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13/04/2023 | FRANCE | N°18/06499

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 13 avril 2023, 18/06499


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 13/04/2023





****





N° de MINUTE : 23/149

N° RG 18/06499 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R7W5



Jugement (N° 17/04129) rendu le 19 Octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de LILLE







APPELANTES



SA MMA IARD

[Adresse 2]

[Localité 6]



SA MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits et obligations d

e la Société Azur Assurances

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentées par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille substitué par Me Joséphine Lalieu, avocat au barreau de Lille



INTIMÉS



Monsieur [J] [...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 13/04/2023

****

N° de MINUTE : 23/149

N° RG 18/06499 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R7W5

Jugement (N° 17/04129) rendu le 19 Octobre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

APPELANTES

SA MMA IARD

[Adresse 2]

[Localité 6]

SA MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits et obligations de la Société Azur Assurances

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentées par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille substitué par Me Joséphine Lalieu, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [J] [D]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Madame [E] [Z] épouse [D]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Madame [R] [D]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Sebastien Petit, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Nicolas Pelletier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Caisse Primaire d'Assurance Maladie

[Adresse 4]

[Localité 5]

Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 14 janvier 2019 à personne habilitée

Monsieur [X] [D]

né le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 7] ([Localité 7])

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Sebastien Petit, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Nicolas Pelletier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 09 février 2023 tenue par Guillaume Salomon et Claire Bertin, magistrats chargés d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 30 septembre 2006 alors qu'il circulait sur sa motocyclette sur l'autoroute A22 en direction de Gand, M. [J] [D] a été victime d'un accident corporel de la circulation routière, impliquant le véhicule conduit par M. [K] [W], assuré auprès de la société MMA Iard.

La motocyclette, qui progressait sur la voie de gauche, a été percutée par le véhicule automobile de M. [W] qui s'est déporté brusquement de droite à gauche, cherchant à éviter un véhicule qui s'était inséré sans précaution devant lui, et avait franchi la ligne blanche continue qui séparait la voie de jonction entre l'autoroute A22 et la route nationale RN356.

M. [J] [D] a présenté des suites de la collision des fractures du coccyx, de l'aileron sacré S4S5, de l'humérus droit, du scaphoïde gauche, des tibia et péroné droits avec perte de substance osseuse, du fémur gauche, un 'dème cérébral, un traumatisme crânien, et des opacités pulmonaires.

Une expertise amiable a été réalisée par les docteurs [B] et [Y] ; sur la base du rapport déposé le 8 mars 2010, la société MMA Iard a présenté une offre d'indemnisation qu'a refusée M. [J] [D]. L'assureur a cherché à lui opposer une faute de nature à limiter son droit à indemnisation de 25%, lui reprochant d'avoir conduit sa motocyclette à vitesse excessive et sous stupéfiants.

Afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices à la suite de ce fait dommageable, M. [J] [D], son épouse, Mme [E] [Z], ses enfants, Mme [R] [D] et M. [X] [D] alors mineur, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lille la société MMA Iard et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille par actes d'huissier délivrés le 16 juillet 2015.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 19 octobre 2018, le tribunal judiciaire de Lille a notamment :

1. rejeté l'intervention volontaire de la société MMA Iard assurances mutuelles ;

2. dit que M. [J] [D] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006 ;

3. condamné la société MMA Iard à payer à M. [J] [D] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

a. 4 493,04 euros pour les dépenses de santé restées à sa charge ;

b. 2 441,08 euros pour les frais divers ;

16 758 euros pour l'assistance par tierce personne temporaire ;

d. 10 023,66 euros pour la perte de gains professionnels actuels ;

e. 31 177,50 euros pour le déficit fonctionnel temporaire ;

f. 60 000 euros pour les souffrances endurées ;

g. 10 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire ;

h. 16 511,88 euros pour les frais d'adaptation du véhicule ;

i. 33 776,35 euros pour l'assistance par tierce personne spécialisée définitive ;

j. 150 000 euros pour l'incidence professionnelle ;

k. 180 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent ;

l. 5 000 euros pour le préjudice d'agrément ;

m. 40 000 euros pour le préjudice esthétique permanent ;

n. 10 000 euros pour le préjudice sexuel ;

4. dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées et dûment quittancées ;

5. sursis à statuer sur la liquidation des postes de préjudices afférents à la perte de gains professionnels futurs, à l'assistance par tierce personne non spécialisée définitive, à l'aménagement du domicile et du couchage ainsi qu'à l'aide à la mobilité ;

6. condamné la société MMA Iard à verser à M. [J] [D] les provisions suivantes :

263 790,81 euros au titre de l'assistance par tierce personne définitive non spécialisée ;

165 000 euros au titre des frais d'adaptation du logement, du couchage et de la locomotion ;

7. condamné la société MMA Iard à payer à Mme [E] [Z] les sommes suivantes :

19 659,36 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de revenus ;

15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice sexuel ;

8. condamné la société MMA Iard à payer à M. [X] [D] devenu majeur la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

9. condamné la société MMA Iard à payer à Mme [R] [D] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

10. ordonné la capitalisation des intérêts à échoir au titre des sommes précitées par année entière à compter du jugement ;

11. sursis à statuer sur le montant définitif de l'assiette de la pénalité due par la société MMA Iard en application des articles L. 211-9 et suivants du code des assurances ;

12. condamné la société MMA Iard à payer à M. [J] [D], à titre provisionnel, les intérêts au double du taux légal sur la somme de 1 349 853,51 euros, et ce du 31 mai 2007 jusqu'au jugement ;

13. ordonné la capitalisation des intérêts tels qu'échus sur cette somme par année entière à compter du 16 juillet 2015 ;

14. condamné la société MMA Iard à verser au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 211-14 du code des assurances et dit qu'une copie du jugement serait adressée à cet organisme par le greffe du tribunal judiciaire de Lille ;

15. condamné la société MMA Iard aux dépens de Mme [E] [Z], M. [X] [D], Mme [R] [D] ;

16. condamné la société MMA Iard aux dépens exposés par M. [J] [D] au titre du jugement ;

17. condamné la société MMA Iard à payer à M. [J] [D] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

18. ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 750 000 euros ;

19. avant dire droit, confié à Mme [S] [A] une mesure d'expertise médicale de M. [J] [D] pour décrire et quantifier ses besoins en assistance par une tierce personne après le 1er février 2010, pour dire si son licenciement prononcé pour inaptitude au poste le 2 décembre 2016 trouvait son origine dans les séquelles de l'accident, et pour chiffrer le montant des frais médicaux futurs hors pension d'invalidité ;

20. avant dire droit, confié à M. [J] [O] une mesure d'expertise en ergothérapie portant sur le logement et l'adaptation des matériels de la victime hors véhicule automobile ;

21. réservé les dépens futurs ;

22. débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 30 novembre 2018, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. La procédure :

Suivant ordonnance d'incident rendue le 12 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a complété la mission de l'expert [A] en l'invitant à procéder à l'évaluation des besoins de M. [J] [D] en assistance par une tierce personne à compter de la consolidation de son état, et de déterminer le lien de causalité entre son licenciement et le fait dommageable initial ; il a également élargi la mission d'expertise en ergothérapie sur le logement et l'adaptation des matériels en la confiant à un collège d'experts, à savoir M. [I] [N], architecte, et M. [J] [O], ergothérapeute.

Suivant ordonnance d'incident du 27 mai 2021, le magistrat chargé de la mise en état a confié à l'expert [A] mission d'évaluer les besoins de la victime en assistance par une tierce personne jusqu'à la consolidation de son état, et sur l'ensemble de ses composantes, puis à compter de sa consolidation, et destinée exclusivement à satisfaire les besoins correspondant aux travaux de jardinage et d'entretien de son domicile.

5. Les prétentions et moyens des parties :

5.1. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2022, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles (les MMA), appelantes principales, venant aux droits de la société Azur assurances, demande nt à la cour d'infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- avant dire droit, surseoir à statuer sur les postes de préjudices soumis à recours dans l'attente d'un relevé actualisé des débours de la CPAM ;

- sur le fond, dire et juger que M. [J] [D] a commis une faute de conduite limitant son droit à indemnisation de 25% ;

- fixer l'indemnisation du préjudice corporel de M. [J] [D] de la façon suivante :

4 542,54 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

2 441,08 euros au titre des frais divers ;

5 490 euros au titre des frais d'expertise ;

62 045 euros au titre de l'assistance par une tierce personne avant consolidation ;

10 023,66 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

85 643,45 euros au titre des dépenses de santé futures ;

mémoire au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

mémoire au titre de l'incidence professionnelle ;

197 290,87 euros au titre des vrais de logement adapté ;

18 872,04 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

767 781,50 euros au titre de l'assistance permanente par une tierce personne ;

26 281,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

25 000 euros au titre des souffrances endurées ;

mémoire au titre du déficit fonctionnel permanent ;

15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- réduire de 25% les sommes allouées à M. [J] [D] et aux victimes indirectes en considération de ses fautes de conduite ;

- tenir compte des provisions déjà versées par leurs soins à hauteur de 983 100 euros pour M. [J] [D], et de 10 000 euros pour Mme [Z] ;

- le cas échéant, condamner M. [J] [D] à leur restituer le trop-perçu ;

- débouter M. [J] [D], son épouse et ses deux enfants du surplus de leurs demandes.

A l'appui de leurs prétentions, les MMA font valoir que :

- le relevé de débours de la CPAM date du 10 décembre 2011, et ne permet pas à la cour de liquider les postes soumis au recours subrogatoire de l'organisme de sécurité sociale ;

- M. [J] [D] ne justifie pas des arrérages échus et à échoir de la rente invalidité qu'il perçoit de la CPAM ;

- M. [J] [D] conduisait sa motocyclette à vitesse excessive et avait consommé du cannabis lorsque s'est produit l'accident ; en outre, il a régularisé le 6 novembre 2013 un procès-verbal de transaction avec son assureur, lequel mentionnait « droit à indemnité : 75% » et portait sur le règlement d'une provision complémentaire ;

- il convient de retenir le barème BRCIV 2021 pour capitaliser les dépenses futures.

5.2. Aux termes de leurs conclusions notifiées le 4 juillet 2022, M. [J] [D], Mme [E] [Z] épouse [D], Mme [R] [D], M. [X] [D], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

dit que M. [J] [D] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences de l'accident survenu le 30 septembre 2006 ;

condamné la société MMA Iard à verser à M. [X] [D] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

condamné la société MMA Iard à verser à Mme [R] [D] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

ordonné la capitalisation des intérêts légaux à compter du jugement ;

ordonné la capitalisation des intérêts au double du taux légal au titre de l'article L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances dont l'assiette était constituée de la créance indemnitaire de la victime et de la créance de la CPAM sans déduction des provisions à compter du 16 juillet 2015, date de délivrance de l'assignation à l'assureur en cause, et ayant énoncé pour la première fois cette prétention ;

condamné la société MMA Iard à verser au FGAO la somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 211-14 du code des assurances, et dit qu'une copie du jugement serait adressée à cet organisme par le greffe de la juridiction ;

condamné la société MMA Iard aux dépens de Mme [E] [Z], de M. [X] [D], de Mme [R] [[D]] ;

- réformer le jugement entrepris pour le surplus ;

- y ajoutant, fixer le préjudice de M. [J] [D] comme suit :

Poste de préjudice

Montant en euros

Quote-part à la charge du responsable à hauteur de 100%

Part revenant à la victime directe

Solde revenant à la CPAM

Préjudices patrimoniaux [en euros]

Préjudices patrimoniaux avant consolidation

Dépenses de santé actuelles

248170,59

248170,59

4493,04

243677,55

Frais divers

133921,08

133921,08

133921,08

0

Pertes de gains professionnels actuels

65637,5

65637,5

10053,66

55613,84

Total

447729,17

447729,17

148467,78

299291,39

Préjudices patrimoniaux après consolidation

Dépenses de santé futures

113995,09

113995,09

80871,96

33123,13

Pertes de gains professionnels futurs

1741476,47

1741476,47

1741476,47

0

Incidence professionnelle

300000

300000

300000

0

Frais de logement adapté

197290,87

197290,87

197290,87

0

Frais de véhicule adapté

789638,88

789638,88

789638,88

0

Assistance par une tierce personne

1443158

1443158

1443158

0

Total

4585559,31

4585559,31

4585559,31

33123,13

Total des préjudices patrimoniaux

5033288,48

5033288,48

4700903,96

332414,52

Préjudices extra-patrimoniaux [en euros]

Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation

Déficit fonctionnel temporaire

34641,66

34641,66

34641,66

0

Souffrances endurées

75000

75000

75000

0

Préjudice esthétique temporaire

12000

12000

12000

0

Total

121641,66

121641,66

121641,66

0

Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation

Déficit fonctionnel permanent

300000

300000

300000

0

Préjudice d'agrément

25000

25000

25000

0

Préjudice esthétique permanent

35000

35000

35000

0

Préjudice d'établissement

40000

40000

40000

0

Préjudice sexuel

10000

10000

10000

0

Total

410000

410000

410000

0

Total des préjudices extra-patrimoniaux

531641,66

531641,66

531641,66

0

Total des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux

5564930,14

5564930,14

5232545,62

332414,52

en conséquence,

- condamner la société MMA Iard à verser à M. [J] [D] une indemnité de 5 232 545,62 euros ;

- surseoir à l'indemnisation du préjudice de M. [J] [D] résultant de l'aménagement de son véhicule si la juridiction n'était pas suffisamment éclairée au regard des rapports de M. [J] [O] validant les aides techniques nécessaires à l'autonomie de la victime et imposant l'acquisition d'un véhicule particulier, et ordonner une expertise pour déterminer le véhicule le plus adapté à l'état séquellaire de la victime et aussi à la nécessité de transporter les aides techniques ;

- juger que la société MMA Iard n'a pas présenté d'offre provisionnelle dans le délai de huit mois de l'accident survenu le 30 septembre 2006, soit avant le 31 mai 2007, ni d'offre définitive dans le délai de cinq mois à compter de la connaissance de la consolidation de l'état de santé de la victime, le rapport des docteurs [Y] et [B] étant daté du 3 mars 2010, soit avant le 3 août 2010, et juger que la proposition d'indemnisation du 4 avril 2011 à hauteur de 126 694,48 euros est dérisoire, en conséquence, condamner la société MMA Iard à payer les intérêts au double du taux légal échus sur la créance indemnitaire de la victime et la condamnation au titre des débours de la CPAM, sans déduction des provisions, sur la période du 31 mai 2007 jusqu'à l'arrêt à venir ;

- condamner la société MMA Iard à verser à Mme [E] [Z] épouse [D] les sommes suivantes :

20 000 euros au titre de son préjudice d'affection et d'accompagnement;

29 257,71 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de revenus ;

10 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;

100 000 euros au titre de la perte de l'exécution du devoir de secours et d'assistance qu'elle est en droit d'attendre de son mari ;

40 000 euros au titre de sa perte de perspective d'évolution sur le marché du travail, de sa perte nécessaire de droits à la retraite ;

199 257,71 euros en réparation de son préjudice ;

- condamner la société MMA Iard à verser à Mme [E] [Z] épouse [D], à Mme [R] [D] et à M. [X] [D], la somme de 15 000 euros chacun à titre d'indemnité pour résistance abusive ;

- juger, à titre principal et vu l'article 1342-7 du code civil, que la société MMA Iard sera condamnée au stade de l'obligation à la dette, aux sommes dues au titre de l'article A. 444-32 du code de commerce (ancien article 10 du tarif des huissiers) en cas d'absence des condamnations volontaires de la part de la société MMA Iard ; à titre subsidiaire, juger, vu les articles 1301 et 1346-1 du code civil, que la société MMA Iard garantira au stade de la contribution à la dette les sommes avancées au titre de l'article A. 444-32 du code de commerce ;

- juger que les paiements s'imputeront d'abord sur les intérêts ;

- juger que les intérêts légaux seront capitalisés à compter du jugement de première instance et, à défaut, à compter de l'arrêt ;

- juger que les intérêts au double du taux légal seront capitalisés à compter du 16 juillet 2015, date de l'assignation délivrée à l'assureur en cause et ayant énoncé pour la première fois la demande d'anatocisme ;

- juger que l'article L. 313-3 du code monétaire et financier trouvera à s'appliquer;

- condamner la société MMA Iard à payer à M. [J] [D] une indemnité de 30 000 euros uniquement pour la première instance, et 50 000 euros pour l'instance d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société MMA Iard aux entiers frais et dépens, y compris les frais d'expertise.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [D] font valoir que :

- l'implication du véhicule automobile assuré par la société Azur assurances, aux droits de laquelle vient la société MMA Iard, dans l'accident survenu le 30 septembre 2006 n'est pas contestée ;

- lors de sa man'uvre d'évitement sur l'autoroute, M. [W] n'a pas vérifié la présence d'un autre conducteur sur la voie de gauche, et n'a pas vu la motocyclette qui arrivait ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre la présence de cannabis à un très faible taux dans le sang de la victime, et la réalisation du préjudice qu'elle a subi ;

- le témoin, qui indique avoir été dépassé par le droite par une motocyclette qui circulait à une vitesse excessive, n'a pas assisté à l'accident, n'a pas été en mesure de reconnaître la marque ni le type de l'engin ; la vitesse de la motocyclette au moment de l'accident reste impossible à évaluer ;

- il y a lieu d'appliquer le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2020 pour évaluer les frais futurs.

5.3. La CPAM de Lille, régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications, et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendues ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. [']

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

A titre liminaire, la cour entend relever diverses difficultés à l'examen des dernières conclusions des parties :

- la société MMA Iard assurances mutuelles venant aux droits de la société Azur assurances n'articule pas en appel la raison pour laquelle elle entend intervenir volontairement à l'instance aux côtés de la société MMA Iard, ni l'intérêt éventuel qu'elle poursuit dans ce cadre ;

- s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, M. [J] [D] s'abstient de verser au débat le décompte de débours actualisé de la CPAM avec le versement de la rente invalidité après consolidation, et affirme sans en justifier que c'est « par erreur » que le décompte arrêté au 10 décembre 2011 mentionne un capital invalidité et des arrérages échus ;

- s'agissant des frais de véhicule adapté, M. [J] [D] sollicite l'acquisition d'un véhicule Touareg VW neuf à boîte automatique au prix de 96 745 euros à renouveler tous les 5 ans sans préciser le surcoût strictement imputable à l'adaptation à son handicap de son véhicule actuel, tandis que les MMA offrent dans le dispositif de leurs conclusions une indemnisation de 18 872,04 euros après avoir conclu au débouté de ce chef dans leur argumentaire ;

- Mme [E] [Z] rédige son dispositif de telle sorte qu'elle réclame deux fois l'indemnisation des mêmes préjudices personnels au titre du préjudice d'affection et d'accompagnement, de la perte de revenus, du préjudice sexuel, de la perte de l'exécution du devoir de secours et d'assistance qu'elle est en droit d'attendre de son mari, de sa perte de perspective d'évolution sur le marché du travail et de sa perte de droits à la retraite.

Suivant message sur le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) du 23 mars 2023, le conseil des intimés, sans qu'il y ait été autorisé par la cour, a adressé une note en délibéré à laquelle étaient joints l'ensemble des avis d'impôt sur le revenu des époux [D] de 2011 à 2020, et un relevé définitif des débours de la CPAM de Roubaix-Tourcoing arrêté au 20 mars 2023, lequel ne comporte l'imputation d'aucun capital d'invalidité.

Par deux messages RPVA du 5 avril 2023, le conseil des MMA a d'abord invité la cour à écarter des débats les observations formulées et les pièces communiquées après clôture par son adversaire, puis sollicité la réouverture des débats afin que soit respecté le principe de la contradiction.

Suivant message RPVA en réponse le 5 avril 2023, le conseil des consorts [D] a objecté qu'il n'était pas responsable des communications tardives de la caisse, et a maintenu sa demande tendant à la prise en considération de l'ensemble de ses observations et pièces.

En définitive, alors que la production tardive d'un relevé actualisé des débours constitue notamment une cause grave survenue depuis l'ordonnance de clôture, les parties s'accordent pour une réouverture des débats à laquelle il convient de faire droit en application des articles 16 et 803 précités, la cour les invitant à présenter toutes observations utiles sur les points suivants :

- le motif pour lequel la société MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Azur assurances, entend intervenir volontairement à l'instance aux côtés de la société MMA Iard, et l'intérêt qu'elle poursuit dans ce cadre ;

- s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, la production du décompte actualisé des débours de la CPAM de Roubaix-Tourcoing arrêté au 20 mars 2023, et l'imputabilité des créances du tiers payeur sur les sommes revenant à M. [J] [D] ;

- s'agissant des frais de véhicule adapté, le surcoût strictement imputable à l'adaptation au handicap du véhicule appartenant à la victime au moment de l'accident, et le cas échéant l'offre de l'assureur y afférente ;

- la double indemnisation de l'ensemble des préjudices réclamés par Mme [E] [Z] épouse [D].

L'affaire étant renvoyée devant le conseiller de la mise en état, une telle réouverture des débats emporte révocation de l'ordonnance de clôture.

La cour ordonne sursis à statuer sur l'ensemble des prétentions des parties.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à réserver les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, avant dire droit,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille rendu le 19 octobre 2018,

Vu les articles 16 et 803 du code de procédure civile,

Ordonne la réouverture des débats ;

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 23 janvier 2023 ;

Invite les parties à formuler toutes observations utiles notamment sur les points suivants :

- le motif pour lequel la société MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Azur assurances, entend intervenir volontairement à l'instance aux côtés de la société MMA Iard, et l'intérêt qu'elle poursuit dans ce cadre ;

- s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, la production du décompte actualisé des débours de la CPAM de Roubaix-Tourcoing arrêté au 20 mars 2023, et l'imputabilité des créances du tiers payeur sur les sommes revenant à M. [J] [D] ;

- s'agissant des frais de véhicule adapté, le surcoût strictement imputable à l'adaptation au handicap du véhicule appartenant à la victime au moment de l'accident, et le cas échéant l'offre de l'assureur y afférente ;

- la double indemnisation de l'ensemble des préjudices réclamés par Mme [E] [Z] épouse [D] ;

Renvoie la cause et les débats à l'audience du lundi 12 juin 2023 à 9 heures devant le magistrat chargé de la mise en état à la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Douai, à charge pour les intimés de conclure et communiquer leurs nouvelles pièces au plus tard le 11 mai 2023, et pour les appelantes de conclure et communiquer leurs pièces au plus tard le 8 juin 2023 ;

Ordonne sursis à statuer sur l'ensemble des prétentions des parties, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Fabienne DUFOSSÉ Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 18/06499
Date de la décision : 13/04/2023
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;18.06499 ?
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