de la part de la locataire étaient liées à ces contestations et dès lors que ces contestations étaient fondées, ne peuvent être considérés comme contraires au principe de bonne foi exigé du locataire qui souhaite céder son droit au bail rural.
De la même façon, il apparaît que la contestation des intérêts de retard était justifiée alors que si le bail prévoyait effectivement de tels intérêts, il ne prévoyait pas de manière précise la date d'exigibilité des fermages et par conséquent le point de départ des intérêts réclamés, cette réclamation d'intérêts de retard étant apparue également dans le contexte de la détérioration des relations entre les parties.
Enfin, la cour observe que dans le cadre de la procédure de première instance, les bailleresses avaient sollicité la condamnation de Mme [L] épouse [O] au paiement de la somme de 1046,69 euros au titre d'un solde de fermages et accessoires. Les parties appelantes ont été déboutées d'une telle demande. Elles n'ont toutefois pas fait appel de ce chef du jugement, ce qui permet à la cour de conclure qu'il n'y avait effectivement pas de solde locatif impayé.
Il sera précisé enfin qu'il a été justifié qu' au titre de l'année 2012, le fermage pour Mme [M] a été appelé le 27 septembre 2012 et payé le 22 octobre 2012, sachant que le fermage de Mme [C] [J] a été appelé le 24 octobre 2012 et également réglé dans son intégralité.
Dès lors, la cour ne relève pas de manquements habituels dans le règlement des fermages et de leurs accessoires de la part de la locataire de nature à remettre en cause sa bonne foi.
Par ailleurs, la cour a d'ores et déjà écarté les griefs faits à la locataire et tenant à un défaut d'entretien régulier des parcelles, à un défaut de notification de la mise à disposition, à un changement de la destination des parcelles et à l'absence d'exploitation personnelle par Mme [B] [O].
Il convient d'en conclure que l'absence de bonne foi de la locataire n'est pas caractérisée et que le jugement doit être confirmé de ce chef.
Sur les qualités du cessionnaire :
Il sera précisé à titre liminaire qu'il n'est ni discuté ni discutable que M. [X] [O] est bien le fils de Mme [L] épouse [O] et qu'à cet égard il présente le lien de parenté avec le titulaire du bail qui lui permet d'être candidat à la cession de ce dernier.
Sur la domiciliation de M. [X] [O] :
Il a été justifié par la production de différentes pièces, à savoir la taxe foncière pour l'année 2021, les taxes d'habitation pour les années 2019, 2020, 2021, et 2022 et une attestation du maire de la commune de Terramesnil établie à la date du 31 août 2021 confirmant une précédente attestation de 2019 de ce que [X] [O] est bien domicilié au [Adresse 18] étant précisé que le village de Terramesnil est le siège de l'exploitation de la SCEA de Terramesnil et a par ailleurs toujours correspondu à l'adresse de l'exploitante qui y réside au [Adresse 9].
Sur la capacité et sur l'expérience professionnelle de M. [X] [O]
Il a été justifié de ce que M. [X] [O] était titulaire d'un diplôme d'ingénieur agricole délivré par l'école supérieure d'agriculture d'[Localité 20] et qu'il cumule au demeurant cette capacité professionnelle avec une expérience professionnelle de plus de cinq années en qualité d'exploitant, d'aide-familial, d'associé-exploitant, de salarié agricole ou de collaborateur, expérience acquise sur une exploitation d'une dimension suffisante,
Ces éléments cumulés établissent la réalité de M. [X] [O] de s'établir en tant qu'agriculteur même si sa mère avant l'année 2010 avait envisagé un temps qu'une autre personne puisse lui succéder dans son exploitation.
Par ailleurs, le fait que M. [X] [O] ait commencé l'exploitation de vignes sur 3 hectares de parcelles environ, lesquelles parcelles ne correspondent au demeurant pas aux parcelles objet du présent litige et ce pour un chiffre d'affaires qui est inférieur à 5 % au vu des justificatifs produits et dans le cadre d'une expérimentation des activités viticoles en région Hauts de France, n'est aucunement le signe d'une volonté de ne plus se livrer à une exploitation des terres conforme à ce qu'elle était antérieurement.
Sur la conformité au contrôle des structures :
Il résulte des pièces produites aux débats :
-qu'initialement, M. [X] [O] exploitait une superficie de 147,62 hectares :
-que suivant arrêté en date du 27 juillet 2012, le préfet de la Somme a accordé à la SCEA de Terramesnil, société constituée entre Mme [O] et son fils [X], une autorisation administrative d'exploiter une surface de 184,26 hectares, la décision préfectorale précisant que cette superficie provient à hauteur de 36,64 hectares des surfaces antérieurement exploitées par [B] [O], ladite superficie correspondant précisément aux parcelles objet du présent litige, et à hauteur de 147,62 euros aux surfaces antérieurement exploitées par son fils [X] -que la SCEA de Terramesnil a effectivement été constitué à compter du 22 août 2012 ;
-que les terres dont disposait chacune des associés ont ainsi été mises à la disposition de cette société , cette mise à disposition ayant été notifiée aux bailleresses ainsi que cela a été dit plus haut.
Enfin, par arrêté en date du 7 août 2014, le préfet de la Somme a donné l'autorisation à la SCEA Terramesnil d'exploiter une surface complémentaire de 27,9972 hectares de terres provenant de l'exploitation de M. [V] [O], cette surface complémentaire ayant pour effet de porter la surface totale exploitée par la SCEA à 212,0172 hectares.
Il existe ainsi une parfaite cohérence dans la suite des autorisations administratives d'exploiter rendues par l'autorité préfectorale de la Somme.
Dès lors par ailleurs que les terres en litige sont exploitées dans le cadre d'une personne morale il suffit que cette dernière soit titulaire d'une autorisation administrative d'exploiter, ce qui est indiscutablement le cas des terres objet du litige. C'est bien vainement à cet égard que les appelantes suggèrent le fait que les 36,64 hectares exploités par Mme [O] en 2012 et évoqués par l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2012 pourraient être autres que les parcelles objet du litige alors que les superficies concordent parfaitement et qu'il résulte du relevé d'exploitation établi par la MSA du Pas de Calais à la date du 27 avril 2012 soit antérieurement à la constitution de la SCEA avec son fils au cours de l'été 2012 que les seules parcelles exploitées par Mme [O] correspondent précisément à l'assiette des baux consentis par les parties appelantes.
C'est tout aussi vainement que les parties appelantes font valoir qu'il n'est pas possible de déterminer si M. [X] [O] n'est pas par ailleurs exploitant à titre individuel en parallèle de son activité au sein de la SCEA, ce point étant important dès lors qu'à la suite de la loi du 13 octobre 2004 lors de l'entrée en vigueur du schéma régional des structures agricoles à compter du 1er juillet 2016, les surfaces mises en valeur par l'exploitant à titre individuel et par ailleurs associé, doivent être cumulées pour savoir si la société est en conformité avec le contrôle des structures. En effet, la comparaison entre le relevé parcellaire de [X] [O] auprès de la MSA de la Picardie d' avril 2012 soit avant la création de la SCEA de Terramesnil et les différents relevés parcellaires de la SCEA de Terramesnil fait apparaître que les parcelles qui étaient exploitées antérieurement par [X] [O] sont bien incluses dans les terres exploitées par la personne morale, et qu'il n'y a donc pas cumul sur ce point.
Il convient dès lors de conclure que [X] [O] satisfait bien au contrôle des structures au regard des autorisations accordées à la SCEA de Terramesnil dont il est gérant et associé exploitant.
Sur le matériel pour exploiter :
Il convient pour la cour de relever que par définition M. [X] [O] va continuer à exercer son activité au sein de la SCEA [O], société au capital social de 150 000 euros. Ladite société fonctionne apparemment sans difficultés depuis plus de 10 années
Il a par ailleurs été produit aux débats l'état des immobilisations de cette société, la cour n'y trouvant pas d'éléments de nature à remettre en cause l'insuffisance de matériel de nature à remettre en cause la possibilité d'exploiter les parcelles, étant précisé qu'une partie du matériel peut donner lieu à location.
Enfin, les comptes arrêtés au 31 décembre 2020 font apparaître l'existence d'un nouveau tracteur Claas de 2011 Axion acheté en crédit-bail mobilier.
Dès lors, c'est à bon droit que le jugement entrepris a constaté que les qualités exigées du cessionnaire étaient acquises et qu'il convenait en conséquence d'autoriser la cession de bail.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a autorisé cette cession.
Sur les dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
Au vue de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] aux dépens de première instance.
Les appelantes succombant par ailleurs en leur appel en supporteront les dépens.
Le jugement sera par contre réformé en ses dispositions relatives à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les parties appelantes seront condamnées chacune à payer une indemnité de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Constate qu'elle n'est pas saisie d'un appel concernant les dispositions du jugement querellé qui ont rejeté la demande en paiement de la somme de 1046.69 euros, au titre des fermages 2018/2019, présentée par Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] ;
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à y ajouter que le congé délivré par Mmes [F] épouse [J] et [F] épouse [M] le 26 mars 2019 est annulé en ce qu'il a été délivré pour refus de renouvellement pour compromission du fonds, ce même congé étant sans effet en ce qu'il a délivré en raison de l'âge du preneur et sauf en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première
instance ;
Condamne Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] à payer chacune à Mme [B] [L] épouse [O] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel.
Condamne in solidum Mme [C] [F] épouse [J] et Mme [A] [F] épouse [M] aux dépens d'appel ;
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS